4 Incontournable et insaisissable Saint-Esprit

Seul donc l’Esprit-Saint, esprit de lumière et expression de l’amour de Dieu pour l’homme, témoignage du Christ en l’homme et dans le monde, témoin de la présence du ciel sur la terre, témoignage de l’alliance nouvelle, seul l’Esprit-Saint, qui ne peut être que reçu accueilli et non pas spéculé à partir de nos investigations intellectuelles, ni surtout construit ou bâti à partir de nos efforts, transforme cette rupture en témoignage dans le monde pour le monde, des prémices d’un monde autre, et transfiguré : le Royaume de Dieu. L’Esprit-Saint témoigne par le moyen de la foi de ce qui, vu de l’extérieur, peut ne paraître que mystère : Dieu a tellement aimé le monde et Jésus Christ accomplit parfaitement cet amour, il ouvre ainsi pour chacun le chemin d’une communion parfaite en ce même amour. Ceci est une bonne nouvelle.

L’Esprit-Saint en porte et manifeste le témoignage par l’amour qu’il fait naître au coeur de l’homme, en communion d’église avec ceux qui partagent cette foi.

En conclusion de ses entretiens avec Jean Marie OUGHOURLIAN et Guy LEFORT, l’anthropologue René GIRARD, explique de façon magistrale ce passage de la mort à la vie qui n’est possible que par le souffle de l’Esprit et dont il croit que la pensée contemporaine, voilant son indigence dans une illusion de toute puissance, a plus que jamais le besoin, dans sa détresse. Son interprétation du texte du livre de Ézéchiel, sur les ossements de la vallée des morts, est très originale.

Et si ces ossements n’étaient que nos concepts scientifiques, décortiqués, mais sans vie, sans transcendance, sinon sans sens, du moins sans vie ?

‘“Il faut voir surtout, qu’il n’y a pas de recettes; il n’y a plus de pharmakon, même marxiste ou psychanalytique. Ce n’est pas de recettes d’ailleurs que nous avons besoin, ce n’est pas non plus d’être rassurés, c’est d’échapper à l’insensé. (...) ’ ‘Il faut apprendre à aimer cette justice dont nous sommes tous les victimes et les exécuteurs. La paix qui surpasse l’entendement humain ne peut surgir qu’au delà de cette passion de “la justice et du jugement” que nous n’avons jamais fini de vivre, malheureusement, mais que nous confondons de moins en moins avec la totalité de l’être.’ ‘Je crois que la vérité n’est pas un vain mot, ou un simple “effet” comme on dit aujourd’hui. Je pense que tout ce qui peut nous détourner désormais de la folie et de la mort, désormais a partie liée avec cette vérité. (...)Je reconnais sans gêne qu’il existe pour moi une dimension éthique et religieuse, mais c’est le résultat de ma pensée, ce n’est pas une arrière pensée qui gouverne la recherche du dehors. (...)’ ‘La pensée actuelle nous entraîne vers la vallée des morts dont elle catalogue un à un les ossements. (...) ’ ‘Nous sommes tous dans cette vallée mais il ne tient qu’à nous de ressusciter le sens en rapprochant les uns des autres tous les textes sans exception plutôt que certains d’entre eux seulement. Toute question de santé psychologique me paraît subordonnée à celle du sens partout menacé, mais qui n’attend pour renaître que le souffle de l’Esprit. Il ne s’en faut que de ce souffle désormais, pour susciter de proche en proche l’expérience d’ Ézéchiel dans la vallée des morts : 427 ’ ‘La main de Yahvé fut sur moi, et il m’emmena par l’esprit de Yahvé et il me déposa au milieu de la vallée, une vallée pleine d’ossements. Il me la fit parcourir parmi eux en tous sens. Or les ossements étaient très nombreux sur le sol de la vallée et ils étaient complètement desséchés. Il me dit : “Fils d’homme, ces ossements vivront-ils ?” Je dis : “Seigneur Yahvé, tu le sais.” Il me dit : “ Prophétise sur ces ossements. Tu leur diras : Ossements desséchés, écoutez la parole de Yahvé...” Je prophétisai comme j’en reçu l’ordre. Or il se fit un bruit au moment où je prophétisais; il y eut un frémissement et les os se rapprochèrent l’un de l’autre. Je regardai : ils étaient tous recouverts de nerfs, la chair poussait et la peau se tendait dessus, mais il n’y avait pas d’esprit en eux. Et il me dit : “Prophétise à l’esprit, prophétise , fils de l’homme. Tu diras à l’esprit : Ainsi parle le Seigneur Yahvé. Viens des quatre vents, esprit, souffle sur ces morts, et qu’ils vivent.” Je prophétisai comme il m’en avait donné l’ordre, et l’esprit vint en eux, et ils reprirent vie, et se mirent debout sur leurs pieds : grande immense armée. 428 ” ’

