7 Autre perspective : De la promesse au royaume

Que Xavier LÉON-DUFOUR, exégète de réputation internationale, éprouvât le besoin d’exprimer, en ouverture d’un colloque entre spécialistes des sciences bibliques, et universitaires, la priorité donnée aux humbles de coeur pour ce qui concerne l’intelligence de la foi, la priorité donnée aux enfants, parle de lui-même. En effet, nous entrons maintenant dans le tournant de notre thèse. La perspective introduite en Christ, confirme, sur ce point, une double rupture, avec l’hellénisme, d’une part, nous avons largement commencé à l’entrevoir, mais aussi avec le judaïsme des écoles rabbiniques 735 , tel qu’il émergea des pharisiens contemporains de Jésus, d’autre part. L’accomplissement, en la personne de Jésus, de la promesse faite à Abram, fait entrer dans un cheminement pédagogique insoupçonné, où le pédagogue est Dieu lui-même, accompagnant l’homme, sur un chemin. Ce que l’homme doit désormais apprendre; c’est uniquement à tenir la main du pédagogue à ne point la lâcher, en tout cas à marcher avec lui, en dialogue, en respiration, en prière. Ainsi, de la promesse d’une terre, d’une postérité, d’une bénédiction pour tous les peuples 736 , nous sommes conduits à comprendre, à entendre, l’invitation aux tables du Royaume. Royaume présent dans le monde , sans être du monde. 737 Invitation au Règne de Dieu, avec Dieu, qui renverse les puissants de leurs trônes et élève les humbles. a rassasié les affamés, et il a renvoyé les riches à vide, secouru Israël son serviteur et s’est souvenu de sa miséricorde (....) 738 Règne qui s’ouvre aux coeurs d’enfants. Je vous le dis en vérité quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant n’y entrera pas. 739 Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les empêchez pas, car le Royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent 740 L’évangile de Jésus-Christ donne donc bien lieu à une perspective autre, un peu comme dans le jeu des images de OBERLIN 741 , cette perspective nouvelle ouvre un regard singulier sur les choses.

Le livre de Jostein GAARDER “Le monde de Sophie” sorte de reconstitution synthétique et didactique de l’histoire de la philosophie, “best-seller”, très prisé par le public du monde entier, mais parfois décrié par les spécialistes de la philosophie, signifie cependant, de notre point de vue, de manière très simple et assez juste ce qui constitue l’apport du christianisme dans le monde hellénique, partant d’un point de vue grec, justement. Il dresse un parallèle entre Jésus et SOCRATE, avant de parler de Paul, soulignant, en rapport à l’hellénisme, ce point de vue autre.

