3 Exclusivité d’une médiation singulière

L’éclairage biblique, plus spécialement dans sa dimension néo-testamentaire évangélique, va donc transfigurer cette distinction entre médiologie, médiatisation et médiation, en définissant de façon singulière, et autre, la médiation, et le médiateur.

‘Car il y a un seul Dieu et aussi un seul médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme, qui s’est donné lui-même en rançon pour tous.”. 858

Dès lors, tout ne se joue pas seulement à l’intérieur de la personne, comme le demius, tel SOCRATE, ou dans le jeu essentiel de la perception humaine des choses, et du monde, tel ARISTOTE, mais en une personne totalement autre, toute puissante et toute proche réconciliant en elle, Dieu et l’homme.

Personne Unique et irremplaçable selon la Bible elle même : le Christ.

Il nous semble tenir ici toute la distinction entre un “éducationnel” de type “grec”, entre théorie et pratique, où la vision théorique prime toujours en tant que référentiel du langage, avec pour médiateur un demius intérieur à l’homme, ou une conscience strictement particulière selon la définition d’ARISTOTE, rejoignant l’Universel à partir de l’entreprise d’abstraction, d’une part, et, d’autre part, une relation éducative sous le sceau de l’évangile de la Bonne Nouvelle, entre gestes et pensées, dans la transfiguration incarnée des gestes et des pensées, selon la compassion et la communion au don gratuit, exprimées sur la croix.

La question de la médiation est donc bien centrale, dans le sens qu’elle détermine la réalité et l’enjeu de la relation éducative. Et nous ne marquons pas assez souvent, en supposant le plus souvent la question de la définition de la médiation comme allant de soi, ou a priori résolue, à notre sens, dans les écrits éducationnels contemporains que, de la qualité reconnue et exprimée de la médiation dépend, et réciproquement, la nature réelle de toute l’action éducative qu’elle accompagne et définit simultanément.

Supposons à présent une relation d’enseignement dans le cadre de la foi chrétienne, donc de l’église au sens le plus large.

Une fois l’exclusive médiation du Christ, entre Dieu et les hommes, posée, derrière certes une radicalité de principe, s’exprime la médiation à l’extérieur de tout élève et de tout maître, de tout pair, venant rejoindre, selon l’esprit de la proclamation des béatitudes, leur soif, leur indigence. Quête de justice rejoignant la quête du royaume de Dieu.

La perspective et la réalité du royaume annoncé, viennent donc épouser et féconder, à chaque étape, la quête de l’élève et du maître, tous deux disciples d’un même Christ, dans une communion de fraternité.

Cette médiation exclusive du Christ s’exprime donc tout à la fois dans l‘indépendance réciproque, de chacun par rapport à chaque autre, du maître supposé et du disciple ou de l’élève, voire des pairs, et l’invitation commune à une communion selon l’Esprit-Saint, en Christ sous le signe de la croix : mort à soi-même, vie en Christ.

Communion d’amour et de dons gratuits dont l’eucharistie fait signe et mémoire.Communion plus large encore que celle des croyants, ou des “confessants” 859 , elle conduit à prier et travailler dans la communion aux souffrances du monde, pour la venue du Royaume.

Cependant, inéluctablement, invariablement, c’est ici que survient la grande tentation chrétienne, selon une force décuplée, à la mesure inversée de la radicalité de la force exclusive et singulière de la Bonne Nouvelle. Une violence démesurée faite à la personne est rendue possible.

À partir du moment où, au nom du Christ, se mettra en jeu et en mouvement, une tentative de “confiscation” de la médiation, survient : la dérive inquisitrice, déjà évoquée.

Notes
858.

I Timothée II 5

859.

Ce terme nous renvoie à la distinction barthienne entre église sociologique ou multiduniste et église confessante.