Quatrième continuum du cheminement de l’alliance. Dieu parle et agit hors de l’homme

Du corbeau, premièrement envoyé, on nous dit dans le texte qu’il allait et revenait, jusqu’à ce que les eaux sèchent sur la terre. Le corbeau n’est pas un oiseau docile, et, sans doute, sa liberté d’action ne permettait pas à Noé de savoir grand chose sur l’avancée de la décrue. La colombe elle-même, lorsqu’elle s’envola pour la première fois, non plus, pas plus que le corbeau, ne rapporta à Noé aucune preuve significative sur l’état de la descente des eaux. Mais à la différence de lui, elle revint le soir et se laissa saisir. Lorsque, envoyée pour une deuxième fois, sept jours après avoir été une première fois envoyée, la colombe revint avec une feuille d’olivier au bec, Noé comprit enfin, que la vie avait quelque peu repris sur terre. Remarquons que l’olivier, pouvant devenir plusieurs fois millénaire, est en effet également parmi les plus fragiles, en cas d’intempéries, d’entre les arbres, du bassin méditerranéen. La feuille d’olivier signifiait que l’arbre fort et fragile à la fois avait survécu. Lorsque la colombe revient vers Noé avec une feuille d’olivier arrachée, au bec, elle évoque déjà la colombe du Saint-Esprit, lors du baptême du Christ. 1381 L’action de Dieu est dans le souffle comme celui qui rendit la vie à Pinocchio. Certes c’est bien Noé qui va libérer et envoyer la colombe, mais la réponse à son action ne provient pas de lui. L’acte de Noé est suspendu à l’écoute de la réponse qui, bien que rapportée par la colombe, ne provient pas d’elle non plus, mais parle de l’action de Dieu. Jésus lui même dira ne rien pouvoir faire si cela ne lui était pas donné par son Père. 1382

Mais Noé enverra sept jours plus tard, encore une fois, la colombe qui, cette fois-ci, ne revint pas. La parole de Dieu, la réponse de Dieu s’est manifestée dans cette liberté rendue à l’oiseau longtemps enfermé. Tout se passe à l’extérieur de Noé. De même, la grâce qui est donnée en Christ, du don de l’Esprit-Saint à la Pentecôte, n’est pas pour le chrétien, le résultat d’une posture constructiviste, nous voulons dire par là d’une attitude méthodologique qui attendrait tout de la seule démarche humaine.

La somme des gestes de Noé est certes essentielle, mais elle ne le dispose qu’à l’écoute d’une parole, d’une réponse venue d’ailleurs. Les gestes de Noé ne semblent s’inscrire que dans une relation “je” à “tu” où la clé des choses ne lui appartient pas. La réponse a la valeur essentielle. La méthode de Noé, si amorce de méthode il y a, puisqu’il attend par deux fois sept jours, avant d’ envoyer à nouveau la colombe, n’est jamais que toujours suspendue à cette réponse. La réponse à la question qu’il pose ne vient pas de Noé. La réponse, au travers d’actes et de gestes, on ne plus naturels, lui vient d’ailleurs. Il fallut d’ailleurs encore que, pour que la réponse pût parvenir jusqu’à lui, Noé fût disponible et sût poser la question qu’il fallait. On aurait pu imaginer par exemple qu’il cédât à la dépression et qu’il se laissât mourir sur son arche. Au contraire, Noé est tendu vers la vie, la survie, il exprime une quête d’existence. En cela sa position présage de celle, à l’autre bout du cheminement de l’alliance, de Paul, qui éprouve les douleurs d’un enfantement pour ses frères de Galatie.1383 Entre les deux alliances, seul a changé le degré de communion de fraternité ressenti, Paul est entré dans la perspective du salut offert à tous, là où Noé se contente, si l’on peut dire, d’un passage d’un monde à l’autre, pour lui sa famille et la création animale qui lui est confiée.

Notes
1381.

Genèse VIII 8 à 11 ; Matthieu III 16”il vit l’Esprit de Dieu descendre sur lui comme un colombe.”

La croix des huguenots en évoque le signe.

1382.

Jean V 18 “Le Fils ne peut rien faire de lui-même ...” Jean VIII 28

1383.

Galates IV 19