Entre Noé et Pentecôte, nous voulons dire plus spécialement, la Pentecôte au sens chrétien, 1346 se retrouvent réunis et exprimés, comme provenant de toutes parts, le continuum de l’enseignement chrétien né de l’histoire biblique et tant de fois souligné par Paul et l’église primitive, selon l’accomplissement en Christ de l’écriture, ce dont la foi rend compte. La foi chrétienne, selon ce regard, est donc déjà celle de Noé, qui exécute jusqu’au détail, et qui accomplit la parole de Dieu, elle se relie à celle d’Abraham, à celle de Moïse aux prophètes jusqu’aux disciples priant à Jérusalem le jour de la Pentecôte.
La fête de la Pentecôte “Shavuot” , (Chavouot) ou fête des semaines 1347 était la première fête relative aux récoltes où l’on offrait les prémices de celles-ci devant le sanctuaire. 1348 Elle était la troisième grande solennité juive, du temps du Christ, les deux autres fêtes étaient Pâque 1349 et le Tabernacle. 1350 Elle était l’occasion, comme les deux autres grandes fêtes d’ailleurs, d’un pèlerinage à Jérusalem pour tous les juifs mâles et valides, ce qui expliquera qu’une foule de la Diaspora 1351 soit à Jérusalem au moment de l’événement décrit dans les Actes et qui va fonder l’église. 1352 Les juifs venaient au temple pour offrir les prémices, une offrande de grâce. On voit combien le lien est donc étroit entre cette fête juive et la promesse faite à Noé entre autre, que semailles et moissons ne passeraient pas tant que la terre subsistera. 1353
Comme semble l’annoncer le sacrifice gratuit qu’offrit Noé au sortir de l’arche, comme le renforcera la révélation de la loi de Moïse, et les nombreux préceptes de la Torah, qui ont pour vocation de relier l’homme à Dieu dans les multiples détails de la vie quotidienne, nous entrons, dès lors, dans les temps “liturgiques” qui s’opposent au temps mesuré ou encore compté, “millimétré” de Babel.
Maintes fois ont été soulignées combien les fêtes juives (en hébreu “Yom tov”, littéralement : bon jour) s’articulaient et épousaient la vie séculière, de ce peuple à vocation largement agricole.
Ainsi, pour n’évoquer que les trois fêtes qui donnaient lieu à pèlerinage à Jérusalem : La Pâque (Pessah) ( Nisan 14), outre la commémoration de la sortie d’Égypte et de l’Exode, rejoignait le temps des crues du Jourdain 1354 . Elle était la fête de printemps au cours de laquelle une mesure de la récolte d’orge était offerte.La Pentecôte (Chavouot) (Sivan 6) célébrait la moisson de l’orge et le début de celle du froment, en même temps qu’elle commémore le don de la loi. La Soukkot, la fête des tentes, et du Tabernacle, (du 15 au 21 Tisri ) rappelait le temps de l’exode, de l’exil, la précarité lors de la traversée du désert, et se situait simultanément lors de la seconde récolte d’Automne, des vendanges et des prémices de l’huile et du vin.
Aujourd’hui encore, en Israël, cette fête liturgique de la Pentecôte se raccroche à plusieurs sources exprimées dans ces différentes dénominations :Hag ha-Chavouot (fête des Semaines) 1355 , Hag ha Qatsir (fête des Moissons) 1356 , Yom ha-Bikkourim (jour de l’offrande des Prémices) 1357 , Zeman Mattan Toraténou ou Yom Mattan Torah (époque du Don de notre Torah) 1358 .
Ces différentes dénominations sont comme les marques d’une histoire et d’un dialogue entre un peuple et la parole révélée qui lui sert de référence. Le “Nouveau Dictionnaire Biblique” note les rapprochements possibles.
