Introduction

“Je te loue Père Seigneur du ciel et de la terre : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout petits” Matthieu XI 25

1 De quelle Bible parlons-nous ?

Les références bibliques citées puiseront dans différentes traductions et s’opéreront, si besoin est, à partir des confrontations entre diverses traductions 1 .

La notion de Bible 2 masque encore (spécialement en France, où, en dehors des cercles de spécialistes, elle est encore, jusque dans l'université, mal connue et peu étudiée ), quelque ambiguïté due, sans doute, en partie, à un manque de connaissance minimale. Ambiguïté qu’il nous faut lever donc, avant même de commencer cette étude.

La Bible n’est pas seulement un livre mais une somme de livres, certains disent une bibliothèque : ta biblia, en langue grecque, indique, d’ailleurs bien, un pluriel. Ces livres retracent une histoire qui évoque depuis la Création du monde, l’histoire d’Israël, le ministère de Jésus-Christ, la constitution de l’église chrétienne au premier siècle de notre ère.

De plus, il existe, selon le langage courant, au moins“deux bibles”, la Bible juive et la Bible chrétienne.

L’expression “deux bibles” serait sans doute excessive puisque la Bible chrétienne est, elle-même,en principe, et ce malgré quelques nuances parfois, que nous signalons dans les notes de bas de page de cette introduction, toute la Bible juive augmentée du Nouveau Testament.

Nous allons nous intéresser, dans cette étude, à la Bible chrétienne, mais comme celle-ci contient l’intégralité de la Bible juive, nous allons forcément également, par un nécessaire ricochet, devoir nous pencher sur la culture hébraïque et sur son influence parfois déterminante pour la lecture chrétienne, voire même pour la compréhension de la genèse de l élaboration canonique.

Trois types de livres composent la Bible hébraïque que les chrétiens appellent l’Ancien Testament; cette partie de la Bible chrétienne est donc pratiquement commune entre juifs et chrétiens et constitue l’intégralité de la Bible hébraïque :

La Bible hébraïque, est aussi appelée TaNaK à partir des initiales des trois parties qui la composent :

  1. La Thora (Torah ) (ce nom provient d’une racine ancienne qui signifie étudier et est utilisé également parfois par extension pour désigner tout l’ensemble de la TaNaK). La Torah est appelée spécialement aussi en christianisme le Pentateuque. Ce sont les livres écrits à partir de la loi révélée à Moïse. Le Pentateuque (la Torah) comprend cinq livres qui sont successivement la Genèse, l’Éxode , le Lévitique, le livre des Nombres et le Deutéronome.
  2. Les prophètes : (Neb’im); on distingue les livres des “premiers” prophètes ( Josué, Juges, 1° livre et 2° livre de Samuel, 1° livre et 2° livre des Rois) et les “derniers” prophètes ( Ésaïe, Jérémie, Ézéchiel et les douze petits prophètes).
  3. Les écrits ou hagiographes (Ketoubim), qui sont composés des livres poétiques tels les psaumes, le Cantique des cantiques, le livre des Proverbes, le livre de Job, ou encore d’autres écrits comme le livre de Ruth, le Qohèlet (Qohéleth ou l’ Ecclésiaste), les Lamentations, le livre d’Esther, le livre de Daniel.

Des disparités existent dans la manière dont ces livres sont classés dans les différentes versions de la Bible chrétienne. Précisons cependant que les commentaires de la TOB 3 suggèrent que la classification opérée dans la tradition juive est très normée, plus spécialement dans le Pentateuque qui, à l’origine, ne formait qu’un seul livre, comme aussi dans l’ordre même des livres de chaque partie, et que cette classification a le mérite d’être originelle et stable.

La Bible chrétienne, 4 qui constituera l’objet premier de référence de cette étude et son thème, contient donc, en plus des livres de la TaNaK, appelée par les chrétiens l’Ancien Testament, le Nouveau Testament composé des quatre évangiles, Matthieu, Marc, Luc et Jean ; écrits probablement au premier siècle de notre ère.

Chacun des quatre évangiles retrace la vie de Jésus et plus spécialement les deux ou trois années, autour des années trente de notre ère, de la vie du Christ qui constituèrent son ministère. Selon quatre témoins différents. Trois de ces évangiles, Matthieu, Marc, Luc, sont dits synoptiques en ce qu’ils retracent de façon relativement parallèle des événements selon une certaine chronologie.

