16 L’obstacle de l’interposition par les pouvoirs de groupes

Le cheminement de l’alliance privilégie, donne la priorité, dans son propre développement, dans son propre processus, à l’arrachement, à la mise à part, au déracinement.

De Noé à Abram, de Moïse aux prophètes, jusqu’aux tribulations historiques du peuple d’Israël, de diasporas en persécutions, les déracinements, les départs, les retours, les mouvements, en un mot, les arrachements, sont incessants.

Certes, il y a bien des promesses, d’une terre, d’une postérité, d’un héritage, de grandes nations, d’un peuple nombreux, de la venue d’un messie, puis, dans le Nouveau Testament, l’annonce même de son retour 1017 , mais justement ces promesses tardent à s’accomplir. Elles créent sans doute l’inévitable input, d’une pédagogie divine dont nul n’entend parfaitement les contours sinon Dieu lui-même. Car, une fois la promesse énoncée, se révèle le décalage entre la parole de Dieu et les représentations que les hommes s’en font.

C’est à l’intérieur même de ce décalage entre ce que Dieu dit et ce que l’homme entend ou comprend de ce que Dieu dit que se déploie semble-t-il l’espace de la pédagogie divine. 1018

Dieu parle, il dit “Je” à partir de quoi l’homme a une place pour dire “je” à son tour.

Ce décalage suppose un dialogue de “je” à “tu” entre Dieu et chacun, et, chacun et Dieu, qu’aucune interférence de type fusionnel propre à une communauté précise ne pourrait complètement, ni d’ailleurs sans doute même partiellement, contenir, elle exprime la distance entre la communion d’église et une fusion sectatrice ou holiste. Dans le sentiment fusionnel la personne est diluée dans la masse ; dans le sentiment de communion qui caractérise le lien de l’église chrétienne naissante, chacun est appelé par son nom 1019 .

Car, si ce que Dieu dit tarde souvent à s’accomplir, cela, nonobstant, s’accomplit inéluctablement toujours.

Comme l’enfant de la postérité promise à Abram et Saraï, comme la venue bien tardive du Christ, comme l’installation d’Israël dans la terre promise, comme le retour annoncé du Messie qui se fait attendre, mais dont nombreux aujourd’hui vivant par la foi, espèrent, croient, prient, et disent en percevoir les signes annoncés.

Ce mouvement, expression du décalage entre communauté et relation personnelle, est toujours présent dans les quatre évangiles, à partir de leurs récits où Jésus ne trouve pas de lieu pour vraiment se reposer, mais où il marche et rencontre, parle et écoute, guérit et intercède, non dans le cadre institué d’une communauté clairement établie, mais comme en rupture, en aparté, parfois même en conflit, en tout cas, en marge d’ elles. Il va et vient sur des routes et des chemins, dans des villes et des villages.

La propre communauté qu’il crée autour de lui avec les disciples qu’il nomme apôtres se trouvera disloquée au moment de la croix. Elle ne doit sa survivance qu’à l’irruption, et la venue du Saint-Esprit qui rend témoignage de la résurrection du Christ et de son élévation à la droite du Père.

C’est alors, à partir de la Pentecôte, que, chacun s’accorde à le reconnaître, la communauté des disciples cède à l’église.

L’empire romain cultivait, nous l’avons signalé, l’intégration des différents cultes dans le culte à l’état, et à l’empereur, sans séparation entre temporel et spirituel. Nicole ALLIEU 1020 fait remarquer que la montée du christianisme, l’émergence historique de l’église comme une société parallèle à celle de l’état romain, s’accompagne de l’apparition du mot “religio” dans le vocabulaire de l’empire, pour désigner ce “lien social” d’une nature nouvelle reliant entre eux les premiers chrétiens. La vie en Christ de chacun conduit à la vie communautaire des croyants qui partagent leurs biens, 1021 selon le processus inverse de celui qu’imposerait l’état. Les deux processus étaient et restent, aujourd’hui, en effet, bien les parfaits symétriques l’un de l’autre.

L’intégration par l’état romain, rappelant en cela certainement la volonté intégrationniste de notre état français contemporain républicain, ou, dans une moindre mesure 1022 , tout état de droit, se faisait sur la base du droit. Le droit public s’opposait ou complétait en tout cas bornait le droit privé. Le droit public se portait garant du droit privé de chacun, et réciproquement.