‘Il est remarquable que la Loi mosaïque elle-même ait situé cette fête si importante un lendemain d’un sabbat (le cinquantième jour venait en effet après cinquante sabbats). Comme la résurrection du Christ, l’effusion de l’Esprit et la création de l’Église ont eu lieu le premier jour de la semaine. 1359 ’Remarquons donc, premièrement, le fait de cet accomplissement, comme marqué pratiquement en amont, par avance, par cette localisation temporelle au premier jour de la semaine, et, comme cette situation au premier jour de la semaine le signale et l’annonce, simultanément, deuxièmement, le fait d’un renouvellement. Accomplissement et renouvellement que nous trouvons également marqué dès l’entrée dans l’année juive lors des deux grandes fêtes que sont le Roch ha-chanah (Rosch Haschana) située le premier et le deuxième jour de Tisri (Tichri), et le Yom Kippour (Yom Kippur), (le jour du pardon), située au dixième jour de ce premier mois de l’année juive.
Selon la tradition extra biblique, post-biblique, rabbinique, c’est à Roch ha-chanah 1360 que chacun est jugé sur l’année écoulée, et à Yom Kippour qu’est rendu le verdict définitif, verdict de pardon et de renouvellement pour qui se tourne sincèrement vers Dieu, pardonnant lui-même à son prochain. Les dix jours séparant le début de Roch ha-chanah et le début du Grand Pardon sont des jours “de contrition”, appelés en hébreu : “ yamim noraïm”, autrement dit, “les jours terribles”. Soulignons encore que ce “mariage” de l’accomplissement et du renouvellement se découvre dans le fait que le jour en Israël était compté à partir du soir, du déclin du soleil, mais en même temps était parfois compté comme appartenant au jour qui le précédait. 1361
Car, de la Bible, l’acteur premier et dernier n’est pas l’homme mais YHVH, Adonaï, 1362 Dieu créateur, 1363 Dieu père, 1364 Dieu juste, 1365 Dieu exclusif et jaloux , 1366 Dieu saint et fort, 1367 Dieu éternel, 1368 Dieu bon, 1369 Dieu vivant, 1370 dont la loi donne l’enseignement de la volonté, et, à qui Jésus donne, pour les chrétiens un visage, le seul visage, celui de son fils bien aimé, en qui il a mis toute son affection. 1371 YHVH en effet est parole, et prend chair, en Jésus.
YHVH est donc bien celui qui accomplit sa parole en prenant chair en Christ, et rendant ainsi du coup, nouvelles toutes choses. S’épousent en Lui, par Lui, renouvellements et accomplissements, auxquels le sceau divin vient ajouter la dimension de l’éternité : aiôn pour les grecs. Aiôn, nous l’avons dit en introduction de cette partie de la thèse consacrée à la relation au temps, comme le souligne le théologien protestant Paul TILLICH, 1372 vient établir ses quartiers dans les kaïros, autrement dit, dans les événements quotidiens, singuliers, et terrasser du coup Kronos avide de vies, et de vides. Dieu soumet alors toutes choses au sens que l’homme découvre selon sa foi. S’ouvre dès lors à l’espérance dans l’amour agapê, 1373 l’avancée inexorable du temps qui projetait les créatures vers un vide, un non sens, vers la mort, désormais pour toujours vaincue par la vie. 1374
Nous allons, à présent, relever ici, en quelques douze points, parmi cependant, et sans aucun doute, bien d’autres possibles, douze continuums, comme autant de singularités, qui permettent de donner une lecture du cheminement, entre accomplissement et renouvellement, d’accomplissements en renouvellements. Ces douze points, que nous avons donc seulement établis pour aider à la clarté et à la commodité d’une lecture de notre exposé, nous semblent comme inscrits dans l’histoire d’Israël et conduisent à la naissance de l’église, à la Pentecôte.
