Hypothèse de l’implication des relations spatiales visuelles dans le traitement des expressions faciales émotionnelles

L’implication des relations spatiales métriques se manifestant par un avantage de l’hémisphère droit sur l’hémisphère gauche (voir la méta-analyse de Jager & Postma, 2003), nous avons fait l’hypothèse que l’implication des relations spatiales métriques dans le traitement de la discrimination de l’intensité d’expressions se manifesterait également par un avantage de l’hémisphère droit sur l’hémisphère gauche. Précisons néanmoins que l’avantage de l’hémisphère droit dans le traitement des expressions faciales a souvent été mis en évidence et que, par conséquent, un tel avantage ne nous permettrait pas de conclure de manière absolue sur l’implication des relations spatiales métriques. Dans le jugement portant sur la discrimination de l’intensité, nos résultats n’ont pas montré un avantage d’un hémisphère cérébral sur l’autre. Par ailleurs, nous postulions l’implication du sous-système des relations spatiales catégorielles dans le traitement de valences positives et négatives d’expressions faciales, variant autour de la joie et de la peur. Il se manifesterait par un avantage de l’hémisphère gauche sur l’hémisphère droit. Nous avons observé, au niveau des temps de réponse, un avantage de l’hémisphère droit sur l’hémisphère gauche. L’absence d’un avantage de l’hémisphère droit dans le traitement de l’intensité des expressions faciales ne nous permet pas de conclure sur l’absence d’une implication de représentations des relations spatiales métriques au cours de ce traitement. De même, l’avantage de l’hémisphère droit sur l’hémisphère gauche observé dans le traitement de la valence ne nous permet pas de conclure sur l’absence d’une implication de représentations des relations spatiales catégorielles, voire sur une implication de représentations des relations spatiales métriques au cours de ce traitement. En effet, ces résultats pourraient s’expliquer par la présence conjuguée de différents paramètres, notamment celui de la valence et celui de l’intensité. L’avantage de l’hémisphère droit dans la tâche de valence, même si non attendu, peut s’expliquer au regard des nombreuses études de la littérature qui ont rapporté un avantage de l’hémisphère droit dans la perception et le traitement des expressions faciales émotionnelles, quelle que soit la tâche (voir la méta-analyse de Wager et al., 2003). Concernant l’influence du facteur « intensité », il semble que l’hémisphère cérébral activé peut être dépendant du degré de l’intensité d’une expression faciale : par exemple, Phillips et al. (1997) ont montré, avec l’expression de peur, un avantage de l’amygdale droite dans le traitement d’expressions intenses et un avantage de l’amygdale gauche dans le traitement d’expressions peu intenses.

De plus, au cours du traitement des relations spatiales visuelles métriques, certaines études ont observé un effet d’apprentissage, se concrétisant par une disparition de l’avantage de l’hémisphère droit (par exemple, Baciu et al., 1999 ; Kosslyn et al., 1989) ; la disparition de l’avantage de l’hémisphère droit était parfois accompagnée d’une augmentation de l’avantage de l’hémisphère gauche (par exemple, Baciu et al., 1999). Ces études n’ont pas mis en évidence de semblables effets au cours des traitements catégoriels. Nous avons fait l’hypothèse que l’observation d’un tel phénomène hémisphérique dynamique dans la tâche d’intensité pourrait être un argument supplémentaire en faveur de la manifestation de l’utilisation des relations spatiales métriques dans la discrimination des intensités faciales émotionnelles. Dans la tâche de discrimination de l’intensité de notre expérience, un effet d’apprentissage a été observé (au niveau des temps de réponse), alors qu’un tel effet n’a pas été observé dans la tâche de valence. Par ailleurs, nous avons révélé une tendance d’une disparition de l’avantage de l’hémisphère droit en faveur d’une apparition de l’avantage de l’hémisphère gauche, répliquant ainsi des résultats portant sur des travaux réalisés avec des stimuli visuels simples (par exemple, un point et une barre, voir Hellige & Michimata, 1989). Ainsi, nos présents résultats semblent fournir des éléments en faveur de l’hypothèse postulant l’implication des représentations de relations spatiales métriques dans la discrimination d’intensités. Précisions que le résultat montrant une tendance d’une disparition de l’avantage de l’hémisphère droit en faveur d’une apparition de l’avantage de l’hémisphère gauche, au cours du jugement de l’intensité, n’a été révélé que chez les participants ayant passé la session de l’intensité avant la session de la valence. Plusieurs études ayant testé dans une même expérience les deux sessions expérimentales, métrique et catégorielle, et ayant des hypothèses précises sur l’existence d’un effet de pratique ont pris comme précaution de présenter les deux sessions dans cet ordre. Cette précaution permet de s’assurer que les participants n’ont pas formé de catégories avant d’effectuer le jugement métrique. Dans le cas contraire, l’effet de pratique peut ne pas se manifester. Ainsi, une interprétation possible à ce résultat est que, non seulement une tendance en faveur d’un avantage de l’hémisphère droit dans le jugement (métrique) de l’intensité existe, et disparaît au cours de la tâche, mais également, puisque cet effet se produit seulement si le jugement d’intensité est effectué en premier, alors l’avantage de l’hémisphère gauche pourrait être dû, au cours de ce traitement, au développement de nouvelles catégories. Cette interprétation est conforme à celle formulée dans des études antérieures dans le domaine spatial visuel (Baciu et al., 1999 ; Banich & Federmeier, 1999 ; Kosslyn et al., 1989).