L’extension du droit romain correspondait alors à l’extension de l’empire. Selon l’état souverain, la force est au droit. Nous retrouvons cette conception du droit dans les sociétés contemporaines et notre état français fondé, depuis NAPOLÉON, sur le code civil 1023 fortement influencé par le modèle romain.

L’état, ainsi fondé sur une notion virtuelle du droit et du devoir, s’ouvre forcément sur un modèle : le modèle de l’état républicain est celui du citoyen. Le modèle du citoyen se veut garant aujourd’hui de l’égalité républicaine. 1024

La communauté chrétienne, sans contester l’autorité de l’état, la force du droit civil externe à la communauté des croyants, ne se considérait en effet pas comme bornée par lui, mais vivait une relation nouvelle en marge de l’empire, sur des bases d’amour universel, de partage, de communion fraternelle 1025 . La fraternité nouvelle supplante, transcende, le modèle du citoyen romain.

À la dialectique de la préservation de l’espace privé par l’ordre public, ou inversement, de l’ordre public, par la soumission de l’espace privé à son adoration religieuse, l’église oppose de nourrir à partir de l’intimité, personnelle et singulière, d’une relation vivante de chacun avec Dieu, la vie communautaire de partage et d’amour fraternel, communion d’église. 1026

Le chrétien accédant au sacerdoce universel, étymologiquement, “fait le sacré” donne simplement un prix nouveau aux êtres, aux langages et aux choses. 1027 Certainement alors, la fraternité républicaine semble signifier un exemple de pénétration chrétienne du modèle gréco-romain du citoyen. Mais, néanmoins, on ne peut parler de juxtaposition parfaite entre fraternité universelle fondement de toute constitution démocratique et (ou) républicaine et fraternité en Christ. La notion de fraternité universelle, semée sans nul doute, chacun l’accorde, dans les textes évangéliques, à partir de la Pentecôte, émerge historiquement dans des sociétés christianisées, sous l’impulsion de mouvements biblistes, tels par exemple les Quakers, et de rationalistes proches des lumières.

La fraternité universelle devient un principe posé qui ne suppose pas l’adhésion libre personnelle de chacun à la foi chrétienne et aux notions d’amour et de pardon qui s’y rattachent. On peut se savoir frères par décret politique et néanmoins se haïr. La fraternité évangélique se fonde sur l’adhésion libre du coeur. La fraternité universelle cependant, naît davantage de la foi chrétienne qu’elle prolonge naturellement, précède et confirme en quelque sorte, que le thème de la citoyenneté, d’origine gréco-romaine, qui ne débouche sur la notion d’égalité en harmonie avec la notion de justice biblique 1028 , que de part la dimension nouvelle qu’introduit dans la modernité, la fraternité universelle qui l’englobe forcément 1029 . Non pas que l’exercice et la défense de la citoyenneté civile s’oppose vraiment en soi au message de l’évangile mais elle ne dit rien en soi en dehors d’un rapport à l’ordre de la cité qui est ici justement fondateur, des valeurs ou du prix qui fonde la notion de citoyenneté, elle n’est, en aucun cas, pour le chrétien, une fin en soi, s’agirait-il d’une fin strictement temporelle. 1030

L’égalité de traitement entre les “bons” citoyens, peut, à l’extrême limite, être aveugle aux valeurs de fraternité universelle, écartant les “parias”, les faibles, les “impurs”, telle la culture spartiate qui inspira le nazisme. En effet, en amont de la citoyenneté égalitaire, la fraternité universelle pose le prix de l’homme non plus défini ou dépendant du droit, mais comme un prix indépendant de celui-ci et fondant donc la nature même de ce droit. L’égalité n’est donc pas toujours équitable. Elle ne l’est finalement que dans la rétribution, et non dans le principe fondateur, comme dans la parabole de Jésus, où l’ouvrier de la dernière reçoit la même rétribution que celui de la première heure. La reconnaissance de la grâce universelle égale pour tous, en ce sens, est à l’opposé extrême de la reconnaissance sociale du mérite comme élément distinctif entre les hommes.