La conversion de l’eunuque éthiopien relatée dans les actes des apôtres est révélatrice d’une dimension surnaturelle, l’intervention de l’Esprit-Saint, rencontrant, épousant le quotidien le plus naturel des existences. Cette conversion est souvent citée comme le commencement, le premier pas, de l’évangélisation aux nations après l’événement de la Pentecôte. Un ange du Seigneur envoya Philippe sur le chemin de Jérusalem à Gaza “celui qui est désert”.

‘Il se leva et partit. Et voici, un Éthiopien, un eunuque, ministre de Candace, reine d’Éthiopie, et surintendant de tous ses trésors, venu à Jérusalem pour adorer, s’en retournait assis sur son char, et lisait le prophète Ésaïe.’ ‘L’Esprit dit à Philippe : Avance, et approche-toi de ce char. Philippe accourut et entendit l’Éthiopien qui lisait le prophète Ésaïe. Il lui dit : Comprends-tu ce que tu lis ? Il répondit : Comment le pourrais-je, si quelqu’un ne me guide? Et il invita Philippe à monter et à s’asseoir avec lui.’ ‘Le passage de l’Écriture qu’il lisait était celui-ci : Il a été mené comme une brebis à la boucherie; et comme un agneau muet devant celui qui le tond, il n’a point ouvert la bouche. Dans son humiliation son jugement a été levé. Et sa postérité qui la dépeindra ? Car sa vie a été retranchée de la terre.’ ‘L’Eunuque dit à Philippe : Je te prie de qui le prophète parle-t-il ainsi ? Est-ce de lui-même, ou de quelque autre ? Alors Philippe ouvrant la bouche et commençant par ce passage lui annonça la bonne nouvelle de Jésus. Comme ils continuaient leur chemin, ils rencontrèrent de l’eau. Et l’eunuque dit: Voici de l’eau qu’est-ce qui empêche que je ne sois baptisé? Philippe dit : si tu crois de tout ton coeur cela est possible. 429

L’Esprit-Saint est la fulgurance de la dimension du Royaume dans le concret d’histoires, par ailleurs banales. Il est l’invariant ou invariable témoin de la présence de Dieu Tout Autre devenu Tout Proche dans le quotidien des vies et dans sa Parole selon le mystère de l’incarnation. C’est dans cette histoire que s’opère une rencontre qui donnera une réponse à la quête existentielle ou intellectuelle désirant à la fois vivre et comprendre.

C’est le témoignage intérieur de l’Esprit-Saint qui authentifie la parole de Dieu comme telle. L’ intelligence ne repose moins sur la démonstration que sur le témoignage. En tout cas témoignage et démonstration se conjuguent en quelque sorte.

Ce qui se témoigne ici, comme le souligna Théo PREISS 430 , est une filiation de l’homme à Dieu, en Jésus Christ, donc une relation nouvelle qui se vit selon un témoignage doublement intérieur.

Intérieur à la parole biblique, intérieur à la personne qui le reçoit. Ce témoignage est la rencontre de ces deux intériorités qui supposent la liberté de l’Esprit et la liberté de la personne.

Ce témoignage se reçoit sans doute à partir d’une quête résorbée, conscience d’une blessure que cette parole biblique révèle tout en soignant, guérit tout en la révélant.

Théo PREISS évoque le Saint-Esprit comme témoin, mais on peut aussi augmenter cette caractéristique première d’autres attributs dont l’évangile nous parle 431 .

