4. L’hypothèse d’un codage catégoriel versus continu

Dans cette partie, nous exposerons l’hypothèse d’un codage catégoriel versus dimensionnel continu de l’expression faciale. Dans cette optique, le problème se pose en ces termes : ‘ « ’ ‘  how do we see emotions in facial expressions? Are they perceived as discrete entities, like islands jutting out of the sea, or are they more continuous, reflecting the structure beneath the surface?  ’» (Dailey, Cottrell, Padgett, & Adolphs, 2002, p.1158). Ces questions mettent en exergue deux versants de cette hypothèse, souvent présentés comme compétitifs. En effet, certains chercheurs ont suggéré que la reconnaissance des expressions faciales est un exemple de perception catégorielle (‘ « ’ ‘ categorical perception”ou CP). Ce point de vue considère les catégories d’expressions comme des entités discrètes ayant des frontières précises ; la discrimination des expressions est alors supérieure quand elle est proche de ces frontières. D’autres chercheurs, cependant, ont suggéré que la perception de l’expression faciale est plus graduée et que les expressions faciales peuvent être considérées comme des points dans un espace continu, de faible dimension, où, par exemple, les expressions de surprise font le lien entre les expressions de joie et de peur à cause de leur similarité perceptive. Selon ce point de vue, Bruce et Green (1990 p. 364) ont proposé que ‘ « ’ ‘  expressions are never all-or-none, but are graded and blended » ’. Imaginons un scénario, ‘ « ’ ‘  (...) someone pulls out a gun, aims it at you, squeezes the trigger, and thereby releases a flag on which is written the word ’ ‘ « ’ ‘ BANG”. Your emotions are likely to swing rapidly through the range from horror and fear to surprise followed by mirth (if you appreciated the joke) or anger (if you didn’t). These emotions are likely to be revealed in rapidly changing and blending expressions  ’»(p. 365).

Après avoir exposé la théorie évolutionniste des émotions, telle que décrite par Charles Darwin, nous examinerons comment cette théorie a permis à Paul Ekman de postuler l’existence d’émotions de base, et de proposer une perception catégorielle des expressions faciales. Puis, nous étudierons l’alternative à l’hypothèse catégorielle, c’est-à-dire la vision de perception continue. Ensuite, nous nous interrogerons sur la nature des représentations sous-tendant la perception catégorielle et sur la nature des représentations sous-tendant la perception continue des expressions faciales émotionnelles, à travers un modèle multidimensionnel. Enfin, nous exposerons la question de l’existence ou non d’un traitement spécifique à chaque émotion particulière, à travers l’étude de leurs corrélats neuronaux. Une synthèse clôturera cette partie.