Du créateur à l’époux

  • Dieu créateur

Dès le livre de la Genèse, Dieu, dès le premier chapitre, se présente, ou plutôt n’est pas présenté autrement que par les actes qu’il accomplit et les pensées qui le traversent, qui se retrouvent dans les paroles qu’il dit. Dieu (Élohim) est un pluriel qui agit au singulier. Sans que cela soit dit expressément, il est ce que les théologiens ou philosophes ont appelé le Tout Autre pour marquer l’opposition aux divinités grecques ou païennes qui, quant à elles, étaient représentées avec des figures empruntées à la création, animale, humaine, voire végétale ou minérale.

Dieu est le créateur de la vie et des choses. Il est donc à l’extérieur des êtres et des choses et ne peut se confondre ni avec eux, ni avec elles. Il dit et il fait. Ce qu’il dit s’accomplit. Il ne palabre pas, il parle. Il n’évoque ses sentiments que pour évaluer son oeuvre, très brièvement, très succinctement, verbe et action se rejoignent dans le fait des choses qui s’accomplissent. Dieu est créateur par sa parole. Dès son premier livre donc, la Bible nous plonge dans un récit qui décrit des actes qui redonne les termes de cette parole de Dieu, et non dans une théorisation des choses.

Le créateur est donc à la fois, tout à l’extérieur aux représentations humaines, et, celui qui agit, par qui la parole se fait acte. Dieu est le créateur qui peut créer à partir de rien, comme recréer à partir de tout. Cette dimension sera présente tout au long du cheminement de la révélation biblique.

La création n’est donc pas fabrication. Il n’est donc, dans le texte biblique, de références aux propriétés physiques, chimiques ou encore biologiques des corps, ou des éléments, aucune référence strictement scientifique au sens que les grecs donneront à ce mot.

Dieu crée le monde, et la vie en six temps, six jours, achevant son oeuvre et se reposant au septième jour, rythmant ainsi chaque étape par la succession du soir et du matin, on peut dire donc que Dieu crée le temps, qu’il est maître du temps. À chaque étape de sa création, il est écrit que Dieu vit que cela était bien (ou bon). Et pour finir, après le sixième jour, qui se conclut par celle de l’homme à son image, Dieu vit que cela était très bien (ou très bon).

Dieu, au commencement, créa le ciel et la terre. La terre était informe et vide et l’esprit de Dieu se mouvait au dessus des eaux. Le premier jour, Dieu créa la lumière qu’il dissocia des ténèbres, il appela la lumière jour et, les ténèbres, nuit, il vit que cela était bon, il y eut un soir et un matin. D’ailleurs, dans le calendrier hébraïque, le jour commençait avec le début du soir qui précédait donc le matin. Le second jour, il sépara les eaux par un firmament, séparant les eaux d’en haut, de celles d’en bas, il appela l’étendue, le ciel, Dieu vit que cela était bon, il y eut un soir et un matin. Le troisième jour fut celui de la création proprement dite de la terre, le sec fut dissocié des eaux de la mer, création de la nature, les plantes, les herbes, les arbres, ayant en eux leur semence, selon leur espèce, Dieu vit que cela était bon, il y eut un soir et un matin. Le quatrième jour fut celui de la création des luminaires, soleil, lune, étoiles, pour éclairer la terre, et présider au jour et à la nuit, et, Dieu vit que cela était bon, il y eut un soir et un matin. Le cinquième jour fut celui de la création des animaux marins, et chacun fut invité à se reproduire selon son espèce, Dieu vit que cela était bon et bénit les animaux, pour qu’ils soient féconds et se multiplient. Et, il y eut un soir et un matin.

Le sixième jour fut celui de la création par la terre des animaux terrestres, des reptiles, du bétail, des animaux selon leur espèce, Dieu vit que cela était bon. Puis l’homme, homme et femme, furent créés à l’image, la ressemblance, de Dieu. 1114 L’homme reçut la mission de dominer sur l’ensemble des animaux, sur toute la terre, et sur tout ce qui poussait et vivait sur elle. Dieu bénit l’homme l’invitant à croître à se multiplier. Dieu vit que cela était très bon.