Remarquons en préambule que, si le lien implicite et premier, le continuum des continuums, en quelque sorte, est bien ce Dieu personnel, qui réunit en lui toutes choses, celui-ci ne se confond certainement pas avec une vision anthropocentrique de dieu, ce qui est le propre de la mythologie grecque. Il s’agit bien plutôt, dans le projet biblique, de conduire l’homme vers un théocentrisme, un christocentrisme vital, 1375 qui réconcilie, en lui, de part l’initiative de Dieu, le don de Dieu, la grâce : tout l’homme et tout Dieu. Mais cette réconciliation supposait bien, pour être entendue, et même divulguée, pour être en tout cas, au sens propre, enseignée, un cheminement dans l’histoire. Ce sont, ce cheminement, cette histoire, ce mystère singulier que retrace la Bible, et, qui nous révèlent et permettent de lire et de comprendre le lien de communion profonde entre l’alliance annoncée à Noé et le don de l’Esprit-Saint aux disciples à la Pentecôte, donnant naissance à l’église. Le cheminement de l’alliance. L’alliance est en effet le centre de ce cheminement.
Entre Noé et Pentecôte, la première grande étape, l’étape décisive, en sera Abraham.
Célébrée cinquante jours après la Pâque, d’où le nom grec donné dès le premier ou deuxième siècle après Jésus-Christ : hè pentekostè. Signalons déjà, avant de le développer, le lien essentiel que la Pentecôte chrétienne, l’irruption de l’Esprit, entretient avec la Pentecôte juive “Shavuot” ... Là aussi, là encore, nous mesurons et rencontrons cette notion typiquement biblique de l’accomplissement qui est tant soulignée dans le Nouveau Testament.
Elle devait son nom de fête des semaines au fait qu’elle se situait, à partir de la loi de Moïse, sept semaines après la fête l’offrande de la gerbe des prémices de l’orge, symbole de la consécration de la moisson (Lévitique XXIII 15, 16 cf Deutéronome XVI 9,10) et qui s’accompagnait d’une offrande de deux pains avec du levain et de sept agneaux d’un an, un jeune taureau et deux béliers. Plus tard, cette fête se transforma en commémoration de la sortie d’Égypte et le repas du “séder” .
Exode XXXIV 22 23 ; II Chroniques VIII 12 13 ; I Roi IX 25.
Soulignons que le dernier repas que prit Jésus avec ses disciples est encore aujourd’hui le repas du “séder” commémorant la sortie d’Égypte, on y bénit le pain azyme et le vin ; on lit le récit du livre de l’Exode à la question d’un enfant : “En quoi cette nuit est-elle différente de toutes les autres ?”
DÉLUMEAU Jean “Des religions et des hommes” Desclée De Brouwer Paris 1997 ;( aux pages 120 et 121).
Elle est la fête de Soukkot (Soukkoth) ou la “fête des tentes “ où les israéliens construisent des maisons en branchages (sukka), fête qui célébrait à l’origine également le temps des vendanges, elle trouve son origine dans ce passage du livres des Lévitiques. “Vous habiterez sept jours sous des huttes, tous les citoyens d’Israël habiteront sous des huttes, afin que vos descendants sachent que j’ai fait habiter sous des huttes les Israélites quand je les ai fait sortir d’Égypte.”
Lévitique XXIII 42, 43 .
Actes II 5 ( Exode XXIII 16 à 19 ; Exode XXXIV 22 ; Lévitique XXIII 15 - 21 ; Nombres XXVIII 26 ; Deutéronome XVI 9 à 10). Le pèlerinage au Temple de Jérusalem pour Chavouot était motivé par l’offrande au Temple. Trois fêtes étaient l’occasion de pèlerinages pédestres “chaloch regalim “
Actes II et III
Genèse VIII 22 op. cit.
Josué III 15 ; I Chroniques XII 15
Nom donné en raison de la date, sept semaines après Pâque. Lévitique XXIII 15 à 16 ; cf Deutéronome XVI 9 à 10.