Dans ce sens, nous pouvons dire que la foi chrétienne, au travers l’église par la simple répercussion du message biblique et les évangiles, a conduit, avec, mais aussi parfois malgré ou contre l’église instituée elle-même , à ce changement de paradigme des fondements de l’ordre public de la cité, qui font toute la différence entre nos droits de l’homme et du citoyen, et, plus récemment les droits de l’enfant, contemporains, et les modèles éthiques des philosophes antiques grecs ou romains fondés sur les mythes antiques, et des valeurs tentant de rationaliser le rapport de l’homme et de la cité. 1031

Les rapports intimes personnels privés se trouvent visités, par l’annonce de l’évangile qui ne se pose pas en projet directement politique mais qui visite le coeur 1032 des hommes, les convertit et transforme leurs représentations des choses, leurs relations.

L’église, le sentiment de communion au Christ qui unit désormais les chrétiens, contrairement à ce que supposèrent, parfois implicitement, parfois explicitement, derrière Nicolas MACHIAVEL (1469-1527), Jean BODIN (1530-1596) 1033 , Thomas HOBBÈS (1588-1679), Jean Jacques ROUSSEAU (1712-1778), VOLTAIRE (1694-1778), CONDORCET (1743-1794), la philosophie des lumières, puis, plus tard, et entre autres, les maîtres à penser de la république et de l’école française, dont Émile DURKHEIM (1858-1917) et ALAIN (1868-1951) ne naissent, ne croissent, ni ne se répandent pas à partir d’un sentiment strictement privé, mais se fondent sur une conviction intime : la foi.

La foi est toujours à point de départ intime et personnel mais rejoint toujours également la communauté des hommes, elle est conviction et expression, répercussion et réponse, cachée dans le secret intime et pourtant témoignage public et ouvert à chacun, d’un universel amour, procédant de Dieu vers l’homme, qui fonde à travers le don de la vie du Christ, une vie nouvelle, comme une source au coeur de celui qui croit qui confesse cette foi, qui en vit, se répercutant dans un lien nouveau entre les hommes et les femmes, une communion, indépendamment de leurs races cultures, statuts. Là naît l’église.

La foi n’a pas certes pour premier fondement l’intérêt politique de la cité, mais la vie nouvelle proposée à chacun personnellement en Jésus-Christ, médiateur de cette vie nouvelle. De là se trouve l’ irréductible distance entre l’esprit du monde et l’esprit de Dieu qui réunit les hommes sur les bases non de l’intérêt du pouvoir, du contrat, de la majorité, mais sur celui du don d’amour gratuit.

La foi cherche à boire de l’eau qui étanche à tout jamais, toutes les soifs, sans se satisfaire de l’équilibre, du compromis passager. Il reste que cet absolu qui l’habite se découvre et se vit au quotidien des gestes et non à partir de la spéculation modélisante.

L’universel fait irruption dans les gestes de la vie et non à partir d’un modèle. Ce n’est plus l’image idéale du continent idyllique disparu de l’Atlantide, ou le modèle plus réel, moins virtuel, mais tout aussi idéologique, c’est à dire soumettant le fait à une conception théorique du droit et du devoir, du pouvoir et du service, selon l’intérêt premier et dominant sur l’autre, de la cité ou du citoyen, de Sparte ou d’Athènes, de Sparte à Athènes, qui va, pour le chrétien, être le moteur de sa représentation du droit et de la justice, mais l’amour manifesté en Jésus-Christ, auquel seul il se “conforme” pour entrer dans la transformation la transfiguration qu’opère la foi.

Cette élévation et transfiguration du Christ de douleur, est fondatrice, elle émerge, dès l’Ancien Testament, dans ce texte d’Ésaïe où les chrétiens reconnaissent une allusion à la croix et à l’ascension du Christ.

‘Voici, mon serviteur prospérera, il s’élèvera, il s’élèvera bien haut. De même qu’il a été pour plusieurs un sujet d’effroi, tant son visage était défiguré, tant son aspect différait de celui des fils de l’homme.
De même il sera pour beaucoup de peuples un sujet de joie.
Devant lui des rois fermeront la bouche ;
Car ils verront ce qui ne leur avait point été raconté. Ils apprendront ce qu’ils n’avaient point entendu. 1034

Dieu s’est rendu le plus petit, il s’est fait l’esclave de tous, le serviteur par excellence, pour que désormais ce qui est petit soit élevé, et ce qui est élevé soit abaissé. 1035