‘Quand nous avons parlé de SOCRATE, nous avons pu constater à quel point ce peut être dangereux de faire appel à la raison de l’homme. Avec Jésus, nous voyons que réclamer un amour désintéressé du prochain ainsi qu’un pardon désintéressé est tout aussi audacieux. Dans le monde d’aujourd’hui nous voyons de puissants États être plus qu’embarrassés quand ils sont confrontés à des revendications simples comme la paix, l’amour, la nourriture pour tous et le pardon aux opposants du régime. ’ ‘Tu te souviens combien PLATON fut révolté de voir que SOCRATE dut payer de sa vie le fait d’être l’homme le plus juste d’Athènes. Selon le christianisme, Jésus est le seul homme vraiment juste qui ait vécu. Pourtant il fut condamné à mort. Il est mort pour les hommes. C’est ce qu’on appelle “la souffrance au nom des hommes” de Jésus. Il était le “serviteur qui souffre”, celui qui prit sur lui tous les péchés du monde pour que nous soyons réconciliés avec Dieu. ’ ‘(...) Peu de temps, après que Jésus fut crucifié et enterré des rumeurs disant qu’il était ressuscité commencèrent à circuler. (...) Nous pouvons dire que l’église chrétienne commence le matin de Pâques avec les rumeurs de sa résurrection. Paul résume en ces termes. “Et si le Christ n’est pas ressuscité, alors notre message ne vaut rien et nous sommes les plus malheureux des hommes.” Désormais tous les hommes pouvaient espérer “la résurrection de la chair.” car c’était pour notre salut que Jésus fut crucifié. Et maintenant, ma chère Sophie, il faut que tu aies à l’esprit qu’il ne s’agit plus chez les Juifs de “l’immortalité de l’âme “ ou d’une “quelconque réincarnation”. C’était une pensée grecque c’est à dire indo-européenne. Mais selon le christianisme, il n’y a rien de l’homme qui soit immortel par lui-même et son “âme “ pas plus qu’autre chose. L’Église croit en la “résurrection du corps” et à la “vie éternelle”, mais c’est par le miracle de Dieu que nous sommes sauvés de la mort et de la “damnation”. Notre mérite personnel n’a rien à voir dans l’affaire, ni aucune prédisposition de naissance. Les premiers chrétiens commencèrent à propager la “bonne nouvelle” sur le salut grâce à la foi en Jésus-Christ. Par son action de salut, le royaume de Dieu était entrain de voir le jour. Le monde entier pouvait être gagné à la cause de Dieu. (...) Paul à Athènes, (...) souligne que la quête de Dieu repose au fond de tous les hommes. Rien de bien nouveau pour les Grecs. Mais la différence c’est que Dieu proclame Paul, s’est révélé aux hommes et est allé à leur rencontre. Il n’est pas seulement un “Dieu philosophe” que les hommes peuvent rejoindre par leur raison. (...) Cela peut sembler contradictoire, mais le message de l’Église était de dire justement que Dieu devint homme. Jésus n’était pas un “demi dieu” (mi-humain, mi-divin). Ces croyances en des “demi-dieux” étaient très répandues dans les religions grecques et hellénistiques. L’Église enseignait que Jésus était “Dieu dans sa perfection, homme dans sa perfection. ” 742

Cette insistance appuyée de GAARDER, sur la résurrection des corps, sur ce mouvement inversé de Dieu vers l’homme, sur cette rencontre parfaite de Dieu et de l’homme en Jésus, mystère de l’incarnation, marque effectivement toute la différence du christianisme avec l’orientalisme, dont l’idéal est de quitter le monde de s’extraire de la réalité matérielle afin de parvenir à l’extase, au nirvana ( le non-rien ) à la fusion avec le grand tout.

La communion des corps, est une toute autre chose qu’une fusion. Dans la koinônia, -et l’étymologie du mot,nous l’avons noté, l’indique- les deux parties ont quelque chose d’essentiel en commun, mais gardent leur identité distincte, l’une de l’autre. Dans la fusion, les identités disparaissent et se noient l’une dans l’autre.

Un autre best-seller des années soixante, celui-là, “Je veux regarder Dieu en face” de Michel LANCELOT, 743 fut consacré au phénomène nouveau qui, à partir de la côte ouest des États-Unis d’Amérique, envahissait l’Europe, le phénomène hippie, dans lequel on peut voir par certains aspects ( goût pour l’ésotérisme , confusion entre les religions, séparation entre l’âme et le corps) un précurseur du New Âge qui se développe, vingt ans plus tard. Le mouvement hippie se distingue du New-Âge, cependant, dans ce qu’il prônait, à son origine, en tout cas, l’amour envers chacun, la vie communautaire, bien davantage que l’individualisme. Le mouvement hippie qui se tournait vers la “Bhagavad-Gita “, pensait, dans le sillage du philosophe Ralph Waldo ÉMERSON (1803-1882), fils de pasteur et pasteur lui-même pendant trois ans, faire, entre autre, une synthèse entre la mystique orientale et le Christ.

