4 L’école ou l’église ?

L’apôtre, non le maître

Tandis que, dans le même temps, le judaïsme, aux premiers siècles de notre ère, se développait à partir des écoles qui allaient produire le Talmud de Jérusalem (de Palestine) et celui de Babylone (Talmud Bavli), autour de maîtres (rabbis), commentant la Torah, l’église primitive chrétienne quant à elle, se développait en église, corps du Christ, dans la communion de la communauté nouvelle, recevant les signes premiers de la création nouvelle, 1220 autour des douze apôtres 1221 (le grec apostolos de apostellô : “envoyer, députer”), répercutant pour les douze premiers d’entre eux, 1222 symboliquement les douze tribus d’Israël, et accomplissant en Christ l’enseignement des prophètes. 1223 L’apôtre a autorité mais non supériorité. Son souci est de témoigner de l’unité du baptême et de l’enseignement de l’Esprit-Saint, esprit de communion, esprit communautaire. Jean DANIÉLOU montre que, dès le deuxième siècle, on assiste à des différences évidentes entre les sectateurs 1224 qui expriment des points de vues plus personnels, et les évêques 1225 qui succèdent aux apôtres qui s’appuient sur la foi commune, le souci de l’édification de l’église.

‘On ne peut qu’être frappé entre la différence entre les fondateurs de secte qui présente un caractère personnel et ressemble à celle de chefs d’école, et l’action des évêques qui est essentiellement collective et cherche à dégager la foi commune. 1226

L’église primitive se fonde et s’articule sur la communion du Saint-Esprit qui témoigne d’une filiation nouvelle en Christ. Paul écrira à l’église de Corinthe :

‘Car, mes frères, j’ai appris à votre sujet, par les gens de Chloé, qu’”il y a des disputes au milieu de vous. Je veux dire que chacun de vous parle ainsi : Moi, je suis de Paul, et moi, d’Apollos! et moi de Céphas! et moi de Christ! Christ est-il divisé ? Paul a-t-il été crucifié pour vous, ou est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés ? 1227 (...)’ ‘Que personne donc ne mette sa gloire dans des hommes; car tout est à vous, soit Paul, soit Apollos, soit Céphas, soit le monde, soit la vie, soit la mort, soit les choses présentes, soit les choses à venir. Tout est à vous; et vous êtes à Christ, et Christ est à Dieu. 1228
Notes
1220.

II Corinthiens I 18 à 22 Paul annonce qu’en Christ se trouve le “oui” de Dieu aux promesses données. Les chrétiens ont reçu dans leur coeur les “ arrhes” de l’Esprit. Cette dernière expression est reprise en II Corinthiens V 5

1221.

Les premiers chrétiens partageant tous leurs biens déposaient ceux-ci aux pieds des apôtres. On opérait ensuite la distribution à chacun selon ses besoins. Actes IV 32 à 35

1222.

Rappelons que le premier acte de l’église de Jérusalem fut de trouver un successeur à Judas. Ce fut Matthias qui fut désigné par le sort après que les disciples eurent prié. (Actes I 21 à 26). Il fallait que ce soit un de ceux qui avaient suivi Jésus depuis le début. Ce qui signifie que les premiers apôtres avaient tous vécu l’expérience de la mort de Jésus où aucun d’entre eux n’avait pu le suivre, et reçu ensuite la bonne nouvelle de sa résurrection.

1223.

Les apôtres institués par Jésus sont entés sur Israël et les prophètes. Leur enseignement fait autorité dans cette mesure dans l’église primitive. Autour d’eux se bâtissent des communautés.

“Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre angulaire.”

Éphésiens II 20

1224.

L’entrée historique du mot dans le sens où nous l’employons aujourd’hui, semblerait bien liée au développement du christianisme et des évangiles, dans le langage évangélique il désigne ceux qui manifestent une opinion qui va à l’encontre de l’unité nouvelle en un seul corps de l’église manifestée en Christ.

Il peut désigner :

-les chrétiens eux-mêmes vus par les autorités le “parti” du Nazaréen ( Actes XXIV 5 à 14 ; Actes XXVIII 22) ;

-les sadducéens (Actes V 17) ; les pharisiens (Actes XV 5 ; Actes XXVI 5 ) ;

-les scissions ou les hérésies ; I Corinthiens XI 19 ; Galates V 20 ; Timothée III 20;

-et même semble-t-il la communauté de Qoumrân (II Pierre I I 1) .

(D’après Xavier LÉON-DUFOUR; Dictionnaire du Nouveau Testament).

1225.

Du grec ” episkops “qui signifie surveillant.

Remarquons au passage le basculement étymologique par rapport à l’origine de “apôtre” qui signifiait “envoyé”.

1226.

DANIÉLOU Jean ‘L’église des premiers temps - Des origines à la fin du III °siècle ” Seuil Paris 1963-1985 ; ( page 119).

1227.

I Corinthiens I 11 à 13

1228.

I Corinthiens III 21 à 23