Le septième jour, Dieu se reposa de son oeuvre, cette sanctification du repos, du septième jour, est présente dès la création, dès l’origine du texte biblique, comme un fait de Dieu lui-même. Dieu bénit le septième jour et le sanctifia.

  • La chute, la séparation

La création a été faite pour l’homme, homme et femme. Elle lui est vouée et soumise, mais l’homme, homme et femme, reçoit simultanément un ordre, sous la forme d’une seule interdiction qui va s’avérer décisive, celle de ne pas goûter de l’arbre de la connaissance, ce mot connaissance, qui, comme l'indique la note de la TOB, en hébreu, signifie un savoir lié à l’expérience, et non un savoir théorique, connaissance donc, du bien et du mal. L’homme s’il goûte de cet arbre devra mourir 1115 . Remarquons que cette interdiction posée, évoque aussi que Dieu laisse l’homme devant une porte ouverte, lui permettant d’échapper à son regard, YHVH ouvre la porte à l’altérité, à la dissociation entre sa créature et le créateur.

La création n’était donc pas programmation. Nous en avions eu un avant goût, en amont du texte, dans ce verset :

‘L’Éternel forma de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel, et les fit venir vers l’homme, pour voir comment il les appellerait, et afin que tout être vivant portât le nom que lui donnerait l’homme. 1116

La conscience de l’altérité entre Dieu et l’homme n’est donc pas non plus un piège que Dieu tendrait à l’homme, elle fait partie de ca conception de la créature faite à son image. Elle participe de son idée de la création, il reste qu’un espace est laissé ouvert pour permettre à l’homme d’échapper à la volonté même de son créateur. La désobéissance n’est pas programmée mais comme délicatement permise. La singularité biblique consiste non seulement dans la révélation d’une conscience du péché, manquement de cible de l’humanité, mais elle consiste encore à associer ce même péché, à une conséquence spécifique, la mort, d’une part, et, d’autre part, à une origine tout aussi spécifique, la désobéissance originelle de l’homme à l’ordre, de Dieu.

Avant le péché, la nudité de l’homme et de la femme, c’est à dire, leur faiblesse naturelle, leur finitude démasquée, ne se font pas honte mutuellement. 1117 Tout, jusqu’ici, s’est joué dans une grande clarté, une grande transparence, la parole de Dieu a agi, elle s’est accompli et la création a été ordonnée autour de l’homme. Un tiers va, cependant, dès lors, intervenir, le serpent, que le texte définit comme la plus astucieuse 1118 des créatures. L’astuce du serpent est d’introduire le doute dans l’esprit de l’homme au sujet de la parole du Créateur, de tenter de dissocier la parole dite de l’intention qui y préside, d’émettre un doute. Il use pour cela de pédagogie, d’une pédagogie astucieuse puisqu’il conduit Ève là où il avait, semble-t-il, résolu de la conduire : la désobéissance. Le serpent use de flatterie ; en fin psychologue, il se veut rassurant, minimisant les conséquences désastreuses pour l’homme d’une désobéissance pour n’en laisser entrevoir que des avantages.

‘Le serpent dit à la femme : “Non, vous ne mourrez pas, mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux possédant la connaissance de ce qui est bon ou mauvais. La femme vit que l’arbre était bon à manger, séduisant à regarder, précieux pour agir avec clairvoyance. Elle en prit un fruit dont elle mangea, elle en donna aussi à son mari qui était avec elle, et il en mangea. Leurs yeux, à tout deux s’ouvrirent et ils surent qu’ils étaient nus. Ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des pagnes. 1119

L’homme crut donc acquérir un nouveau pouvoir, s’approcher de Dieu, devenir semblable à lui, mais il ne prit ici de fait conscience que de sa faiblesse, de sa nudité dont il eut honte simultanément.

Un trouble s’empara de lui, il éprouva le besoin de se cacher à lui-même, à son semblable, une partie de lui-même. C’est bien ce trouble, conscience mêlée du péché et de la grâce, la conscience du péché est elle-même une grâce, que nous avions signalé, dès l’introduction de notre thèse, comme spécifiquement biblique et révélé par son message.

