5 Une singulière difficulté méthodologique

Remarquons que la Bible, somme de livres qui s’écrivent dans une histoire pour retracer cette histoire, lui donner un sens et un avenir, avec un nombre important d’auteurs important, se présente comme un texte qui ne nourrit, si l’on peut dire et en accepter l’expression, d’intertextualité que vis-à-vis de lui-même. Au point que nous pouvons parler, en guise d’intertextualité, d’une intratextualité pratiquement exclusive.

Or, une certaine part de la théologie contemporaine, particulièrement celle qui se développe à partir du XIX° siècle, et, entre autre, à partir du rationalisme scientiste et les thèses de Ernest RENAN (1823 - 1892) questionnant l’authenticité et l’historicité du message, par la méthode rationnelle historique critique “dure “c’est à dire qui refute le face à face entre révélation et quête spéculative, pour tout soumettre à une idéologie de type scientiste, tente aujourd’hui, non seulement de comprendre le message à partir d’autres approches que le message lui-même, comme de l’extérieur de celui-ci, mais encore, semble occulter radicalement la possibilité même d’une cohérence intrinsèque.

Nous ne voulons pas dire que la Bible ne puisse se lire selon une telle approche, ou même que le texte biblique s’oppose à une lecture extra-muros. Au contraire, même, elle pourrait inviter à de telles lectures, nous y reviendrons, mais il reste que nous ne pouvons prendre en compte son caractère intrinsèque que si nous commençons par en supposer l’existence.

Or, de telles approches semblent poser comme principe que seule la lecture extrinsèque serait susceptible de justifier du domaine intrinsèque. La justification intrinsèque du message biblique, dès lors, ne serait plus interne, mais strictement externe, au message lui-même.

Il s’agit d’une conséquence du fait que, ce qu’il est convenu d’appeler la modernité, se caractérise par une rupture du substrat commun de la recherche humaine et de la justification du discours et de la pensée qui sont passés d’une dominante philosophique en manque d’absolu et de consolation, fondée sur la quête de “ce que “ Dieu” pense”, ou encore, “ce que” Dieu“ veut”, à une dominante philosophique rationaliste en manque de cohérence systémique et abstraite, et débouchant sur la prédominance d’un rapport théorie pratique dans le substrat commun du “ce que “je” pense”.

L’hypothèse que nous émettons propose une sorte de rupture avec ce type d’approche en affirmant ne s’intéresser en premier qu’à ce qui n’est vraiment lisible, et ne saurait apparaître, que dans une compréhension interne au message lui-même, tel qu’il a été justement transmis au travers de générations pour arriver jusqu’à nous, en faisant l’hypothèse d’une pédagogie divine.

Cette démarche n’exclura certes pas les regards de traverse, les questions historiques, nous verrons même qu’elle les appellera, mais ceux-ci seront portés, non pas pour fonder la méthode de lecture du document biblique, mais seulement, pour en élargir, voire questionner la compréhension historique, ou autre.

Le regard extérieur critique ne saurait donc être rejeté mais, dès lors, il n’apparaîtra que pour questionner le principe de la révélation qui est au coeur du message biblique, et non pour l’occulter a priori.

En effet, seule une telle approche qui place le texte au centre et qui lit le contexte à travers lui, avant d’aborder la démarche inverse, permet de respecter le texte dans sa cohésion interne en intégrant sa propre justification intrinsèque et son oeuvre dans l’histoire, comme dans l’actualité : son action.

Il reste donc, bien que la question critique - l’exigence universitaire le réclame, l’exigence du principe de justification adopté également - ne saurait être rejetée mais qu’elle apparaîtra, tout à la fois, à une autre place et à un autre temps de la démarche, comme pour en questionner, en cours de route, et en mesurer, a posteriori, selon une perspective extérieure au message lui-même, la validité, le champ éventuel d’application.

Il s’agira donc d’entrer à l’intérieur d’un débat contrasté, sans par trop léser l’un des protagonistes, entre sciences contemporaines, et sciences de la Bible telles qu’elles semblent émaner du texte lui-même comme de la pratique dans le cheminement de l’histoire, à l’intérieur de la culture juive et chrétienne.