Exode XXIII 16
Nombres XVIII 26
Le ralliement de cette fête au don de la Torah, est une pratique juive post-biblique. Elle suscita une polémique entre les rabbins à l’initiative de ce rapprochement et qui pensaient à une date fixe (le 6 Sivan, ou le 12 Sivan pour les juifs d’Éthiopie) à partir d’une lecture d’Exode XIX 1 à 16, et les sadducéens attachés à la seule Torah, et qui considéraient que rien dans la Bible, et ceci est un fait, ne préconisait une date fixe pour cette fête .
L’argument majeur du ralliement était que les rabbins considéraient la Chavouot comme la conclusion des fêtes. Le terme "Atsèret" terme qui signifie conclusion est d’ailleurs le terme employé dans la littérature talmudique pour désigner cette fête.
Une citation pour conclure cette note :“les rabbins considèrent en effet la fête de Chavouot comme la conclusion de celle de Pessah.”
In “DICTIONNAIRE encyclopédique du judaïsme “ Publié sous la direction de Geoffrey WIGODER “The encyclopedia of judaïsm “ (1989) ; adapté en Français sous la direction de Sylvie Anne GOLDBERG avec la collaboration de Véronique GILLET, Arnaud SÉRANDOUR, Gabriel Raphaël VEYRET ; Cerf Robert Laffont Paris 1996 ; (page 198).
“NOUVEAU DICTIONNAIRE BIBLIQUE” éd EMMAÜS 1806 Saint Légier sur Vevey ; 3° édition revue de 1975 ; (p 703).
“Selon la Michnah le calendrier juif compte quatre débuts d’année : le 1° mois de Nisan : le nouvel an des rois (date à partir de laquelle était calculé le nombre des années du règne de chaque roi d’Israël) ; le 1° Éloule (Ellul) : date à laquelle on prélevait la dîme sur le bétail ; le 1° Chevat (selon Chammaï ) ou le 15 (selon Hillel ): “Nouvel An des arbres” date à partir de laquelle on calculait l’âge des arbres. La tradition a finalement retenu le 15 Chevat, Tou bi-Chevat ; le 1° Tichri : Nouvel An à partir duquel on calculait les dates du jubilé et des années chabbatiques. Avec le temps toutefois, seule cette date dut désignée sous le nom de Roch ha-chanah, toutes les autres s’effaçant devant l’importance du Nouvel An religieux qui introduit les jours de pénitence.
L’expression Roch ha-chanah n’apparaît qu’une seule fois dans la Bible. (Ézéchiel XL 1 ) et désigne apparemment le début de l’année, bien que sa signification ne soit pas très claire. Dans le Pentateuque, cette fête est désignée par trois termes : Chabbaton (jour de “repos solennel”) qui devait être observée au premier jour du septième mois. ; Zikhrom terouah, jour du souvenir proclamé par la sonnerie du Chofar (corne du bélier ; Lévitique XXIII 24 ) et Yom terouah (Nombres XXIX 1), jour où l’on sonne le Chofar. Plus tard cependant, les sages donnèrent à cette fête deux autres dénominations : Yom ha-Din (”jour du jugement “ et Yom ha-Zikkaron “jour du souvenir”) où Dieu se souvient de ses créatures. La notion de “jour du jugement” est rabbinique”. In ”DICTIONNAIRE encyclopédique du judaïsme “ (op. cit.) ; (pp 880 et 881).
Genèse I ; Lévitique XXIII 32 ; Exode XII 19 ; II Chroniques XXX V 1 ; Daniel VIII 14 ; II Corinthiens XI 25).
Lire l’article portant sur le mot jour in “Nouveau Dictionnaire Biblique “(op. cit.); (à la page 740).
