De l’amitié à l’amour agapè

Dans l’épître aux romains, l’apôtre Paul expliquera alors, ainsi la pédagogie divine, qui va conduire d’Abraham à Jésus, d’une alliance à l’autre, de la nécessité de la circoncision corporelle, à sa désormais futilité.

‘Heureux l’homme à qui le Seigneur n’impute pas son péché! Ce bonheur n’est-il que pour les circoncis,ou est-il également pour les incirconcis ? Car nous disons que la foi fut imputée à justice à Abraham. Comment donc lui fut-elle imputée ? Était-ce après ou avant la circoncision ? Il n’était pas encore circoncis, il était incirconcis.’ ‘Et il reçut le signe de la circoncision, comme sceau de la justice qu’il avait obtenue par la foi quand il était incirconcis, afin d’être le père de tous les incirconcis qui croient, pour que la justice leur fût aussi imputée, et le père des circoncis qui ne sont pas seulement circoncis mais qui marchent sur les traces de la foi de notre père Abraham.’ ‘En effet, ce n’est pas par la loi que l’héritage du monde a été promis à Abraham ou à sa postérité, c’est par la justice de la foi.’ ‘Car si les héritiers le sont par la loi, la foi est vaine, et la promesse est anéantie, parce que la loi produit la colère et là où il n’y a point de loi, il n’y a point non plus de transgression. 1164

Comme pour corroborer ce que dit Paul, remarquons, dès lors que l’espace-temps entre la parole de YHVH et son accomplissement agit bien comme une épreuve pour la foi d’Abram, Abraham. Comme d’ailleurs, aussi, cette épreuve trouvera plus tard son paroxysme dans l’épisode du sacrifice arrêté d’Isaac. Rappelons que YHVH, va demander à Abraham de sacrifier son fils unique, Isaac, afin de le mettre à l’épreuve, avant de l’arrêter au dernier moment. 1165 Ce que Abraham va pratiquement accepter d’accomplir, avant d’en être empêché, YHVH l’accomplira librement en offrant son fils unique sur la croix. 1166

Dans son ouvrage, “le meurtre du prince “ écrit en 1972, frère Axel de Taizé exprime plus que tout autre, ce projet final de Dieu, caché voilé dans cet acte apparemment sans raison. Comme un raccourci du cheminement au travers l’histoire biblique, depuis le sacrifice arrêté, jusqu’à l’eucharistie.

‘Oh homme? Que fais-tu donc ? Abraham, toi le père de tous les croyants arrête, retiens ce geste fatal, sèche tes larmes, ouvre tes yeux, et regarde ! Vois si Dieu n’est pas différent de toi. Tu ne croyais pas si bien dire dans ton embarras, quand tu répondais à l’enfant que Dieu se pourvoirait lui-même de l’agneau nécessaire et suffisant pour le sacrifice. Dieu n’a pas été indifférent. Providence attentive, il a prévu un bélier pour épargner la vie de l’enfant et dévier le geste désespéré du père. La pulsion mortelle peut trouver un apaisement dans l’acte rituel de l’animal offrant sa chair et son sang pour arracher l’homme au feu sacré de l’autel, et aux fièvres d’une ferveur égarée. La victime et le meurtrier se trouvent maintenant en mesure de manger ensemble la chair de l’agneau salutaire et de boire le sang de l’alliance éternelle. 1167

À l’évidence, certes Dieu, met à l’épreuve Abraham, mais en même temps il l’enseigne, il lui révèle le chemin par lequel il veut être suivi, celui de la foi. Car Dieu, dans la Bible, comme le souligne frère Axel, est différent de l’homme et ne se réduit jamais à l’imagination, ou aux spéculations humaines.

La foi seule permettra, en bout de chemin, au projet divin de prendre chair, en Jésus, dans le corps de Marie, dont la foi simple qui accueillit le don de Dieu, en écho à celle d’Abraham, pour beaucoup de chrétiens, préfigure aujourd’hui, celle de l’église dont elle est la prémisse.

