Parmi les théologiens contemporains, Paul BEAUCHAMP nous parait être l’un de ceux qui soulève aujourd’hui le problème. Sa prise en compte dite historico-prophétique du texte nous paraît, en dépit de la complexité de l’expression, résoudre en partie le dilemme que nous venons de soulever concernant l’exégèse contemporaine.
On ne peut, en effet, lire la Bible sans prendre en compte de façon historique, c’est à dire selon son déroulement, la notion de prophétie qui la caractérise, c’est la seule manière de revenir à son invariance, à ce qui la constitue, selon le phylum qui conduit au Christ.
Mais, tout autant que sa position, semble être intéressante, l’évolution que semble suivre Paul BEAUCHAMP, en plus de vingt années d’exégèse biblique.
Confrontant en effet ses textes récents avec des écrits plus anciens, nous notons une évolution d’une exégèse engoncée dans des principes d’une méthodologie extrinsèque à une prise en compte de plus en plus fine de l’intrinsèque message. 705
Paul BEAUCHAMP tente de réunir alors, comme les Pères de l’église, les deux exigences : compréhension de la foi d’une part, et approfondissement exégètique, approfondissement rationnel, d’autre part, dans un seul et même mouvement.
Le mouvement inversé de Dieu vers l’homme, assure l’homme d’une victoire au delà des perceptions et des spéculations, des limites du temps et de l’espace, certitude que donne la foi seule.
Il est révélateur à ce sujet de s’arrêter sur l’itinéraire théologique atypique mais révélateur de l’évêque anglican, John Arthur Thomas ROBINSON, 706 rendu célèbre dans les années soixante, par ses thèses dites modernistes, proches en apparence de la théologie de la mort de Dieu, exigeant une foi réduite à son strict essentiel : Jésus fils de Dieu, tout à fait homme et Dieu. On alla même jusqu’à parler alors à son sujet de néo-christianisme ...
Plus tard, ROBINSON, paradoxalement, rejoignit sur plusieurs points de ses conclusions, par des voies parfois symétriques ceux qui se fondent sur la véracité objective et première des écritures. 707 La question qu’il pose à de nombreux exégètes contemporains part de cette conclusion étonnante pour beaucoup, que rien de bien sérieux ne s’oppose, mais qu’au contraire beaucoup d’éléments concourent dans le sens que, l’écriture des évangiles soit antérieure à la destruction du temple de Jérusalem, c’est à dire l’an 70 708 . Sans entrer dans le détail des débats autour des thèses de ROBINSON, relevons que la destruction du temple de Jérusalem, situerait historiquement la rupture définitive entre juifs et chrétiens. La rédaction de l’évangile de Luc qui mentionne au chapitre vingt et un, la destruction de Jérusalem, est situé par ROBINSON, en l’an 50. Bien d’autres spécialistes contemporains le situent en l’an 80. On trouve un problème analogue, avec les évangiles de Marc, qui depuis les pères de l’église est considéré comme rapportant le témoignage de Pierre, et de Matthieu, où certains parlent de l’éventualité d’ajouts ultérieurs par des communautés. 709
L’enjeu de tels débats peut paraître secondaire, en effet, car la position dominante des théologiens d’aujourd’hui, n’est évidemment pas non plus celle de SPINOZA dont BULTMANN, au XX° siècle fit proliférer l’héritage. Beaucoup plus nuancée, elle analyse les données en comparaison entre autre avec la tradition orale supposée contemporaine aux évangiles, du judaïsme, et en déduit certaines conclusions, postulant sur une transmission d’abord orale.
Mais, à notre connaissance, aucun fait tangible, incontestable, sinon parfois l’incrédulité devant la possibilité d’une prophétie de Jésus, ou, plus finement, un enfermement de la parole dans un postulat de son interprétation communautaire, ne vient confirmer ces hypothèses.