Ce trouble naît de la conscience d’un vide, d’une conscience orpheline, comme séparée tout à coup de l’immanence de Dieu. Ce trouble exprime aussi la conscience nouvelle d’être sur la frontière entre l’émergence du désir de dépassement de la condition humaine et la force de l’abattement sous le poids de la misère ressentie devant l’impuissance de l’homme à dépasser cette même condition. Ce trouble est au centre de la relation éducative qui désormais conduira l’homme vers Dieu, Dieu vers l’homme.

  • Dieu cherche et trouve l’homme

C’est, en effet, à partir de là que tout le mouvement s’inverse, se renverse. On s’attendrait peut-être à ce que l’homme se mette en quête de Dieu qui tout à coup, pour la première fois, semble se mettre à lui manquer, lui paraissant sans doute inaccessible, moins transparent, voire opaque. Il se passe, de fait, exactement l’inverse, puisque c’est Dieu qui se met en quête de l’homme, qui part à sa recherche, et c’est l’homme qui se cache. Toute la pédagogie qui en découlera sera divine.

S’ouvre ainsi le mouvement de toute la révélation biblique, dont l’initiative première n’est pas de l’homme vers Dieu, mais au contraire, selon une autre flagrante singularité biblique, ce mouvement s’initialise et s’initie de la part de Dieu vers l’homme, dans une révélation qui ne réduira pas l’homme à l’état d’objet, mais qui se manifestera par la bouche et les actes d’hommes.

‘Or ils entendirent la voix du SEIGNEUR qui se promenait dans le jardin au souffle du jour. L’homme et la femme se cachèrent devant le SEIGNEUR Dieu au milieu des arbres du jardin. Le SEIGNEUR Dieu appela l’homme et lui dit : Où es-tu ?’ ‘Il répondit : “J’ai entendu ta voix dans le jardin, j’ai pris peur car j’étais nu, et je me suis caché.”’ ‘-”Qui ‘as révélé que tu étais nu ? Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais prescrit de ne pas manger”.’ ‘L’homme répondit : “La femme que tu as mise auprès de moi, c’est elle qui m’a donné du fruit de l’arbre et j’en ai mangé.”’ ‘Le Seigneur dit à la femme : “Qu’as tu fait là ?” La femme répondit :“Le serpent m’a trompé et j’ai mangé.” 1120

À la singulière partie de cache-cache du soir, au jardin d’Eden, succède le jeu du menteur ou du “pas vu pas pris”. Un nouveau leitmotiv pour l’homme : “C’est pas moi, c’est l’autre.” Ce qui sort de l’homme séparé de Dieu, est avant tout sa faculté à nier sa responsabilité, à refuser d’assumer la conséquence de ses actes, à charger quelqu’un d’autre que lui-même, à se cacher, à ne point rechercher par incapacité à assumer par lui-même.

‘”Qu’as tu fait de ton frère ?”’

Le récit biblique du livre de la Genèse se poursuit dès lors, mais comme teinté par cette rupture initiale.

‘Le Seigneur Dieu dit : Voici que l’homme est devenu comme l’un de nous par la connaissance de ce qui est bon ou mauvais. Maintenant qu’il ne tende pas la main pour prendre aussi l’arbre de vie en manger et vivre à jamais.” Le Seigneur le chasse du jardin d’Eden pour cultiver le sol d’où il avait été pris. Ayant chassé l’homme, il posta les chérubins à l’orient du jardin d’Éden, avec la flamme de l’épée flamboyant pour garder le chemin de l’arbre de vie. 1121

Ce renversement est spectaculaire et frappant, l’homme chassé du jardin d’Eden, aura, dès lors, une difficulté d’accès singulière à ce qui constituait sa vocation, la vie, pour laquelle il fut créé. L’homme accédant si l’on peut dire, au péché à la séparation d’avec son créateur, trouve désormais comme un obstacle ou une difficulté le fait de manger de l’arbre de vie. L’épée flamboyante symbolisera bibliquement la parole de Dieu. Le chemin pour accéder à la vie sera désormais la parole de Dieu, mais cette parole ne parvient pas ou plus tout naturellement à l’homme et c’est la signification de toute la révélation biblique que d’exprimer cette parole dans l’histoire des hommes mais désormais comme par des interventions surnaturelles dans un monde déchu, séparé lui aussi de Dieu.

