1 Pourquoi -et comment- poser la question ?

Un enfouissement. Une absence contemporaine de réelle prise en compte, sinon officielle, du moins explicite, en tout cas, du regard biblique sur l’éducation en dépit d’une évidente prolifération d’actions éducatives de sources juives ou chrétiennes, malgré l’évidence d’une action éducative spécifique, de la Bible dans le monde, lisible comme un livre ouvert tout au long de notre histoire.

Israël, l’église, les églises, les calendriers, les fêtes et les coutumes, noms et prénoms, bref nos identités comme nos altérités, notre vocabulaire, nos expressions, notre langage, la conception de nos villes et villages, nos musiques, notre littérature, nos arts, mais aussi nos guerres et nos paix, et surtout, notre relation à la mort, à la vie, au bien et au mal, à l’autre comme au Tout Autre, comme à nous-mêmes, sont tout imprégnés, jusque dans l’indicible par cette action éducative, facilement observable sinon objectivable, et que nous avons juste évoquée lors de notre travail préparatoire de la thèse en DEA que nous avions intitulé : “ L’action éducative de la Bible, première introduction à une pédagogie autre “. 19

Si un arrêt sur images semble s’imposer l’opération ici tentée, n’est-elle pas contre nature ? Pendant l’arrêt, le film se déroule encore. Et nous voici d’entrée, déjà, devant une première singularité manifeste que produit la Bible en nous révélant Dieu et l’homme comme vivants, et se muant donc dans une histoire, et non pas comme idées simplement, les idées comme les idoles y sont bien plutôt dénoncées. Idées (ce qui se donne à voir, ce que l’on peut se représenter) et idoles ( du grec eîdolon “ image “ ) ont la même racine grecque.

Il s’agit bien là en effet d’une révélation, mais d’une révélation à l’évidence singulière qui ne se manifeste pas comme une théorie, une idée, mais s’écrit dans l’histoire d’un peuple et vient interpeller chaque histoire singulière, toute l’histoire humaine.

Comment donc entrer dans cet indicible si nous utilisons les mêmes formules, les mêmes entrées que les sciences contemporaines qui ont probablement contribué par la forme même du langage, de la méthode et des fins poursuivies et usitées 20 , à cette mise à l’écart ?

En essayant de ne pas occulter le message dans sa cohérence interne, tel qu’en lui même, en nous employant à le mettre en dialogue avec des pensées antiques, anciennes ou contemporaines, mais aussi à mettre en évidence des raisons de cet aveuglement qui finit par confondre, contre toute objectivité, contre toute évidence, l’indicible et l’inexistant, nous pensons avoir une intention, “sur le plan universitaire et scientifique,” acceptable, pour ne pas dire inattaquable. Nous ne voulons pas dire irréfutable, mais bien inattaquable. Ce qui signifie que toutes nos conclusions sont réfutables, nous en acceptons l’augure, mais notre principe d’approche se doit d’être lisible par chacun, inattaquable quant à l’intention finale d’élucidation qui y préside.

Si une motivation première de cette étude dans le cadre universitaire, comme nous l’avons précisé d’entrée, est dans la quête des raisons de l’enfouissement de l’apport biblique à l’éducation, nous ne pouvons de prime abord toiser ce message avant même d’avoir procédé à l’entreprise de mise à jour. Il nous faut donc le sortir de terre avant même de faire, si nécessaire, un tri.

D’ores et déjà encore, nous pouvons également dire qu’il ne sera pas visé une étude exhaustive, qui, dans ce domaine plus que dans tout autre, sans doute, serait bien illusoire, téméraire et prétentieuse, mais de dégager des singularités, si possible irréfutables.

Certains appelleraient cela, la voie négative, elle fut en quelque sorte celle de Paul à Athènes lors de sa prédication sur le dieu inconnu 21 . On la dit ouverte au carrefour de la philosophie et de théologie par le PSEUDO-DENYS 22 .

Nous ne nous contenterons pas seulement de cette voie négative, cependant.

Elle ne saurait suffire pour deux raisons, au moins.

La première raison est liée au cadre universitaire, à ses règles et ses enjeux. L’université moderne ne comprendrait pas, ne voudrait certainement pas reconnaître, une telle attitude qui fut l’une des attitudes de l’apologie primitive et traditionnelle de l’église. L’université contemporaine ne se veut pas le lieu d’une apologie. Elle veut se défendre d’être soumise ainsi à une vérité, et a fortiori de tenter a posteriori, de la justifier.