Il fallait d’abord entendre Dieu comme le Tout Autre, l’étranger, avant de le laisser rencontrer dans une personne toute proche, avant de le comprendre comme se laissant porter, enfanter, par les voies humaines. Marie, fiancée à Joseph, mère de Jésus, fait ainsi écho à Saraï qui devint Sara 1168 . La promesse de ce que nous avons appelé, l’alliance amitié, n’est donc plus adressée à un homme seul, comme ce fut le cas pour Noé, mais aussi, à son épouse, Sara. 1169 Lors de l’épisode du chêne de Mamré, alors qu’Abraham reçoit la confirmation de la naissance d’Isaac dans l’année qui suit, les trois visiteurs s’enquièrent de sa présence : “Alors, ils lui dirent : Où est ta femme ? Il répondit : Elle est là dans la tente “ 1170 Cette confirmation fait suite aux paroles concernant Saraï, qu’avait reçues Abraham, dans le chapitre précédent du même livre de la Genèse, juste après qu’il ait lui-même reçu son nom nouveau, le renouvellement de l’alliance, et l’ordre de la circoncision.

‘Dieu dit à Abraham; Tu ne donneras plus à Saraï, ta femme, le nom de Saraï mais celui de Sara. Je la bénirai, et je te donnerai d’elle un fils; je la bénirai, et elle deviendra des nations; des rois de peuples sortiront d’elle. Abraham tomba sur sa face; il rit, et dit en son coeur : Naîtrait-il un fils à un homme de cent ans? Et Sara âgée de quatre-vingt-dix ans enfantera-t-elle ? Et Abraham dit à Dieu : Oh qu’Ismaël vive devant ta face ! Dieu dit : Certainement Sara ta femme, t’enfantera un fils, et tu l’appelleras du nom d’Isaac. J’établirai mon alliance avec lui, comme une alliance perpétuelle, pour sa postérité après lui. À l’égard d’Ismaël, je t’ai exaucé. Voici je le bénirai, je le rendrai fécond, et je le multiplierai à l’infini, il engendrera douze princes et je ferai de lui une grande nation. J’établirai mon alliance avec Isaac, que Sara t’enfantera à cette époque-ci de l’année prochaine. 1171

Nous pouvons comprendre, alors, que la promesse de Dieu, concernant plus explicitement désormais l’homme dans son intégralité de créature, homme et femme, ne voulait pas se passer de Sara : d’où le sens de cette double élection, de Sara, d’Abraham jusqu’à Isaac, Rébecca et leur descendance, comme de la bénédiction portée envers Ismaël, père de la nation arabe, et au travers de lui, par lui, aussi, à Agar 1172 , sa mère. Les termes de la promesse adressée à Abraham, pour Sara, reprennent pratiquement, mot pour pour mot, ceux de la promesse adressée à Abram, en Chaldée, puis réitérée plusieurs fois, sous des formes plus ou moins variées, dans le même livre de la Genèse au même Abram, Abraham. La promesse qui mit donc en route Abram, pour, d’après les théologiens contemporains, suivant le croissant fertile, aller de Chaldée en Canaan, fut celle-ci.

‘L’Éternel dit à Abram: Va-t’en de ton pays, de ta patrie, et de la maison de ton père, dans le pays que je te montrerai.’ ‘Je ferai de toi une grande nation, et je te bénirai; je rendrai ton nom grand, et tu seras source de bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront, et je maudirai ceux qui te maudiront ; et toutes les familles de la terre seront bénies en toi. 1173

Nous retrouvons dans la promesse faite à Abraham un écho réitéré de celle faite à Noé, dont elle est la répercussion historique selon une réitération, un prolongement, un renouvellement.

Nous y retrouvons en effet, mais comme renouvelée, dans les termes et dans le sens, comme l’irruption d’un caractère double et quelque peu paradoxal d’une grande continuité biblique, tout à fait constant et permanent tout au long du cheminement de l’alliance : entre singulier et universel.

1°Singularité d’une parole adressée, directement de YHVH à une personne.

2° Universalité d’une promesse, concernant en bout de compte, toutes les nations, une postérité aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel, 1174 les grains de sable dans la mer 1175 .

Ce double mouvement, si caractéristique de l’élection biblique, se retrouvera tout au long du cheminement biblique, nous l’avions décelé auprès de Noé, et nous l’avions opposé à celui de Babel. Il trouvera, nous l’avons souligné, son accomplissement en Christ, “l’agneau de Dieu qui ôte le péché du monde “, puisque par un seul, le salut est apporté au monde.

