Test de l’hypothèse de l’implication des relations spatiales visuelles dans la discrimination des expressions faciales émotionnelles

Un deuxième intérêt lié à notre premier objectif était de rechercher dans quelle mesure les relations spatiales visuelles sont requises pour discriminer des expressions faciales émotionnelles, d’intensité ou -et- de valence différente. Cette investigation reposait sur l’hypothèse selon laquelle nous percevons des variations d’intensités d’une même expression faciale en partie à partir d’une perception des relations spatiales à l’intérieur, et entre, les traits constituant cette expression. Nous postulions que, par exemple, notre système cognitif interprète l’intensité d’une expression de joie comme étant d’autant plus intense que la largeur de la bouche est grande et l’intensité d’une expression de peur comme étant d’autant plus intense que la hauteur des yeux est grande. Ces modifications spatiales à l’intérieur de certains traits entraînent inexorablement des modifications entre les différents traits : en effet, par exemple, le fait d’ouvrir la bouche dans sa largeur entraîne fatalement une diminution de la distance entre la base du nez et les lèvres supérieures. Ainsi, le facteur « intensité » nous est apparu comme un outil précieux pour tester l’utilisation des relations métriques entre les différents traits du visage pour discriminer des expressions faciales variant subtilement autour d’intensités différentes d’une même émotion, positive (de joie) ou négative (de peur). Par ailleurs, pour les jugements pour lesquels il ne s’avère pas nécessaire de discriminer les expressions faciales de manière précise, par exemple, lorsqu’il s’agit simplement d’estimer qu’une expression est positive ou négative, nous postulions que l’utilisation de relations catégorielles serait suffisante. Une manière de conclure sur l’implication des relations spatiales dans les jugements d’intensités et de valence consistait à montrer une activation des structures (pariétales) spécifiquement impliquées dans les jugements spatiaux. Ainsi, l’activation du gyrus angulaire et -ou- des lobules pariétaux inférieur et supérieur pourrait se révéler un marqueur empirique pour déterminer si la discrimination des expressions faciales requiert l’utilisation des relations spatiales visuelles. Les résultats de notre étude ont mis en évidence une activation au niveau des lobules pariétaux inférieur et supérieur dans des conditions nécessitant un jugement précis de l’intensité des expressions, démontrant, selon nous, l’implication des relations spatiales métriques. En revanche, dans des jugements n’impliquant pas une discrimination fine, nous n’avons pu conclure sur l’implication des relations spatiales catégorielles. Dans ce cas, des indices comportementaux nous ont plutôt incité à proposer l’existence d’une perception catégorielle des expressions faciales, basée sur une perception d’une configuration des expressions faciales.