Onzième continuum du cheminement de l’alliance. Dieu renouvelle son alliance et précise son projet : de la création, à la postérité, de la postérité à l’adoption.

Le point commun, le continuum, entre Noé et Pentecôte, est, nous le redisons, premièrement, la dimension d’accueil. La vision circulaire du temps comme répétition d’un éternel retour est d’ores et déjà rompue par cette injonction, cette invitation à l’accueil du don de Dieu, qui est une permanence du message biblique. Il reste néanmoins une dimension répétitive dont la liturgie rend compte, mais en rupture avec une idée de répétition inexorable.

Simultanément à cette prise en compte liturgique, répétitive, mais non à l’identique, s’ouvre un chemin de l’histoire. Mais non, comme le crurent HEGEL ou MARX, à partir d’une dialectique inscrite, et se renouvelant sans cesse, par elle-même, à partir de son principe rationnel interne, endogène inhérent au déroulement de l’histoire, dans l’histoire elle-même, et se résorbant, en conséquence, à partir des résolutions successives des contradictions conflictuelles, selon un fondement de type idéel (idéal), selon le choc des concepts, pour HEGEL 1428 , ou matériel, selon l’intérêt économique de classes, pour MARX. Pour les deux auteurs, ce chemin de l’histoire prend sens, en quelque sorte, sinon mécaniquement, du moins, selon un principe de causalité inexorable, voire, un déterminisme, auquel tout choix de l’homme serait de prime abord comme subordonné.

Le renouvellement de l’alliance, prend en compte les deux aspects des choses, renouvellement et accomplissement, mais en en inversant les données. C’est par le renouvellement, qui rend toutes choses nouvelles, et qui n’est pas reproduction à l’identique, que se met en marche le projet de Dieu. Le don de Dieu des cycles du temps, des jours et des nuits, des saisons et des années, est pris en compte, mais ces répétitions ne sont plus inexorables, d’une part, en même temps qu’elles garantissent pour celui qui sait en accueillir le don, l’accomplissement d’un projet à la fois universel et personnel. Ce projet concerne tout autant la création qu’il le concerne, lui personnellement, et, il est en lui-même, en tant que projet, don de Dieu.

Tout se passe comme si, de la création de l’homme à son image, nous passions après la rupture initiale du péché, et par le cheminement de l’alliance, accomplie en Jésus, le Fils Unique, au projet d’adoption de l’homme par Dieu, en tant que fils, à son tour.

Moïse, déjà, fut un enfant adopté, il quitta la cour de pharaon pour guider le peuple, à l’instar d’ Esther, resplendissante de beauté, dont le livre qui en retrace son histoire est lu lors de la fête de Pourim (purim), 1429 et fait partie des cinq rouleaux. Enfant orpheline, adoptée donc, elle aussi, par son oncle, Esther fera le chemin inverse de Moïse, pour une fin semblable. De l’anonymat, à la cour, devenue reine, elle usera de son influence auprès du roi de Perse 1430 . Elle put ainsi, aidée de son cousin Mardochée, sauver Israël, son peuple d’une extermination. L’adoption humaine de Moïse, celle d’Esther, enfants adoptés, préfigurent l’adoption divine, l’élection divine d’Israël, pour la foi juive, élection que les chrétiens des premiers siècles pas plus que les textes évangéliques ne contestent.

Au contraire, cette adoption d’Israël est comme revendiquée, telle une attestation de l’authenticité du message du Christ, telle également une source de communion fraternelle et de souffrances, et, Paul, le juif converti sur le chemin de Damas, écrira :

‘Car je voudrais moi-même être anathème et séparé de Christ pour mes frères, mes parents selon la chair, qui sont Israëlites à qui appartiennent l’adoption, et la gloire, et les alliances et la loi, et le culte, et les patriarches, et de qui est issu, selon la chair, le Christ, qui est au dessus de toute chose, Dieu béni éternellement. Amen ! 1431

Dans la nouvelle alliance, le don gratuit de l’Esprit-Saint, esprit d’adoption, soupire au coeur de l’homme, “abba”, témoignant de lien nouveau le lien à Dieu, devenu, papa. 1432 L’adoption est donc comme une permanence, du projet divin, le point culminant de celui-ci, sa raison d’être en quelque sorte, en même temps que la source de son cheminement.