Les sentiments entre les hommes entre eux et entre les hommes et Dieu, n’ont plus cette transparence naturelle du jardin d’Éden. Et Caïn et Abel les enfants d’Adam et Ève offriront chacun une offrande au Seigneur. Sur l’offrande des fruits récoltés par Abel, le Seigneur tournera son regard, mais les détournera de l’offrande de Caïn constituée des prémices de ses bêtes et de leurs graisses.

Caïn en fut abattu, et au lieu de surmonter les mauvaises pensées comme l’exhortait le Seigneur, 1122 il tuera son frère. Et de nouveau c’est le Seigneur qui se met en quête.

‘Le SEIGNEUR dit à Caïn : “Où est ton frère Abel?” -” Je ne sais, répondit-il suis-je le gardien de mon frère ?” Qu’as tu fait ? reprit-il la voix du sang de ton frère crie du sol jusqu’à moi. Tu es à présent maudit du sol qui a ouvert la bouche pour recueillir de ta main le sang de ton frère. Quand tu cultiveras le sol, il ne te donnera plus de force. Tu seras désormais errant le vagabond sur la terre.” 1123

Le Seigneur répond alors à la quête de Caïn qui dit sa faute trop lourde à porter, en disposant un signe sur Caïn et en promettant que Caïn sera vengé sept fois, s’il est tué. 1124 Il nous semble tenir en Caïn la condition naturelle de l’humanité, pour qui la terre n’est plus une source de bénédiction directe, mais qui malgré sa faiblesse survit dans la création parce qu’un signe de Dieu repose sur elle. Ce signe est un rappel de sa gloire passée, et de la gloire de Dieu.

Ce signe pourrait être interprété comme la quête, le vide, le manque, ressentis naturellement par l’homme ayant à s’affronter aux dures lois inhospitalières de la nature. Ce sont cette quête, ce vide, ce manque, que Dieu, en bout de route, en bout de chemin de la révélation biblique, viendra lui-même combler, épouser, dans une perspective de création nouvelle, accomplie en Christ.

Dans la Bible, la responsabilité de l’homme irresponsable le conduit à sa propre déchéance. Cette responsabilité irresponsable se poursuit jusqu’au bout, depuis la désobéissance initiale qui sépare l’homme de lui-même, de Dieu, et du jardin d’Éden, jusqu’au meurtre d’Abel qui le sépare désormais de la terre sur laquelle il devait pourtant régner. Cette déchéance se lie au rapport à la vie et à la mort, aux liens de sang, à la fraternité qui unit depuis l’origine, en Dieu, les hommes entre eux.

La question que Dieu, par la Bible, pose à l’humanité depuis l’origine, est : “Qu’as-tu fait de ton frère ?”. Et malgré la responsabilité de Caïn figure de l’humanité, contribuant à sa propre déchéance, Dieu est attentif à son cri et à sa requête, comme il fut attentif à la “voix du sang” d’Abel. La condition de l’homme est désormais, depuis Caïn, celle d’un étranger à la terre, vagabond errant sur la terre.

Le cheminement de la révélation biblique, révélation du projet de Dieu pour l’homme, agira désormais comme une progressive invitation à une réconciliation, à une création nouvelle pour échapper à cette condition mortelle de créature déchue.

À la loi de la jungle, loi de la nature, loi organique des êtres vivants, loi inhospitalière pour l’homme, Dieu proposera de résister et de survivre, en révélant la Torah, à Moïse, et la loi du talion, un certain rapport à la justice, à la justesse.

La loi du talion est un progrès incommensurable par rapport à la loi de la jungle, la loi naturelle. Puis, en Christ, se manifestera la loi de l’Amour, qui rend nouvellement le sens de toute chose, et fera entrer l’homme dans l’Esprit (Esprit Saint) de Dieu lui-même.