Cette irruption double qui pourrait apparaître comme rationnellement singulière voire contradictoire, mais qui tire de ce paradoxe sa force, s’accompagne également d’un ordre donné suivant la parole de YHVH, suivi d’un arrachement radical, semblable à celui de Noé. Mais l’objectif en est différent.

Pour Noé, il fallait directement sauver, préserver, la création du déluge, pour cela le mouvement de la foi en la parole de YHVH, le conduisit à construire une arche selon les instructions qu’il avait reçues.

Ici, il s’agit de fonder un peuple, et de bénir à travers lui, d’autres peuples, tous les peuples. Il s’agit de marcher vers une terre. De s’amarrer, si l’on peut dire, donc à celle-ci, pour que le projet de YHVH puisse s’ancrer et prendre racine, s’incarner.

Avec Abraham, commence donc le projet de création nouvelle qui trouvera son premier né en Christ, sa première terre, en Canaan. Ce projet commence dans ce dialogue entre l’homme et YHVH, qui trouve sa résolution, dans la foi.

Cette résolution dans la foi s’enracine et de développe dans une histoire entre hier, aujourd’hui, demain, selon trois dimensions, de cette incarnation du projet divin pour l’homme, dans la temporalité.

  1. Selon l’enracinement dans la mémoire de l’histoire personnelle, singulière et universelle, entre l’homme et Dieu ...
  2. Dans l’hic et nunc, selon le mystère de l’incarnation, mystère présence de Dieu Tout Autre, manifestée dans l’histoire des hommes.
  3. Selon l’annonciation et l’accomplissement prophétique du cheminement à venir ...

Ces trois dimensions se résolvant dans le dialogue, le mystère de la foi. Ce dialogue lui-même, suppose, appelle et nourrit une liberté pour l’homme.

Des traces de cette liberté humaine ainsi proposée, supposée, appelée à être résolue par la seule foi, selon le dialogue avec Dieu, à l’initiative de Dieu, pour appeler la liberté même de l’homme, nous sont apparues par exemple :

1° dans le fait que Abram, le “père des croyants”, exemplaire par sa foi, emmène Lot et même Saraï avec lui, sans que cela soit vraiment un ordre de Dieu.

2° dans l’épisode du sacrifice d’animaux, par Abram, non réclamé par Dieu, 1176 précédant la prédiction de Dieu concernant les temps d’esclavage que devra traverser la postérité du patriarche. Dans cet épisode Paul verra plus tard le signe de la gratuité du don de Dieu qui s’accomplira en Christ. Dieu ne semble pas demander à Abraham un zèle religieux supplémentaire, qui lui ferait progressivement perdre la foi, demander des signes, et sombrer dès lors, sans doute, dans les aléas d’une pensée magique, mais simplement de marcher par la seule foi, foi confiance. 1177

3° dans le célèbre “marchandage”, entre Abraham et Dieu, lors de la prière pour Sodome : 1178 Dieu, ayant décidé de prévenir Abraham 1179 de son projet pour Sodome et Gomorrhe dont “le péché est énorme” 1180 , celui-ci intercède et commence par demander respectueusement si cinquante justes suffiraient pour préserver Sodome où vit son neveu Lot 1181 . L’Éternel répondant favorablement, Abraham descend, toujours très respectueusement, à quarante-cinq, à quarante, à trente, à vingt, jusqu’à dix. À chaque fois l’Éternel acceptera, mais Abraham ne descendra pas plus bas, et Sodome et Gomorrhe seront détruites. Seuls, Lot, sa femme et ses deux filles, les seules de sa maison à accepter de suivre Lot, trouvent grâce. Mais la femme de Lot, se retournant vers la ville, en proie aux flammes, est transformée en statue de sel. 1182

La marche par la foi, dans chacun de ces trois moments successifs, établis à partir de l’histoire d’Abraham, montre que le dialogue entre Dieu et Abraham existe bel et bien, et que la relation s’établit suivant un jeu de questions réponses. On peut même dire que la liberté d’Abraham est non seulement respectée mais encore suscitée. Non seulement l’accompagnement de Dieu, laisse Abraham à lui-même, face à sa foi, mais encore, si Dieu marche avec lui, s’il refuse de se laisser réduire aux représentations aux spéculations d’Abraham, ceci va libérer Abraham de toute attache ou subordination autre que la confiance en cette parole qui lui est adressée et qui le met en route.