La liberté même est donnée dans cet esclavage à l’amour de l’amour. Et Paul écrira : “l’homme libre est un esclave de Christ” 1036 et encore “vous êtes devenus esclaves de la justice “ 1037 “esclaves de Dieu vous avez pour fruits la sainteté.” 1038 “tu n’es plus esclave mais fils et si tu es fils tu es aussi héritier par la grâce de Dieu” 1039 Paul ajoute encore :

‘”Que chacun demeure dans l’état où il était lorsqu’il a été appelé. As-tu été appelé étant esclave, ne t’en inquiète pas; mais si tu peux devenir libre, profites-en plutôt. Car l’esclave qui a été appelé dans le Seigneur est un affranchi du Seigneur; de même l’homme libre qui a été appelé est un esclave de Christ. Vous avez été rachetés à grand prix ne devez pas esclaves des hommes. Que chacun, frères, demeure devant Dieu dans l’état où il était lorsqu’il l’a appelé” 1040

Paul écrira même : “Nous formons un seul corps soit esclave soit libre”. 1041 Dans ce sens, nous l’avons déjà souligné, comme un exemple, l’évangile n’abolit pas directement l’esclavage, mais en invitant le maître et son esclave à se reconnaître comme frères en Christ 1042 , à devenir serviteurs l’un de l’autre 1043 , à s’aimer l’un l’autre, comme le Christ les a aimés 1044 .

Paul pose l’irréversible valeur qui va conduire la société civile, se référant explicitement ou non à des “valeurs” dites chrétiennes, à ne plus reconnaître aujourd’hui l’esclavage comme un droit. Paul ne se gargarise pas du modèle du citoyen romain qui n’a rien pour lui de transcendant ; mais, sans doute lassé de persécutions et de calomnies, il demande à être traité comme simple citoyen selon le droit qui lui est dû.

Ainsi, du rêve de Pierre répercuté par le centenier païen Corneille 1045 et qui prédit que l’évangile doit être annoncé aux nations et non aux juifs seuls, à la claire et nette revendication de l’apôtre Paul, une fois arrêté, d’être traité comme le simple citoyen romain qu’il était effectivement du fait de sa naissance, 1046 , ni plus ni moins, s’ouvre tout l’espace qui situe l’église dans le monde, pour le monde sans être du monde 1047 . Ce que l’évangile, dès l’église primitive, radicalise alors comme un antagonisme irréductible, n’est pas tant César contre l’église, ou encore la communauté d’origine contre l’église, mais l’esprit du monde contre l’esprit de Dieu. L’esprit du monde s’arrête à l’ordre des choses apparentes, à la gloire toute humaine et apparente, aux problèmes qui se posent selon les rapports apparents de force, entre avoirs et savoirs et pouvoirs, entre vie et mort, sursis et survies, prestiges et réputations, éloges et calomnies, grandeurs et misères des hommes.

L’esprit de Dieu est rupture en ce qu’il loge au secret du coeur, au secret intime d’une rencontre qui vient désormais combler un vide et nous comprenons mieux pourquoi cette rencontre bien qu’intime ne peut rester cantonnée dans le domaine privé. Nous pouvons encore illustrer et approfondir notre réflexion à partir d’un exemple tiré d’une rencontre de Jésus, relatée dans l’évangile de Jean.

Nous songeons à la rencontre de Jésus avec la femme samaritaine 1048 . Cette rencontre fortuite de Jésus, puisqu’il était pratiquement tenu de passer, sauf à faire un large détour, par la Samarie qui se trouvait sur son chemin, de la Galilée à la Judée, où il se rendait, présente une série de paradoxes étonnants, comme autant de ruptures avec les représentations en vigueur à l’époque.

Cette rencontre intime mais non privée s’est répercutée jusqu’à nos jours. Pour l’annonce faite par le messie à une “moitié d’étrangère”, d’un passage de l’alliance ancienne passée avec un peuple, au travers de la Torah et des prophètes, à l’alliance nouvelle qui se lie, se noue et se dénouera, se liera, se déliera et se reliera de façon radicale désormais, dans l’universel du quotidien des gestes, dans le coeur de chaque personne, dans l’espace de la rencontre intime avec Dieu rendue directement accessible.

