9 Du témoignage à la christologie

Des obstacles aux balises

Ce rapport au fait exclusif et médiatique, voire médiateur, d’une virtualité, pour évoquer le fait religieux est d’une très grande actualité dans le questionnement contemporain sur l’éducation et semble finalement s’articuler sur l’hérésie ancienne du docétisme. 501

Sur le montanisme, s’articulent toutes les sectes contemporaines, qui en dérivent, et les nouveaux gourous, prétendant chacun être, peu ou prou, celui qui devait venir. 502

Le marcionisme, qui ne validait que quelques textes au détriment d’autres 503 , comme finalement le valentinisme qui supposait, nous dit IRÉNÉE 504 , en place du Dieu vivant, du Dieu créateur, ou en tout cas au dessus de lui, l’existence d’un plérôme vide, se rapprochant davantage de la manière contemporaine des intellectuels, entre HEGEL, HUSSERL et HEIDEGGER, de réduire l’enseignement biblique à un système idéologique, voire comme toujours, réductible à la seule intentionnalité de l’auteur, ou enfin, de considérer l’écriture comme procédant de la seule distance ontologique.

IRÉNÉE, face aux hérésies, ou opinions sur la révélation, va donc se situer dans une position de justification de la foi. Cette posture le conduit à poser les éléments d’une doctrine qu’il extrait des textes évangéliques qu’il contribue ainsi probablement à canoniser.

L’objectif de IRÉNÉE 505 est de conduire à une lecture simple et directe des textes évangéliques, et de l’ancienne alliance, selon cette double notion centrale de l’incarnation du Verbe en Jésus Christ, de l’accomplissement de la Parole en Jésus-Christ, premier né d’une création nouvelle, et par qui nous passons du statut de créatures de Dieu, à celle de ses fils par adoption, sans acception de personne, et des textes bibliques qui ont été écrits, précise-t-il, comme des témoignages de la vérité et non en fonction de l’auditoire.

Autrement dit, l’écriture est, comme elle se présente, parole de Dieu, certes exprimée par des hommes, mais en aucun cas des discours ou des opinions sur Dieu. IRÉNÉE veut montrer qu’une lecture et une compréhension, personnelle des écritures, de la Bible, une lecture ecclésiale, à l’école des docteurs et des anciens, qui sont dans l’église, ne s’opposent non seulement pas, mais en fait se rejoignent, sont tout aussi nécessaire l’une que l’autre, et se fécondent mutuellement. L’universel rejoint la personne, le singulier rejoint la vie communautaire, la vie communautaire rejoint le concret du quotidien, le concret du quotidien rejoint la science des écritures, la science des écritures rejoint la simplicité de l’enfant, par le mystère de l’esprit, mystère central qui ouvre à celui tout aussi central de l’incarnation. Dieu s’est fait homme, il a traversé notre condition, il a donné son fils pour que nous soyons pleinement fils à notre tour, héritiers de la promesse. Telle est la simplicité du message à laquelle Irénée revient toujours.

Notes
501.

DIMITRIU L “Médias et approche laïque de l’héritage culturel et religieux” Actes du colloque du 9 février 1994 ; INRP Paris 1995 ; (56 pages).

Ce compte rendu de colloque montre une convergence singulière entre les nouveaux médias et un enseignement laïque des religions. Nous posons ici ces quelques questions critiques :

-Peut-on regarder le fait religieux, comme seulement un héritage ?

-N’en est-il pas dès lors réduit à l’image virtuelle ?

-Cette virtualité supposée pose problème évidemment avec le rapport au message biblique qui suppose le mystère de l’incarnation comme central .

-Enfin, le développement des techniques médiatiques, n’ont elles pas tendance sinon à faire disparaître du moins à ignorer la question qui détermine finalement l’originalité chrétienne, l’exclusive médiation du Christ ?

Nous y reviendrons, dans le prochain chapitre.

502.

BUTT Audrey J. “ Naissance d’une religion “ in sous la direction de MIDDLLETON JOHN “ Anthroplogie religieuse” présentation Marc AUGÉ Titre original de l’ouvrage “Reading in religions beleafs and practices - Gods and rituals “ (1967 ) Larousse université Paris 1974 ; (247 pages) ; des pages 201 à 247

Audrey BUTT narre la naissance d’une religion, l’Alléluia des Makusis, à partir du prophétisme local de BICHIWUNG et ABEL, au XIX° siècle, à partir de 1839, en Guyane supérieure, religion dite “semi-chrétienne”, c’est à dire associant des phénomènes purement magiques et divinatoires, à une connaissance biblique reliée au témoignage des missionnaires.

BUTT montre combien Dieu y est convoqué plus que prié . Les rituels magiques, le fétichisme relatif aux objets fait part intégrante de la croyance qui mêle donc christianisme et religion pré-chrétienne en ces terres colonisées.

Remarquons enfin le caractère très localisé et protecteur de la culture locale qui préside à ces révélations qui n’ont pas d’intention universelle.

MONTAN prétendait être l’esprit saint, c’est bien cette place de l’esprit saint qui est contourné par ce néo-prophétisme insulaire.

503.

Sur MARCION, on peut lire “Contre les hérésies”

Sur son rapport à l’écriture :I 27, 2 III 11, 7 ; 12 12

Sur sa doctrine : I 27, 2-4 ; III 12,12; 25,3 IV 6, 4 ; 8,1 ; 13, 1.

Critique de cette doctrine : IV, 33, 2 ; V 2, 1.

504.

Lire “Réfutation de la thèse valentinienne relative à un plérôme supérieur au Dieu créateur”

Contre les hérésies” II 1 et 2

505.

Voir particulièrement le préliminaire du livre III (pp 276 à 287 ) et plus particulièrement encore le dernier chapitre, le cinquième intitulé : “ Le Christ et les apôtres ont prêché selon la vérité et non selon les idées préconçues de leurs auditeurs.”

pp 284 à 287