Nous retrouvons, là donc, un point essentiel que nous n’avons cessé, de maintes façons, de retrouver, de répéter, tout au long de cet écrit. Le cheminement de la révélation qui s’ouvre et se perpétue ici, va de Dieu vers l’homme et n’est pas l’aboutissement des spéculations humaines.

Dieu est Tout Autre, il appelle à la liberté, celui qui ne peut accéder, sans Lui, à celle-ci.

Alors, le moyen, pour l’homme, de s’en approcher, de l’écouter, de l’accueillir, de comprendre, d’être enseigné, de prophétiser, s’appuiera désormais sur cette seule foi confiance qui mise sur l’amitié de Dieu, sur sa fidélité à sa parole. Ce qui revient à dire la permanence de cette parole qui traverse chaque situation rencontrée pour y affirmer tout à la fois une réitération et une nouveauté.

Cette foi confiance, cette foi tout entièrement abandonnée à la parole qui lui vient du dehors et qui lui parle au nom de Dieu, trouve, dans la vie d’Abraham, son paroxysme, dans l’épisode du sacrifice arrêté d’Isaac.

Elle sera sans cesse à l’ordre du jour de l’enseignement de YHVH au travers de la longue histoire, du peuple de l’alliance qui va aboutir au Christ pour une alliance renouvelée. L’enseignement de la loi elle-même qui sera plus tard révélée à Moïse, n’est pas compréhensible sans ce fondement de la foi confiance qui va l’inspirer, la nourrir, la permettre et d’une certaine manière même la finaliser.

De ce fondement de la foi va se réclamer toute l’écriture biblique, du Pentateuque aux proverbes, des juges aux rois, des psaumes aux prophètes, du Cantique des cantiques au livre de Job, d’Abraham à Moïse, à David, à Zacharie, à Élisabeth, à Joseph, à Marie, à Jean-Baptiste, pour aboutir inéluctablement tout entière au Christ, selon la perspective chrétienne.

De ce fondement de la foi se réclamera l’ensemble de la tradition chrétienne qui s’établira sur un fondement commun qui est exprimé dans le crédo : le Christ est celui qui porta, pour la rédemption et le salut du monde, l’obéissance jusqu’à la mort, la mort sur la croix.

La tradition juive établira un autre rapport à la foi, mais un rapport tout aussi essentiel. Dans le judaïsme, il s’est moins agi de proclamer une confession commune que d’investir l’étude même de la Torah comme un moyen d’éclairer sa propre foi, sa propre vie, à l’écoute d’une pédagogie que Dieu doit toujours inspirer à l’homme pour le conduire à le comprendre.

  • L’amour agapè.

Le mot hébreu ahâbâ est traduit dans les évangiles d’une manière exclusivement singulière par le grec agapê (agapè). Dans son “hymne à l’amour”, l’apôtre Paul, après avoir défini l’église comme corps du Christ, dans la lettre aux Corinthiens, célèbre l’amour, qu’on traduit parfois par la charité, comme la plus grande des choses, la plus grande des vertus, celle qui perdure, et à laquelle aucun prodige ne peut être comparé, car tout ne vivra que pour elle et par elle.

‘Quand je parlerais en langues celle des hommes et celle des anges, s’il me manque l’amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante.’ ‘Quand j’aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j’aurais la foi la plus totale, celle qui transporte les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien, quand je distribuerais tous mes biens aux affamés quand je livrerais mon corps aux flammes, s’il me manque l’amour, je n’y gagne rien. L’amour prend patience, l’amour rend service, il ne jalouse pas, il ne plastronne pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, il ne fait rien de laid, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il n’entretient pas de rancune, il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il trouve sa joie dans la vérité. Il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout.’ ‘L’amour ne disparaît jamais.’ ‘Les prophéties ? Elles seront abolies.’ ‘Les langues ? Elles prendront fin.’ ‘La connaissance ? Elle sera abolie.’ ‘Car notre connaissance est limitée et limitée notre prophétie. Mais quand viendra la perfection, ce qui est limité sera aboli.’ ‘Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant. Devenu homme, j’ai mis fin à ce qui était propre à l’enfant.’ ‘À présent, nous voyons dans un miroir de façon confuse, mais alors ce sera face à face. À présent, ma connaissance est limitée, alors je connaîtrai comme je suis connu. Maintenant donc ces trois-là demeurent, la foi, l’espérance et l’amour, mais l’amour est le plus grand. 1183