‘Grand prêtre du transcendantalisme, Ralph Waldo Émerson évoque déjà au XIX ° siècle dans son journal intime : “Ces hindous qui donnent à l’humanité les clés nouvelles du secret de l’Esprit.” Ailleurs ÉMERSON recommande à ces compatriotes, et à la jeunesse, plus particulièrement, la lecture de la Bhagavad-Gita. (...) Or, qu’ai-je vu, à San Francisco, un siècle plus tard, sinon des centaines de hippies, étendus sur l’herbe du Golden Gate Park, trouvant Jésus formidable et dévorant plus que ne lisant la Bhagavad-Gita. (...) Fleurs dans les cheveux, et colliers de coquillage autour du cou, ces jeunes citoyens n’ont fait que reprendre à leur compte l’idée maîtresse du vieil Émerson : “L’esprit primant la matière, l’homme pouvait échapper à la tyrannie du milieu physique et social.” Comme lui, bourrés d’optimisme, ils veulent créer un climat d’amitié avec Dieu et donner à leur pays sans racines profondes, une civilisation nouvelle au moins égale à celle du Vieux Continent. 744

Le grand rêve en effet, de Ralph Waldo ÉMERSON, conciliant individualisme et justice pour tous, était de voir émerger à partir des États-Unis, une nouvelle culture et se dégager ainsi de l’ Europe. Brillant orateur, en 1837, il prononça d’ailleurs à l’université de Harvard un discours resté célèbre, considéré comme “la déclaration d’indépendance intellectuelle américaine.” La générosité, et l’intégrité intellectuelles de ÉMERSON étaient grandes, mais force est de constater, que le mouvement hippie qui s’en réclamait, pour ne pas avoir su faire la part, entre orientalisme et le message de Jésus, ni distinguer entre incarnation et réincarnation, prophétie et ésotérisme, miracle et magie, a, peu à peu, vu se liquéfier son amour selon la quête mystique reposant sur l’initiative de l’homme pour sombrer dans la recherche des paradis artificiels de la drogue. Dans sa générosité bienveillante, Michel LANCELOT voyait là, dans la consommation de stupéfiants, encore une dernière recherche pour “regarder Dieu en face” avant de dégénérer dans l’auto-destruction.

L’évangile ne propose pas aux disciples, en effet, de s’extraire du monde, mais au contraire d’y aller pour l’annonce de la bonne nouvelle du royaume, de le vivre, non pas selon leurs simples forces, mais accompagnés par la vie du Christ qui a prié juste avant d’être arrêté, précisément pour les disciples, selon ces paroles. Et maintenant je vais à toi, et je dis ces choses dans le monde, afin qu’ils aient en eux la joie parfaite. 745

Jésus a parlé depuis ce monde, et non depuis un quelconque éther ou paradis artificiel. Afin, dit-il, que la joie des disciples soit parfaite, c’est à dire qu’ils n’aient plus à faire le chemin qu’il a lui même accompli une fois pour toutes. Jésus continue en disant

‘Je leur ai donné ta parole; et le monde les a haïs, parce qu’ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. Je ne te prie pas de les ôter du monde mais de les préserver du mal. 746

La prière de Jésus, qui, rappelons-le, va être bientôt arrêté, ne suppose pas que le mal n’existe pas, un peu comme ce mouvement qui voulait tout recouvrir de fleurs, mais il demande seulement que les disciples, eux, soient gardés du mal. Jésus continue encore :

‘Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. Sanctifie-les par ta vérité. Comme tu m’as envoyé dans le monde, je les ai aussi envoyés dans le monde. Et je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu’eux aussi soient sanctifiés par la vérité. Ce n’est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous soient uns, comme toi Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu’eux aussi soient un en nous, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Je leur ai donné la gloire que tu m’as donné afin qu’ils soient uns comme nous sommes un, - afin qu’ils soient parfaitement uns et que le monde connaisse que tu m’as envoyé et que tu les aimes comme tu m’as aimé. 747

Parler d’amour, le vouloir, à la manière des hippies, peut ne pas suffire, l’amour se révèle désormais, envers tous, dans la relation unissant le Père et le Fils pour que le monde le reconnaisse.

