8 Singularité ? Quelle singularité ? Notre problématique

Notre problématique affinée peut, dès lors, s’exprimer ainsi : Comment la Bible pose-t-elle la (une) question de (à ) l’éducation ? Autrement dit : Quelle singularité du message biblique en éducation ?

Il s’agit donc comme d’un dialogue entre deux formes de justifications ou de légitimations contenues dans deux formes de rapports à la raison : la raison incise et la raison excise.

La singularité originelle rejoint la raison incise. Elle émerge de la révélation comme de l’intérieur d’elle-même, selon son invariance constitutive.

La singularité originale rejoint la raison excise. Elle regarde la révélation comme de l’extérieur d’elle-même, à partir de ce qui a priori ne se situe pas dans son cadre premier d’émergence.

Notons que nous retrouvons là un peu du dialogue de la théologie chrétienne, de Saint AUGUSTIN à Saint THOMAS D’AQUIN, entre les deux grandes théologies, comme aussi à l’intérieur de chacune d’entre elles. La théologie de Saint AUGUSTIN qui serait située davantage dans la raison incise, développe la singularité originelle, elle veut indiquer la singularité de la révélation chrétienne face aux idées de son temps en soulignant radicalement sa distinction des gnoses platoniciennes entre autres. Ceci ne l’empêche pas de se situer également dans le cadre d’une pensée grecque qui est celle de son temps et où l’on retrouve les archétypes de la pensée platonicienne mais régénérés par le principe du don de la grâce. La théologie de Saint THOMAS D’AQUIN ferait le même chemin mais en sens inverse. Elle est située davantage du côté de la raison excise, singularité originale, utilisant le canevas de la pensée d’ARISTOTE, pour le féconder par les apports de la révélation chrétienne. Elle insère donc la révélation dans une pensée pré-chrétienne issue d’un phylum externe au phylum biblique, et révèle par fécondation en quelque sorte, ainsi, quelques uns des apports, de la révélation chrétienne.

Nous retrouvons, par analogie, les deux situations que vécurent le peuple hébreux :

Nous retrouvons ces deux types de justification également dans la société civile, selon que le chrétien, le théologien, ou le témoin, se situe dans le cadre de l’église avec ceux qui partagent ses références ou dans le cadre public parmi ceux qui se réfèrent à d’autres points de repères.

Comme dans une partie de football, la raison incise jouerait à la maison, la raison excise jouerait à l’extérieur, avec l’une et l’autre le même objectif : gagner la partie. C’est-à-dire qu’il n’y aurait pas entre singularité originelle et singularité originale de divorce profond. Tout ne serait qu’une question de point de vue, au sens de place, ou de rapport au langage, au sens de la compréhension d’autrui.

Le Dieu de la Bible parle à l’homme : il se révèle par une parole. Nous voyons bien alors que la question de l’unité du message, de sa parole au sens d’unicité, se pose. Dans notre travail, dans les différentes parties de celui-ci, l’originalité de notre approche sera de mettre en dialogue les deux types d’argumentation et de légitimation pour essayer d’en tirer une quintessence : une singularité tout à la fois originelle et originale. Autrement dit : il s’agirait de permettre l’avancement de tout lecteur dans la compréhension de la spécificité biblique en matière éducative. Servir la recherche singulière de chacun, dans la quête existentielle et intellectuelle du sens biblique à l’éducation, et de sa spécificité ; au minimum donc, ne pas rendre la spécificité éducationnelle de la Bible, s’il en est une, plus opaque qu’elle ne l’est : tel pourrait être le sens de notre problématique et de notre étude.