Une double question demeure alors que nous réglerons plus tard, car il n’est pas encore temps de la traiter ici : Peut-on échapper à une transcendance ? Le refus d’ inféodation à toute vérité, révélée

ou non, n’est-il pas déjà une inféodation ?

La seconde raison est liée à l’exigence de clarté de la recherche. Cette approche par la voie négative pourrait, d’autre part, rester dans l’ignorance totale de la force motrice du message. On ne saurait se satisfaire d’une simple définition par la négation, l’opposition, la différence ou la ressemblance, toutes tirées, après comparaison, selon un référent et une procédure totalement externes.

Il s’agira donc de montrer également, comme par l’intérieur, l’expression d’un message. De là peuvent naître, comme une ouverture, l’espace d’un dialogue, les prémices, la prémisse, d’une intelligence, qui d’après le sens étymologique, comme aima à le souligner Maurice BLONDEL, du latin intus legere, signifie lire profondément. Un approfondissement donc.

‘(...)’ ‘c’est lire à fond, entrer dans l’intime recel, apercevoir le sens qui sous les mots sous la science même restait voilé ; c’est déchiffrer ce qu’on ne parvient pas à saisir tout d’une vue, tout d’une prise. 23

Approfondissement dont la raison raisonnante perçoit, comme à l’avance, les limites. À ce sujet, l’itinéraire de PASCAL est signifiant. Le brillant esprit qui aurait pu croire en la vertu illimitée de la raison, vécut cette curieuse expérience dans la nuit du 23 Novembre 1653. Pendant deux heures, une extase le transporta, après quoi, comme pour Saint Paul sur le chemin de Damas 24 , plus rien ne fut plus pareil. Quelques temps après cette nuit d’extase, PASCAL écrira :

‘“Chose étonnante, cependant, que le mystère le plus éloigné de notre connaissance, qui est celui de la transmission du péché, soit une chose sans laquelle nous ne pouvons avoir aucune connaissance de nous-même.” 25

Il nous reviendra donc, de ne jamais ignorer la prise de conscience de cette blessure initiale que l’on nomme péché qui nous est révélé de façon si singulière par la parole biblique, conscience simultanée du péché et de l’amour de Dieu, qui provoqua la conversion de Pierre, de Paul, de PASCAL et de tant d’autres.

Dans la parabole du samaritain 26 que Jésus donne en réponse à la question d’un docteur de la loi qui lui demandait qui était ce prochain que la loi commandait d’aimer comme soi-même, il ne faudra pas oublier, même si le lieu d’une thèse n’y semble pas, à première vue le plus recommandé, mais à cause même de cette difficile légitimation ou hospitalité universitaire, de nous situer du côté du blessé.

Là gît, sans doute, la conscience du péché, d’une blessure initiale, peut-être invisible, peut-être visible, selon le point de vue.

Ce vide, cette blessure, ce manque, personnellement ressentis, sont-ils déjà une réponse à l’enfouissement initial constaté ?

Imaginons-nous, en effet, un instant donc, détroussés par des brigands, agonisant sur le bord d’un fossé, nous entendons un bruit de pas. Serait-ce une bête sauvage, ou un personne amie ? Si, comme le blessé, nous faisons l’acte d’abandon et que dans l’attente nous ne bougeons pas, nous le saurons, mais il nous faudra attendre que cet inconnu arrive jusqu’à nous, pour le savoir.

Laissons le venir jusqu’à nous.

Un lévite et un sacrificateur sont déjà passés sans s’arrêter.

L’apologétique qu’on nous brandit comme danger immanent d’un tel travail consisterait donc à se situer du seul côté de l’enseignement de la parabole. Du côté du disciple. Or disciple, on nous le dit, nous ne pouvons présupposer que tout lecteur le soit, ni même disposé à l’être.

Ce n’est pas pourtant aux disciples, dans le texte, que Jésus fait cette réponse, mais aux docteurs de la loi, aux exégètes en quelque sorte qui scrutaient et scrutaient encore le sens des écritures.