Pour l’annonce d’un passage donc, à partir d’une situation, où l’identité à l’appartenance à Dieu, s’identifie avec l’appartenance à un peuple, jusqu’à une situation nouvelle où cette même identité se jouera désormais dans l’universalité singulière du coeur de chacun. Cet échange, sur le ton de la confidence, entre une femme doublement impure aux yeux des juifs religieux de l’époque, de part sa condition de samaritaine, de part sa condition de pécheresse 1049 , en cette terre de Samarie, parmi cette peuplade, ni vraiment étrangère, ni vraiment juive, aux yeux d’Israël, puisque trop compromise au fil de son histoire avec les cultes étrangers, en ce lieu doublement symbolique du puits de Jacob, à proximité de la parcelle à Sichem, que Jacob acheta des fils de Hamor 1050 , puis qu’il légua aux enfants de son fils Joseph 1051 , annonce donc l’alliance nouvelle et éternelle comme dans la continuité et l’accomplissement et donc également finalement en rupture avec l’alliance ancienne.

Rupture qui n’est donc pas brisure nette, mais passage selon une dimension pratiquement organique, comme ceux qui conduisent, du grain à la plante, ou, de la fleur au fruit, selon la notion typiquement biblique de l’accomplissement 1052 .

Cette notion d’accomplissement qui suppose donc un cheminement, une dimension organique vivante de l’enseignement de Dieu ne peut s’assimiler à la rupture épistémologique que provoquerait une découverte scientifique extraordinaire, telle celle de Galilée, ou un changement d’ordre politique, tel la révolution d’un pays.

Tout commence et tout s’achève dans le récit de rencontres bien concrètes, bien simples et banales, ce qui n’empêche pas paradoxe et rupture d’apparaître et de marquer, signaler la fin d’un temps ancien et le commencement d’un temps nouveau. Nous relevons cinq points de ce paradoxe et de cette rupture dans le texte de l’évangile de Jean rapportant la rencontre avec la femme samaritaine.

  1. Paradoxe et rupture dues au lieu, le puits de Jacob, qui assure le lien avec l’alliance et l’histoire biblique, et dans le fait même de la rencontre de Jésus avec une femme, qui plus est samaritaine, avec qui Jésus prend lui-même l’initiative du dialogue, fait rare pour ne pas dire généralement réservé aux seuls disciples.
  2. Paradoxe et rupture avec les représentations classiques dans l’Israël d’alors, d’un messie national puissant fort et voire même guerrier et ce Jésus fatigué demandeur ... d’eau.
  3. Paradoxe et rupture encore avec les représentations concernant le devoir d’hospitalité et les coutumes qui s’y rattachaient, dans l’attitude de cette femme qui engage la conversation avec l’étranger : il était permis même recommandé de servir à boire à un étranger fourbu, mais dans une distance courtoise de bon aloi, conformes aux coutumes juives.
  4. Paradoxe et rupture par la révélation progressive au fil du dialogue et de la conversation, qui est faite, par Jésus, à cette femme pécheresse, et de ses péchés d’une part, et, qu’il est le messie. L’eau du puits de Jacob n’étanche pas définitivement la soif, contrairement à celle que lui, Jésus, donne à boire.
  5. Paradoxe et rupture entre cette rencontre solitaire de Jésus, et le fait que Jésus restera finalement en ce lieu deux jours auprès de ceux parmi les samaritains qui, à partir du témoignage de la femme samaritaine, se mirent, nous dit le texte, à croire en lui.

Mais le paradoxe et la rupture sont, sans doute, tout autant dans ces faits rapportés que dans la manière qu’a le texte de ne pratiquement pas en faire cas, et de se constituer dès lors comme un récit, sans commentaire, mais qui suggère et confirme que s’annonce et s’instaure, par Jésus, le règne de Christ, le messie annoncé, celui qui devait venir et qu’avaient annoncé les prophètes.

Notes
1017.

La Parousie :

Rappel de Zacharie IX 9 ; Matthieu XXIV ; Actes I 6 à 8 ; I Corinthiens XV 20 à 28 ; I Thessaloniciens II 19 ; III 11 à 13 ; IV 13 à 18; II Thessaloniciens II ; II Pierre I .

1018.

