1.4. Synthèse

1.4.1. Information de premier et de second ordre, information relationnelle et information holistique

Nous proposons que les traits de second ordre définis par Rhodes (1988) pourraient s’apparenter à l’information de configuration de second ordre proposée par Diamond et Carey (1986). De plus, comme Diamond et Carey, Rhodes, Brake, Taylor, et Tan (1989) considèrent que l’expertise est associée avec une plus grande utilisation de l’information de configuration des visages. Cependant, contrairement à Diamond et Carey, qui ont suggéré que les relations de second ordre sont plus informatives que les relations de premier ordre, Rhodes considère qu’entre les traits de premier et de second ordre, ces derniers ne sont pas plus importants. Par ailleurs, il nous semble que la théorie de Baenniger (1994), définie en termes de position absolue et relative des traits, ne donne pas d’information vraiment pertinente. En effet, tous les êtres humains possèdent des yeux, un nez et une bouche, traits positionnés dans cet ordre sur un visage, de haut en bas ; la configuration relationnelle correspond à celle de Diamond et Carey. Cette étude n’était utile que pour comparer les performances des adultes et des enfants.

Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de consensus sur la terminologie, puisque certains auteurs restreignent le terme « traitement de configuration ” à un type de traitement relationnel, tandis que d’autres appliquent le terme sans discrimination aux trois types ou font une distinction entre seulement deux des trois types. Il demeure que l’information de configuration est très importante dans la perception des visages et des expressions faciales. Dans une certaine mesure, elle peut être considérée comme un exemple d’un résultat plus général qui fait que sous certaines conditions, les propriétés globales du stimulus prennent préséance dans la perception visuelle (Martin, 1979 ; Navon, 1977 ; Pomerantz, 1983).

Comment les travaux présentés dans les sections précédentes sont-ils liés à l’idée que la reconnaissance des visages et la reconnaissance des expressions faciales sont particulièrement dépendantes de la « configuration ” ? Si, par « représentation de configuration ”, on entend une représentation dans laquelle les relations spatiales entre les parties d’un visage sont aussi importantes que les parties elles-mêmes (Haig, 1984 ; Hosie, Ellis, & Haig, 1988), alors on peut considérer que les concepts de représentations de configuration et de représentations holistiques sont très similaires, et même peut-être identiques. Dans une perspective extrême, si l’on considère que, dans les représentations de configuration, les relations spatiales entre deux parties du visage (par exemple, entre les deux yeux) sont spécifiées de manière aussi précise que les relations spatiales constituant une partie (par exemple, un œil est constitué d’une pupille centrale et de cils autour), alors il semblerait que les parties ont perdu leur statut spécial qui permettait de les distinguer des représentations holistiques. Probablement, pour cette raison, les termes « holistique ”et « configuration ” ont souvent été utilisés de façon interchangeable dans la littérature portant sur la reconnaissance des visages et sur la reconnaissance des expressions faciales. Une illustration est l’utilisation par certains auteurs (par exemple, White, 2000, pp.41-42) de l’expression « configuration holistique ”. Dans une seconde perspective, Maurer et al. (2002) ont considéré le traitement holistique comme une sous-composante du traitement de configuration. D’après ces auteurs, trois types de traitement de configuration opèrent dans un certain ordre fonctionnel et neuronal : la détection d’un visage basée sur des relations de premier ordre, puis, le traitement holistique et, enfin, la détection des relations de second ordre. Cela dit, ils n’excluent pas la possibilité que les trois types de traitement de configuration opèrent largement en parallèle, ou que, sous certaines conditions, un plus haut niveau (par exemple, le niveau de la détection des relations de second ordre) puisse opérer de manière experte en l’absence de traitement à un autre niveau (par exemple, au niveau du traitement holistique).Enfin, n’oublions pas que l’origine de l’hypothèse holistique se trouve dans l’hypothèse de configuration. Il y a encore quelques années, jusqu’à la fin des années 1980 ou même le début des années 1990, ces deux hypothèses n’en formaient qu’une. En reprenant l’idée de l’existence d’une gestalt faciale, certains auteurs ont mis en relief l’idée de Galton, que l’on reconnaît les visages comme un tout («as a whole”, ou selon sa propre expression «at a single glance”, voir la fin du chapitre 1), en dehors de toute distinction des termes « configuration ” ou « holistique ” (par exemple, Carey & Diamond, 1977 ; Diamond & Carey, 1986 ; Sergent, 1984b ; Young et al., 1987).