‘— Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ?’ ‘— C’est celui qui a exercé la miséricorde envers lui répondit le docteur.’ ‘Et Jésus lui répondit : “Va et fais de même.” 27

Mais aux autres et à tous, disciples ou pas, docteurs ou pas, il indique une situation grave, dramatique, tragique : un blessé sur le bord du chemin, sur le point de mourir. Le travail de thèse qui veut donc prendre ici en compte de façon endogène 28 le message biblique sinon pour en percer le mystère, du moins pour en percevoir quelques tenants et aboutissants, se doit donc de tenir en compte la posture, si tant est qu’il s’agisse d’une posture, pour parler en termes de philosophie ou de pédagogie contemporaine, du blessé de la parabole, ou, pour le moins, de ne pas ignorer, celle-ci.

Comme en pierre d’attente 29 .

Alors, selon la parabole, l’inespéré, ni lévite, c’est à dire représentant devant les hommes de son temps de la loi de Dieu, ni sacrificateur, c’est à dire prêtre officiel du rituel du sacrifice devant Dieu, mais un samaritain, un étranger, une sorte de métèque, viendra nous signifier en actes, un amour qui fait passer, nous dit encore le texte biblique, de la mort à la vie. Le docteur de la loi est invité à agir comme le samaritain, et tous sont invités à se situer du côté du blessé.

Cette blessure est donc peut-être le péché.

Cette notion du péché 30 , “manquer sa cible” , se lie à celle de la rédemption. Est-elle vraiment comme le signifia PASCAL, la plus éloignée de notre connaissance ?

Est-elle pur mystère ?

Nous sommes ici prisonniers des mots. Le recours à l’étymologie peut cependant nous aider. Connaissance signifie naître avec.

La koinônia, mot qu’emploie particulièrement l’évangéliste Jean signifie, dans la Koiné, langue grecque populaire dans laquelle furent écrits les évangiles, tout à la fois révélation, connaissance et communion et, par répercussion encore, le terme d’église.

Lorsque nous parlons de connaissance, si nous entendions ce mot comme l’évangéliste Jean, nous parlerions donc davantage d’expérience conduisant à la communion avec Dieu, communion d’église avec tous ceux qui l’éprouvent, communion dont Christ est la révélation, l’invitation, le renouvellement. La connaissance selon la Bible serait donc une conversion au règne de Dieu. Pierre Yves ÉMERY frère de Taizé écrivait en l’année 1959

‘“Si l’Écriture Sainte est la source de notre connaissance du Christ, de Dieu, la source de notre théologie, de notre catéchisme, elle ne l’est pas tellement ni d’abord comme un recueil d’idées, mais comme le moyen d’une connaissance personnelle, d’une rencontre avec le Christ, d’une vie en lui. L’Écriture sainte ne nous parle pas de Dieu sans nous le faire rencontrer personnellement et concrètement ni sans nous arracher à nous mêmes pour nous jeter vers lui. Source de notre connaissance elle est du même coup source de notre amour, source de notre prière, source de notre manière d’envisager notre vie d’hommes sur la terre.” (...)À elle seule -il est capital de le noter- la forme littéraire de la bible atteste que l’Écriture sainte transporte essentiellement une vie : livre d’histoire, celle d’une alliance où sont engagés Dieu et son peuple ; livre riche et touffu comme la vie, fortement marqué par les circonstances et les époques (...) ’ ‘Mais le caractère personnel de la vie, de la connaissance, de l’amour dont l’Écriture Sainte est la source, tient à bien autre chose encore qu’à sa forme littéraire. C’est le moment de rappeler que la Parole de Dieu, dont l’Écriture Sainte porte le nom, est une personne, le Christ, miroir de Dieu. C’est une personne dont toute l’Écriture transmet directement ou indirectement la parole. “Rien dans l’Écriture qui ne résonne le Christ” disait saint Augustin ; et il ajoutait : “si toutefois l’oreille écoute”. C’est dire que l’Écriture est Parole de Dieu à la condition d’être lue, dans la foi et par le Saint-Esprit, comme une parole qui vient du Christ et qui va au Christ. (...) Nul ne connaît n’aime ni ne contemple le Père, si ce n’est par le Fils, Parole faite chair. 31

Apparaît le mystère d’une parole qui se justifie comme parole divine mais qui se reconnaît dans la vie, et, dans l’écriture d’hommes singuliers et qui plus est s’accomplit en une personne, le Christ Jésus, qui réunit en lui-même et Dieu et l’homme, totalement l’un et l’autre. Mystère d’une parole qui se déploie dans une histoire, qui invite à l’amour tel que Dieu l’a manifesté en aimant le monde en Jésus-Christ, jusqu’à donner sa vie pour lui, et, pour quiconque croit, autrement dit, met sa confiance, en lui. Dès lors, ce qui nous intéresse dans cet écrit, n’est pas directement, ou en priorité, ou seulement, ce que dit la Bible de l’éducation, ou comment la Bible peut-elle enrichir et féconder nos pratiques éducatives, mais comment, selon quelle singularité, la Bible pose la question de l’éducation ?