“La Bible et l’évangile constituent ainsi un aspect ou une facette de l’incarnation du Verbe, et même de la “divinisation “ des hommes : cette Parole est ce qu’ils ont en commun avec Dieu ; à l’instar d’un sacrement (mais sans s’y substituer pour autant), elle accomplit ce qu’elle énonce. C’est Dieu qui se communique lui-même (...) Et le destinataire humain peut reprendre les mêmes termes pour assimiler ce qu’ils expriment et répondre au message qui lui parvient. La liturgie ne s’en prive pas : là où Dieu parle le premier l’homme apprend à dialoguer avec lui.

DUCHESNE Jean in “Histoire chrétienne de la littérature “ Flammarion Paris 1996 ; (à la page 11).

1019.

Jean X 3 ;

“.. il appelle par leur nom les brebis qui lui appartiennent et les conduit dehors.”

1020.

ALLIEU Nicole “Laïcité et culture religieuse à l’école” ESF Paris 1996 ; ( page 116).

Remarquons que Nicole ALLIEU écrit :“ la religion chrétienne qui transcendait l’État Romain et ne se reconnaissait pas bornée par lui.” Nous n’approuvons pas vraiment l’emploi du verbe transcender qui tendrait à supposer que le christianisme divinisait l’état. Le : “rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu” de Jésus à l’adresse des hérodiens et pharisiens qui lui demandaient s’il était juste ou non de payer le tribu à César, nous parait bien plus explicite.

(Matthieu XXII 17 à 22; Marc XII 13 à 17 ; on peut lire aussi Luc XX 20 à 26)

Paul, plus particulièrement encore, insiste sur la soumission qui est due aux autorités humaines. “Car il n’y a pas d’autorité qui ne vienne de Dieu.” Romains XIII 1à 3 ; Tite III 1

1021.

Actes IV 32 À 37

1022.

Nous pensons au modèle fédéraliste américain ou allemand qui suppose une alliance entre des états de droits, et non la subordination automatique du droit local à l’état centraliste, donc une démarche associationniste plutôt qu’intégrationniste.

GUSDORF montre que cette approche de type américain du droit comme nous l’avons déjà évoqué, est d’inspiration bibliste et chrétienne, alors que l’approche française est davantage d’inspiration gréco-latine.

GUSDORF Georges “ Les révolutions de France et d’Amérique - La violence et la sagesse” Perrin Paris 1988 ; (253 pages).

1023.

L’objectif du code Napoléon, , recueil de trente six lois, dont l’influence gagna historiquement de nombreux pays promulgué le 21 Mars 1804, à partir des travaux de PORTALIS (1746-1807) directeur des Cultes en 1801, puis ministre des cultes de 1804 à 1807, BIGOT DE PRÉMENEU (1747-1825) ministre des cultes de 1807 à 1814, TRONCHET (1726-1806), MALEVILLE (1741-1824) fut d’unifier le droit du pays et d’abroger les règles juridiques antérieures dans les domaines qu’il recouvre

1024.

CONDORCET Texte présenté commenté et annoté par Charles COUTEL et Catherine KINTZLER “Écrits sur l’instruction publique “ Volume premier : Cinq mémoires sur l’instruction publique.” Édilig Paris 1989 ; (295 pages).

Certes, CONDORCET comme le souligne, Charles COUTEL, tout en ne se rangeant pas du côté de la démocratie athénienne, dénoncera le modèle de Sparte selon LYCURGUE qui :

1/ L’amour de la patrie y est perverti en le mêlant à des choses antiques.

2/ Sparte a confondu l’énergie guerrière avec la vertu morale fondée sur l’estime de soi.

3/ Sparte a assimilé l’État-Patrie à la république.

4/ Sparte en sacrifiant l’individu a rendu impossible l’estime de soi.

5/ Sparte s’est crue autorisée à ne plus éduquer les enfants préférant les vertus guerrières.

CONDORCET préférera le mythe de l’Atlantide. Il reste que par la séparation extrême qu’il opère entre privé et public, il assoit implicitement un dualisme de la personne. Entre un être public ayant seul accès à la culture à l’instruction, et un être privé réservé à l’éducation familiale; le modèle “des lumières “ influencera DURKHEIM et ALAIN et servira de prétexte plus sans doute encore que de réel modèle à l’école républicaine laïque française.

1025.

Jusqu’à ne former qu’un seul corps, dans un même esprit d’amour mutuel. Jean XVII 20 et 21 ; I Corinthiens XII et XIII.

1026.

C’est ici que le personnalisme chrétien de MOUNIER “personnel et communautaire” se distingue de CONDORCET.