Mais revenons au jeu des images de J. F. OBERLIN dont l’intérêt était justement de prendre le point de vue de l’autre. La perspective nouvelle qu’ouvre Jésus intègre la réalité d’autres perspectives possibles, non à partir de la démonstration théorique, ou de confrontations incessantes, un peu comme cet écrit tenu par les exigences universitaires y invite, mais dans l’abandon de soi-même, le don de soi-même, à la suite du Christ, attitude qui caractérisa les premiers martyrs et qui fait écrire à Paul à l’église de Corinthe.

‘Car bien que je sois libre à l’égard de tous, je me suis rendu le serviteur de tous, afin de gagner le plus grand nombre. Avec les juifs, j’ai été comme un juif, afin de gagner les juifs; avec ceux qui sont sous la loi, comme sous la loi (quoique je ne sois pas moi-même sous la loi), afin de gagner ceux qui sont sous la loi ; avec ceux qui sont sans loi, comme sans loi (quoique je ne sois point sans la loi de Dieu, étant dans la loi du Christ) afin de gagner ceux qui sont sans loi. J’ai été faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, (...) 748

Ainsi, le chrétien, le disciple, peut aller vers les autres, mais aussi vers d’autres cultures, sans s’y perdre. Se faire juif avec les juifs, grec avec les grecs, veut donc bien dire de ne pas ignorer le fait culturel des sociétés que nous traversons. Mais pour Paul l’essentiel n’est pas là. Il ne rêve pas à la manière des hippies des années soixante, d’une grande synthèse culturelle qui expliquerait l’évangile ou le compléterait. Cette attitude, paradoxalement, n’engendre pas la tristesse, mais à la joie, la tension du chrétien est toute tournée vers la joie. L’apôtre Paul l’exprime ainsi aux Philippiens.

‘Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur; je le répète, réjouissez-vous. Que votre douceur soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche. Ne vous inquiétez de rien; mais en toutes choses faîtes connaître vos besoins à Dieu, par des prières et des supplications, avec des actions de grâces. Et la paix de Dieu qui surpasse toute intelligence gardera vos coeurs et vos pensées en Jésus-Christ. 749

Paul continue, dans cette dernière lettre, en remerciant l’église des Philippiens de l’avoir aidé dans certaines circonstances difficiles, alors que lui, ne demandait rien. On pressent cette double réalité qui traverse la vie de Paul, la réalité du Royaume, qui lui fait affirmer qu’il peut tout en Christ, la réalité du monde qui reste à convertir, et qui entraîne ses souffrances.

‘En tout et partout j’ai appris à être rassasié et à avoir faim, à être dans l’abondance et à être dans la disette. Je puis tout par Christ qui me fortifie, cependant vous avez eu raison de prendre part à ma disette. 750

Nous pressentons à ces paroles le degré de communion ressenti entre Paul et l’église qu’il a enfantée. Communion dans une liberté réciproque, dans un partage profond des joies et des peines dans l’espérance commune du Règne à venir. Un chemin les unit, ce chemin va du ciel à la terre, ce chemin, qui surpasse, d’après les mots même de l’apôtre, toute intelligence, c’est le Christ Jésus.

“Regarder Dieu en face”, pour reprendre l’expression de Michel LANCELOT, perspective impossible d’apparence, est donc rendue possible, non à partir de la quête mystique de l’homme vers Dieu, mais du mouvement inversé de Dieu vers l’homme.

