Moïse et Paul

L’apôtre Paul, vers l’année 57 ou 58 après Jésus Christ 480 , écrit ceci à l’église Rome :

‘“Effectivement je ne comprends rien à ce que je fais : ce que je veux , je ne le fais pas, mais ce que je hais je le fais. ” 481

Saint Paul explique dans ces épîtres que si l’intelligence qui éclaire l’homme nouveau le conduit vers Dieu, jusqu’à ne plus désirer que sa seule volonté, il subsiste en lui une résurgence du vieil homme attaché malgré sa propre volonté à ce que l’apôtre appelle la lettre morte de la loi de l’ancienne alliance.

Or, d’une part,“la lettre tue, mais l’esprit vivifie” 482 et d’autre part, ce ne sont pas les oeuvres qui justifient l’homme, même si elles sont le fruit indispensable, comme le montrent les épîtres de Jacques, mais le don offert par le Père du Christ Jésus son fils bien aimé, gratuitement, don de la vie, vie éternelle, don qui nous fait fils invités à la communion du Père.

Saint Paul explique que ce n’est plus l’homme qui agit pour faire la volonté du Père, mais que c’est Dieu qui agit lui-même désormais à travers l’homme mort à lui-même pour naître nouveau en Christ. Cette distance est celle que Maurice BLONDEL 483 explique avec l’image de la luciole, dont le mouvement alternatif fait d’apparitions et de disparitions dans le ciel d’été laisse l’homme en quête et en recherche d’un Dieu qui se révèle sans se laisser cependant saisir définitivement, en tout cas, capturer.

Saint Paul explique que ce n’est plus l’homme qui agit pour faire la volonté du Père, mais que c’est Dieu qui agit lui-même désormais à travers l’homme, mort à lui-même pour naître nouveau en Christ.

Le cheminement de ce dialogue entre gestes et pensées est celui qui préside au cheminement de l’alliance.

Il est intéressant de comparer la circoncision ancienne, dans la chair, et la circoncision nouvelle, dans le coeur.

Est significative, à ce sujet, l’aventure de Moïse sauvé des eaux du Nil, par la fille de pharaon. Moïse préparé par l’Éternel pendant quarante années, pour conduire en son nom encore pendant quarante années dans le désert, le peuple d’Israël, prisonnier en Égypte jusqu’à la terre promise, avant d’être lui-même interdit d’entrer dans la terre promise (il mourra sur le mont Nébo), après l’épisode du rocher de Kadès (Qadesh). Cet épisode est, également, autrement connu sous le nom de l’épisode des eaux de Mériba.

‘Le Seigneur dit à Moïse : “Prends ton bâton et, avec ton frère, Aaron, rassemble la communauté ; devant eux, vous parlerez au rocher et il donnera son eau. Tu feras jaillir pour eux l’eau du rocher et tu donneras à boire à la,communauté et à ses troupeaux.“’ ‘Comme il en avait reçu l’ordre, Moïse prit le bâton qui se trouvait devant le Seigneur. Moïse et Aaron réunirent l’assemblée devant le rocher et leur dirent : “Écoutez donc rebelles ! “Pourrons-nous de ce rocher vous faire sortir de l’eau ? “ ’ ‘Moïse leva la main ; de son bâton, il frappa le rocher par deux fois. L’eau jaillit en abondance et la communauté eut à boire en abondance ainsi que ses troupeaux. ’ ‘Le Seigneur dit à Moïse et Aaron : ’ ‘Puisqu’en ne croyant pas en moi, vous n’avez pas manifesté ma sainteté devant les fils d’Israël, à cause de cela, vous ne mènerez pas cette assemblée dans le pays que je lui donne. 484

Moïse, comme le peuple qu’il conduit, dans la traversée du désert, qui chaque jour devra attendre la manne gracieusement descendue du ciel, pour se nourrir, ne découvre qu’en temps voulu la volonté de YHVH qui ne se plaît à se révéler que jour après jour, au moment voulu et décidé par lui seul, dans et par la confiance que l’homme doit apprendre à placer en Lui exclusivement. Moïse et Aron ont le tort de mettre leur propre “sel”, de charger le peuple en quelque sorte en “se servant” de l’autorité que YHVH leur a confié. Une distance apparaît entre geste et pensée qui fait sans doute croire à Moïse qu’il peut se permettre de laisser aller son humeur alors que YHVH ne le veut que comme serviteur inutile afin de l’enseigner, et afin aussi, à travers lui, d’enseigner le peuple.

La distance est de même nature que celle qu’exprime Paul lorsqu’il dit qu’il ne fait pas le bien qu’il voudrait et fait le mal qu’il ne voudrait pas faire. Pour Paul la conscience existe de faire ou de ne pas faire le bien sans pour cela qu’il puisse empêcher, tout à fait, le mal d’agir, malgré lui, à travers lui. Que s’est-il donc passé pour ce qui était caché à Moïse soit manifeste pour Paul ? Dans l’évangile Dieu poursuivant son projet se fait tout proche et révèle son intention ultime en Christ. Paul pressent le divorce entre lui et le Père. Il possède en effet la révélation que Moïse ne possède pas encore : le projet d’Amour de Dieu manifesté pleinement en Jésus-Christ.

Ce dialogue entre le geste et la pensée est ainsi préparé dans l’ancienne alliance pour s’exprimer tout à fait nouvellement dans la nouvelle alliance. Il naît de la tension d’un divorce révélé entre Dieu et l’homme, source de dialogue entre la volonté de Dieu et la perception que l’homme s’en fait.

Notes
480.

D’après les notes de la T.O.B. (Traduction Oecuménique de la Bible), la date de la rédaction de l’épître.

481.

Epître de Paul aux romains chapitre 7 verset 15 op. cit ..

482.

2° épître aux Corinthiens Chapitre 3 verset 6

483.

op. cit Maurice BLONDEL “ La pensée” tome 1 Librairie Félix Alcan Paris 1934 ; (aux pages 202 et 203).

484.

Lire dans le livre de l’Exode des Nombres et du Deutéronome pour la vie de Moïse.

L’épisode du rocher se trouve dans le livre des nombres au chapitre 20 . Je n’ai retranscrit que les versets 8 à 12