ROBINSON ne met d’ailleurs pas en cause l’existence d’une transmission orale, dont les évangiles eux-mêmes se réclament, et font mention. Ainsi donc commence l’évangile de Luc :
‘Plusieurs ayant entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, suivant ce que nous ont transmis des témoins oculaires dès le commencement et sont devenus des ministres de la parole, il m’a aussi semblé bon, après avoir fait des recherches exactes sur toutes ces choses depuis leur origine de te les exposer, excellent Théophile, afin que tu reconnaisses la certitude des enseignements que tu as reçu. 710 ’Ce rapport à l’investigation, cette référence à l’authenticité des faits, est donc bien une préoccupation de l’ église primitive, rapport inhérent aux évangiles, référence intrinsèque à ceux-ci . La démarche de ROBINSON, dont chacun s’accorde, jusqu’à ses adversaires, à reconnaître le clarté de l’argumentation, le sérieux dans l’investigation, fait donc finalement crédit à l’intuition de la foi.
Son investigation se justifie par une fidélité au message lui même. Elle se justifie par la prise en compte du caractère intrinsèque du message de la Bonne Nouvelle. Ce message est une proclamation de toute manière et, quelle qu’en soit l’interprétation des uns ou des autres, extraordinairement révolutionnaire et mystérieuse. Elle se justifie également par un regard critique sur les modes d’investigation de théologiens contemporains, le passage de faits à des conclusions s’opérant parfois, nous suggère ROBINSON, sans vraiment beaucoup de lien des premiers avec les secondes.
Si l’intuition de ROBINSON ne prouve probablement rien, car effectivement la foi ne se nourrit certainement pas de preuves historiques, cette intuition n’en repose pas moins sur le mystère de l’incarnation pris dans une dimension radicale. L’intuition de ROBINSON, outre qu’elle renforce le crédit porté aux écritures, à la foi des Pères de l’église, ouvre sans doute à une question minimale.
À force de critiquer les origines présupposées des sources du texte, une part de l’exégèse contemporaine n’en a-t-elle pas oublié de se critiquer elle-même, et de regarder, comme de l’extérieur ses propres présupposés idéologiques, qui peuvent expliquer une part de son incrédulité parfois systématique, son propre aveuglement, et pour finir, quelques conclusions hâtives ?
Car ROBINSON 711 appuie tant sa démarche scientifique puis que théologique sur un postulat finalement apparemment proche mais radicalement opposé à celui de SPINOZA : il fait confiance aux écritures jusqu’à preuve absolue du contraire. ROBINSON ne rejette pas le droit à l’investigation scientifique, au contraire même, il en revendique la nécessité, comme une possibilité d’investigation, mais à l’inverse de SPINOZA, il n’en fait pas dépendre directement ce qu’il doit penser des écritures.
ROBINSON sans partir de la foi qui est la sienne la met à l’épreuve de la science, mieux encore, il confronte les exigences des méthodes critiques les plus dures avec la cohésion intrinsèque du texte. Il ne cherche pas, dans le sens inverse, en retour, cependant à troquer les résultats de la science, mais à mettre ses conclusions à l’épreuve du texte spécialement en ce qui concerne la date de l’écriture des textes et leur origine. Il écrit :
‘Ceux qui sont engagés authentiquement envers le Christ en tant que Vérité doivent être prêts au risque que Dieu lui-même a voulu courir, lorsqu’il s’est engagé dans l’histoire humaine, savoir : la contingence des événements la faillibilité des documents. 712 ’Il nous semble tenir dans cette démarche mieux encore qu’une part de l’attitude de Saint ANSELME, qui s’appuyant sur la foi cherche à comprendre, la foi requérant la raison, démarche des pères de l’église, selon la voie intrinsèque, une exposition au questionnement extrinsèque qui cherche cependant à ne pas brader cette foi. Pratiquement à l’inverse, l’attitude critique de SPINOZA semble vouloir circonscrire la foi dans les présupposés déductibles de ce qu’il nomme la raison, et qui serait plutôt la rationalité, c’est à dire une raison qui s’auto-définit par rapport à sa propre construction. Il nous semble dès lors masquer ce que la confiance absolue en cette rationalité présuppose, une réduction de la révélation aux limites de ce que l’homme en perçoit aujourd’hui, ici, maintenant, à partir d’une perspective qui ne saurait jamais être absolue.