YHVH, mot qui n’est formé que de consommes, est tout d’abord Celui donc, comme nous l’avons souligné, qui bien qu’également Seigneur des seigneurs (Adonaï), se laisse cependant approcher et habiter par l’homme. Il est alors celui qui se laisse aller librement, à la merci de l’homme, dans le souci de toucher son coeur. YHVH est celui qui ne se laisse dire, exprimer ou saisir et comprendre par l’homme que par la lecture, ou par la parole, la bouche, ou l’action, selon l’expression de la foi, confiance, à chaque fois singulière, à chaque fois personnelle, à chaque fois nouvelle. Comme dans la vision de Élie : bien que pouvant provoquer le vent fort et violent, le tremblement de terre, le feu, YHVH n’est pas dans le vent fort et violent, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu ... mais dans le murmure doux et léger. (I Rois XIX 4 à 13).
Le rapport entre Dieu et création (qui n’est pas synonyme de fabrication ) est une singularité et un lien indiscutable entre judaïsme et christianisme, et sans doute aussi, dans une certaine mesure, avec l’Islam. (Genèse I 1 à Genèse II 4 ; Actes XVII 24 ; Hébreux III 4 ; Apocalypse X 6). Le mot hébreu “bârâ” signifie tout autant fonder que créer. Dieu a fondé ( voir aussi le grec “kitzô “: fonder, installer, construire, créer )le monde. Cette création ne se limite pas à la première création. La Bible annonce une création nouvelle : de nouveaux cieux et une nouvelle terre, dont Jésus, engendré et non créé, est le premier né.
(Ésaïe LI 6 ; Ésaïe LXV 17 ; Ésaïe LXVI 22; Romains V 12 à 18 ; Romains VIII 18 à 22 ; I Corinthiens XV 21 à 45 ; Jacques I 1 à 18 ; II Pierre III 33 ; Apocalypse XXI 1 à 5 ). Citons enfin pour conclure cette note, cette forte synthèse de Jacques CHEVALLIER cité lui-même par le “Nouveau Dictionnaire Biblique “ (op. cit.) (à la page 156) : “Les anciens ignoraient l’idée de création : c’est pourquoi ils considèrent le monde comme éternel et régi par une nécessité absolue, nécessité aveugle, ou nécessité rationnelle. Dans ce système, il n’y a aucune place pour la liberté, car ainsi que l’a montré Kant (...), le problème de la liberté est lié au problème de l’origine de tout : s’il y a commencement absolu, c’est à dire création, c’est à dire création, il y a liberté ; s’il n’y a pas commencement absolu, tout est déterminé mécaniquement et la contingence n’est qu’un hasard. (...)”
CHEVALLIER Jacques “Leçons de Philosophie “ tome II “Morale et métaphysique” 1943 ; (page 642).
Dieu devient en Christ, par Christ, Père. (Matthieu XI 25 et suivants ( cf Luc X 21 et suivants) ; Luc XXIII 34 à 46 (tout le passage ) ; Jean XI 41 ; Jean XVII 1 à 5 ; Jean XVII 11 ).
Abba, est le terme araméen qui signifie papa.
Cette expression inusitée dans la Bible de l’Ancien Testament, comme dans le judaïsme postérieur, est typique et caractéristique de la nouvelle alliance. Elle exprime ce dont l’Esprit-Saint, esprit d’adoption, témoigne : la filiation nouvelle entre Dieu et l’homme. (Marc XIV 36 ; Romains VIII 15 ; ; II Corinthiens VI 18 ; Galates IV 6).
Il reste que le terme de père pour évoquer la relation de Dieu à l’homme est déjà présente dans la Bible hébraïque (l’Ancien Testament). (Deutéronome XXXII 6 ; Psaume LXVIII 6 ; Psaume LXXX IX 27 ; Proverbes III 12 ; Ésaïe IX 5 ; Ésaïe XXII 21 ; Ésaïe LXIII 16 ; Jérémie III 19 ; Jérémie XXX I 9 ; Malachie I 6 ; Malachie II 10).