L’exégèse juive récente envisage de plus en plus la question en ce sens. 32 L’exégèse chrétienne semble avoir plus de mal à la rejoindre, aujourd’hui, pourtant tout le Nouveau Testament ne se justifie explicitement que par rapport à l’Ancien.

Notes
19.

CABALLÉ Antoine “De l’action éducative de la Bible : L’enseignement et l’éducation par la foi, première introduction à une pédagogie autre.” Direction de recherche Guy AVANZINI. Mémoire pour un DEA en Sciences de l’Éducation; Université Louis Lumière Lyon 2. 1994 ; (303 pages).

20.

Les sciences contemporaines reposent pour ce qui est de la méthode sur le doute méthodologique, qui à première vue est à l’opposé de la foi. Elles cherchent la cohérence systémique du point de vue de l’homme, ce qui a première vue est à l’opposé du don gratuit qui émerge de la Bible. Elles se meuvent à l’intérieur de modèles et de concepts qui sont radicalement absents en tant que concepts, en tout cas, dans la Bible. Nous y reviendrons largement au long de cet écrit.

21.

Livre des actes des apôtres XVII 22 à 30

22.

PSEUDO-DENYS ( V°, VI° siècle ) est le nom donné par les modernes à un écrivain dont les ouvrages ont longtemps été attribués à DENYS l’Aréopagite. On crut qu’il s’agissait, en effet, d’un des rares auditeurs de Paul à s’être converti à l’aréopage d’Athènes. (Actes chapitre XVII versets 34). En fait, il s’agirait d’un auteur ayant vécu au V° siècle après Jésus-Christ à Byzance. Il s’agit de synthèses chrétiennes d’inspirations néo-platoniciennes. Il restaurait une idée de hiérarchie céleste et terrestre donnant lieu au Moyen Âge dans la scolastique à la justification des hiérarchies des ministères dans l’église. Voir ce qu’en dit Paul TILLICH in TILLICH Paul” Histoire de la pensée chrétienne “ Payot Paris 1970 ; (325 pages) ; (des pages 115 à 117). Au sommet de la hiérarchie Dieu, l’indicible qui ne s’approche que par la via negativa. Nous retrouvons une très forte influence des idées de PSEUDO-DENYS en l’église orthodoxe.

23.

Maurice BLONDEL La philosophie et l’esprit chrétien PUF Paris 1946 ; (p. 308).

24.

Actes IX

25.

PASCAL Blaise “Pensées “ Selon la classification de Léon BRUNSCHVICG (1° édition en 1897 ) dans l’édition de 1972 . Librairie Générale Française Paris ; (480 pages). Section VII ; N° 434. (page 198).

26.

Luc X versets 25 à 37.

27.

Luc X 36 et 37.

28.

Le mot, à l’origine, emprunté à la botanique et à la géologie signifie ”naît et croît “de l’intérieur “. Guy AVANZINI l’oppose souvent dans ses écrits et ses cours à l’exogénèse

29.

Le Littré donne ces définitions du mot que nous trouvons assez évocatrices.

Au mot attente : En maçonnerie, pierres qui avancent d’espace en espace, à l’extrémité d’un mur, pour faire la liaison avec celui qu’on a dessein de bâtir auprès. Au figuré : “Chose qui sert de commencement “ (...) Au mot pierre : certaines pierres en bossage ( posée par l’architecte et qui excèdent la surface d’un mur) posées pour recevoir certains ornements ou certaines inscriptions. Nous ajoutons de nous-même la parenthèse pour expliquer le mot “bossage”.

30.

À l’origine biblique du terme, l’hébreu “khâtâ “ ou “het “ signifie “manquer son but “.

La tradition juive reprend un autre terme biblique “avon “ qui introduit l’idée d’un acte délibéré, donc qui diffère de “het “ qui décrit simplement la condition naturelle de l’homme sans Dieu. Enfin, “pêcha “ signifie un troisième degré de gravité, il renvoie à l’idée de transgression ou de rébellion.