Toute la révélation poursuit le chemin inverse de celui de SPINOZA, on passe de la foi à la raison, la foi éclaire la raison, la foi est elle-même une raison au delà des raisonnements, et c’est à partir du phylum d’Israël, nous l’avons déjà développé, d’où nous vient la révélation même de cette notion de foi, que le monde des idoles païennes, des pratiques irrationnelles, occultes, de la magie, qui font dépendre l’homme des pratiques divinatoires, sont le plus fermement dénoncées.
Les affirmations de ROBINSON, peuvent, donc, à première vue, sembler sans grand intérêt pour la foi, on peut se demander si quelques trente années maximum de décalage changent beaucoup aux choses ? Elles ont, au moins, le grand intérêt de de maintenir ouverte intégralement, une question aux savants : leur investigation ne suppose-t-elle pas des présupposés ?
Un des caractères de l’évangile 713 est justement d’annoncer clairement les siens, annoncer une bonne nouvelle au monde par le moyen de la foi. Mais cette foi est exigeante et demande raison aux faits eux-mêmes, elle s’incarne dans l’histoire et le quotidien, aux événements auxquels elle donne un sens. Si nous savons aujourd’hui que la neutralité n’existe pas, cela ne signifie pas qu’un fait ne soit pas un fait, et une pensée une pensée, et qu’on ne puisse distinguer entre imagination et témoignage dont les évangiles, comme quatre témoignages indépendants et distincts veulent marquer la frontière.
‘La connaissance enfle mais l’amour édifie. Si quelqu’un s’imagine connaître quelque chose, il ne connaît pas encore comme il faudrait connaître. Mais si quelqu’un aime Dieu, il est connu de lui. 714 ’Ainsi, d’un même évangile, né de la vie de Christ, venu parmi les hommes, quatre témoignages, comme quatre sources, en proclament l’attestation, non l’image, l’imagination, la représentation. Cependant dès l’origine, la foi est au coeur de cette proclamation, de son entendement, de sa répercussion. Cette foi s’articule se comprend se manifeste dans l’amour pour Dieu et le prochain.
Car, comme les disciples sur le chemin d’Emmaüs, la tristesse qui spécule sur la victoire de la mort, passe à l’espérance qui se nourrit de la victoire de la vie.
Assurance d’une espérance que Paul exprime ainsi :
‘“ Car j’ai l’assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur ni la profondeur, ni aucune créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur.” 715 ’Nous assistons bien à une transfiguration des données par la foi. Cette transfiguration ouvre à une perspective nouvelle, ne reposant plus sur une opposition entre rationnel et raisonnable, telle que la perspective de SPINOZA, parachevée par KANT, y pousse et y conduit.
Il y a une raison de la foi, parfaitement “sur-rationnelle”, parfaitement “sur-raisonnable”, car située désormais, au plus profond de l’homme, c’est à dire, non pas là où il spéculerait, sans investir de sa personne, sur le sens des choses, sans rencontrer le sens de sa vie, dans un lieu où le changement le plus radical n’est jamais davantage qu’une rupture épistémologique, ou un changement d’hypothèse sans grande conséquence pour sa vie, mais là précisément où le sens des choses vient rejoindre, visiter et féconder, à partir d’un témoignage intérieur, de façon nouvelle, les enjeux même de sa propre existence, au coeur de son coeur. Un passage de la mort à la vie. (Nous y revenons).
ROBINSON réduit tout l’évangile à ce passage, qu’il trouve rejoindre dans le Christ, la question du bien et du mal, de l’indifférence ou de la haine à l’amour, et ne pose dès lors que des questions purement rationnelles, revendiquant le droit de questionner tout événement comme mythique plutôt qu’historique.
C’est pourquoi ses conclusions qui rejoignent celles qui s’appuient sur la littéralité du texte ont eu de quoi surprendre et questionner bien de ses contemporains théologiens qui tirent eux d’autres conclusions à partir de principes proches apparemment de ROBINSON.ROBINSON montre en effet que quatre attitudes théologiques sont possibles mais qu’elles sont chacune lacunaire.
Il propose en effet une cinquième attitude possible.
