5 Des risques inhérents d’une interposition et de détournement

Il nous faut à présent rappeler une évidence centrale : la conception de la médiation est essentielle dans le domaine éducatif, même, tel que nous l’investissons, lorsqu’il est élargi au sens le plus large de son acception.

Cette thèse ne se situe résolument pas, nous l’avons précisé d’entrée, dans la perspective d’une communauté singulière du christianisme, catholique, orthodoxe, anglicane, réformée, ou évangélique, qui toutes ont leur façon de répercuter le message biblique de l’évangile, dans cette, apparemment intenable et pourtant incontournable tension, pour toute communauté humaine, toute institution humaine, à référence chrétienne, qui veut vivre et se constituer selon et à partir de l’affirmation du credo de la foi chrétienne qui pose l’universel et la vie comme accomplis en un seul, par un seul et pour un seul, réunissant en lui dans une communion, et non en fusion, avec lui, pour le salut de tous, toute la création, toutes les créatures. Nous ne voulons pas nous situer non plus en rupture avec ces confessions comme en marge d’elles, mais au coeur de ce qui les unit et les définit les unes les autres comme chrétiennes, pour en souligner si possible, dans la mesure du possible, le caractère intrinsèque fondateur commun.

Évangéliquement, l’église est le corps du Christ 866 ; cela chacun l’entend, mais chacun l’entend à sa manière.

Ainsi, le rapport à l’institution, au sacerdoce universel, est autre, selon que l’on soit, par exemple, catholique, pour qui l’institution est, historiquement, en tout cas, davantage l’expression du corps du Christ, ou réformé, où l’institution ne se voit pas comme autre chose que comme une expression certes nécessaire de l’organisation du corps du Christ, mais toujours à réformer, et jamais suffisante donc, comme contenue dans le corps mais ne le contenant pas entièrement, ou encore orthodoxe où l’expression du corps du Christ se déploie davantage dans le cadre d’une population singulière attentive a perpétrer l’orthodoxie d’un message. Nous retrouvons cependant cette dernière conception de l’église ancrée dans la population singulière, la communauté, dans toutes les dénominations chrétiennes, mais plus spécialement dans le courant évangélique réformé qui accentue également plus fortement la priorité sur la démarche individuelle, la rencontre personnelle, singulièrement confessionnelle : l’incarnation.

Nous ne nous arrêterons donc pas dans cet écrit sur la manière dont chacun entend le sacerdoce universel, et l’église institution, mais sur ce que dit la même parole biblique à laquelle chacun se réfère.

Il nous conviendra donc de ne pas empiéter sur l’interprétation propre de chacun, mais de montrer que des dérives inévitables par rapport au message fondateur, ont chacune leur source dans une interposition à la médiation unique singulière et universelle du Christ, même si certaines dérives par rapport à l’annonce première, seraient plus menaçantes ou présentes chez les uns que chez les autres, et, bien entendu, vice-versa.

Le livre de l’Apocalypse marque d’ailleurs bien, plus que tout autre, dès son ouverture, en prolongement des lettres des apôtres, cette distinction originelle : les églises locales traversent des problèmes propres, reçoivent donc des conseils propres, mais vivent cependant selon le même esprit, qui est justement celui qui s’adresse à chacune d’elles. 867

D’une certaine manière, nous tentons ainsi de nous tenir selon cette perspective de l’esprit parlant aux églises, non pas que nous ayons la prétention d’écrire au nom de l’Esprit-Saint, mais parce que nous ne voulons résolument pas éluder, ni obstruer, comme on maintient vide un espace, cette dimension originalement intrinsèquement biblique : ce qui réunit les communautés chrétiennes, malgré leur pluralité, peut-être à causes d’elles, est ce qui les définit comme telles : cette référence commune à un seul et même esprit.

Paul écrira encore :

‘Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme vous avez été appelé à une seule espérance par votre vocation; il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui est au dessus de tous et parmi tous et en tous. Mais à chacun de nous, la grâce a été donnée, selon la mesure du don du Christ.” 868
Notes
866.

I Corinthiens XII 12 à 31 op . cit .

On peut mettre en relation ce texte avec Matthieu XVIII 19 et 20

“Je vous le dis encore que, si deux d’entre vous s’accordent sur la terre pour demander une chose quelconque, elle leur sera accordée par mon Père qui est dans les cieux. Car là ou deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux.”

Ces deux textes révèlent, à la fois la communion large d’église entre tous les chrétiens, même les frères séparés, et la réalité de la présence libre du Christ, au quotidien des gestes et des rencontres ; l’universel épouse le singulier de chacun.

867.

Le livre de l’apocalypse se présente comme une lettre envoyée aux sept églises d’Asie :Éphèse, Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie, Laodicée.

Pour chacune il y a une exhortation et un avertissement singulier qui constituent les trois premiers chapitres, spécialement le deuxième et le troisième, du livre. Chaque message adressé singulièrement est ponctué par une même expression :“ Que celui qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux églises.” Apocalypse III 22

Un singulier, l’Esprit, un pluriel les églises.

868.

Éphésiens IV 4 à 7