Il est le mot le plus employé pour signifier péché (600 fois dans la Bible hébraïque). En langue grecque “hamartia “ signifie :erreur, faux état d’esprit”

Le mot français est dérivé du latin pecatum qui signifie : “ faute crime”

31.

ÉMERY Pierre Yves (frère de Taizé) “La méditation de l’écriture” paru dans la revue “Verbum caro” n °52; 1959 reproduit par les presse de Taizé Presses de Taizé ; année non répertoriée ; ( pages 1, 2 ... 13 ) ...

32.

À la suite de Baruch SPINOZA (1632-1667), l’hypothèse se fit lentement et progressivement jour spécialement en judaïsme qu’on pouvait mettre en cause les sources d’inspiration de la Bible à partir d’une lecture scientifique du texte comme n’importe quel autre. Les successeurs de SPINOZA concentrèrent toute leur attention sur le problème de la composition littéraire du Pentateuque. Puis la méthode fut même alors progressivement étendue à tous les livres de la Bible.

Pour ce qui concerne les cinq rouleaux de la Torah, on partit entre autre de l’alternance des noms divins dans le Pentateuque. On en arriva alors progressivement, suivant un long cheminement historique, à l ‘hypothèse des quatre sources, soutenue spécialement par Julius WELLHAUSEN, bibliste allemand du XIX ° siècle. Cette thèse nommée également l’hypothèse documentaire, fut reprise largement dans le christianisme du XX° siècle, au point de faire parfois autorité, à partir des thèses des partisans de la méthode historico-critique “dure” qui ont influencé les positions pourtant les plus nuancées dans leur forme comme celles très répandues dans la “vulgarisation” du pasteur protestant Étienne CHARPENTIER.

“Pour lire l’Ancien Testamen t” . CHARPENTIER Étienne Cerf Paris 1980 ; ( page 27).

Il y aurait eu ainsi suivant une succession chronologique et historique :

Le narrateur yahviste, désignée par Y, qui doit son nom au fait qu’il utilise le tétragramme YHVH pour évoquer Dieu.

Le narrateur élohiste, désignée par E, qui doit son nom au fait qu’il emploie le théonyme Élohim pour évoquer Dieu.

La source deutéronomique, désignée par D, cinquième et dernier livre de la Torah, aurait été produite par des prêtres qui seraient les véritables compilateurs du texte peu de temps que le roi Ozias ne le trouve en 621 avant Jésus-Christ. La date en fut fortement contestée.

La source sacerdotale, désignée par P, ... enfin, qui aurait manié un subtil arrangement entre les textes à partir essentiellement de ressentions.

Cette vision critique se heurte à la tradition spécialement juive, qui voit en Moïse, selon l’expression du texte lui-même, celui qui reçut la Torah. Mais elle se heurta également à la critique d’exégètes du judaïsme, David Tsevi HOFFMANN, Yehezqel KAUFMANN, et surtout Mocheh David ( Umberto) CASSUTO.

L’hypothèse documentaire rencontre aujourd’hui, à l’intérieur même des partisans d’une lecture scientifique de la Bible des résistances fortes. Ainsi, dans les universités juives, dans les académies, ou écoles rabbiniques, sans nier l’apport d’une certaine étude historique et critique, apparaît aujourd’hui l’approche littéraire, ou même littéraliste du texte qui tente de le lire à partir de son homogénéité, de son originalité intrinsèque, et non à partir d’un a priori d’hétérogénéité qu’ils dénoncent comme réducteur. Ce mouvement qui s’applique à comparer le texte biblique à des textes contemporains aboutit à l’idée d’une grande singularité, en particulier centrée sur le fait que la Bible est entièrement hostile aux pratiques magiques ou divinatoires qui fleurissent dans les autres cultures qui lui furent contemporaines. Dès lors, la perspective même de l’écriture dans l’histoire trouve ses limites en même temps que s’ouvre semble-t-il, une possibilité d’ouverture nouvelle dans le dialogue de la foi et de la science.

”DICTIONNAIRE encyclopédique du judaïsme “ Publié sous la direction de:

Geoffrey WIGODER “The encyclopedia of judaïsm “ (1989) ; adapté en Français sous la direction de Sylvie Anne GOLDBERG avec la collaboration de Véronique GILLET, Arnaud SÉRANDOUR, Gabriel Raphaël VEYRET ; Cerf Robert Laffont Paris 1996 ; (pages 154 et 146).