Phase expérimentale

Une fois la phase de familiarisation effectuée, la phase expérimentale commençait. La seconde série d’instructions, invitant les participants à prendre connaissance des tâches expérimentales, apparaissait sur l'écran et était simultanément lue par l'expérimentatrice. Durant l’une des deux sessions, les participants devaient estimer si l’expression émotionnelle faciale présentée était plus intense ou moins intense que l’expression émotionnelle des deux visages de référence. Les expressions émotionnelles que les participants devaient évaluer comme « plus intenses ” correspondaient à celles qui étaient soit plus intenses que l’expression émotionnelle du visage de référence de valence positive soit plus intenses que l’expression émotionnelle du visage de référence de valence négative. Les expressions émotionnelles que les participants devaient évaluer comme « moins intenses ” correspondaient aux expressions intermédiaires entre les deux expressions émotionnelles, positive et négative (Figure 10). Durant l’autre session, les participants devaient estimer si l’expression émotionnelle faciale présentait une valence positive ou négative, indépendamment de son intensité. Les expressions émotionnelles positives correspondaient aux expressions de joie, tandis que les expressions émotionnelles négatives correspondaient aux expressions de peur.

L’examen du tableau 3 nous permet de considérer certains facteurs utilisés dans les deux sessions expérimentales, les facteurs « valence », « intensité » et « champ visuel », et un facteur, le facteur « difficulté », pertinent seulement dans la tâche d’intensité. Ainsi, chaque stimulus facial présentait une valence positive (de joie) ou négative (de peur), une expression plus ou moins intense que celles, positive et négative, des deux visages de référence. De plus, lors de la tâche d’intensité, le jugement était facile ou difficile à opérer : l’expression faciale émotionnelle présentée était très différente (facile à juger) ou relativement proche (difficile à juger) de celle des visages de référence. Enfin, chacun des stimuli était présenté soit dans le champ visuel gauche soit dans le champ visuel droit (accompagné systématiquement du point de fixation central). Ainsi, chacun des stimuli représentés sur la Figure 10 était présenté deux fois au cours du même bloc, une fois dans chaque champ visuel.

Tableau 3. Présentation de la répartition des stimuli pour un bloc. La deuxième ligne représente les deux modalités du facteur « valence », positive ou négative (réponse pour le jugement de la valence). La troisième ligne représente les deux modalités du facteur « intensité », plus intense ou moins intense (réponse pour le jugement de l’intensité). La quatrième ligne représente les deux modalités du facteur « difficulté », stimuli faciles quand l’expression du visage présenté est loin du visage étalon ou stimuli difficiles quand l’expression du visage présenté est proche du visage étalon (pour les jugements portant sur l’intensité uniquement). La cinquième ligne représente les deux modalités du facteur « champ visuel » (CVG : champ visuel gauche, CVD : champ visuel droit). Est indiqué entre parenthèses le nombre de stimuli pour chaque condition, dans un bloc.
Stimuli faciaux (32)
Expression positive (16) Expression négative (16)
Expression plus intense (8) Expression moins intense (8) Expression plus intense (8) Expression moins intense (8)
Stimuli
faciles » (4)
Stimuli difficiles (4) Stimuli
faciles » (4)
Stimuli difficiles (4) Stimuli
faciles » (4)
Stimuli difficiles (4) Stimuli
faciles » (4)
Stimuli difficiles (4)
CVG (2) CVD (2) CVG (2) CVD (2) CVG (2) CVD (2) CVG (2) CVD (2) CVG (2) CVD (2) CVG (2) CVD (2) CVG (2) CVD (2) CVG (2) CVD (2)

Tous les facteurs décrits ci-dessus sont intra-sujets, chaque participant étant confronté à toutes les conditions. Le tableau 4, présenté ci-dessous, permet, quant à lui, d’exposer les facteurs inter-sujets : les facteurs « ordre », « main de réponse » et « doigt de réponse ». La moitié des participants devait effectuer la tâche d’intensité avant la tâche de valence, tandis que l’autre moitié des participants effectuait d’abord la tâche de valence. De plus, la moitié des participants répondait avec la main droite (c’est-à-dire la main dominante puisque tous les participants étaient droitiers) et l’autre moitié avec la main gauche. Le contrôle du facteur « doigt de réponse » imposait également qu’il y ait autant de participants répondant « plus ” intense (et « positif ”) avec l’index et « moins ” intense (et « négatif ”) avec le majeur que de participants répondant « plus ” intense (et « positif ”) avec le majeur et « moins ” intense (et « négatif ”) avec l’index. Pour s’assurer que la tête du participant restait centrée par rapport à l’écran lorsqu’il répondait, l’expérimentatrice demandait aux participants répondant avec la main gauche d’utiliser les touches « a ” et « z ” (situées à gauche) du clavier et aux participants répondant avec la main droite d’utiliser les touches « o ” et « p ” (situées à droite) du clavier.

