Épistémologie, typologie et virtualité

Une typologie des recherches et enseignements en sciences de l’éducation, et en sciences humaines, se situera forcément sur le mode virtuel du plérôme scientifique.

Cette typologie n’est esquissée, à partir des variables indépendantes constitutives des sciences humaines, geste, pensée, théorie, pratique, que pour conduire à son dépassement à la suite de cet écrit.

Comme une pause en chemin, pour mieux situer la route future. Il ne s’agit pas, bien entendu, ici, de prétendre à un savoir de l’esprit ou des sciences humaines. Mais simplement de vérifier si la double opposition entre et geste pensée, entre théorie et pratique permet de situer quelques sciences humaines les unes par rapport aux autres, de dégager des tendances éducatives.

Situant ainsi les limites de leurs approches respectives, en même temps probablement que leur intérêt. La spécificité de la question éducative est évidemment de traiter de tous ces aspects à la fois et, en ce sens, toute réflexion en sciences humaines sur l’éducation pourrait revêtir un caractère central par rapport aux autres sciences humaines.

Cette typologie est donc autre que celle de Yves BERTRAND 465 qui définissait des modèles éducationnels se référant à des idéologies distinctes, donc à des finalités distinctes. Elle se distingue également de celles qui comme celle de BERBAUM 466 , ou de Guy AVANZINI 467 , se proposent de dégager différents types de modèles de formations ou d’éducation.

Cette approche vise, donc, non pas à comparer les sciences les unes par rapport aux autres, ni même à s’attarder sur la méthodologie commune, mais pratiquement au contraire, à tirer un assez grossier trait distinctif de chacune par rapport à chaque autre.

Chaque science, ou chaque démarche, ne sont pas, non plus, enfermées en elles-mêmes, elles ne peuvent être qu’ouvertes à toutes les autres, dans (et pour) leur propre avancée.

Comme chaque théorie n’est jamais qu’une hypothèse, chaque hypothèse ne peut être qu’au carrefour de plusieurs démarches. Par exemple : il n’est pas possible de faire de l’histoire sans s’intéresser à la psychologie ou à la sociologie etc... , et finalement en revenir au “mystère” de l’éducation. Toute réflexion en matière éducative est donc bien une réflexion fondamentale globale, qui peut s’apparenter au questionnement initial qui est le nôtre ici.

Entre geste et pratique d’une part, entre théorie ou pensée, d’autre part, tels que nous les avons antérieurement définis, il sera toujours possible, et difficilement contournable, de privilégier un des termes au détriment de l’autre...

Pour l’éducateur en action comme pour le chercheur en sciences de l’éducation, il existerait plusieurs tendances dominantes que nous pourrions classer suivant la typologie suivante :

Une esquisse typologique des caractères des sciences humaines comme des caractères pouvant singulariser une recherche en sciences de l’éducation pourrait se déduire de manière tout à fait virtuelle du jeu entre gestes, pensées, théories, pratiques. Il ne s’agit, bien entendu là, que d’une réflexion transitoire, purement formelle, appelant donc à être dépassée, voire rejetée. Il reste que nous allons mieux discerner, à partir cette approche, le caractère radicalement autre de la pédagogie biblique qui, par rapport à ces sciences, apparaîtra comme en amont, telle une pédaggoie “primordiale”.

Nous pouvons dans un premier temps opposé théorie et pensée et les adjoindre aux autres variables indépendantes.

Nous pouvons alors en déduire des principales dérives possibles :

Puis, nous déduisons toujours des apports probables :

Chacune de ces dérives ou apports n’ est pas évidemment le fait exclusif de chaque type mais pourrait en constituer l’ aspect dominant, chacun d'eux se retrouve donc dans chacun des autres types. Ces obstacles et ces apports sont répertoriés dans le cadre plus général de la méthodologie scientifique, de toute recherche.

Nous pourrions même en reliant chaque variable indépendante avec elle-même obtenir des types introactifs ou les "métatypes" :

Chacun de ces "métatypes" présenterait des inconvénients et avantages d'un même ordre :

L'avantage commun étant la radicalité originale du regard posé par chacun de ses regards contre lequel chacun des autres vient buter. L'inconvénient commun serait l'illusion de suffisance de chacun de ses regards qui peut d'autant mieux fonctionner en se suffisant à lui-même qu'il ne considère qu'un seul des aspects théorie, pratique, geste ou pensée, en excluant les trois autres.

Bien entendu notre présentation des choses ne vise pas à l’exhaustivité, il resterait bien des sciences humaines absentes, dont, entre autres, surtout l’évocation des disciplines relatives au langage, à la langue, le philologue, le linguiste, le sémiologue ...

Certes, nous pourrions les raccrocher, en tirant un peu, à l’un des types, ou les situer dans transversalité. Cependant, notre propos n’était pas la découverte d’un système modélisant exhaustif, mais de montrer qu’entre geste et pensée, théorie et pratique, tels que nous les avions préalablement définis, se lisent effectivement un réel redéploiement, et un nouvel enjeu des sciences humaines, et des sciences de l’éducation, plus particulièrement.

Il reste que si ces disciplines relatives à la langue, et aux langages, sont absentes, c’est aussi parce que le plérôme scientifique construit sa propre langue, celle par qui lequel elle lit et élabore chaque science, selon le “discours scientifique”.

Cette langue qui est la langue propre de l’abstraction, est celle de l’arithmétique, qui se retournant sur elle-même donne naissance à toutes les sciences de la virtualité depuis la géométrie de REIMAN jusqu’aux langages informatiques, et les mondes virtuels qui s’y rattachent

En résumé : nous avons déterminé douze types totalement virtuels qui se rapportent chacun à ce que les linguistes appellent le discours. Ainsi tout chercheur enseignant serait porté plutôt vers un type de discours ou un autre, il peut également en combiner plusieurs. L'idéal serait bien sûr, de n'oublier aucun des regards, de les tenir tous en égalité d'importance.

Notes
465.

BERTRAND Yves “Théories contemporaines de l’éducation “ Chronique sociale Ottawa Lyon 1993 ; (235 p). op cit.

466.

BERBAUM Jean “Apprentissage et formation “ PUF Paris 1984 1992 édition corrigée ; (125 pages). BERBAUM définit trois modèles par rapport à l’apprentissage et à la formation : Le behavioriste, le constructiviste, l’interactionniste.

467.

AVANZINI distingue la formation d’adultes de l’éducation à l’adultité ...

AVANZINI Guy “L’éducation des adultes” préface Lucette COLIN , HESS Rémi Anthropos Paris 1996 ; (192 pages).

468.

Selon la mythologie grecque, Pygmalion tomba amoureux de sa statue, l’effet Pygmalion dans le domaine éducatif consiste à modifier son jugement en fonction de l’image qu’on se donne de l’élève.

Ce phénomène est décrit dans un célèbre ouvrage qui fit date dans l’histoire contemporaine de l’éducation :

ROSENTHAL Robert, JACOBSON Léonore “Pygmalion à l’école “ Casterman Paris 1972 ; (293 pages).