4.3.2. Expériences de Young et al. (1997)

Young et al. (1997) avaient pour objectif de tester plus précisément les prédictions concernant les aspects catégoriels et multidimensionnels de la perception et de la reconnaissance des expressions faciales. Ils ont souligné que les théories structurales à deux dimensions (2-D) prédisent que si la représentation 2-D caractérise de manière adéquate notre perception des expressions faciales émotionnelles, le point central d’une expression obtenue par morphing se situant, par exemple, entre la joie et la peur, devrait être perçu comme une expression de surprise. Des points de vue catégoriels des expressions faciales émotionnelles, d’un autre côté, ne prédisent pas nécessairement une confusion le long des transitions entre les expressions faciales ; soit les transitions entre toutes les paires de catégories seraient nettes, soit elles correspondraient à des régions indéterminées pour lesquelles aucune émotion ne serait perçue. De plus, si le point de vue catégoriel est correct, les participants devraient trouver les expressions faciales difficiles à discriminer quand les paires de stimuli se trouvent dans une même catégorie, et faciles à discriminer quand les paires de stimuli se trouvent proches des frontières catégorielles, comme ce qui a été trouvé dans des études précédentes (Calder et al., 1996b ; Etcoff & Magee, 1992). Pour tester ces prédictions, Young et al. (1997) ont mené quatre expériences et construit des séquences de visages par morphing avec une haute qualité d’image. Dans l’expérience 1, Young et al. ont demandé aux participants d’identifier la catégorie émotionnelle pour des visages contenant des expressions faciales obtenues par morphing avec toutes les paires des six expressions prototypiques d’Ekman et Friesen (1976). Chaque nouvelle expression obtenue contenait un certain pourcentage d’une émotion A (x%) et un certain pourcentage d’une émotion B (100%-x%). Les visages présentaient ainsi 10% de A et 90% de B, 30% de A et 70% de B ou 50% de A et 50% de B. L’expérience 2 contenait en plus l’expression neutre. Dans les deux expériences, pour chaque transition des expressions, la réponse modale des participants aux stimuli changeait de manière abrupte d’une émotion à une autre sans transition. La réponse modale des participants était toujours l’un des points extrêmes de la séquence, jamais une catégorie proche, résultat prédit par les théories catégorielles des expressions faciales. Les temps de réponse des participants, cependant, étaient plus cohérents avec les arguments multidimensionnels ou liés faiblement avec la théorie catégorielle de la perception des expressions faciales : alors que la distance des prototypes augmentait, les temps de réponse augmentaient de manière significative, reflétant une incertitude sur l’appartenance des membres à une catégorie près des frontières catégorielles. Dans l’expérience 3, Young et al. (1997) ont exploré jusqu’où les participants pouvaient discriminer des paires de stimuli selon six transitions. Les participants effectuaient des tâches de discrimination entre deux stimuli proches. Les participants présentaient une meilleure discrimination près des frontières catégorielles (par exemple, entre un visage présentant 70% de A et 30% de B et un visage présentant 50% de A et 50% de B) que près des expressions prototypiques (par exemple, entre un visage présentant 70% de A et 30% de B et un visage présentant 90% de A et 10% de B), une condition nécessaire pour obtenir un effet de perception catégorielle. Ainsi, les résultats de l’expérience 3 sont plus en faveur d’un point de vue catégoriel de la perception des expressions faciales. Enfin, l’objectif de l’expérience 4 était de déterminer si les participants pouvaient déterminer quelles expressions étaient mélangées à une expression légèrement transformée par morphing. Les participants devaient décider, sur un visage donné, l’émotion la plus apparente, la seconde plus apparente et la troisième (sur un choix de six). Les participants étaient capables de détecter les trois émotions contenues dans les expressions. Ce résultat soutient l’idée d’une perception continue, dimensionnelle, des expressions faciales.