La justice est sans doute dans l’Ancien Testament l’une des expressions les plus présentes et persistantes pour signifier la nature des sentiments de YHVH. La religion du peuple hébreu est fortement reliée à la notion de droit (peuple régi par la Torah). Rappelons ici qu’avant de réclamer et d’obtenir de YHVH d’avoir un roi comme les autres nations (I Samuel VIII), le peuple hébreu fut d’abord gouverné par des juges (de la première moitié du 12 ° siècle à la fin du 11° siècle avant Jésus-Christ). Le droit est surtout une source de devoirs tout spécialement envers la veuve, l’orphelin, l’étranger, le faible, le démuni.
La jalousie de Dieu, dans l’Ancien Testament, peut, à première vue, être difficile à comprendre et donc surprendre; elle exprime, en tout cas, que le culte rendu à Dieu ne supporte pas le partage avec d’autres dieux, et, que Dieu est vivant qui éprouve des sentiments forts. Il est un Dieu personnel, qui se distingue ainsi des idoles de pierre.
(Exode XX 5 ; Deutéronome V 9 ; Deutéronome XXIX 20 ; Deutéronome XXXII 16 ; Deutéronome XXXII 21 ; Deutéronome XXXIV 14 ; Psaume LXXVIII 58 ; I Rois XIV 22 ; Ésaïe LIX 17 ; Ézéchiel XVI 42 ; Joël II 18 ; Sophonie III 8 ; Zacharie I 14).
Paul reprend le mot jalousie dans le Nouveau Testament pour évoquer Dieu (I Corinthiens X 22 ).
Paul reprend enfin dans la seconde épître destinée à la même église de Corinthe, le même terme de jalousie à son propre compte :
“ Je suis jaloux de vous d’une jalousie de Dieu, parce que je vous ai fiancés à un seul époux, pour vous présenter à Christ, comme une vierge pure.” (II Corinthiens XI 2).
La sainteté de Dieu est reliée en priorité à sa force, à sa puissance créatrice, qui s’oppose à la corruptibilité, la finitude de l’oeuvre humaine : sa sainteté est ainsi une puissance qui manifeste l’incorruptibilité de YHVH, sa parfaite pureté. Songeons à l’épisode de la traversée de la mer rouge, au don de la manne dans le désert, au veau d’or, à Samson, à David contre Goliath, à Salomon dans son temple, etc ... etc ... etc ... Cet aspect des choses donnera au sacrifice du Fils tout son caractère scandaleux pour beaucoup de juifs. La croix exprime, dans la perspective néo-testamentaire, l’expression d’un choix de Dieu, et non d’un aveu de faiblesse. Mais déjà dans toute l’ancienne alliance lorsqu’Israël est faible et vaincu, ceci n’est pas le signe d’une faiblesse de Dieu qui serait lui aussi vaincu, mais du fait d’un libre choix de sa part. (Voir entre autre le livre de Job).
Dieu est présent par delà les temps, toutes choses passeront, mais lui et sa parole ne passent pas. (Luc XVI 17).
La bonté de Dieu se relie à la justice et à la droiture et appelle la louange de l’homme : I Chroniques XVI 34 ; Psaume XXV 8 ; Psaume 136 I (entre autres).
Dieu est vivant, il est le Dieu des vivants : au fil du développement du texte biblique, spécialement dans sa contexture chrétienne, tout se passe comme si l’enjeu de la vie et de la mort, l’enjeu du salut, se révélait peu à peu, et devenait progressivement et devenait chaque fois plus décisif, voire exclusif. On peut lire toute l’écriture, dans un sens chrétien, comme un cheminement en ce sens où Jésus exprime alors la révélation du projet et du don ultimes de Dieu.
Matthieu III 17 ; Matthieu XII 18 ; Matthieu XVII 5 ; Marc I 11 ; Luc III 22 ; II Pierre I 17
TILLICH Paul “L’éternel maintenant” (“The eternal Now”) 1° édition anglaise Curtis Brown London 1956) ; traduit et présenté par Jean Marc SAINT Éditions Planètes Paris 1969 ; (217 pages) (op. cit.)
