La promesse et l’envoi :

La programmation est d’origine strictement psychique, d’intention concrètement spéculative et de procédure abstraitement spéculatrice, à partir d’une recherche d’une conceptualisation cohérente, selon les lois mathématiques qui régissent les phénomènes mécaniques, physico-chimiques, voire même biologiques. Elle conduit à la machination, à la mécanisation, à l’informatisation, à la numérisation des êtres et des choses. Elle réduit, au moins provisoirement, dans le cadre minimum de ses calculs, les êtres à l’état de choses, et rend désormais confuse la frontière entre le vivant et l’objet.

La procédure biblique de l’élection, au contraire, est ouverte de toute part à l’aventure existentielle sur fond de confiance, de dialogue, et d’enseignement. L’accent biblique est mis sur l’initiateur de l’acte. La prise en compte du point de vue initial comme étant celui Tout Autre de YHVH, permet progressivement, sur le chemin de l’histoire, une compréhension toujours nouvelle, et renouvelée, de part cette intervention première et dernière, “Toute Autre” et décisive.

Peut émerger alors, pour l’homme, une liberté autre que celle d’un simple libre arbitre : la grâce. Le libre arbitre se résumerait à la liberté d’un choix. La grâce n’annule pas le choix mais vient donner un sens plus décisif et singulièrement mystérieux à celui-ci. La liberté n’est plus tant à construire. Elle se manifeste sous forme d’appel incarné. Se donnent ainsi, comme une clé qui permet de lire, dans leurs intrinsèquéités respectives, et de les distinguer radicalement, l’un par rapport à l’autre, chacun des deux termes antinomiques que nous avons évoqués pour aider notre raisonnement : d’une part la programmation d’essence humaine, telle une construction, entre théories et pratiques, et d’autre part, l’élection d’essence divine, telle une transfiguration, entre gestes et pensées.

Nous entrons là dans un début de compréhension d’une conséquence sans doute majeure de la révélation biblique qui, de la promesse à l’envoi, privilégie sans cesse les mouvements d’existence et la vie, et permet alors une distinction radicale entre le domaine du vivant et celui de l’objet. Ce n’est qu’à l’intérieur d’une telle perspective, d’une telle partition, que nous pouvons entendre la perspective pédagogique de la loi.

La loi n’est pas réduite à la programmation strictement rituelle, et d’essence humaine, régie par les lois de la mathématique, mais elle devient source de vie, appel à la vie, pour la vie, régie par le mystère d’un passage de la mort à la vie qui est central de tout le mystère biblique.

La loi s’articule sur deux paramètres forts qui ne cessent de l’environner, lui assurant une ouverture sur la vie : la promesse et l’envoi.

La promesse qui, depuis Abraham, est le chemin par excellence de la révélation, suppose une perspective, comme un arrachement à une situation présente.

L’envoi accompagne toujours la promesse, car la promesse, au sens biblique, n’est pas sans l’incarnation, la sollicitation de la part de l’homme.

Les mots qui inaugurent l’aventure d’Abram, et donc aussi tout le cheminement biblique de la révélation qui conduira à la loi de Moïse, puis se poursuivra des prophètes jusqu’à la venue du Christ, sont très évocateurs de cette double dimension singulièrement présente, de la promesse et de l’envoi, de l’envoi et de la promesse, profondément reliés l’une à l’autre, l’autre à l’un.

‘L’Éternel dit à Abram : Va-t'en de ta patrie, et de la maison de ton père, dans le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai ; je rendrai ton nom grand, et tu seras une source de bénédictions. Je bénirai ceux qui te béniront et je maudirai ceux qui te maudiront. 1523

La loi est l’expression, dès lors, de l’accompagnement que Dieu donne à l’homme pour l’enseigner. Un pédagogue pour conduire au Christ. 1524 La loi conduit à la révélation que tout est grâce. Dès lors, elle peut se vivre, se comprendre, s’annoncer et comme se partager et se multiplier elle-même, tout à la fois, comme une source et un fruit de la grâce.

Notes
1523.

Genèse XII 1 à 3

1524.

Galates III 24 op. cit..