Jésus se distingue encore d’un autre groupe mieux aimé par la foule, souvent protégé par elle des représailles romaines, qu’étaient les zélotes, nationalistes, plus proches donc du peuple dont il est parfois issu, que tous les autres groupes que nous venons de citer. Et nous pouvons comprendre pourquoi la déception suivra l’entrée à Jérusalem. Jésus ne répond pas à la convocation du peuple. Le peuple ignore qu’on ne convoque pas Jésus au royaume des hommes, c’est lui qui le précède dans le Royaume de Dieu, tel est le sens des évangiles. Il n’est pas le libérateur annoncé du joug de l’empire romain. Il annonce un royaume qui n’est pas celui des puissants de ce monde. Son royaume n’est pas de ce monde. 1242
Un parallèle existe entre deux textes, qui se suivent dans le même Évangile de Marc. Le pasteur de l’église réformée, Gilles VIDAL en souligna, lors d’une prédication, le caractère saisissant. Nous suivrons quelques éléments de sa démonstration. Dans l’évangile de Marc l’épisode de la mort de Jean-Baptiste précède exactement le récit de la multiplication des pains.1243
Le comportement de Jésus qu’on peut mettre en parallèle avec celui d’Hérode, est à l’opposé. Hérode est le roi d’Israël que le peuple et les zélotes contestent. Jésus a compassion des foules sans berger, on sait que le berger dans la culture juive est la figure du roi.
Le parallèle contrasté souligné par Gilles VIDAL se situe sur plusieurs points :
La rencontre de Jésus avec cette foule ne répond à aucun ordre du jour. Non programmée elle donne lieu à un événement qui n’est pas un discours théorique mais qui est un geste d’amour qui nourrit la foule concrètement et spirituellement par le sens que l’on peut tirer de cet acte. Il s’agit donc d’un miracle au sens biblique du terme. Gilles VIDAL concluait ainsi son homélie :
‘Oui, Jésus prend le temps de voir mes faiblesses, mes doutes, mes colères même, il prend le temps pour en avoir pitié. Ainsi avant même que je fasse la démarche d’aller à sa rencontre, le regard qu’il pose sur moi est un regard bienveillant compatissant. Je peux choisir d’aller à sa rencontre, mais je sais que c’est d’abord Lui qui me reconnaît, que c’est Lui qui me devance .’ ‘Amen.’Remarquons encore une opposition d’une autre nature qui pourrait les résumer toutes, elle tient au rapport à la parole et au geste : Hérode regrette de devoir faire tuer Jean-Baptiste, mais il est tenu par son serment. Jésus lui n’est tenu que par l’action de grâce. Le miracle de la multiplication des pains se produit après qu’il ait rendu grâce. La parole se fait geste et s’accomplit en lui.
Jésus ouvre donc la porte à la parole de Dieu là où Hérode reste prisonnier de ses paroles humaines. Dans les évangiles, Jésus est celui qui libère la volonté de Dieu, le verbe de Dieu prend chair en lui. Mais cela ne s’opère pas comme automatiquement. Jésus partage la condition humaine et ses limites, à la différence prêt, avec la condition qui est la nôtre, qu’il choisit de lui-même ces limites.
‘Je ne puis rien faire de moi-même : selon que j’entends, je juge, et mon jugement est juste parce que je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé. 1245 ’Il ajoute dans le même évangile de Jean :
‘Tout ce que le Père me donne viendra à moi, et je ne mettrai pas dehors celui qui viendra à moi ; car je ne suis pas descendu du ciel pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé.” 1246 ’Nous trouvons dans cette disponibilité de Jésus à la volonté de son Père un espace à l’accueil, à la surprise, à tout ce que son Père lui donne et vient à lui.
Dès lors, cette rencontre sans programme préétabli se fait sous le signe du Royaume.