À l’initiative de Dieu, poursuivant son oeuvre à partir essentiellement de l’attention posée sur les cris de l’humanité déchue, un tel cheminement conduira donc au Christ. Ce chemin, dans la lecture chrétienne de la révélation, est le Christ lui même.

  • Dieu époux en Christ

Le Christ va accomplir toute chose pour la réconciliation de l’homme avec Dieu. Le Nouveau Testament le présente à plusieurs reprises comme l’époux. 1125 Les notions d’époux et d’épouse, évoquées pour symboliser les relations que YHVH entretient avec son peuple sont cependant déjà présentes dès l’Ancien Testament. Le Cantique des cantiques peut en illustrer un exemple reconnu. Mais en plus de ce livre ce sont surtout les prophètes qui accentueront cet aspect relationnel. Citons entre autre ce passage du prophète Ésaïe.

‘Ne crains pas, car tu ne seras point confondue; ne rougis pas, car tu ne seras pas déshonorée; mais tu oublieras la honte de ta jeunesse, et tu ne te souviendras plus de l’opprobre de ton veuvage. Car ton créateur est ton époux, l’Éternel des armées est son nom, et ton rédempteur est le saint d’Israël : il se nomme Dieu de toute la terre. Car l’Éternel te rappelle comme une femme délaissée et au coeur attristé, comme une épouse de la jeunesse qui a été répudiée dit ton Dieu. Quelques instants je t’avais abandonnée, mais avec une grande affection je t’accueillerai; dans un instant de colère, je t’avais un instant dérobé ma face, mais avec un amour éternel j’aurai compassion de toi, dit ton rédempteur, l’Eternel Il en sera pour moi comme des eaux de Noé: j’avais juré que les eaux de Noé ne se répandraient plus sur la terre; je jure de même de ne plus m’irriter contre toi et de ne plus te menacer. Quand les montagnes s’éloigneraient, quand les collines chancelleraient, mon amour ne s’éloignera point de toi, et mon alliance de paix ne chancellera point, dit l’Éternel qui a compassion de toi. 1126

Ainsi encore, le livre d’Osée évoquera d’entrée l’infidélité du peuple envers son Dieu, comme une véritable prostitution. 1127

Cette relation d’époux à épouse se répercute entre l’homme du peuple de Dieu et la terre de la promesse, terre que Dieu lui donne, comme l’évoque ce passage encore du livre d’Ésaïe.

‘Pour l’amour de Sion je ne me tairai point, pour l’amour de Jérusalem je ne prendrai point de repos, jusqu’à ce que son salut paraisse, comme l’aurore, et sa délivrance comme un flambeau qui s’allume. Alors les nations verront ton salut, et tous les rois ta gloire; et l’on t’appelleras d’un nom nouveau, que la bouche de l’Éternel déterminera. Tu seras une couronne éclatante dans la main de l’Éternel, un turban royal dans la main de ton Dieu. On ne te nommera plus délaissée, on ne nommera plus ta terre désolation; mais on t’appellera mon plaisir en elle, et l’on appellera ta terre épouse ; car l’Éternel met son plaisir en toi, et ta terre aura un époux. Comme un jeune homme s’unit à une vierge, ainsi tes fils s’uniront à toi; et comme la fiancée fait la joie de son fiancé ainsi tu feras la joie de ton Dieu. 1128

Cette relation d’époux à épouse, de fiancé à fiancée, est, selon la Bible, une relation en Esprit, en vérité, qui signifie une réelle relation nouvelle, où les rapports des hommes entre eux, comme ceux qu’ils entretiennent avec Dieu, ne sont pas seulement mus par le calcul ou l’obligation, mais aussi par le désir et l’envie d’aimer “agapè”. C’est le sens que prendra le vin de l’eucharistie. Où l’homme selon la parole du Christ lors de sa tentation, reprenant un texte du Deutéronome, ne vit pas de pain seulement mais de la Parole même qui sort de la bouche de Dieu. 1129

Dans le Nouveau Testament, le nouveau peuple de Dieu est devenu l’église. L’église est comparée à une femme libre, non esclave, d’une liberté venue d’en haut. Elle signifie l’irruption de l’alliance Nouvelle, le passage de la loi à la grâce, elle est donc l’épouse, la Jérusalem céleste. Cette nouvelle dimension ne rompt pas tant avec l’alliance ancienne qu’elle la transfigure et la dépasse, l’accomplit. L’apôtre Paul l’exprimera ainsi dans l’épître aux Galates.

