6 L’esprit des enfants

Sans vouloir abuser des mots et de leurs sens supposés, ce qui pourrait revenir à faire croire qu’une référence à la lettre suffise, ou encore que la Bible propose une sorte de langage par trop détaché de la langue parlée couramment, , voire un langage ésotérique à déchiffrer, ce qui contredit l’écriture elle-même, dans son fond, comme dans sa forme, nous constatons, et voulons mettre en exergue, qu’un autre dernier mot, que nous n’avons pas mentionné encore, est généralement traduit par “connaissance”, et, est employé par le Nouveau Testament : “ginôskô”

Xavier Léon DUFOUR, dans son “Dictionnaire du Nouveau Testament” en donne cette explication concernant l’utilisation néo-testamentaire de ce mot.

‘Selon la Bible la connaissance ne se réduit pas à l’acte de l’intelligence qui saisit un objet. Le mot conserve une dimension expérimentale qui le caractérise : remarquer, expérimenter, savoir, discerner apprécier, établir une relation intime entre deux personnes, d’où choisir, élire, s’unir sexuellement, enfin reconnaître. Conformément à la notion de vérité, connaître c’est rencontrer quelqu’un, ne pas connaître c’est l’écarter de soi. La connaissance de Dieu est possible car c’est un “re-connaître” celui qui, par sa création, est déjà là. Connaître c’est être disposé à obéir. 731

Si Dieu est déjà là, si le connaître c’est toujours le reconnaître, alors le connaître c’est retrouver l’esprit aussi de l’enfance.

Lorsque Gilbert CESBRON concluait son ouvrage “Ce que je crois” où il développait le fondement chrétien, selon la foi chrétienne de toute son existence, de toute son oeuvre, il écrivit.

‘Je vois bien que j’achève à peu près comme j’avais commencé avec des idées simples. Mais la simplicité est-elle le contraire de la profondeur ? La transparence de l’eau permet d’en douter.’ ‘(...) Toute la tâche consiste à devenir pleinement un adulte en demeurant pleinement un enfant; c’est le secret du christianisme. 732

Tout se joue donc d’abord dans la vie, et non dans la représentation de la vie. Ce qui fait de toute exégèse, une servante. Xavier Léon DUFOUR l’écrit par ailleurs:

‘Authentifier les intuitions de la foi. Non pas juger, mais regarder avec sympathie les richesses que les gens les plus simples nous révèlent dans l’Écriture. Ils sont souvent nos maîtres. Que notre science ne fasse pas périr le faible, mais qu’elle soit vraiment servante! 733

Et il cite alors les paroles de Jésus rapportées par Matthieu.

‘Je te loue Père Seigneur du ciel et de la terre : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout petits” 734

Cette quête de communion entre le savant et l’enfant qui découvre le monde, cet enseignement renversé de l’homme savant par le tout petit se fait sur une conscience commune d’une certaines indigence, d’un nécessaire lien d’amour dans la communion au don gratuit, exprimé en Christ, et ouvre à la perspective éducative des horizons insoupçonnés justifiant du coup a posteriori que nous ayons en préliminaire donné au mot éducation son sens le plus étendu.

Notes
731.

DICTIONNAIRE du Nouveau Testament Xavier LÉON-DUFOUR Seuil Paris 1975 ; (à la page 178 ).

732.

CESBRON Gilbert “ Ce que je crois “ Grasset Paris 1970 ; pages 206 et 207.

733.

Exégèse et herméneutique “ BARTHÈS, BEAUCHAMP, BOUILLARD, COURTÈS, HAULOTTE, LÉON-DUFOUR, MARIN, RICOEUR, VERGOTE. Seuil Paris 1971 ; (362 pages). (Actes du colloque tenu du 3 au 7 Septembre 1969 à Chantilly. ( Action Catholique Française pour l’étude de la Bible ) à la page 32

734.

Matthieu XI 25 (op cit.)