‘Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais étranger, et vous m’avez recueilli ; j’étais nu et vous m’avez vêtu; j’étais malade et vous m’avez visité ; j’étais en prison et vous êtes venus vers moi. Les justes lui répondront : Seigneur, quant t’avons-nous vu avoir faim, et t’avons-nous donné à manger ; ou avoir soif, et nous t’avons donné à boire ? Quand t’avons-nous vu étranger et t’avons nous recueilli; ou nu, et t’avons-nous vêtu ? Quand t’avons-nous vu malade ou en prison, et sommes-nous allés vers toi ?’ ‘Et le roi leur répondra : Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faîtes. 751

L’évangile s’accomplit donc et se connaît dans le Christ seul. Mais le Christ seul, est présent désormais au coeur de la plus humble des détresses, lui qui, le premier, se fait tout à tous et ouvre la perspective nouvelle du royaume, accomplissant l’alliance faite avec Noé, la promesse faite à Abram, par le don gratuit de Dieu lui même, auquel la seule réponse possible pour l’homme est l’engagement de la foi, le don gratuit de sa vie, ou au contraire le refus de ces choses.

Ce cheminement aura fait passer l’homme d’une promesse lointaine, à une présence de Dieu dans le proche, le plus petit, le plus seul, l’exclu de tous.

Renversement de perspective : Dieu n’est donc pas contenu dans notre psyché, Dieu est présent dans la soif, la douleur et la souffrance, la solitude, la détresse, de l’homme seul. Moins peut-être dans le plein qu’il éprouve que dans le vide qu’il ressent.

Retournement de perspective : Puisque Dieu a pris le point de vue de l’homme, du plus petit d’entre eux, l’homme est invité désormais, et transporté jusqu’à entrer dans le point de vue de Dieu rendu accessible par l’amour communié, partagé, multiplié.

Nous sommes aux antipodes des expériences artificielles, des ésotérismes.

Ce qui importe ici c’est de rencontrer Dieu dans la réalité, et spécialement dans la réalité des souffrances humaines que le chrétien est appelé à soulager.

La lumière du monde éclaire le monde, elle ne s’y dilue pas, comme la démarche strictement naturaliste et rationalisante d’un SPINOZA le proposait, elle ne l’absorbe pas, comme la dérive spiritualiste des hippies le suggérait.

Reprenant des arguments de l’évangile de Jean, cette lumière est une parole première et institutrice, parole de Dieu, institutive, qui institue des hommes comme témoins, et l’église comme peuple et corps du Christ, créatrice de perspectives nouvelles pour une création nouvelle où les paralysés marchent, où les aveugles voient, où les sourds entendent et où les muets parlent, re-créatrice donc récréative, c’est à dire ouvrant des perspectives encore insoupçonnées, inespérées, non du fait du mérite de l’homme mais de la seule grâce, c’est à dire de l’amour, de Dieu qui envoie dans le monde sans être du monde pour l’annonce de cette Bonne Nouvelle qui vaut pour tous et pour chacun.

Il ne s’agit donc pas de fuir le monde pour découvrir un quelconque éther ; il ne s’agit pas non plus d”enfermer le monde dans les concepts construits et autres conceptions humaines des choses mais de reconnaître une présence une parole qui envoie dans le monde ceux qui, pour reprendre l’expression de Jean, de par la référence qu’ils se donnent au Christ, en Jésus, ne sont plus du monde.

Cette réalité du monde, entre hier et demain, est celle à laquelle la parole biblique renvoie sans cesse celui qui l’écoute et qui essaie de la mettre en pratique à la suite de Jésus et des prophètes.

Une rencontre décisive, initiale, primordiale s’inscrit dans le fait que Dieu, l’a chois, élu, l’a rencontré de sa propre initiative, lui a parlé le premier, l’a aimé le premier, c’est le sens de son baptême qui l’envoie désormais porté la bonne nouvelle de cet amour au monde.

En effet l’amour dont il est lui même aimé, choisi, élu, s’il est toujours singulier n’est pas pour autant exclusif de l’amour que Dieu porte à toute sa création, au contraire il conduit à l’accueillir, le reconnaître, à l’annoncer car il est manifeste pour tous.

C’est le sens de la croix du Christ qui donne sa vie pour tous.

