1.5. Extensions de la notion de configuration et conclusion

1.5.1. Extensions de la notion de configuration

Trois hypothèses supplémentaires, considérant l’information de configuration, ont été proposées : ‘ « ’ ‘  l’hypothèse basée sur la norme  ’”, quiconçoit l’information de traits et l’information de configuration en termes de déviations par rapport au visage ou à l’expression normalisé(e), ‘ « ’ ‘  l’hypothèse de la hiérarchie de schémas  ’”, qui conçoit les deux types d’information comme organisés dans des schémas d’un visage ou d’une expression et de leurs traits et ‘ « ’ ‘  l’hypothèse du double codage  ’”, qui propose que l'information relationnelle spatiale et l'information des composants sont encodées à travers des modes de traitement séparés.

L’hypothèse basée sur la norme considère que toute l’information faciale, relative aux traits et à la configuration du visage, est présente dans un système cognitif en tant que déviations par rapport à une norme, ou à une moyenne, ou encore en tant que distances d’un visage prototypique abstrait. Ces déviations accentuent les qualités des traits ou de la configuration d’un visage donné par rapport à la norme (par exemple, Rhodes et al., 1993 ; Rhodes, Brennan, & Carey, 1987 ; Rhodes, Carey, Byatt, & Proffitt, 1998 ; Valentine, 1991). Les caricatures sont construites sur ce principe (Benson & Perrett, 1991a, 1993 ; Moscovitch, Winocur, & Behrmann, 1997). Dans la littérature, le concept de ‘«’ ‘ système basé sur la norme ’” s’oppose au concept de ‘«’ ‘ système basé sur l’exemplaire ’”, dans lequel aucune norme n’existe, les visages étant codés comme des valeurs sur des dimensions individuelles (Rhodes et al., 1987 ; Valentine, 1991, 1995). Dans le domaine de l’expression faciale, les résultats de Calder et al. (2000b) ne vont pas dans le sens d’une représentation des expressions faciales selon un système basé sur une norme particulière. En effet, les résultats de cette étude étaient similaires quelle que soit la norme considérée (un visage neutre, un visage avec une expression moyenne, ou un visage avec une autre expression). Ainsi, le système le plus approprié pour le codage perceptif des expressions faciales semble résider dans un modèle basé sur l’exemplaire (Nosofsky, 1984, 1986), étant lui-même basé sur un espace multidimensionnel continu. Chaque dimension coderait soit les traits locaux soit les traits globaux, et chaque expression faciale nouvellement rencontrée serait catégorisée en termes de sa similarité globale à tous les autres exemplaires stockés. Par exemple, une expression de peur serait catégorisée comme « peur ” parce que plus similaire aux exemplaires de peur stockés qu’aux exemplaires de joie, de tristesse, de dégoût, etc. De plus, le fait que certaines configurations d’expressions faciales soient rencontrées plus que d’autres signifierait que des groupes de catégories particulières se formeraient. Contrairement à l’idée d’un espace régulièrement distribué, Calder et al. (2000b) ont proposé que l’espace contiendrait un certain nombre de régions très denses correspondant aux émotions (de base) fréquemment rencontrées (joie, tristesse, colère, peur, dégoût, surprise, etc.), chacune de ces régions étant séparée par des régions de faible densité d’exemplaires. Cela signifierait que ces régions de forte densité auraient un « statut spécial ”, idée qui n’est pas incohérente avec l’existence de catégories émotionnelles de base. Cette proposition pourrait être interprétée comme une façon de tenter de réconcilier les arguments dimensionnels et catégoriels de l’expérience émotionnelle.

L’hypothèse de la hiérarchie de schémas conçoit l’information relative aux traits et l’information relative à la configuration du visage comme organisées dans des schémas d’un visage et de ses traits. De nombreux stimuli complexes sont traités d’après des schémas existant dans le système cognitif (Goldstein & Chance, 1980 ; Rakover, 1999 ; Rakover & Teucher, 1997 ; Vernon, 1955 ; Wiseman & Neisser, 1974 ; Yuille, 1991). La reconnaissance des visages dépend d’un schéma du visage entier qui contient des schémas de traits. L’un des composants importants du schéma du visage entier est l’ordre spatial des traits faciaux internes : les yeux au-dessus du nez, lui-même au-dessus de la bouche. C’est en partie grâce à l’existence de ces schémas que nous pouvons créer par l’imagination des visages dans la forme des nuages. Il existe également des schémas de traits faciaux comportant des arrangements similaires. Par exemple, le schéma des yeux est basé sur l’ordre « sourcils au-dessus des yeux ”, les yeux contenant la pupille.

L’hypothèse du double codage considère que le traitement de configuration et le traitement basé sur les traits apportent tous deux une contribution importante à la reconnaissance d’un visage (Bartlett & Searcy, 1993 ; Cabeza & Kato, 2000 ; Carey & Diamond, 1977 ; Sergent, 1984a). Ils sont encodés à travers des modes de traitements séparés, un mode étant spécialisé pour l'encodage de l'information relationnelle spatiale, l'autre étant spécialisé pour l'encodage des composants (Searcy & Bartlett, 1996). Cette hypothèse prédit des effets d'inversion négatifs sur l'encodage des relations spatiales, mais de faibles effets d'inversion ou aucun effet d'inversion, ou même des effets d'inversion positifs sur l'encodage des composants. En effet, Searcy et Bartlett (1996) ont observé que le traitement de l'information concernant les composants n'est pas altéré par l'inversion. Ainsi, il semble que l'inversion affecte le traitement de l'information relationnelle spatiale plus que le, ou au contraire du, traitement de l'information propre aux composants. Il semble donc que l’effet d’inversion permette de s’affranchir de l’hypothèse du double codage. L’étude de Searcy et Bartlett (1996) est une des premières (après celle de Rhodes et al., 1993) à avoir explicitement comparé les effets d'inversion sur le traitement de l'information spatiale relationnelle et de l'information concernant les composants. La plupart des théories s’accordent pour affirmer que l'information spatiale relationnelle d'un type ou d'un autre est critique à la reconnaissance des visages, et que l'encodage d'une telle information est affecté par l'inversion. Reste la question de savoir si l'encodage de l'information spatiale relationnelle est affecté de manière disproportionnée par l'inversion, comparé à l'encodage des composants individuels. L'hypothèse du double codage postule que la réponse est oui, tandis que l’hypothèse holistique affirme que la réponse est non. Ces hypothèses mériteraient d’être testées plus avant.