‘Mais la meilleure, et, en fin de compte, l’unique raison valable de prendre cette recherche au sérieux se trouve être l’amour confiant de la vérité pour elle-même, ce qui dans le cas chrétien signifie l’amour du Christ. Quelles que soient les prédispositions à partir desquelles nous commençons, c’est finalement le seul test qui puisse nous juger tous., 716 ’Bien que l’ exigence soit ici renversée : bibliquement, ce n’est peut-être pas tant son amour pour le Christ qui juge l’homme que l’amour du Christ pour chacun qui le sauve ; nous croyons également impossible de comprendre la Bible sans cette motivation à l’amour. C’est sans doute pourquoi nous laissons là également la démarche de ROBINSON, persuadés que nous sommes, qu’il y a dans ce qui est nommé comme conservatisme, ou fondamentalisme, une quête essentielle de la foi, peut-être parfois mal exprimée, mais qui peut-être essentielle, contre une offensive sans précédent historique d’un mouvement de pensée dont nous venons de montrer quelques tenants. Certes les “isme“ du conservatisme et du fondamentalisme sont en trop, mais le rapport au Christ, et à la Bible reposent bien sur un rapport au fondamental, à la conservation. Certes, avec raison encore, on peut, à l’encontre d’une lecture fixiste du texte, évoquer l’obscurantisme passé qui fit, entre bien d’autres innocents, brûler vif Giordano BRUNO 717 (1548-1600) ou contraindre GALILÉE 718 (1564-1642 ) à abjurer ses convictions. L’horreur du crime, au nom, ou non, de Dieu, n’est-elle pas dénoncée radicalement dès le meurtre initial de Caïn ? Une lecture de la Bible à la lumière de l’évangile, annoncé par la croix, suffit à montrer que l’inquisition ne peut se réclamer, sans les trahir radicalement, du Christ ou même du christianisme.
Ce qui finit par manquer à chaque théologie qui voudrait contenir la parole de Dieu, est de simplement retourner à la parole elle-même qui ne s’est pas définie, selon la Bible elle-même comme fixité théologique mais comme permanente, indestructible, incorruptible et éternelle, organique et surtout vivante 719 .
Ce passage du livre du prophète Ésaïe l’exprime d’ailleurs admirablement, on ne peut plus clairement.
‘Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies, dit l’Éternel. Autant les cieux sont élevés au dessus de la terre, autant mes voies sont élevées au dessus de vos voies et mes pensées au dessus de vos pensées. Comme la pluie et la neige descendent du ciel et n’y retournent pas sans avoir arrosé, fécondé la terre, et fait germer les plantes, sans avoir donné de la semence au semeur et du pain à celui qui mange, ainsi en est-il de ma parole qui sort de ma bouche, elle ne retourne point à moi sans effet, sans avoir exécuté ma volonté et accompli mes desseins. 720 ’La vision de Jérémie exprime le sens de la révélation biblique : C’est Dieu qui veille lui-même sur sa parole pour l’accomplir.
‘La parole de l’Éternel me fut adressée, en ces mots : Que vois-tu, Jérémie ? Je vois une branche d’amandier. Et l’Éternel me dit : Tu as bien vu car je veille sur ma parole pour l’exécuter. 721 ’Ceux qui se réclament de son message d’amour et de grâce, ne sauraient en ce domaine se substituer à lui sans devenir semblables à Don Quichotte, combattant des mirages, ou, bien pire, sans finir par devenir pareil... à TORQUÉMADA le Grand Inquisiteur ... qui à la différence du chevalier à la triste figure imaginé par CERVANTÈS, héros errant dans un monde virtuel, qui ne fit en bout de compte de mal à personne d’autre qu’à lui-même, mena quant à lui une inquisition malheureusement bien réelle.
La vocation chrétienne, bibliquement affirmée, n’est pas d’agir pour le dieu tel que le pseudo-témoin se le représente, mais de servir et d’annoncer en communion d’amour, Dieu vivant qui s’offre gratuitement pour tous sur la croix.
Dilemme récurant du martyr et de l’inquisiteur. ( Nous y revenons également).