1027.

Romains XII 1 et 2 ; I Pierre II 5 à 10 ; Apocalypse I 6 ; V 8 à 10 ; XX 6

1028.

Dès l’Ancien Testament le droit et la justice s’appliquent également à tous sans acception de personnes, (Deutéronome X 17 à 21) particulièrement envers les plus faibles : l’étranger, la veuve et l’orphelin.

“Car l’Éternel votre Dieu est le Dieu des dieux, le Seigneur des seigneurs, le Dieu grand, fort et puissant, qui ne fait point acception de personnes et qui ne reçoit point de présent, qui fait droit à l’orphelin et à la veuve, qui aime l’étranger et lui donne la nourriture et des vêtements. Vous aimerez l’étranger, car vous avez été étrangers dans le pays d’Égypte.”

Le “saint” pour l’Ancien Testament est le “juste”. (ex : Psaume I 16)

Citons encore dans le Nouveau Testament, le cantique de Marie : “Il a renvoyé les riches à vides ...” . Citons encore les paroles de Jésus : “Malheur à vous riches .... “ : Luc VI 24. La parabole de Lazare et du riche : Luc XVI (19-31). La difficulté pour le riche à entrer dans le Royaume des cieux, c’est à dire dans la communion du Christ : Matthieu XIX 23 24;” Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice...” : Matthieu VI 33.

1029.

Le thème d’une ”fraternité nationale” présent dans les thèses et les discours du Front National qui a créé une commission de recherche sur le thème est, dans ce sens, bien entendu en rupture directe avec le message biblique et évangélique.

1030.

C’est ici une incompatibilité avec l’écrit de HOBBES qui justifiait l’état chrétien comme la fusion, aussi subtilement qu’il l’étaie et la développe, entre temporel et spirituel.

HOBBES Thomas “Du citoyen “-Principes fondamentaux de la philosophie de l’état.” suivi de “ Léviathan Chapitres XVI et XVII “ traduction de Gérard MAIRET - Introduction générale par Gérard MAIRET. LGF paris 1996 ; (350 pages).

HOBBÈS écrit : “Qu’en un état chrétien, il n’y a point de contradiction entre les commandements de Dieu et ceux de l’état.” Section trois “Du citoyen” chapitre XIII .

HOBBÈS, bien qu’apparemment athée lui-même (page 12) est un maître en ambiguïté. N’oublions pas à sa décharge qu’il était dangereux pour ne pas dire impensable, en ces temps là, de se proclamer ouvertement athée. À partir de 1666 et la restauration de Charles II, HOBBÈS fut néanmoins poursuivi officiellement pour athéisme et hérésie (page 347). HOBBES se réfère néanmoins sans cesse aux évangiles au Christ, pour justifier l’émergence de l’état comme garant de la conscience civile. Gérard MAIRET ne semble pas percevoir l’aporie de cette ambiguïté mais il écrit cependant que, consacrant l’alliance du pouvoir et du savoir, HOBBÈS est l’initiateur de l’état moderne. (page 11) . MAIRET ajoute encore ce qui semblerait alors rejoindre le point de vue de l’église primitive “La religion qui ne saurait constituer le fondement de l’ordre civil et politique sans détruire l’état, comme on le voit dans les guerres civiles anglaises doit donc être soumise au souverain à qui il revient in fine d’interpréter les commandements.” (page 12). Ce qui donc crée l’incompatibilité entre l’église primitive, l’église évangélique, la foi chrétienne et les thèses de HOBBÈS sur l’état n’est pas selon nous et le texte évangélique, nous paraît-il, qu’elle soit soumise à ses lois et qu’elle soit séparée de lui, tout au contraire, elle revendique cette séparation et cette obéissance, mais qu’elle soit tenue de se fier à l’ interprétation de l’état, par l’état, de l’écriture et des dogmes de la foi.

D’une autre manière donc : ce qui crée le problème n’est pas que HOBBÈS sépare le temporel et le spirituel , l’église et l’état, mais qu’il “borne” la foi de l’église par l’obéissance due à l’état. Et finisse par confondre celle-ci et celle-là. Ce qui revient à renier la médiation universelle singulière et unique du Christ avec chacun qui constitue la Nouvelle Alliance.

1031.

