1.1. Les relations de premier ordre et les relations de second ordre

Théorie de Diamond et Carey (1986)

Diamond et Carey (1986) ont distingué deux types d’information de configuration, les relations de premier ordre et les relations de second ordre. De manière générale, les propriétés relationnelles de premier ordre (‘ « ’ ‘ first-order relational properties ’”) font référence aux relations spatiales entre les parties d’un stimulus, par exemple, le fait que les yeux sont au-dessus du nez, ou qu’un arbre est à gauche d’un lac. Les auteurs postulent que nous utilisons des propriétés de relations de premier ordre pour reconnaître et discriminer des stimuli ayant des traits similaires mais ne partageant pas la même configuration, par exemple, deux paysages différents. Un exemple de relation de premier ordre dans une scène de paysage serait la distance entre un rocher au premier plan et un arbre au second plan (Diamond & Carey, 1986, p.110). Ainsi, des stimuli qui diffèrent sur l’information de configuration de premier ordre présentent des parties similaires dans des arrangements spatiaux différents, par exemple, deux paysages avec des lacs, des arbres et des montagnes ayant des relations distinctes les uns avec les autres (Rhodes, 1988, p.45). Par opposition aux propriétés relationnelles de premier ordre, les propriétés relationnelles de second ordre (‘ « ’ ‘ second-order relational properties” ’) correspondent à des relations existant entre des éléments qui partagent une même configuration (Diamond & Carey, 1986, p.110). Elles permettent ainsi de distinguer, par exemple, les visages de deux individus différents (ou, par extension, le visage d’un même individu présentant des expressions émotionnelles différentes). En effet, les visages (et, par extension, les expressions faciales émotionnelles) sont un exemple de stimuli qui, ayant le même arrangement de base de leurs parties, diffèrent par des perturbations subtiles de ce pattern. Ces perturbations sont des variations de l’information de configuration de second ordre (Rhodes, 1988, p.45, note de bas de page). Plus précisément, les propriétés relationnelles de second ordre font référence d’une part, à la configuration spatiale entre les parties d’un stimulus, et d’autre part, à la tendance centrale ou configuration spatiale prototypique de ses parties. Ainsi, pour un visage ayant des yeux largement espacés, la déviation de la localisation d’un œil sur ce visage comparée au visage moyen est un exemple d’une relation spatiale de second ordre (Tanaka & Farah, 1991, p.368).

Une preuve en faveur de la séparation de ces deux aspects de traitement de configuration est que, lorsque les visages sont présentés à l’envers, la reconnaissance de leur identité basée sur la distance entre les traits est difficile alors que la détection des relations de premier ordre (c’est-à-dire percevoir un stimulus comme un visage) reste correcte (Maurer et al., 2002). De plus, de nombreux stimuli qui se différencient par leurs propriétés relationnelles de premier ordre ne sont pas encodés par leurs relations spatiales de second ordre ; la raison en est qu’une configuration prototypique de leurs parties n’existe pas. Les paysages sont un exemple d’une telle classe de stimuli : il n’existe pas de tendance centrale à l’arrangement d’arbres, de collines, et de lacs dans les paysages (Tanaka & Farah, 1991, p.368). Diamond et Carey (1986) ont souligné également que, même si une tendance centrale existe effectivement dans l’arrangement de parties d’une classe de stimuli, l’observateur doit être équipé de connaissances préalables sur la configuration prototypique des parties du stimulus pour qu’il puisse ainsi détecter les relations de second ordre. Diamond et Carey ont suggéré que, de toutes les classes de stimuli dont les structures spatiales permettraient l’encodage des propriétés relationnelles de second ordre, la seule pour laquelle la plupart des gens ont suffisamment d’expertise pour utiliser les propriétés de second ordre est la classe des visages (et, par extension, des expressions faciales émotionnelles). Même si des modèles de reconnaissance des visages basés seulement sur les traits de premier ordre ont été proposés (par exemple, Winograd, 1981), sous des conditions naturelles où il est utile de discriminer des centaines de visages, la reconnaissance des visages (et, par extension, des expressions faciales émotionnelles) requiert l’encodage de l’information sur des variations subtiles de la forme des traits faciaux ou de l’espace existant entre ces traits.