La foi est un fruit de la grâce de Dieu, tout comme l’espérance (ou même la patience), et l’amour, fruits de la même grâce. Elle est, selon Paul, indissociable de l’amour et de l’espérance qui comme elles procèdent de Dieu. La foi conduit à l’espérance qu’elle nourrit simultanément, comme l’espérance conduit à la foi, et toutes deux se nourrissent et prospèrent dans l’amour, qui fonde lui-même, la foi et l’espérance. 1184

La foi, l’espérance et l’amour, demeurent et dominent même sur la connaissance. Par connaissance Paul veut bien dire la connaissance humaine, abstraite, et, non la naissance “incarnée avec” le Christ qu’exprime le baptême et qu’évoque l’eucharistie. Cette expression incarnée de l’amour de Dieu manifestée en Jésus sur la croix, dont le partage du pain et du vin fait mémoire, est proche justement de la définition même de l’Amour agapé.

L’Amour agapé est plus grand alors que la foi et l’espérance, car lui seul ne périt jamais, il est comme à la source et à l’aboutissement de toute la révélation et donc de la foi et de l’espérance.

La foi cessera lorsque toutes les choses seront visibles directement, l’espérance cessera lorsque toutes les promesses seront accomplies, mais l’amour agapè est la source de toutes choses, la raison même de toute vie. Il vit toujours, d’éternité en éternité, tout comme Dieu. L’Amour qui croit tout, qui espère, supporte, pardonne tout, conduit à la foi et à l’espérance et il les renouvelle, en les fondant. La foi, l’espérance elles-mêmes, dominent sur la connaissance humaine puisqu’elles conduisent à leurs développements, et en tracent les limites. Mais toutes deux passeront comme d’ailleurs les discours de la connaissance, seul l’amour qui est parole et source de vie durera éternellement.

Comme l’illustreront, plus tard, IRÉNÉE 1185 (1°moitié du II°siècle début du III° siècle) dénonçant le “plérôme” des valentiniens, comme ORIGÈNE (185-254) 1186 écrivant contre “ le discours véritable” de CELSE, comme Saint AUGUSTIN (354-430) et les Pères de l’église, contre les gnostiques néo-platoniciens 1187 , comme beaucoup plus tard encore saint THOMAS D’AQUIN (1228-1274) 1188 contre “le discours décisif” de AVERROÈS, au nom de la primauté, et de la domination de l’amour agapè, le message de l’évangile, réduit, la connaissance construite et abstraite, ou la gnose, à n’être jamais qu’incise dans une incomplétude, incapable d’encercler en elle, dans son discours, ce mouvement du don gratuit, par définition toujours à revivre, comme un arrachement, une consécration toujours nouvelle.

Ce mot agapè signifie, à son origine chrétienne, les repas fraternels des premiers chrétiens, qui célébraient en cette occasion l’eucharistie. 1189

L’Amour agapè est donc ce qui unit les hommes, par l’Évangile, à l’Évangile, au Christ. Il est donc d’ores et déjà tout autre chose que la loi de Moïse, même si la loi, fut selon Paul, le pédagogue conduisant au Christ 1190 . Il accomplit cette loi qu’il a contribué à fonder.

L’Amour agapè dépasse également toutes les frontières sociales, ethniques, religieuses, nationales.

Il est tout autre chose qu’un lien relatif à une ethnie, au sexe, à la classe sociale, ou même, à la religion, ou à l’appartenance à une nation, même si Israël est le peuple dans lequel le Christ est né, et au travers de l’histoire duquel le message de la révélation s’est développé.

La parole est allée jusqu’à vivre parmi les hommes et donner sa propre vie pour les sauver, c’est à dire pour que les hommes en vivent éternellement.

L’Amour agapé est autre chose encore qu’une connaissance abstraite théorique, qu’un théorème transposable a merci, mécaniquement, il ne peut vivre sans s’incarner.