L’évangile se transmit, dès l’origine, comme une Bonne Nouvelle qui se proclamait à partir de l’enseignement de témoins, baptisés dans l’Esprit-Saint, c’est à dire : passés de la mort à la vie.
L’enseignement n’était pas spéculation virtuelle, mais engagement de tout l’être dans une modification d’existence une rupture avec le passé, la vie passée qui se terminait avec la mort. Ici le chemin est inversé. “Euaggelion” ou “Euangelion “ 722 dès lors proclamée à la manière d’une annonce de victoire. Il n’est guère cependant, sans le dénaturer, envisageable d’entendre le message sans entrer dans cette Bonne Nouvelle, sans chercher ce qui la fonde.
Une annonce (évangile) est faite, historiquement en parallèle, à l’évangile de Jésus-Christ, annonce reliée au culte de l’empereur qui traversait à cette même époque, l’époque de Christ, tout l’empire romain.
‘Le culte de l’empereur a fourni une sorte de légende sacrée qu’il faut garder à l’esprit quand on étudie les évangiles chrétiens. L’empereur n’est pas un simple humain. Son arrivée au pouvoir, marquée par le passage d’une comète ou quelque autre prodige céleste est le signe d’une nouvelle joyeuse pour l’humanité entière. Le salut et le destin des hommes sont liés à sa personne. 723 ’L’évangile de Jésus-Christ marque donc, comme en parallèle, une contre annonce, ouvre une rupture avec l’ordre du pouvoir politique. Le nouveau roi qu’on célèbre n’est pas un roi selon le royaume de ce monde, et son entrée, aux rameaux, à Jérusalem sur un ânon, en signifie, et renforce l’augure.
Il marque une rupture mais ne cherche pas le conflit, en termes de rapport de force. Cette rupture n’est pas une volonté d’usurpation du pouvoir de César. L’état romain légiférait sur tout, tolérant et intégrant, au fil des conquêtes, les cultes des contrées occupées tant que ceux-ci n’entraient pas en concurrence avec César.
Exégèse et herméneutique “ BEAUCHAMP Paul Seuil Paris 1971 ; (pages 59 à65). (Actes du colloque tenu du 3 au 7 Septembre 1969 à Chantilly. ( Action Catholique Française pour l’étude de la Bible )
Paul BEAUCHAMP en 1969 travaillant sur le premier chapitre de la Genèse définissait cinq principes méthodologiques
1/ Méthode de composition statique. La position des valeurs du texte sur un mode esthétique.
2/ Méthode archéologique ou génétique. Elle essaie de partir des ruptures et disharmonies constatées par la première méthode.
3/ Méthode des genres littéraires ou de l’histoire des formes. Elle situe le texte en fonction de sa finalité sociale et générale.
4/ Méthode des séries. Classer le texte dans une série de textes semblables.
5/ Vers la signification ? Paul BEAUCHAMP se demandait là si l’exégèse pouvait donner sens à l’explication “traditionnelle” du texte, dans l’église.
Nous voyons qu’aucun des cinq points, pas même le cinquième ne prend en compte ce qui est intrinsèque au message.
BEAUCHAMP Paul “La Bible livre d’espérance” in Études théologiques. 38 1 Juillet Août 94 pp 69 à 78
Dans ce texte écrit en 1994 Paul BEAUCHAMP ne se pose plus la question. Il lit la Bible en fonction de ce que cette parole peut avoir prophétiser dans l’histoire contemporaine de celle que relate les textes. Finalement il la lit telle qu’en elle-même.
Voir note connexe numéro 18 adjointe à ce chapitre :
“Le cheminement d’une éducation, de la genèse vers l’accomplissement”.
Il semble saisir donc que les méthodes qu’il définissait en 1969 permettaient peut-être de dire quelque chose du texte, mais avec un grand risque de cadenasser le sens dans les représentations contemporaines.
Il définit et parle de la méthode historico-prophétique.
Nous sommes en 1994, entre les deux textes de BEAUCHAMP, plus de vingt années se sont écoulées.
ROBINSON John Arthur Thomas “Dieu sans Dieu” “ Honest to God’ Nouvelles éditions latines Paris 1964 ; (185 pages).
