6 Action éducative de la Bible et pédagogie ?

Il nous reste à envisager la dimension éducative émanant de cette invariance. Comment interroger celle-ci sinon à partir, du moins sans court-circuiter, l’Esprit-Saint ? L’Esprit-Saint, moins maître que témoin, au centre de la révélation chrétienne, invite à l’étude et non aux ténèbres, il rend témoignage dans la lumière, de l’accomplissement en Christ de la Parole ancienne. Paul l’écrira :

‘N’éteignez pas l’Esprit. Ne méprisez pas les prophètes. Mais examinez toutes choses . Retenez ce qui est bon. ⁴⁴³ ’

Jean Gabriel RANQUET, prêtre catholique, en 1962, évoquera l’Écriture biblique et la vie chrétienne comme se développant dans un dialogue amoureux sous l’égide de l’Esprit-Saint :

‘“La vie spirituelle n’est pas autre chose en nous que la vie de l’Esprit-Saint, qui nous modelant à l’image du Fils, nous fait de mieux en mieux enfants du Père, et nous introduit dans l’intimité des trois Personnes. C’est le même Esprit-Saint qui travaille chaque être humain et l’humanité toute entière: il est l’âme de notre âme et l’âme de l’Église. L’histoire sainte écrite par l’Esprit au coeur de chacun et de tous, est l’histoire de ce modelage qui donne à chacun et à l’ensemble, visage d’éternité. L’espérance est la vertu propre au déroulement de l’histoire.”Où es-tu ?”demande Jahvé lorsque au soir de la chute, venant prendre le frais avec Adam, il trouve désert le Jardin ⁴⁴⁴ . ’ ‘L’Esprit et l’Épouse disent :“Viens “ écrit saint Jean à l’autre bout de la Bible, dans le grand livre de l’Espérance chrétienne: l’Apocalypse. ⁴⁴⁵ ’ ‘Entre l’appel de Dieu cherchant l’homme pécheur, lointain, misérable, et l’appel de l’homme régénéré, animé par l’Esprit et rassemblé en Église, cherchant le face à face tout proche, s’étend non seulement l’histoire biblique, mais l’histoire de chaque homme et toute l’histoire humaine. Nous appelons Celui qui nous appelle, nous sommes en route vers celui, qui en Jésus-Christ, nous cherche et nous atteint nous parle au coeur et nous donne la vie. ⁴⁴⁶ ’

Nous n’échapperons à la catégorisation purement conceptuelle, à la convocation d’un dieu idée sur fond de spéculation intellectuelle que si nous reconnaissons que ce dialogue amoureux suscité par l’Esprit-Saint doit être au centre de notre étude, tel le témoin qu’on interroge et que toute la révélation chrétienne donne comme étant le centre de son intelligence de l’écriture, par lui devenue parole de vie, parole de Dieu exprimée par des paroles d’hommes.

Ce dialogue amoureux de Dieu à l’homme, de l’homme à Dieu puis de l’homme à l’homme pourrait être sinon la définition du moins l’espace dans lequel se définit la dimension éducationnelle de la Bible.

Le mot pédagogie, en langue française, est utilisé parmi les premiers, sinon le premier, par CALVIN ⁴⁴⁷ dans son ouvrage “l’institution chrétienne”, comme l’indique Gaston MIALARET ⁴⁴⁸ ou encore le Littré, au mot pédagogie.

CALVIN l’utiliserait donc, d’après la citation de Littré, pour signifier non pas ce que Dieu révèle mais ce qu’il garde encore, pour un temps caché, au peuple d’Israël.

Un anthropologue contemporain, Philippe SAGANT ⁴⁴⁹ rapporte, qu’en certaines coutumes du Népal certains aspects de l’éducation “professionnelle” des enfants ne se font pas selon une pédagogie directe mais par la pédagogie du secret. Les adultes “mettent en scène” les conditions dans lesquelles les enfants vont pouvoir leur “voler” les savoirs dont ils sont les gardiens.

On peut oser le parallèle, entre cette pédagogie humaine et la pédagogie divine émanant de la Bible. Comme ces enfants du Népal, tous sont invités, par elle à contourner maints obstacles qui sont aussi des repères, afin de saisir la “bonne nouvelle “ dont l’Esprit rend témoignage : la promotion au rang de fils adoptifs de Dieu, participants désormais de son règne, par pure grâce. Ces obstacles ne seraient pas vains, mais, comme Israël témoignant aujourd’hui de l’incarnation du message biblique dans l’histoire, comme les églises résistant à l’usure du temps, comme les liturgies, des repères sans doute indispensables. La Bible, sans cultiver l’ésotérisme ou l’initiation, ouvre ainsi chacun au mystère qui la nourrit.