‘Dîtes-moi vous qui voulez être sous la loi, n'entendez-vous point la loi ? Car il est écrit qu’Abraham eut deux fils, un de la femme esclave, l’autre de la femme libre. Mais celui de l’esclave naquit selon la chair, et celui de la femme libre naquit en vertu de la promesse. Ces choses sont allégoriques; car ces femmes sont deux alliances. L’une du Mont Sinaï enfantant pour la servitude, c’est Agar, -car Agar, c’est le Mont Sinaï en Arabie,- et elle correspond à la Jérusalem actuelle qui est dans la servitude avec ses enfants. Mais la Jérusalem d’en haut est libre, c’est notre mère car il est écrit : Réjouis-toi stérile, toi qui n’enfantes point! Éclate et pousse des cris, toi qui n’as pas éprouvé les douleurs de l’enfantement! Car les enfants de la délaissée seront plus nombreux que les enfants de celle qui était mariée. 1130

Le livre de l’Apocalypse évoque alors, au chapitre vingt et un, la création de nouveaux cieux et d’une nouvelle terre, la nouvelle Jérusalem, la Jérusalem céleste, préfiguration de cette création Nouvelle réconciliée de l’homme. Depuis la venue du Christ, né d’une vierge 1131 , visitée par l’Esprit de Dieu, la création nouvelle trouve son point d’ancrage terrestre, son premier né.

‘Marie dit à l’ange : Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d’homme? L’ange répondit : Le Saint-Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu. 1132

Né de Dieu, né de l’homme, fils de Dieu 1133 , fils de l’homme 1134 Jésus réconcilie en sa personne Dieu et l’homme, la terre et le ciel, la création et son créateur. 1135 Le chemin qu’il propose est celui de la foi, qui s’oppose à la désobéissance initiale, nourrie de spéculation hasardeuse. Verbe de Dieu qui prend chair, il réconcilie en lui, à l’initiative de Dieu son Père, par sa parfaite obéissance jusqu’à la croix la volonté de Dieu et la destiné humaine. Cette obéissance n’est pas soumission subalterne, mais une parfaite communion en esprit et en vérité, qui, à la différence de la fusion suppose l’altérité entre Père et Fils. Jésus se donne ainsi, librement, de lui même, en nourriture aux hommes, au soir de la cène, brisant à jamais la malédiction accrochée à la dégustation du fruit défendu. L’arbre de vie, que Dieu tenait comme protégé des investigations drectement humaines, depuis l’expulsion du jardin d’Éden, se fait désormais don gratuit, d’amour absolu, pour le salut de celui et de celle qui accepte de se laisser ainsi épouser par lui.

Notes
1114.

Genèse I 26 à 31.

Le chapitre premier de la Genèse évoque la création de l’homme, homme et femme, le chapitre second précisera que l’homme fut formé de la poussière de la terre, et reçut dans ses narines le souffle de Dieu, ( Genèse II 7). Ceci situe l’homme comme à mi-chemin entre le créateur et la créature. L’homme, selon la volonté de Dieu, donnera lui-même un nom à chacun des êtres vivants. Le chapitre deux précisera encore les circonstances de l’apparition d’Ève créée à partir de la côte, du côté d’Adam ( Genèse II 21). “Il n’est pas bon que l’homme soit seul “ (Genèse II 18).

1115.

Genèse II 16. “Le Seigneur Dieu prescrivit à l’homme : “Tu pourras manger de tout arbre du jardin, mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais car, du jour où tu en mangeras, tu devras mourir.” (TOB)

1116.

Genèse II 19

1117.

Genèse II 25

1118.