“Le néo-christianisme d’un évêque anglican” en sous-titre à l’édition française
Aux antipodes des méthodes de ROBINSON, mais avec sur ce point des conclusions semblables, nous trouvons TRESMONTANT qui s’appuie sur une lecture de la Bible par la Bible, à la manière des Pères, accentuant sur les origines hébraïques du christianisme.
TRESMONTANT C. “Le Christ hébreux la langue et l’ âge des évangiles“ Oeil Paris 1984 ; (317 pages) ; Albin Michel Paris 1992; (317 pages).
Trois grands courants (schématiquement).
Le courant BULTMANN “Jésus “ (1928 )différencie l’histoire du mythe, il attribue aux communautés la "mythologisation " des récits.
Le courant TRESMONTANT, rejoint (ou précédé) par ROBINSON qui mise sur l’historicité absolue, l’un à partir d’une lecture prophétique l’autre à partir d’une analyse critique.
Le courant souvent dominant aujourd’hui (GRELOT ) tente une synthèse entre les deux et penche pour l’hypothèse d’évangiles écrits, après transmission orale, mis à part l’évangile de Marc qui serait antérieur, à la fin du premier siècle.
Cahiers évangile “Les évangiles. Origine, date, historicité “ présentés par Pierre GRELOT Cerf Paris ; Septembre 83 numéro 45 ; ( 75 pages). Pierre GRELOT, sans vouloir remettre en cause une lecture par la Bonne Nouvelle, au contraire, ni l’historicité des miracles et des faits, y avance des arguments pour questionner et remettre en cause les thèses de ROBINSON, mais il ne nous convainc pas, car il semble mêler des arguments théologiques d’ordre secondaires, c’est à dire non mentionnés par l’écriture elle-même, comme revêtus du même prix que l’écriture. Ainsi, il semble important, a priori, sans qu’il le dise vraiment, à Pierre GRELOT d’associer les communautés primitives sinon à la rédaction directe, du moins à la mise en conformité, des évangiles. Rien ne nous semble prouver indiscutablement ces choses.
L’évangile de Marc XII 38 à 40 parle de la destruction du temple de Jérusalem, tout comme Matthieu XX III 1 À 36.
L’exégèse de laquelle semble se réclamer Pierre GRELOT considère l’évangile de Marc comme le plus ancien. ROBINSON situe l’évangile de Marc entre 45 et 50 et celui de Matthieu comme plus ancien encore.
Luc I 1 à 4
ROBINSON John Arthur Thomas “La différence du chrétien d’aujourd’hui.” Seuil Paris 1974 ; (160 pages).
ROBINSON John Arthur Thomas “Peut-on se fier au nouveau Testament ?” ( 1976) Lethielleux Paris 1980 ; (157 pages)
ROBINSON John Arthur Thomas “Peut-on se fier au nouveau Testament ?” ( 1976) Lethielleux Paris 1980 ; (page 31)
Il semble que l’expression même de quatre évangiles pour parler des quatre textes ne soit apparue dans un second temps. Dans un premier temps l’on parle de “dits et faits du Seigneur”., mémoires des apôtres, “paroles du Seigneur”
Par contre, la notion de l’évangile au singulier est bien plus ancienne et pratiquement originaire, Paul en particulier l’emploie 60 fois et 21 fois sous la forme du verbe évangéliser, elle est inhérente au Nouveau Testament.
Philippe GRUSON écrit :“Dans le plus ancien texte chrétien après le Nouveau Testament, “la Didachè”, l”évangile “ désigne encore non pas un livre, mais l’enseignement du Seigneur, une sorte de vie à mettre en pratique.”
in Cahiers évangile “Qu’est-ce que l’évangile ? “ Présentation par Pierre Marie BEAUDE Cerf Paris ; Juillet 96 numéro 96 ; ( page 4 ).
I Corinthiens VII 2 à 3 (TOB) op cit
Romains VIII 38 39
Ibidem page 33
Giordano BRUNO soutenait les thèses de COPERNIC fut condamné à mort par l’Inquisition et brûlé vif à Rome. Il sembla précéder SPINOZA dans une vision panthéiste de Dieu.