La répartition des participants est présentée dans le tableau 4.

Tableau 4. Présentation de la répartition des participants. La deuxième ligne indique les deux modalités du facteur « ordre ». La troisième ligne indique les deux modalités du facteur « main de réponse ». La quatrième ligne indique les deux modalités du facteur « doigt de réponse », index ou majeur pour les réponses « plus ” (et « positif ”) ou « moins ” (et « négatif ”). Est indiqué entre parenthèses le nombre de participants pour chaque condition.
Participants (24)
Intensité-Valence (12) Valence-Intensité (12)
Gauche (6) Droite (6) Gauche (6) Droite (6)
Index=plus et index=positif (3) Index=moins et index=négatif (3) Index=plus et index=positif (3) Index=moins et index=négatif (3)

Aucun essai de pratique avec les stimuli expérimentaux n’était proposé parce que les différences liées à la présentation en champ visuel divisé et observées dans des expériences préalables ont été réduites ou ont disparu avec même peu de pratique. Le continuum complet, comprenant les seize stimuli tests (voir Figure 10), n’était pas présenté avant le début des deux tâches ; les participants les découvraient au cours de l’expérience. Cependant, la rapidité de présentation des stimuli dans un paradigme de champ visuel divisé peut s’avérer surprenante pour des participants naïfs ; c’est pourquoi quelques essais leur étaient proposés à la fin des instructions (avec des stimuli issus de la base de données n’apparaissant pas dans l’expérience).

Comme indiquée dans le tableau 3, la combinaison des différents facteurs intra-sujets a permis la création de trente-deux essais différents sur lesquels chaque participant effectuait une décision. Chacun de ces trente-deux essais était présenté trois fois au cours de l’expérience organisée en trois blocs, chacun des visages étant présenté une et une seule fois au cours de chacun des trois blocs. Les blocs étaient séparés par une pause dont la durée était délimitée par le participant. L’ordre de présentation des trente-deux stimuli variait d’un bloc à l’autre, mais demeurait constant d’un participant à un autre. Il était identique dans les deux tâches. Les trente-deux stimuli étaient présentés selon un ordre pseudo-aléatoire, généré de telle sorte que ne soient pas présentés plus de trois fois à la suite des essais de même valence, des essais comportant des expressions émotionnelles plus intenses ou comportant des expressions émotionnelles moins intenses que les expressions de référence, et des essais comportant des expressions émotionnelles dont l’intensité était facile ou comportant des expressions émotionnelles dont l’intensité était difficile à évaluer et, enfin, des essais présentés dans le même champ visuel.

Chaque essai était composé d’un signal d’attention, présenté au centre de l’écran pendant 1000 ms, suivi d’un écran blanc présenté pendant 200 ms. Puis apparaissait un point de fixation au centre de l’écran pendant 500 ms, suivi de l’un des seize visages du continuum présenté dans le champ visuel gauche ou dans le champ visuel droit pendant 150 ms. Le point de fixation restait à l’écran. Le couple point de fixation - visage était suivi d’un écran blanc dont le temps d'apparition était déterminé par le temps de réponse des participants. Un dernier écran blanc de 1000 ms permettait de faire la transition entre deux essais. En cas de réponse incorrecte, une barre grisée apparaissait pendant 50 ms en haut de l’écran, dès la réponse des participants. Ce signal d’erreur a été créé pour permettre aux participants de vérifier et de corriger leur représentation des deux visages étalons pour la tâche portant sur l’estimation de l’intensité et du visage neutre pour la tâche portant sur l’estimation de la valence. Cette précaution expérimentale permettait de s’assurer que les erreurs ne provenaient pas d’une mauvaise évaluation initiale des intensités des visages préalablement présentés, mais plutôt d’une réelle erreur d’estimation des intensités entre d’une part, le visage étalon ou le visage neutre et d’autre part, le visage présenté dans la phase test. L’expérience durait environ trente minutes.