David WILKERSON, l’évangéliste américain, relève toute une série d’attributs de l’Esprit-Saint, il parle :

  • d’une force (Actes I verset 8),
  • d’un réconfort(Jean XIV v 26),
  • d’une protection (Actes XVI verset 6),
  • d’une libération des convoitises charnelles (Ephésiens II verset 3 à 7),
  • d’une promesse de vie (2 Corinthiens III 5 à 6),
  • de l’esprit de vérité, d’une communion (Ephésiens II verset 18), d’une espérance (Romains XV verset 13),
  • d’une réponse aux problèmes rencontrés par une liberté (Corinthiens III verset 17).

Enfin, WILKERSON souligne l’expérience surnaturelle qui accompagne certaines de ses manifestations. Comme à la Pentecôte. (Actes X versets 44).

Ce ne sont pas nos supputations intellectuelles ou autres qui nous font reconnaître l’oeuvre de Dieu parmi nous mais l’Esprit-Saint. Il est la force s’exprimant par et dans la faiblesse de l’homme.

L’Esprit-Saint témoigne, comme le disait Théo PREISS, du fait d’être enfants de Dieu, et, simultanément, comme le souligne WILKERSON, il fait entrer dans la communion de pensée et d’actes avec Dieu lui-même.

L’homme qui l’accueille n’est plus seulement créature de Dieu, il est à l’image du Christ, engendré par Dieu.

À l’instar du cheminement spirituel de cet eunuque éthiopien la quête d’intelligence de l’écriture, est conduite par le souffle de l’Esprit-Saint, à trouver l’explication de la prophétie et son accomplissement en Christ, en une personne. Cette démarche toute intérieure et toute personnelle, conduit comme lors de la rencontre avec Philippe et le baptême, à la communion d’église, dont le baptême est le signe et inaugure l’entrée.

J. H. ALEXANDER montre de façon simple mais efficace par une sorte de schéma chronologique l’histoire du salut dont Jésus-Christ est la manifestation et l’accomplissement, dans la Bible.

À partir du Christ :

  • Le salut est promis (Genèse III 15)
  • Le salut est annoncé (Promesses aux patriarches)
  • Le salut est démontré : (Le tabernacle)
  • Le salut est prophétisé : (Les écrits de l’Ancien Testament)
  • Le salut est manifesté : (Les quatre évangiles)
  • Le salut est expérimenté : (L’ Église dans les Actes des apôtres)
  • Le salut est enseigné : (Les actes des apôtres )
  • Le salut est accompli : (L’Apocalypse) 432

On peut objecter à cette lecture d’être exclusivement chrétienne, donc inéluctablement partiale et, en conséquence, il pourrait sembler, inéluctablement partielle. En effet, nous le redisons, nous nous proposons bien de partir d’une lecture chrétienne de la Bible afin d’en analyser quelques aspects de son fondement éducationnel.

La partialité provoquée par l’irruption du Saint-Esprit comme témoin du Christ au coeur de l’écriture, est cependant d’une nature très singulière.

Notes
427.

GIRARD René “ Des choses cachées depuis la fondation du monde” Paris 1978 Ed. Grasset et Fasquelle ; (485 pages) ; (pages 468 et 469)

428.

René GIRARD cite alors le passage du livre d’ Ézéchiel XXXVII 1 à 10.

429.

Actes VIII 26 à 40;

Nous en avons extrait les versets 29 à 40

Le passage d’Ésaïe est tiré d’Ésaïe 53

430.

Théo PREISS (1910 - 1950) “Le témoignage intérieur du Saint-Esprit” .cahiers de la théologie protestante( numéro 13) édition : Delachaux Niestlé Neuchâtel 1946 ; (39 pages).

431.

WILKERSON David “La croix et le poignard “ Traduit de l’anglais par Jean Claude H LANAU “Les assemblées de Dieu” Assemblées de Dieu Bruxelles 1966 ; (pp 156 à 157).

432.

J. H. ALEXANDER “Lire et comprendre la Bible” Éditions de la Maison de la Bible Genève 1973 ( 3° édition) - 1° édition en 1971- à la page 141