L’amour de Dieu est accompli en Jésus.

Cette initiative divine première primordiale s’ouvre sur une liberté de réponse pour l’homme : on ne peut se dire chrétien si on ne choisit pas de l’être ; ceci est à la genèse de la naissance de l’église qui part historiquement de la conversion d’hommes et de femmes, et non de la prise de pouvoir politique ou autre qui forcerait un ralliement à une religion officiellement établie.

Cette perspective autre donc se fonde sur une prise en compte radicalement nouvelle de l’altérité.

Notes
735.

La thèse en cours de Éva TANGER dont nous avons pu lire la préparation , semble confirmer que, dans le judaïsme, le primat de l’adulte ne soit pas vraiment mis en cause et, au contraire même; véritablement posé comme préalable incontournable. Le titre provisoire : “La promesse éducative : De la volonté de former au désir d’apprendre” semble déjà en attester. TANGER Éva “La promesse éducative : de la volonté de former au désir d’apprendre “ mémoire en DEA en sciences de l’éducation 1994/1995. Jury : René KAÈS Philippe MEIRIEU. Université Louis Lumière Lyon 2 1994 1995.

736.

Genèse XII 1 à 3 ; (op. cit.)

737.

Matthieu XII 28 ; Luc XVII 21 Jean XVIII 36

738.

Voir le cantique de Marie : Luc I 52 à 55

739.

Marc X 13

740.

Matthieu XIX 14 très proche de Luc XVIII 16

741.

Jean-Frédéric OBERLIN (1740-1826) fut pasteur luthérien, philanthrope, théologien, formé dans la mouvance du piétisme protestant. Il oeuvra toujours dans le cadre de son ministère pastoral dont il avait la vision la plus large qui soit . Le jeu des “images d’ OBERLIN ” est formé par une image dépliante en accordéon, suivant plusieurs volets. Selon la perspective choisie, on découvrait ainsi deux images différentes. Outre que ces images pouvaient constituer une instrumentation pédagogique pour le catéchisme, on raconte que J. F. OBERLIN s’en servait pour aider les paroissiens à résoudre leurs conflits. Les paroissiens, changeant de place, prenant la place de l’autre, apprenaient à changer de perspective, et à comprendre que leurs différents n’étaient en fait qu’une question de point de vue. ( Annexes; lettre à la classe numéro 3 ; 1995/96) ; (page 153).

Certains ont pu voir dans cette méthode, un début peut-être de ce que depuis Kurt LEWIN nous appelons la psychologie sociale, la dynamique de groupe. Sans aller forcément jusque là, soulignons l’originalité de OBERLIN qui voyait le développement des sciences comme une conséquence, ou une suite du développement de la foi. On a pu montrer également (Edmond STUSSI, notes personnelles au colloque d’Angers 1995 ) la filiation dans le cheminement historique de la création des écoles maternelles françaises, entre l’église morave, le piétisme, COMÉNIUS, OBERLIN et Pauline KERGOMARD. OBERLIN instaura dans une région très défavorisée de l’Alsace, autour du Ban de la Roche, une bibliothèque ouverte à ses paroissiens. Il est généralement considéré comme un des initiateurs historiques, des écoles maternelles, par les écoles du tricot, “poêles à tricoter” où les mères se regroupaient avec leurs enfants autour de menus travaux manuels, utiles et pédagogiques, dont principalement la couture. Il constitua même un herbier de toutes les plantes trouvées au Ban de la Roche suivant les principes de classification de LINNÉ. Il contribua à former les agriculteurs aux techniques de l’agriculture moderne, développant la culture du coton. Il créa même un système d’épargne populaire qui préfigure la caisse d’ épargne, voire même de la caisse maladie, caisse de retraite ou la sécurité sociale. OBERLIN était également proche des préoccupations de Emmanuel SWEDENBORG (1688 - 1772) qui opposa aux connaissances scientifiques les connaissances supra sensibles, illuminisme et qui fut fondateur de “la nouvelle Jérusalem” église mystique bibliste qui se développa en Angleterre, et aux États Unis. On mentionne souvent une grande proximité d’OBERLIN avec PESTALOZZI (1746 - 1827) et dans une moindre mesure, de notre point de vue, avec ROUSSEAU (1712-1778). L’abbé Henri GRÉGOIRE (1750 -1831) mentionna à la Convention lors d’un discours, du 16 fructidor de l’an II ( 2 Septembre 1794), STOUBER et OBERLIN qui organisèrent dans le Bas-Rhin une sorte de première école normale, où les jeunes gens, apprenaient entre autre la langue française, et s’initiaient au métier d’instituteur. GOURSOLAS François “Jean Frédéric OBERLIN - Le pasteur catholique évangélique “ Albatros Paris 1985 ; (252 pages). SCHNEIDER Malou et GEYER Marie Jeanne “Jean Frédéric Oberlin - Le divin ordre du monde (1740-1826) Éditions du Rhin Strasbourg 1991 ; (255 pages). STUSSI Édmond “Jean-Frédéric OBERLIN : le divin ordre du Monde - Une pédagogie de l’éveil” in Pédagogie chrétienne Pédagogues chrétiens Actes du colloque d’ANGERS des 28,29,30 Septembre 1995. Éditions Don BOSCO Paris 1996 ; (553 p.).