L’évangile de Jean offre une approche originale et assez différente. Bien que relatant les mêmes événements, il en cite d’autres de particuliers, propres à son récit. Il se situe dans une perspective singulière. Il ne tient pas toujours compte de la chronologie des faits. Le Verbe de Dieu se faisant chair en Jésus, et donnant sa vie pour le salut du monde, est le fait central, comme l’acteur premier, auquel se raccroche tout le récit, dès son introduction.

Le Nouveau Testament est constitué également du livre des actes des apôtres qui retrace les prémices du développement de l’église chrétienne du premier siècle, quelques lettres des apôtres à des particuliers ou aux églises primitives, Jacques, Jean, Pierre, Paul, et Jude, enfin l’Apocalypse, attribuée à Jean.

Même s’il existe des variantes finalement, sinon minimes, du moins secondes, nous pouvons dire qu’orthodoxes, catholiques et protestants et l’ensemble des églises chrétiennes, lisent, de fait, pratiquement, la même Bible qui se présente sous la forme de deux testaments (traduction du mot hébreu berît (bérith ou berit ) par le grec diathèkè qui fut traduit par le latin testamentum, qui veut dire alliance).

La Bible juive n’est qu’une partie de la Bible chrétienne. Mais nous pouvons dire, que, probablement, sous la forme la plus originelle du texte, elle forme l’Ancien Testament.

Le fait que le Nouveau Testament, bien qu’écrit originellement en langue grecque 5 , puise toutes ses références explicites dans l’ancienne alliance de source hébraïque, sur laquelle il germe, rrenforce encore le fait que, même si nous allons nous intéresser à la Bible chrétienne, des incursions dans la culture juive seront réalisées.

Ce premier fait est renforcé par cet autre : Jésus lui-même a été élevé dans la culture juive, les références qu’il donne tout au long du Nouveau Testament dans les évangiles, sont celles de l’ancienne alliance qu’il dit expressément ne pas être venu pour abolir mais pour accomplir.

‘“N’allez pas croire que je sois venu abroger la Loi ou les Prophètes :
je ne suis pas venu pour abroger mais pour accomplir.” 6

Cet accomplissement ne se produit pas à partir d’une théorie nouvelle, mais trouve son sens dans des actes annoncés, depuis la naissance de Jésus jusque sur la croix, où Jésus va mourir avant de ressusciter au matin du troisième jour et où les textes des différents évangiles plus particulièrement ceux de Marc, Matthieu, et Jean, mais aussi finalement celui de Luc, 7 rappellent à différents moments que tout cela était nécessaire afin que s’accomplisse ce qui avait été annoncé.

Notes
1.

Les deux principales traductions consultées seront :

Bible (la sainte ) T. O. B. Traduction Oecuménique de la Bible.

Éditions du cerf Paris.

Bible (la sainte ) (traduction Louis SEGOND) éditions de l’alliance biblique française. (la Bible protestante).

Bible.

Seront également parfois consultées :

La Bible de Jérusalem aux éditions du Cerf Paris 1973 ; (1688 pages) .

La Bible en Français courant Ancien et Nouveau Testament aux éditions de la société biblique française Paris 1983 ; (400 pages) :

La Bible traduction de “La Colombe” aux éditions de la Société biblique Française. Paris 1978 (Version Louis SEGOND révisée).

Chaque citation donnera son origine, lorsque celle-ci ne sera pas spécifiée il s’agira de la traduction Louis SEGOND ( 1810 - 1885 )

La Bible (Hébraïque) Traduite du texte original par le rabbinat français. Texte intégral. Librairie Colbo Paris 1966 ; (1221 pages).

2.

Étymologiquement Biblia .

En grec ta biblia (les livres ) , hè biblia (le livre) plus loin encore l’origine du nom viendrait de Byblos en Égypte (l’actuelle Dj’baal) où furent traités les papyrus d’Égypte, sur lesquels furent écrits les premiers textes bibliques.

3.

Traduction Oecuménique de la Bible.

Cette traduction, menée de pair par des théologiens de diverses communautés chrétiennes, principalement protestantes et catholiques, mais avec le concours également de théologiens orthodoxes , avec la reconnaissance de cette communauté largement consultée, aboutit dès 1972 (pour le Nouveau Testament ) et, trouva sa première conclusion en 1975 ( pour l’Ancien Testament). La TOB présente nombre de commentaires sur l’origine des textes auxquels nous nous référerons parfois. Ajoutons que le canon biblique juif est définitivement et officiellement institué vers la fin du premier siècle de notre ère, vers l’an 90 , à Jamnia par les rabbins réunis sous l’égide de l’autorité romaine

4.