I Corinthiens XIII 13
La mort n’est donc pas vaincue à partir des prouesses technologiques, mais du fait du don de Dieu de la vie. Ce qui caractérise dans la Bible, Israël , est ce lien à la vie, qui est en Dieu, et qui va s’accomplir en Jésus.
Josy EISENBERG, le théologien juif, commentant le passage du livre de Josué XVII 14 à 18, écrit d’ailleurs ceci à propos d’Israël entrant dans la terre promise, sous la conduite de Josué : “La Bible met clairement en lumière la ( ...) faiblesse des hébreux : leur infériorité technique. Cette remarque est remarquablement recoupée par les leçons de l’archéologie.”
EISENBERG Josy “Histoire moderne du peuple juif, d’Abraham à Rabin” Stock Paris 1997 ; (à la page 38).
Rien de commun donc avec les recherches prométhéennes contemporaines de nos sociétés technologiques. Catherine VINCENT écrit d’ailleurs à propos de la brebis Dolly, dans un intéressant rapprochement avec notre réflexion, ceci :
“Dolly, premier animal cloné à partir d’une cellule de brebis adulte, aurait-elle l’âge de sa mère ? On le redoutait avant même qu’elle ne naisse; la crainte est sans doute fondée. L’embryologiste écossais Ian Wilmut, concepteur de l’agnelle la plus célèbre du monde vient de déclarer lui même à Washington, lors d’une réunion sur le clonage des mammifères : les chromosomes de sa créature semblent présenter de légères modifications, d’infimes altérations que l’on ne retrouve, en temps normal, que dans les cellules d’animaux nettement plus âgés.
“Et si Dolly, d’une certaine manière, était âgée de sept ans ? “ s’interroge Ian Wilmut. Cité par le Washington post (du 28 juin), le chercheur du Roslin Institute d’Édimbourg précise, certes, que les études chromosomiques menées sur l’agnelle clonée sont encore préliminaires. Mais il n’exclut pas que l‘animal, âgé d’environ un an, ait gardé dans ses gênes la mémoire de ses origines : une cellule de peau prélevée sur une brebis adulte âgée de six ans. (...) Impossible de prévoir les conséquences d’un bricolage du vivant aussi magistral qu’un mammifère. Et de savoir si l’agnelle vedette d’Édimbourg ne connaîtra pas dans les années à venir, une sénescence spectaculaire et accélérée.”
VINCENT Catherine “Dolly, une vieille brebis dans un corps d’agnelle ” in “Le Monde” numéro 16349 bis ; édition spéciale découverte ; le Jeudi 21 Août 1997 ; ( à la page 1).
Nous ne partageons pas ici le point de vue de Karen ARMSTRONG qui, dans son ouvrage, ne semble pas voir, ou en tout cas, tirer toutes les conséquences du fait, que Dieu, dans la Bible, s’il est personnel, ne se réduit absolument pas, se différencie même absolument, des projections humaines. Karen ARMSTRONG ne semble en effet, lors de sa conclusion, ne voir selon son expression d’avenir à Dieu que dans l’impersonnalité du Dieu des mystiques, un dieu à la fois cosmologique, universel et impersonnel. Cette conclusion nous semble liée au fait qu’elle ne semble pas saisir, ou en tout cas tirer, toutes les conclusions du fait, que dans la Bible, selon la révélation qui en émane, c’est l’homme qui est à l’image de Dieu et non l’inverse. La révélation comme “réalité” du mystère de l’incarnation, et non seulement comme “idée”, est une originalité intrinsèque à la Bible échappant de notre point de vue en partie à Karen ARMSTRONG. ARMSTRONG Karen “A History of God” Alfred A. Knopf New-York 1993 ; “Histoire de Dieu “ traduit de l’anglais par Jean-Baptiste MÉDINA ; Seuil Paris 1997 ; (513 pages).