Ce qui unit désormais fraternellement les hommes sans distinction de race, de culture, de statut social, ou de sexe, est la prise en commun de la même nourriture, qui selon la Pâque juive célébrait la mémoire, de la sortie d’Égypte, et qui désormais se célébrera sans plus de précision datée. 1191

Ce qui unit donc, est le Christ lui-même, manifestation de cet amour pour les hommes, avec la seule présidence invoquée de l’Esprit-Saint qui en rend compte et qui en témoigne, en n’importe quelle circonstance, en n’importe quelle occasion, à n’importe quelle date, le passage de la mort à la vie, l’irruption du Royaume sur la terre, l’espérance du Royaume à venir.

Notes
1164.

Romains IV 10 à 12.

1165.

Le sacrifice arrêté d’Abraham. Genèse XXII

1166.

Hébreux VI 13 à 20

1167.

AXEL, f. de Taizé “ Le meurtre du prince - Évangile pour les agressifs” Seuil Taizé Paris 1972 ; (page 15).

1168.

Ce nom signifie princesse.

1169.

Cachée derrière la tente, Sara entendit la promesse faite par les trois visiteurs sous les chênes de Mamré qui confirment à Abraham âgé qu’il aura un fils dans l’année (Genèse XVIII 1 à 15). Étant trop âgée pour avoir des enfants, elle rit en elle-même.

1170.

Genèse XVIII 9

1171.

Genèse XVII 15 à 21

1172.

Le nom Agar de l’hébreu Hagar signifie “fuite”. La servante de Saraï est-elle la grande oubliée du plan de YHVH ? Certes non, lorsque nous lisons, Genèse XXI 1 à 21 : L’Éternel va s’adresser directement à elle, dans le désert, une fois qu’elle fut renvoyée de la maison d’Abraham, lorsque l’Éternel entendit la voix de l’enfant mourant de soif.

“Lève-toi,prends le par la main, car je ferai de lui une grande nation.”

Et Dieu lui ouvrit les yeux, et elle vit un puits d’eau, elle alla remplir d’eau l’outre, et donna à boire à l’enfant.” (verset 17)

Plus tard, avant que nous ne perdions bibliquement sa trace, elle trouvera à son fils , devenu tireur d’arc, vivant dans le désert, et avec qui Dieu était, nous dit encore le texte biblique, une épouse au pays d’Égypte.

1173.

Genèse XII 1 à 3 Le texte se poursuit ainsi : “Abram partit comme l’Éternel le lui avait dit, et Lot partit avec lui.”

Cette promesse est reproduite de façon assez précise en :

- Genèse XV 18 (Lorsque Dieu montre le pays de la promesse à Abram).

- Genèse XVII (Juste avant l’annonce de la naissance d’Isaac, de l’ordre de la circoncision et de l’alliance perpétrée avec Sara, la bénédiction accordée à Ismaël). cette alliance est annoncée ici comme perpétuelle ou éternelle. (verset 7).

-Genèse XVIII 18 (Juste avant que l’Éternel ne lui dévoile son projet pour Sodome et Gomorrhe et qu’Abraham n’intercède pour Sodome ).

-Genèse XXII 18 (Après le sacrifice arrêté d’Isaac).

1174.

Genèse XV 5 ; Genèse XXII 17

1175.

Genèse XXII 17

1176.

Abram semble avoir une attitude proche de celle de Zacharie le père de Jean le baptiste qui ne se contenta pas de la parole de Dieu, et lui demanda des signes, et qui demeura muet jusqu’à la naissance son fils. (Luc XVIII 22)

YHVH vient pourtant de lui donner la victoire sur plusieurs rois (Genèse XIV ) et lui montrer désormais le pays de la promesse, (Genèse XV 1 à 6 ) il vient également de le considérer comme juste par la foi (au verset 6). Abram demande pourtant à YHVH : “Seigneur Éternel à quoi connaîtrai-je que je le posséderai ?” (Genèse XV 7) C’est alors que survient cet étrange sacrifice manqué et la nuit d’angoisse d’Abram, devant chasser le oiseaux de proie qui s’abattent sur les cadavres, avant de tomber dans un profond sommeil.

1177.