Genèse III 1

La note de la TOB indique le rapprochement possible entre arummîm (nudité) et astucieux (arum). Le serpent était dans la culture égyptienne un symbole politique, en Canaan, un symbole de fertilité, la célèbre épopée de Gilgamesh, lui attribue le vol au héros de la plante de l’immortalité. (D’après les notes de la TOB)

1119.

Genèse III 4 b à III 7 (TOB) La note de la TOB explique : “ Par ce récit très anthropomorphique, mais où toutes les images portent et s’équilibrent, l’auteur montre les conséquences de l’infidélité de l’homme à la parole de Dieu. L’homme et la femme ne découvrent que leur faiblesse et ils se cachent désormais l’un à l’autre, comme ils se cacheront devant Dieu.”

1120.

Genèse III 8 à 12 ( TOB).

1121.

Genèse III 23 et 24 (TOB)

1122.

“Caïn en fut très irrité et son visage fut abattu. Le SEIGNEUR dit à Caïn : “Pourquoi t’irrites-tu ? Et pourquoi ton visage est-il abattu ? Si tu agis bien, ne le relèveras-tu pas ? Si tu n’agis pas bien , le péché tapis à ta porte te désire mais toi domine-le.” Genèse IV 5 b à 7 (TOB)

1123.

Genèse IV 8 à 11 (TOB)

1124.

Genèse IV 13 à 15

1125.

II Corinthiens 11 2 ; Matthieu IX 15 ; Matthieu XXV 6 ; Marc II 19 ; Luc V 23 ; Jean III 29 ; Éphésiens V 23 -27

1126.

Ésaïe LIV 4 à 10

Remarquons dans ce texte une remarquable association des dimensions personnelles et universelles, de Dieu, époux et créateur, Dieu de la terre, et Dieu de son peuple.

1127.

Osée I 1 à 5 ; Citons aussi dans un même ordre d’idée Jérémie II ou encore Ézéchiel XVI

1128.

Ésaïe LXII 1 à 5

1129.

Matthieu II 4 ; Deutéronome VIII 3

1130.

Galates IV 21 à 27. La citation de Paul reprend Ésaïe LIV 1

1131.

Le concile d’Éphèse en 431, consacra la terme de Theotokos (mère de Dieu) au sujet de Marie. Il s’agissait de mettre un terme aux polémiques entre CYRILLE d’Alexandrie et NESTORIUS sur les natures humaines et (ou) divines de Jésus. Notons encore cependant que cette expression “mère de Dieu “n’est pas directement biblique et est contestée donc par une partie des églises issues de la réforme protestante.

1132.

Luc I 34 à 36

1133.

Si Jésus n’emploie pas directement l’expression fils de Dieu, pour parler de lui-même, ne cherchant pas non plus, sauf, lors du dialogue avec la femme samaritaine ( Jean IV 25 et 26 ), ou au moment à de sa mort, (Marc XIV 62, Matthieu XXVI 64) mais c’est en réponse à une question, à se définir lui-même comme le Messie, il apparaît clairement comme le Fils du Dieu vivant, selon la confession spontanée de Pierre, (Matthieu XVI 16 )depuis sa conception jusqu’à son baptême, de son baptême jusqu’à sa mort et sa résurrection. Nous trouvons également cette expression dès l’Ancien Testament. Nous lisons dans le psaume II au verset 7 “Je publierai le décret : L’Éternel m’a dit : “Tu es mon fils je t’ai engendré aujourd’hui.”

1134.

L’expression “fils d’homme” prend essor avec les livres d’ Ézéchiel et de Daniel et prête à de nombreuses interprétations. Le Nouveau Testament introduit l’expression “Fils de l’homme” dans la bouche de Jésus parlant comme souvent de lui à la troisième personne. Dans le Nouveau Testament cette expression “Fils de l’homme “n’apparaît essentiellement que dans les évangiles hormis en Actes VII 56. Dans Apocalypse I 13 (op cit) on parle à nouveau, de “quelqu’un qui ressemblait à un fils d’homme”.

1135.

Jésus est engendré non créé, il est en cela le premier né d’une création nouvelle.

Romains VIII 29 ; Colossiens I 15 ; Hébreux I 5 et 6.