11 Un champ d’exclusivité, le retournement des intégrismes

La recherche de la singularité entre en conformité avec le message biblique qui fuit la généralité abusive et l’esprit de système pour épouser la singularité dans laquelle l’universel est contenu et se révèle. Il s’agira donc, non pas de viser l’impossible et bien prétentieuse exhaustivité théorique, mais de permettre une mise en évidence de cette singularité biblique en matière éducative au travers d’éléments issus du message biblique et qui le caractérisent.

Mise en évidence de cette singularité originelle et de cette singularité originale en rapport au principe généralement admis par les pédagogues contemporains comme fondateur de toute éducation et que nous nommons l’éducabilité. C’est à dire la possibilité éducative pour tous, la possibilité d’une modification de l’homme sous l’effet de processus éducationnels, ou d’une action éducative. Apparaît ici une autre dimension : l’éducation de (ou à l’éducation), autrement dit : une direction et un fondement de l’éducabilité : l’autre pédagogie.

Il reste que la Bible ne se contente pas de décrire ou de produire une modifiabilité éducationnelle de l’homme, il nous semble qu’elle projette de donner une direction un sens et un fondement à cette modification proposée par le principe de l’éducabilité. Nous verrons même qu’elle agit comme si il s’agissait de rendre éducable, en quelque sorte, l’éducabilité elle-même.

Apparaît donc ici une autre dimension : l’éducation de (ou à l’éducation), autrement dit : une direction et un fondement de l’ éducabilité : l’autre pédagogie.

Éducation a deux étymologies dérivées l’une de l’autre : Éducere : faire sortir, rapport à l’altérité, à la malléabilité. Son dérivatif duratif : Educare : produire, soigner, faire le prix de, donner du prix à. L’éducation de l’éducation serait à la fois le double mouvement de l’altérité du prix, du prix de l’altérité. Nous pouvons bien parler d’une autre pédagogie, cachée en quelque sorte.

Cette autre pédagogie n’est donc pas contenue dans une pratique éducative, dans une technique, mais dans une modification du regard, supposant une modification de perspective, une modification du prix. Élargissement du regard à partir d’un déplacement du centre de celui-ci qui rejoint la perspective de Dieu lui-même, enrichissement du regard à partir des découvertes qui sont issues directement ou indirectement de l’enseignement biblique, par un double mouvement rejoignant la singularité originale d’une part, et originelle d’autre part. La question qui se pose n’est pas seulement : comment s’élargit et s’enrichit ce regard, mais sur quelles bases ce double mouvement s’opère-t-il, selon quelles intentions, quelles origines ?

Dès lors, nous ne pouvons circonscrire l’éducation au seul champ éducatif courant, mais il devient nécessaire de l’élargir à tout ce qui tisse des relations avec ou autour de l’homme. La simple étude des techniques éducatives ne peut non plus suffire, la technique cache une intention et nous pouvons même postuler que la même technique peut parfois cacher des intentionnalités opposées.

Cette dimension touche tout autant à l’existence qu’à l’essence des êtres des choses et des situations, et peut se résumer par une proposition simple : Dans toute situation humaine se cache un acte éducatif dont la Bible révèle au fur et à mesure de son message un enjeu historiquement nouveau et original.

Nous allons y discerner comme la source d’un renversement, d’un retournement : le retournement pédagogique où le premier pas, le mouvement premier va toujours de Dieu vers l’homme, mais où l’homme retrouve une totale responsabilité et une totale liberté d’agir en conscience selon une conception propre de l’éducation qu’il délivre envers ses semblables.

Mais cette question n’en reste pas à l’investigation, elle oriente et donne une réponse qui simultanément, et là est l’originalité première, se contient déjà dans l’investigation.

‘“Frappez et l’on vous ouvrira “ 180

Apparaît une médiation nouvelle à l’exclusion de toute autre :“il y a un seul médiateur entre Dieu et les hommes” 181

La réponse chrétienne à la question que pose la révélation biblique est radicale absolue, et se contient dans la personne du Christ médiateur exclusif entre Dieu et l’homme.

Cette exclusivité est-elle pur intégrisme ?

Elle semble tout au contraire en être l’opposé. Car le Christ est le point cardinal d’une jonction. Il est à la fois tout à fait Dieu et tout à fait homme. Dieu se vide de lui-même, il donne sa vie pour l’homme il se vide d’amour pour lui. Nous allons dans cet écrit tenter de mettre à jour les conséquences de ce que nous ne pouvons qu’appeler mystère.

Nous allons y discerner comme la source d’un renversement, d’un retournement : le retournement pédagogique où le premier pas, le mouvement premier va toujours de Dieu vers l’homme, mais où l’homme retrouve une totale responsabilité et une totale liberté d’agir en conscience selon une conception propre de l’éducation qu’il délivre envers ses semblables.

Dans la perspective et le phylum de la révélation biblique toute pédagogie humaine, fut-elle chrétienne et surtout chrétienne, n’est jamais que réponse à ce pas premier et fondateur, accompli par Dieu lui-même qui créateur du monde, mais hors du monde, hors de sa création, séparé de celui-ci et de celle-là, s’incarne dans une parole, parle par la bouche d’hommes, se manifeste en une personne, donne sa vie pour le salut du monde, c’est à dire pour délivrer celui-ci de la mort et du mauvais.

Le pédagogue serviteur est ici Dieu Tout puissant, qui se fait l’esclave pour rendre l’homme à une liberté. Cette singularité évidente conduit paradoxalement à un retournement des intégrismes e les révélant à eux-mêmes et en les dépassant, en quelque sorte

L’intégrisme veut intégrer autrui de gré ou de force à son système de compréhension du monde. Il ignore l’altérité sur laquelle la Bible fonde au contraire son message.

Pour la Bible il ne s’agit pas d’intégrer les autres à un modèle mais à l’image du Christ, de la médiation que lui-même, propose sur la croix, en s’offrant lui-même en rançon pour que tous soient sauvés, de conduire chacun appelé par son nom, jusqu’à une compréhension, une reconnaissance de cette pédagogie première, c’est à dire, une Kônoinia, une communion en Dieu.

Notes
180.

Matthieu VII 7

181.

I Timothée II 5