Genèse XV 6 à 15 Voir Romains IV 3 à 25. La note de la TOB indique que le mot traduit par foi et utilisé en Genèse XV 6, est un mot hébreu de même origine que amen, signifiant tout à la fois, la confiance, la vérité, la fermeté, la fidélité

1178.

Genèse XVIII 19 à 33

1179.

Se souvenant qu’il l’a choisi afin que toutes les nations de la terre soient bénies par lui. On peut penser que l’Éternel se souvient aussi que lot est d’une certaine façon l’un des fils d’Abraham (Son neveu fils de son frère). Genèse XVIII 17 à 18

1180.

Genèse XVIII 20

1181.

Lot choisit les villes de la plaine pour s’y réfugier, prenant apparemment la bonne part, lorsque Abram lui expliqua qu’il était nécessaire de se séparer,” si tu vas à gauche j’irai à droite, si tu vas à droite , j’irai à gauche” . Genèse XIII 8 à 13

1182.

Genèse XIX 1 à 29 La femme de Lot est évoquée par Jésus en analogie avec les temps de son retour. Nous y retrouvons aussi un rappel de la radicalité de l’altérité du projet de Dieu par rapport aux spéculations humaines. (Luc XVII 32 33) : “Souvenez-vous de la femme de Lot. Celui qui cherchera à sauver sa vie la perdra, et celui qui la perdra la retrouvera.”

1183.

I Corinthiens XIII (TOB)

1184.

On peut lire entre autre : Actes XV 1 à 12 (spécialement le verset 9)- (conférence de Pierre à Jérusalem ); Romains I 5; Romains VI 17 ; Romains VIII 19 à 27 ; Romains XII 9 à 16 ; I Corinthiens XVI 13 et 14 ; II Corinthiens I 7 ; II Corinthiens X 5 ; Galates V 6 ; Éphésiens VI 10 à 20 ; Éphésiens VI 23 24 ; I Jean III 10 ; I Jean IV 7 et suivants, ; I Jean IV 20 et suivants.

1185.

IRÉNÉE de Lyon “Contre les hérésies - Dénonciation et réfutation de la prétendue gnose au nom menteur” Cerf Paris 1984 -1991 ; (750 pages). Traduction française de Adelin ROUSSEAU. Préface du cardinal DECOURTRAY. (op. cit).

1186.

ORIGÈNE “Contre Celse “ (écrit entre 244 et 249) Introduction, critique et notes par Marcel BORRET Le Cerf Paris

Tome 1 (livres 1 et 2 ) ; (481 pages) 1967 ; tome 2 (livres 3 et 4) 1968 ; (438 pages) ; tome 3 (livres 5 et 6) 1969 ; (386 pages) ; tome 4 (livres 7 et 8) 1969 ; (353 pages); tome 5 Introduction générale, tables et index 1976 ; (538 pages).

1187.

AUGUSTIN Saint “Six traités anti-manichéens” Desclée de Brouwer Paris 1962 ; (827 pages). (op. cit.)

1188.

(SAINT) THOMAS D’AQUIN “L’Unité de l’intellect contre les averroïstes : suivi des textes contre AVERROES antérieurs à 1270” traduction du latin et éd. de LIBÉRA Flammarion Paris 1994 ; (384 pages). (op cit).

1189.

Ce qui unit les hommes, désormais, est donc la nourriture, qui signifie l’appartenance au corps du Christ, l’église.

Dans son dictionnaire du Nouveau Testament, Xavier Léon DUFOUR écrit :

“Attestée dès la fin du II°siècle (TERTULLIEN), peut-être au début (IGNACE), cette coutume aurait existé au I° siècle (Jude 12) et aurait ses origines dans les repas des chrétiens de Corinthe dont Paul dénonce les désordres.” (I Corinthiens XI 20 à 22)”.

1190.

De toute la Bible, la seule utilisation de ce mot pédagogue, référant à l’esclave grec, est dans l’épître aux Galates , par l’apôtre Paul.

“Ainsi la loi a été comme un pédagogue pour nous conduire au Christ, afin que nous fussions sanctifiés par la foi.”

Galates III 24 (op cit).

1191.

Les témoins de Jehovah ne célèbrent cependant le repas de la “mémoire” qu’une fois l’an, au moment supposé de la Pâque.