“ Eppure si muove” se serait déclaré GALILÉE après son abjuration. Nous trouvons là un empiétement à partir certes d’une lecture fixiste du texte qui ne reconnaît pas la dimension humaine de la parole biblique, mais encore, aussi, et peut-être surtout, un empiétement contre nature de la vocation de l’église qui est telle que le Christ l’annonce “ecclésia”, communauté vivante, avant d’être cléricaliste, c’est à dire en recherche d’une représentation officielle selon des autorités constituées, face au monde.
La parole de l’Éternel définie par la Bible est : le glaive à deux tranchants ( Hébreux IV 12, Apocalypse I 16 ; II 12 ), droite (Psaume XXX III 4 ) - éprouvée (II Samuel XXII 31, Psaume XVIII 31 , CXIX 140, Proverbe XXX 5) - pure (Psaume XII 7 ) -vivante (Hébreux IV 12) - elle court avec vitesse (Psaume CXLVII 15 - elle subsiste ou demeure éternellement (Psaume CXIX 89, Ésaïe XL 8, I Pierre I 25 ) - elle est plus douce que le miel (Psaume CXIX 103) - elle est une lampe (Psaume CIX 105 ) - elle est un feu (Jérémie XXIII 26 )- son fondement est la vérité (Psaume CIX 160 ) - elle fait fondre la glace ( Psaume CXLVII 18 ).
Ésaïe LV 8 à11
Jérémie I 11 à 12
Ce mot qui caractérise l’évangile est le même que celui utilisé en langue grecque pour signifier sinon la victoire, du moins l’annonce d’une victoire après un combat.
L’inscription de Priène, datée de l’an 9 avant notre ère porte l’inscription suivante, qui faisait débuter le nouveau calendrier le jour de l’anniversaire de l’empereur Auguste. “ Chacun peut considérer avec raison cet événement comme l’origine de sa vie et de son existence, comme le temps à partir duquel on ne doit pas regretter d’être né ....La Providence a suscité et orné merveilleusement la vie humaine en nous donnant Auguste, comblé de vertus, pour en faire le bienfaiteur des hommes, notre sauveur, pour nous et pour ceux qui viendront après nous, afin de faire cesser la guerre et d’établir partout l’ordre. Le jour de la naissance du dieu (Auguste) marqua pour le monde le commencement des bonnes nouvelles ( ta euangelia) qu’il apportait.”
Flavius Josèphe (Guerre 4, 618 et 622-623. Traduction légèrement modifiée par P. SAVINEL, La guerre des Juifs éd. Minuit 1977 ) utilise également le mot pour célébrer la victoire du général Vespasien (9-79) qui devint empereur.
“Plus vite que ne va la pensée, le rumeur publique avait répandu les nouvelles selon lesquelles il y avait un empereur en Orient et toutes les villes célébraient ces heureuses nouvelles (euangelia) et célébraient des sacrifices en l’honneur de Vespasien. ( ...)
Vespasien était amené à penser que l’empire ne lui était pas échu sans l’assistance de la providence divine et que c’était quelque juste destinée qui lui avait remis le pouvoir universel.
Il se rappelait, en effet, entre autres présages (car il en avait eu beaucoup, de tous côtés, qui lui avaient annoncé l’empire), les paroles de Josèphe, lequel, alors que Néron était encore vivant, avait eu la hardiesse de le saluer à titre d’empereur.”
Nous tirons nos citations in Cahiers évangile “Qu’est-ce que l’évangile ? “ Présentation par Pierre Marie BEAUDE Cerf Paris ; Juillet 96 numéro 96 ; ( à la page 10)
Rappelons que Flavius Josèphe qui rappelle ici sa propre prédiction fut justement ramené prisonnier de la guerre de Judée à Rome par Vespasien qui petit fils de centurion et fils de publicain ne semblait pas destiné à devenir empereur.
“Qu’est-ce que l’évangile ? “ Pierre Marie BEAUDE Cerf Paris ; Juillet 96 numéro 96 ; ( à la page 10)