L’alliance et le combat 1525 jusqu’à l’accueil de la grâce.

Entre promesse et envoi, émerge une pédagogie insérée dans les prescriptions de la loi, mais dont l’objet n’est révélé, dans une perspective chrétienne, selon la perspective même de l’église primitive, exprimée, entre autres, par Pierre 1526 , Étienne 1527 , Paul 1528 , les Pères de l’Église 1529 , et, comme le souligne, aujourd’hui, l’oeuvre du théologien catholique français Paul BEAUCHAMP 1530 , que par l’accomplissement en Christ. Le mystère de l’incarnation parfaite et définitive du Verbe réalisée, opérée en Jésus, éclaire nouvellement rétroactivement toute la révélation et l’ensemble des prescriptions anciennes qui sans lui seraient restées figées selon les termes de la lettre qui vieillit.

Une dimension historique, la trame de l’histoire, deviennent alors les lieux explicites d’une parole qui se découvre en donnant sens et vie, à la fois dans l’histoire, et à partir de l’histoire. Cette double explicitation permettra de lire, et de comprendre, la révélation toute entière, à partir de l’ accomplissement, en Christ, de l’écriture toute entière, et, d’entendre, dès lors, nouvellement, une perspective intégralement nouvelle, mais intégralement ancrée dans la révélation ancienne.

Le Christ est à la fois Celui qui accomplit l’écriture, la révélant à son ultime finalité, et Celui qui ne cessa et ne cesse de l’inspirer, dans ses rebondissements multiples, passés, présents ou futurs. La dimension prophétique, dès lors, mais ceci n’est pas une spécificité strictement chrétienne, car ceci est même très mystérieusement souligné dans le judaïsme contemporain, par André NEHER (1914 - 1988 ), auteur juif 1531 , n’est pas circonscrite dans ce qu’il convient d’appeler le prophétisme, ou les prophètes bibliques. Le prophétisme est l’essence même de la Parole biblique, ce qui en confère l’unité, l’intelligence, la continuité, dans le renouvellement de l’alliance et du dialogue biblique.

Le dialogue biblique se différencie du dialogue socratique, dans la forme, en ce qu’il est avant tout le lieu de l’émergence d’un combat, dont celui de Jacob fut la figure, combat d’un peuple se déroulant dans une histoire, comme dans le fond, en ce qu’il ne trouve pas sa résolution par une simple révélation de l’homme à lui-même, entre conjectures et réfutations, mais dans l’accès, désormais ouvert et permis, entre mort à soi-même et résurrection, à une communion parfaite d’intentions et de gestes, de parole et de sentiments, entre Dieu et l’homme, entre l’homme et Dieu. Le dialogue biblique ne rejoint pas non plus la dialectique hégélienne qui pourtant semblerait vouloir s’en réclamer. Rappelons que pour HEGEL, comme le souligne fort synthétiquement Bertrand VERGELY 1532 , le dialogue de l’histoire est celui de Dieu avec lui-même, et il se précise dans le mouvement de la dialectique selon trois temps maintes fois explicités : le conflit à partir d’une contradiction des concepts insoluble, le dépassement du conflit par la réduction historique de la contradiction qui par l’évolution de l’acception conceptuelle n’a plus lieu d’être, la réconciliation ouvrant à une contradiction nouvelle. Dans le dialogue biblique, NEHER 1533 parle d’une rencontre, à chaque fois singulière, entre Ruah (l’esprit) et Davar ( la parole ). La rencontre d’une réalité autre spirituelle (Ruah ) avec l’incarnation est manifestée dans la parole de YHVH qui envoie et s’incarne alors dans les gestes et les faits de tout un chacun ou d’un prophète.

Il ne s’agit pas, comme pour HEGEL, d’une résolution des contradictions, à partir d’une évolution des concepts dans l’histoire, mais d’une tension qui vise toujours nouvellement à mettre l’homme dans la disposition juste, la position du juste, qui seule permet d’accueillir le don de Dieu, renouvelé chaque matin, à la manière de la manne du désert, déversée comme une grâce parfaite dont dépend la vie même de l’homme, son enseignement, son édification.

Notes
1525.

Genèse XXXII à partir de 22

1526.

Actes II 12 à 26

1527.

Actes VII 2 à 53

1528.

On peut se reporter à l’ensemble des écrits pauliniens, mais surtout à l’ensemble de l’épître aux Romains, à l’épître aux Galates (spécialement au chapitre trois) ainsi à la première et à la seconde épître aux Corinthiens ( spécialement I Corinthiens XV et II Corinthiens XII 1 à 10 ), où ces thèmes du rapport entre la lettre et l’esprit, la loi et la grâce, de l’accomplissement de l’écriture en Christ, sont présents d’une façon centrale.

1529.

Rappelons que l’église primitive se démarque du judaïsme par la lecture de l’écriture à partir de l’accomplissement en Christ, et l’irruption de la bonne nouvelle d’un temps de grâce offert à tous, sans plus de discrimination aucune.

1530.

BEAUCHAMP Paul “L’un et l’autre Testament - Essai de lecture “ Seuil Paris 1977 ; (320 pages).

BEAUCHAMP Paul “L’un et l’autre Testament - Accomplir les écritures “ Seuil Paris 1990 ; (445 pages).

1531.

NEHER André “L’essence du prophétisme “ PUF Paris 1955 ; (350 pages).

1532.

VERGELY Bertrand “La philosophie “ Milan Paris 1996 ; ( à la page 23).

1533.

NEHER André “ L’essence du prophétisme “ PUF Paris 1955 ; ( pp 86 à 115 ).