Précisons cependant que la tradition catholique romaine adjoint quelques autres livres à l’Ancien Testament, les livres deutérocanoniques au nombre de huit (Bible de Jérusalem ) ou de neuf ( la TOB ), présentés dans cet ordre dans la TOB : livre d’Esther (grec), livre de Judith, livre de Tobit, premier livre des Maccabées, deuxième livre des Maccabées, le livre de la Sagesse, le livre du Siracide, le livre de Baruch, dont le dernier et sixième chapitre dans la Bible de Jérusalem est, pour la Septante et pour la TOB, la lettre de Jérémie. L’ensemble de ces huit (ou neuf) livres que les protestants ont longtemps nommés apocryphes et qui ne participent pas de de leur canon biblique font donc partie de la TOB.

Ces livres font partie du canon officiel de l’Église Catholique depuis le concile de Trente (1545-1549 ; 1551-1552; 1562-1563) et ce qu’il est commun d’appeler la Contre-réforme. La TOB précise encore que l’église Orthodoxe n’a pas pris de position claire et explicite à leur sujet.

Ces livres sont écrits originellement en grec alors que les autres livres de l’Ancien Testament que les catholiques romains appellent également protocanoniques, apparaissent écrits en hébreu. Quelques passages des livres de Daniel ( de II 46 à VII 25), de Esdras (de IV 8 à VI 18 ; VII 12 à VII 26 ), deux mots du livre de la Genèse (XXXI 47 ) et un verset chez Jérémie (X11) , sont cependant en araméen, dialecte juif, langue que, le plus probablement, parlait Jésus.

Signalons encore que, malgré leur écriture en langue grecque, l’origine judaïque des textes deutérocanoniques, fortifie cependant encore l’idée que le christianisme germe sur le judaïsme ancien. En effet, tous les écrits sont directement issus de la traduction dite de la Septante, autrement dit, la Bible d’Alexandrie, première traduction en grec des textes de la Bible hébraïque à l’usage, au départ, des juifs de la Diaspora d’Alexandrie , vers 250 avant Jésus-Christ. Son nom de Septante est dû au fait qu’elle fut, selon la tradition, réalisée par soixante-dix traducteurs, (certaines sources parlent de soixante-douze) issus de chacune des douze tribus sous le règne de PTOMÉLÉE II PHILADELPHE et à l’instigation de son bibliothécaire DÉMÉTRIOS DE PHALÈRE.

Dans la Septante d’autre part, les livres d’Esther (la TOB en présente séparément les deux versions ) et de Daniel (I 12 et III 24 à 90 ; Histoire de Suzanne ou Daniel XIII dans la TOB ; Bel et le dragon ou Daniel XIV dans la TOB ) comportent des passages propres en grec.

Le découpage de certains autres livres est différent de celui de la Bible hébraïque.

Plusieurs livres des Septante restent cependant considérés comme apocryphes et ne furent pas retenus dans le canon catholique romain : Esdras I, Maccabées III et IV, Odes, Psaume de Salomon.

Il semblerait que les chrétiens des trois premiers siècles se soient fortement référés à la Septante, qui, progressivement, fut, de plus en plus radicalement, décriée dans les milieux Juifs, radicalement à partir du II ° SIÈCLE..

Le Séfer Torah ( I 8 ), rapporte, de façon polémique, que le jour où soixante-dix anciens écrivirent la Torah pour le roi PTOMÉLÉE, fut aussi néfaste pour Israël que le jour où le veau d’or fut fabriqué, puisque la Torah ne pouvait être traduite de façon adéquate.

La Bible d’Alexandrie traduite en Guèze resterait encore cependant aujourd’hui, à la base de celle des juifs fellachas (juifs d’Éthiopie qui se nomment eux-mêmes Beta (maison ) Israël ). Notons enfin que dans le langage courant, la Septante a deux acceptions : la Septante, au sens restreint signifie la Torah traduite en grec. Au sens large, elle signifie l’ensemble des livres que nous venons de mentionner.

5.

La langue du Nouveau Testament n’est pas le Grec classique mais la Koiné c’est à dire le grec commun.

6.

Évangile selon Matthieu V 17 traduction TOB.

7.

L’évangile de Luc se réfère semble-t-il moins que les trois autres à cette notion d’accomplissement d’une parole.

Nous retrouvons cependant cette notion dans cet évangile à trois moments importants :

La naissance (Luc I 20),

Le commencement du ministère du Christ, (Luc chapitre IV 21).

L’annonce de la mort, Luc XXII 37.