4.3.3. Synthèse

Plutôt que de trancher entre les théories catégorielles et continues de la perception des expressions faciales, les expériences de Young et al. (1997) ont apporté des arguments en faveur des deux types de théories. En effet, les auteurs ont proposé qu’un modèle 2-D de la perception des expressions faciales était incapable de rendre compte de toutes les données, mais ils ont également suggéré que l’idée forte d’une catégorisation irrépressible était, de même, défectueuse. Par rapport aux deux points de vue développés plus haut (point de vue catégoriel avec Ekman, point de vue continu avec Schlosberg), les résultats de Calder et al. (2000b) semblent plus cohérents avec l’idée que les expressions faciales sont codées comme des représentations de catégories discrètes. Cette interprétation va dans le sens des interprétations de Ekman et de ses collègues qui ont montré que chaque expression faciale de base est associée avec des patterns distincts des positions des muscles faciaux (Ekman & Friesen, 1978). Cependant, on ne peut pas rejeter l’idée d’un codage dimensionnel continu. En particulier, les études de Calder et al. (2000b) ont montré que les participants étaient très sensibles aux changements des intensités des expressions. Cela signifie que la représentation perceptive des expressions faciales code non seulement la présence ou l’absence de traits particuliers (yeux grands ouverts, nez retroussé, etc.) mais aussi la saillance des traits (la largeur des yeux ouverts, jusqu’à quel point le nez est fripé, etc.). Vue sous cet angle, l’idée d’un codage perceptif continu à un certain niveau ne semble pas complètement inappropriée (Calder et al., 2000b). Un point clé de cette étude est la prise en considération des intensités des expressions faciales, paramètre à partir duquel nous avons choisi dans notre étude de créer un continuum entre deux expressions faciales.

Les modèles computationnels de réseaux de neurones nous semblent un élément important à considérer dans l’étude de la perception et de la discrimination des expressions faciales. Le modèle de Dailey et al. (2002) rend compte de données issues de la psychologique sur la catégorisation, la similarité, les temps de réaction, la discrimination et les difficultés de reconnaissance, à la fois qualitativement et quantitativement. À travers leur modèle computationnel, les auteurs ont expliqué ainsi de nombreux phénomènes psychologiques complexes liés à la perception de l’expression faciale comme des conséquences naturelles des implémentations des tâches dans le cerveau. Nous reviendrons sur les modèles computationnels dans le chapitre suivant.