Seizième opposition : Grâce et oeuvre

Autant Babel est comme une tentative d’apologie de l’oeuvre humaine, de la construction, autant Noé fait place à la grâce de Dieu. D’un côté, Babel, les efforts communs sont légitimés par le but à atteindre, de l’autre côté, Noé, tout y est grâce de Dieu.

Noé lui-même n’est ni un saint, ni un surhomme. Le récit de son enivrement, de la malédiction qu’il lance à Canaan montre son état de faiblesse naturelle et présage que le chemin de l’alliance ne fait que commencer.

Il s’agit en effet dans ce récit du premier “couac” de la création renouvelée par l’alliance. Il est à noter que celui-ci se cristallise sur la question de la “nudité” de Noé, c’est à dire du non respect de l’intimité singulière, nous retrouvons la situation d’Adam et Éve après avoir mangé le fruit défendu.

Cet épisode montre donc également, comme pour éviter d’entrée la confusion possible du lecteur, que l’alliance passée avec Noé et à travers lui avec la création, n’a pas gommé l’effet du péché, elle est simplement promesse de Dieu de ne plus livrer l’homme au désordre des choses mais de lui permettre une prise sur elles.

C’est pourquoi, nous y reviendrons, selon le texte biblique, l’oeuvre de Babel n’est sans doute possible qu’après l’événement de Noé. La possibilité même offerte pour que les hommes envisagent de se construire une tour, ne suppose-t-elle pas en effet qu’une prise leur soit donnée au préalable sur le monde, que celui-ci ne soit pas abandonné à un aléatoire absolu ? Dieu manifeste sa présence dans la succession des jours et des nuits, des saisons, et de l’ordre des choses, gratuitement, par grâce, cette grâce est toujours première.