9 L’ obstacle de l’interposition démiurgique

Le gourou peut laisser la place au démiurge. L’interposition n’en fait pas moins tout autant obstacle. Le démiurge confond le savoir, l’enseignement qu’il prodigue et l’entendement qu’à sa propre personne de ce dit savoir. Il se rend indispensable, et incontournable. Son absence équivaut à la régression, voire à la mot symbolique de l’élève qui n’existe pas en dehors de lui. Entre lui et le savoir qu’il prodigue donc pas de distance possible.

Le triangle pédagogique de Jean HOUSSAYE ⁹⁰⁶ , entre maître et savoir, et élève, définit la dérive démiurgique comme l’exclusion du savoir, et le choc frontal de l’élève avec son maître sans possibilité effective ni pour l’élève de distanciation, ni pour le maître de dépossession de son élève rendu dès lors à l’état d’objet du maître.

La différence entre le démiurge et le gourou est sans doute dans le fait que le démiurge ne fait pas de doctrine nouvelle, il peut même ne pas avoir conscience de l’effet qu’il produit et qui parasite l’apprentissage de l’élève. Autrement dit : le démiurge, contrairement au gourou, peut être parfaitement inconscient de son propre rôle qu’il peut tenir donc bien involontairement ou contre son gré.

Le démiurge pourrait, à la limite et paradoxalement, défendre la doctrine de la grâce seule en Christ, mais agir en sens inverse, persécutant, harcelant, par exemple la conscience de son élève, la chargeant d’inutiles fardeaux .

Or, la justice ou justification biblique, qui traduit les termes hébreux “çèdèq” “ç’dâqâ” “çaddiq” décrivent une attitude qui expriment entre deux parties une alliance de communion.

Cette justification bibliquement, est liée à la justice de Dieu ⁹⁰⁷ , jusqu’à la nouvelle alliance, il n’appartient pas à l’homme de la donner, ⁹⁰⁸ celui-ci ne peut qu’en rendre le témoignage, ⁹⁰⁹ elle ne peut provenir que de Dieu ⁹¹⁰ , en définitive elle est en Jésus seul. ⁹¹¹

Les paroles que Jésus, parlant à la foule et aux disciples, adresse à l’intention des scribes et des pharisiens, peuvent valoir pour ce que nous nommons ici les démiurges et la dérive démiurgique.

‘Alors Jésus parlant à la foule et à ses disciples dit : Les scribes et les pharisiens sont assis dans la chaire de Moïse. Faîtes donc et observez tout ce qu’il vous disent; mais n’agissez pas selon leurs oeuvres. car ils disent et ne font pas? Ils lient des fardeaux pesants, et les mettent sur les épaules des hommes, mais ils ne veulent pas les bouger du doigt. Ils font toutes leurs actions pour être vus des hommes. Ils portent de larges phylactères, et ils ont de longues franges à leurs vêtements; ils aiment la première place dans les festins, et les premiers sièges dans les synagogues, ils aiment à être salués dans les places publiques, et à être appelés par les hommes, Rabbi, Rabbi. Mais vous, ne vous faites pas appeler Rabbi; car un seul est votre Maître et vous êtes tous frères. Et n’appelez personne sur la terre votre père; car un seul est votre père, celui qui est dans les cieux. Ne vous faîtes pas appeler directeurs; car un seul est votre Directeur le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Quiconque s’élèvera sera abaissé, et quiconque s’abaissera sera élevé. ⁹¹² ’

Il reste comme en écho, cette mystérieuse responsabilité que Jésus confère aux disciples, et c’est un paradoxe de la nouvelle alliance.

La justice toute autre de Dieu vient habiter le coeur des disciples.

‘Après ces paroles, il souffla sur eux et il dit : Recevez le Saint-Esprit : Ceux à qui vous pardonnerez les péchés ils leur seront pardonnés; et ceux à qui vous le retiendrez ils leurs seront retenus. ⁹¹³ ’

Cette responsabilité donnée au disciple n’est possible que dans la communion au Saint-Esprit reçu à la Pentecôte, où naît l’église. Ce n’est pas la psyché de l’homme mais l’esprit du Christ soufflant sur les disciples qui les transforme et les envoie dès lors dans le monde pour accomplir cette incroyable mission dans la communion d’amour et de vie, dans l’Esprit-Saint avec celui qui a donné pour tous sa vie sur la croix.