Du côté de l’ancienne alliance, il reste symbolique que ce soient deux enfants adoptés qui sauvent le peuple hébreu, à pratiquement mille ans de distance, d’un génocide programmé. André et Renée NEHER, recherchant le sens du livre d’Esther, et l’associant à celui de la fête du Pourim, écrivent :

‘Car l’antisémitisme éclate, brutal et cynique, et sans qu’il soit justifié par la moindre défaillance du côté des juifs. Digne émule de Pharaon de l’époque de l’Éxode, prototype de tous les antisémitismes ultérieurs, Aman voudrait appliquer à la lettre, le “bréviaire de la haine “ auquel Hitler donnera de nos jours, son expression la plus totale.’ ‘(...)’ ‘Pour résister à cet antisémitisme, il faut le courage, l’abnégation, la volonté de sacrifice de quelques individus de la taille de Mardochée et d’Esther. Ceci encore est une situation type de la diaspora. Ce ne sont pas des mouvements de masse qui provoquent le salut. Le peuple dans son ensemble, reste amorphe et désemparé devant les attaques antisémites et les persécutions. Mais certains Juifs prennent conscience de leur solidarité avec le peuple et, engageant toute leur personne, réussissent à déjouer les complots et à rétablir la situation. (...)’ ‘Rien d’étonnant que les événements consignés dans le livre d’Esther aient laissé une marque profonde dans la vie du peuple Juif. Les générations ultérieures dispersées dans le monde entier, y trouvaient une anticipation étonnante de leur propre destin. Et la fête de Pourim, instituée par Mardochée et par Esther, complétée par le jour de jeûne qui la précède, est rapidement devenue la fête la plus populaire du Judaïsme post-biblique. Chaque année elle fournit l’occasion de repenser les grands problèmes posés au peuple juif par sa situation au milieu des autres peuples. 1433

L’adoption en Christ, par l’Esprit-Saint, de tout homme ou femme qui le demande, juif ou grec, hébreu ou païen, serait, dans la lecture et la compréhension chrétienne du cheminement de l’alliance l’accomplissement qui donne sens aux histoires de Moïse et d’Esther, de Jésus et de l’église, comme de la fête de Pourim, et de l’événement de Pentecôte .

Malheureusement l’histoire a montré cruellement que l’oubli pour les chrétiens de leur filiation à Israël, par adoption, transforma en haine ce qui ne semblait pourtant promis, à n’être qu’une longue et patiente quête de fraternité, amoureuse se déroulant dans le temps d’une “autre” histoire.

Selon l’évangile de Matthieu, au deuxième chapitre, la naissance du Christ commence par un temps de génocide d’enfants, programmé par Hérode, jaloux, pour son trône. Le Christ survit comme étant le vrai roi d’Israël, celui que Dieu s’est choisi pour une bénédiction pour tous les hommes.

Notes
1428.

Le célèbre théologien protestant Karl BARTH (1886-1968) analysa ce en quoi la philosophie de HEGEL, qu’il définissait comme une philosophie “de la confiance en soi”, faute de se situer clairement dans une perspective théologique, bien que se nourrissant du christianisme, finit par en renier la substance propre, en réduisant Dieu à l’homme, et en traduisant en système strictement rationnel des aspects cependant bien évidemment, et très clairement, propres au christianisme.

BARTH Karl “Hegel” Traduction de Jean CARRÈRE Cahiers théologiques 38 ; (chapitre 10 de “Die protestantische Theologie” Zollikon-Zurich 1952) ; Delachaux et Niestlé Neuchâtel Switzerland 1955 ; (53 pages).

1429.

Esther IX 17. Ce livre est particulier en ce qu’il ne mentionne jamais le nom de Dieu. Le livre est lu,lors de fête de Pourim, le joue anniversaire du renversement des situations.

1430.

D’après André et Renée NEHER, le dialogue et la controverse existent toujours pour discerner l’époque des événements relatés dans le livre.

Selon une première hypothèse ce roi Assuérus était XERXÉS premier qui régna vers -485 à -465.

Une seconde hypothèse assimilerait Assuérus à ARTAXERXÈS premier , et dans ce cas, les événements se situeraient autour de l’an 455.

Une troisième hypothèse suppose que le roi Assuérus serait ARTAXERXÈS second, Esther serait alors contemporaine de XÉNOPHON et aurait vécu autour de l’an 400.

André et Renée NEHER concluent ainsi : “Bien qu’un siècle entier de flottement sépare ces différentes possibilité l’atmosphère générale de la cour de Perse n’a guère évolué pendant cette période ...”

NEHER André et Renée “Histoire biblique du peuple d’Israël” Librairie d’Amérique et d’Orient Paris 1988 ; ( page 606);

1431.

Romains IX 3 à 5

1432.

Romains VIII 15 op. cit.

1433.

NEHER André et Renée “Histoire biblique du peuple d’Israël” Librairie d’Amérique et d’Orient Paris 1988 ; (pages 615 616 )