742.

GAARDER Jostein “Le monde de Sophie” traduit du norvégien par Hélène HERVIEU et Martine LAFFON Seuil Paris 1995 ; (547 pages). 1° édition en langue originale Aschehoug Oslo 1991 pp 181, 182, 183

743.

LANCELOT Michel “Je veux regarder Dieu en face (le phénomène hippie) ” Albin Michel Paris 1968.

éditions “J’ai lu “ révisée de 1971 ; 303 pages). Optimiste à son sujet, Michel LANCELOT, voyait dans le mouvement hippie, l’ héritage spirituel d’un courant qui devait révolutionner le monde, à partir, entre autre, de la philosophie américaine de Ralph Waldo ÉMERSON (1803-1882) fondateur du transcendantalisme américain, de Henri David THOREAU ( 1817-1862) arrêté et brièvement incarcéré en 1845 pour avoir refusé de payer une taxe pour financer la guerre du Mexique et qui publia en 1849 un “essai sur la désobéissance civile” dont s’inspirera plus tard , GANDHI. THOREAU et ÉMERSON qui étaient amis prônaient l’un et l’autre des idées pacifistes, et tentaient ce concilier dans leur philosophie, accomplissement individuel et engagement pour des causes justes, retour à une vie naturelle. Ils étaient abolitionnistes et pacifistes. Ils restaient cependant attirés l’un et l’autre par les religions et les spiritualités les plus diverses, et pour des pratiques ésotériques, jusqu’à la magie.

Dans ce même mouvement LANCELOT cite également le poète Walt WHITMAN ( 1819-1892) et un certain Théodore PARKER moins connu en Europe,mais fondateur avec ÉMERSON, THOREAU, Amos ALCOTT, George RIPLEY, Margaret FULLER, de l’école transcendantaliste américaine. (page 57)

Nous retrouverons un mélange entre ésotérisme mystique et christianisme, à partir de l’influence orientale, à contre sens , du message de la pure grâce, par la division âme corps qu’elle suppose, et par sa dimension initiatique, comme dans la nature de ses investigations, dans l’ anthroposophie du pédagogue autrichien Rudolf STEINER (1861-1925).

744.

LANCELOT Michel op. cit 1971 ; page 58.

745.

Jean XVII 13

746.

Jean XVII 14 à 16

747.

Jean XVII 16 à23

748.

I Corinthiens IX 19 à 22

749.

Philippiens IV 4 à 7

750.

Ibidem versets 12 à 14

751.

Matthieu XXV 35 à 40