C’est le Royaume qui se manifeste pour ceux qui en acceptent l’oeuvre et s’approchent de Jésus. Les aveugles voient, les lépreux guérissent, les boiteux marchent, les sourds entendent, les muets se mettent à parler, les morts sont rendus à la vie, une Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. 1247
L’oeuvre de Dieu s’accomplit ainsi en lui, par lui, à travers lui.
Les miracles, signes de la volonté de Dieu, qui trouvent en Jésus le réceptacle pour s’accomplir, devront de la même façon aussi en les rencontres avec Jésus se faire réceptacles à leur tour dans le coeur de l’homme pour que puisse s’accomplir le miracle de la foi.
Ainsi il ne put faire beaucoup ou pas même du tout de miracle à Nazareth, sa ville natale, car nous disent les textes, Jésus n’y trouva guère la foi. 1248 La foi est la base sur laquelle repose la réceptivité à l’enseignement du Christ. La foi n’est pas réductible à la seule croyance, ni synonyme de programmation, nous l’avons dit, mais une confiance qui engage tout l’être de manière ouverte à une parole autre que la sienne. La foi est alors réponse, la réponse libre de la foi première, manifestée en Christ, de Dieu pour l’homme. Elle seule semble permettre le miracle qui change les circonstances de la vie. Il reste que la prise en compte de la réalité, et spécialement de la souffrance, et de la mort, la faim, la soif, la maladie, la détresse, prime dans ce message sur toute la prise en compte de toute autre interrogation métaphysique ou intellectuelle. La réalité douloureuse de la condition de l’existence est prise en compte en toute première priorité. L’évangile invite le disciple à s’y pencher à son tour et de donner lui-même à manger à la foule qui a faim.
Nous empruntons ce titre au titre sur le pasteur VIDAL donna à sa prédication et dont il a bien voulu nous laisser le texte. VIDAL Gilles (pasteur de l’église réformée de France) “Rencontrer Jésus une rencontre ouverte “ texte de la prédication sur Marc VI 14 à 29 et Marc VI 30 à 44 ; le dimanche 20 Juillet 1997 au temple de l’église réformée de Saint-Étienne.
Jean XVIII 36
Marc VI 14 à 29 pour le récit de la mort de Jean-Baptiste ; Marc VI 30 à 44 pour le récit de la multiplication des pains.
Ceci est aussi relaté dans “Antiquités Juives” et “Guerre juive “ de FLAVIUS JOSÈPHE; le roi Hérode Hérode le Tétrarque, après avoir répudié sa propre femme, s'était marié avec Hérodias avant la mort de son premier mari Hérode Philippe, oncle d’Hérodias,et frère de Hérode le Tétrarque, et ceci fut dénoncé comme péché par Jean-Baptiste (on ne mentionne dans l’évangile que le fait qu’il avait épousé la femme de son frère vivant et qu’il n’était pas permis de prendre la femme de son frère en Marc VI 18) qui le paya donc de sa vie.
Jean V 24
On retrouve ce thème en maints passages des évangiles mais citons :
La phrase du Notre Père : “que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel” Matthieu VI 10
“Ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur ! n’entreront pas tous dans le Royaume des cieux, mais celui - là seul qui fait la volonté de mon père qui est dans les cieux “ Matthieu VII 21
“Quiconque fait la volonté de mon Père qui dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma soeur, et ma mère ...” Matthieu XII 50
La phrase de Jésus au moment de la croix “ que ma volonté ne se fasse pas, mais la tienne “ Luc XXII 42
Jean VI 37 et 38
Matthieu XI 2 à 5 ; Luc IV 18 et 19 ; Esaïe XXIX 18 ; Esaïe XXXV 5 à 6 ; Ésaïe XLII 7 ; Ésaïe et LXI 1 et 2
“Il ne put faire là aucun miracle, si ce n’est qu’il imposa les mains à quelques malades et les guérit.”
Marc VI 5 ; On voit combien pour Marc le miracle ce n’est pas le fait spectaculaire de la guérison mais la foi, le coeur transformé. (Matthieu XIII 58 ).