Cette opposition nous semblerait, si ce n’était celle de la foi et de l’intempérance, presque fondatrice de toutes les autres, et, en tout cas, que cette approche se trouve en cette partie de notre écrit, consacrée à la relation au temps.
En effet, Noé et Babel supposent une relation au temps à l’opposé l’une de l’autre.
C’est avec Noé que commence, avec les temps de l’alliance, une relation au temps qui se pacifie pour l’homme, puisque le temps désormais sera partiellement en état de domesticité, mesurable, lieu d’un repère tangible, d’une certaine manière, puisque Dieu fait à Noé la promesse de la permanence du temps et de ses cycles. 1340 Le temps devient instrument pour Dieu d’une pédagogie: chaque chose va désormais arriver en son temps, selon le projet de Dieu, et l’alliance en route trouve là son origine, c’est à dire, qu’on peut y détecter comme la présence cachée de son accomplissement en Christ, selon la perspective chrétienne.
Pour Babel, et la dérive techniciste qui en découle, la relation au temps ne se justifiait qu’en termes d’échéances à atteindre, de buts à poursuivre. Il fallait se donner les moyens d’atteindre l’objectif fixé à l’avance, non seulement inaccessible mais source de confusion de dispersion, d’échec et d’impossibilité pour les hommes de renouvellement de l’entreprise de construction, du fait de l’impossibilité désormais pour ceux-ci de se comprendre dans la même langue, ce qui résulte de l’intervention divine.
En résumé, l’aventure de Noé permet au temps d’être désormais un instrument de la pédagogie divine, et un outil pour l’homme qui marche par la foi, un repos, ce que d’ailleurs signifie l’étymologie même de Noé. Dieu agit au présent, seul le présent importe, mais il intègre en celui-ci l’éternité, c’est le sens même des paroles de Jésus, lorsqu’il évoque les lys des champs et les oiseaux, qui ne vivent pas autrement que dans l’aujourd’hui de Dieu. 1341
Genèse VIII 22 op. cit. C’est pourquoi Noé précède Babel, l’entreprise Babel n’est possible que sur le substrat de l’alliance.
Luc XII 22 à 34