Chaque cité grecque, jusqu’à la période hellénique et l’occupation romaine, avait son droit de citoyenneté (grec politeia), le titre de citoyen était donné aux résidents, les populations qui ne vivaient pas dans la civilisation urbaine n’avaient pas le même droit (Actes XXI 39). La citoyenneté romaine (du grec anthrôpos (anthropos) Rômaios) était une promotion supplémentaire surtout en Orient. Rare, elle sanctionnait en principe un attachement reconnu à la cause romaine (Actes XXII 28). Hors d’Italie elle ne conférait pas d’avantages fiscaux, mais donnait la possibilité d’en appeler de tout tribunal à un tribunal impérial. (Actes XV 11 20 et suivants. Les empereurs veillaient jalousement au respect de ce droit qui faisait de tout citoyen un obligé virtuel. (Actes XVI 37 et suivants ; XXII 25 à 29 ; XXIII 27). (Source le dictionnaire du nouveau Testament de LÉON-DUFOUR).

1032.

L’hébreu “lèb” est traduit dans le Nouveau Testament par le grec “kardia” qui signifie davantage l’organe.

Il n’est cependant jamais employé dans ce sens.

1033.

BODIN Jean “Les six livres de la République “ édition de Gérard MAIRET LGF Paris 1993 ; ( 486 pages)

Jean BODIN fut un ethnologue et sociologue, maître en sciences politiques, avant la lettre, qui le premier semble analyser la réalité politique d’une manière qui se veut objective, à partir de l’étude des climats, des considération historiques et géographiques, annonçant ainsi MONTESQUIEU. Il fut l’auteur en 1576 dans la ville de Lyon du traité de philosophie politique sur la république et qui concluait à la nécessité de la monarchie absolue.

1034.

Ésaïe L II 13 à 16

1035.

: Matthieu XX 27 ; XXIII 12 ; Marc IX 35 ; Marc X 31 ; Marc X 44 ; Luc XIII 30 ; Luc XIV 11 ;Luc XVIII 14; Jacques IV 10

1036.

I Corinthiens VII 22

1037.

Romains VI 18

1038.

Romains VI 22

1039.

Galates IV 7

1040.

I Corinthiens VII

1041.

I Corinthiens XII 13.

1042.

Jean XXI 23 ; Actes I 15 ; Galates I 2 ; Philippiens IV 21

1043.

Matthieu XX 17 à 28 ; Marc X 35 -45 ; Luc XXII 24 à 27 “La demande de la mère des fils de Zébédée.”

1044.

Le grec phil-adelphia signifie “amour fraternel” :

Romains XII 10 ; I Thessaloniciens IV 9 ; Hébreux XIII 1 ;I Pierre I 22 ; I Pierre II 17 ; II Pierre I 7.

1045.

Actes X “Alors Pierre ouvrant la bouche dit : ”En vérité je reconnais que Dieu ne fait point acception de personnes”

(au verset 34)

1046.

Actes XXII 25

1047.

Jean XVI et XVII

1048.

Jean IV 1 à 42

1049.

L’interprétation la plus courante du verset 18 signifie que la femme samaritaine avait cinq maris. La note de la TOB ajoute que certains voient là une allusion aux cinq dieux qu’adoraient les samaritains. II Rois XVII 29-41

1050.

Genèse XXXIII 18 à 20; Hamor était prince de Sichem. Il était Hévien probablement Horite (Genèse XXXIV 2). Prince donc d’une tribu cananéenne sur le territoire de la terre promise que Dieu avait montrée à Abraham. Le livre deutérocanonique du Siracide LI 25 mentionne “ .. même pas une nation “ “ce peuple fou qui habite Sichem” comme étant l’une des trois nations qui font horreur à l’Éternel.

1051.

Josué XXIV 32

1052.

Rappelons que le Nouveau Testament emploie le grec teleô qui signifie “mener à son achèvement” et plèroô “combler une attente”. Ces deux mots signifient la part de Dieu : ” teleô” et la part de l’homme : “plèroô tout aussi présentes toutes deux dans cette notion d’accomplissement qui ne se confond donc pas avec l’action seule de Dieu “sur” l’homme, mais qui manifeste une oeuvre de Dieu “avec “ l’homme. La TOB traduit même la dernière phrase du Christ sur la croix habituellement traduite par “Tout est accompli” , en Jean XXIX 30, par “Tout est achevé “