1.1. Bref historique : la naissance et l’évolution de l’IRMf

C’est en s’intéressant au cas de M. Leborgne (plus connu dans le monde de la neuropsychologie sous le nom de « tan ”) que Paul Broca eut l’idée d’associer la perte d’une fonction cognitive à une lésion cérébrale précise. De sévères troubles du langage (aphasie) avaient en effet été décrits chez ce patient, consécutivement à la lésion d’une zone spécifique de la partie postérieure du lobe frontal gauche. Cette région sera par la suite baptisée ‘«’ ‘ aire de Broca ’”, du nom du chirurgien ayant pratiqué l’autopsie et réalisé ces études en 1861 (voir Berker, Berker, & Smith, 1986). Ces travaux constituent ainsi une première démonstration concrète des liens susceptibles d’être établis entre une fonction cognitive donnée (par exemple, la linguistique) et une localisation particulière du système nerveux central. Ainsi, l’association entre une lésion cérébrale et un déficit cognitif permettrait de comprendre le fonctionnement cognitif normal. Pour la première fois, nous pouvions associer individuellement chacune des zones de notre cerveau aux capacités de voir, d’entendre, de raisonner, ou encore de s’émouvoir qu’elle nous procure, et ceci de manière précise. Mais ce concept doit aujourd’hui être dépassé. Il n’est désormais plus raisonnable de rechercher simplement l’implémentation cérébrale d’une faculté telle que l’a proposé Franz Gall avec la néo-phrénologie (ou organologie), mais il devient beaucoup plus pertinent de partir à la découverte de nos représentations mentales. Même s’il apparaît aujourd’hui que cette origine (une structure – une fonction) est trop restrictive, elle reste historiquement fondée.

Depuis Roy et Sherrington (1890) (voir Lindauer et al., 2001), il est largement admis que les fonctions supérieures du cerveau ont une traduction hémodynamique au plan local, c’est-à-dire qu’il existe un couplage régional entre le niveau d’activité électrique d’une part, et le débit sanguin et la consommation d’énergie, d’autre part. L’IRM a été inventée au début des années 1970 par Paul Lauterbur de l’Université d’Urbana dans l’Illinois (Etats-Unis). Dans les années 1970, les méthodes d’imagerie de la perfusion cérébrale se sont développées par l’utilisation de traceurs du débit sanguin cérébral marqués avec des émetteurs de photons comme le Xenon 133. Dans les années 1980, les méthodes d’imagerie de la perfusion cérébrale ont commencé à utiliser les émetteurs de positons comme la TEP à l’eau marquée à l’oxygène-15. L’augmentation du débit sanguin cérébral (DSCr) mesurée en TEP était au moins dix fois plus importante que l’augmentation de la consommation locale en oxygène engendrée par la stimulation (ce qui fondait le lien entre débit sanguin et consommation d’oxygène) par MarcusRaichle. L’IRMf a été inventée dans les années 1990 par l’équipe de Bruce Rosen au Massachusetts General Hospital à Boston (Etats-Unis). Pour les études fonctionnelles, l’IRM a remplacé la TEP vers la fin des années 1990. L’IRM fonctionnelle dite « pondérée en T2 ” ou « T2* ” donne désormais accès à des images fonctionnelles du cerveau humain à la résolution de quelques millimètres et en quelques secondes, et ceci, sans injection de produit. En 1991, dans Science, Belliveau et al. du Massachusetts General Hospital à Boston (Etats-Unis) ont publié une étude princeps en IRMf à l’aide d’un traceur non radioactif, le gadolinium, sur les variations de volume sanguin cérébral dans le cortex visuel primaire, stimulé par des flashs lumineux. L’année suivante, en 1992, Kwong et la même équipe ont publié une première étude d’IRMf dans sa version actuelle, c’est-à-dire sans injection de traceur mais basée sur l’observation en temps réel des variations d’oxygénation sanguine locale – méthode connue sous le nom de BOLD (Blood Oxygen Level Dependent). C’est cette équipe (Kwong et al., 1992) qui, pour la première fois, a obtenu, sans utiliser d'agent radioactif, une carte de l’activation cérébrale.