De l’alliance à la blessure, du dialogue à la prière.

L’alliance (berit) manifeste cette incarnation du verbe au coeur de l’existence d’Israël, puis de l’église.

L’alliance est irruption de cette présence transcendante au coeur du plus quotidien des gestes. L’alliance est dès lors une manifestation du mystère de l’incarnation, entre promesse et envoi, entre esprit (Ruah ) et parole (Davar ).

Que le signe de l’alliance soit, dès lors, pour Israël, la circoncision, c’est à dire une blessure indélébile, ne doit pas surprendre. La blessure est, en effet, le signe, et le rappel permanent, de l’irruption d’une dimension autre, qui, comme pour Jacob, sortant béni mais blessé à la hanche, de son combat de Péniel , transfigure à tout jamais la réalité présente et future d’Israël.

‘“Voyant qu’il ne pouvait le vaincre, cet homme le frappa à la hanche; et l’emboîture de la hanche de Jacob se démit pendant qu’il luttait avec lui. Il dit :”Laisse-moi aller, car l’aurore se lève.” Et Jacob répondit : “ Je ne te laisserai point aller que tu ne m’aies béni. “ 1534

Jacob demande une bénédiction qu’il ne manque pas de recevoir avant d’être enfin séparé et comme délivré de l’emprise de son adversaire, combattant de la nuit qu’il délivre lui-même de son emprise possessive par sa demande de bénédiction.

La quête de bénédiction, au sens biblique, est quête de la grâce. Cet enjeu, déjà présent dans la promesse faite à Abram, (“Je bénirai ceux qui te béniront, et je maudirai ceux qui te maudiront “ 1535 ), est l’enjeu central de la révélation biblique, au coeur de la vocation d’Israël, puis de celle de l’église chrétienne.

L’ouverture à la quête de la grâce, l’ouverture à la grâce, rejoint, dès le principe même du cheminement de l’alliance, la promesse faite à Noé. Par cette entrée dans la dimension noahidique de l’alliance, il y a bibliquement rupture avec l’humanité prédiluvienne. S’amorce, alors, en effet, à partir de Noé, le long cheminement historique de la rédemption.

Cette quête de la grâce n’est en effet jamais plus strictement individuelle, comme put l’être la réponse toute plaintive et désespérée de Caïn face à la malédiction divine. “Mon châtiment est trop grand pour être supporté “ 1536 Elle est à la fois personnelle, selon sa manifestation révélée, et universelle, selon sa perspective.

La parole prophétique comme l’alliance, concernent en bout de compte la création entière, elles ne sont, l’une et l’autre, révélées à Israël, qu’en but de cette perspective ultime.

Elles sont habitées l’une et l’autre d’une promesse pacifiante, où Dieu s’engage au-delà que ce peut imaginer et donc ne lui demande l’homme, comme il le fit déjà vis à vis de Noé : “Tant que la terre subsistera, les semailles et la moisson, le froid et la chaleur, l’été et l’hiver, le jour et la nuit ne cesseront point.” 1537

La révélation de la loi à Moïse vient alors en son temps pour conduire l’homme à la communion d’esprit avec Dieu, à la prière qui se fait quête permanente de la volonté autre, volonté d’en haut.

Cette quête suppose un arrachement à la réalité présente à la perception strictement psychique des choses, une conscience de la distance, pour une entrée dans l’esprit et la volonté de Dieu, et Moïse dut quitter les souliers de ses pieds devant le buisson ardent. 1538 Désormais, c’est dans quête de la grâce et du retour de la louange qu’offre la prière, que se jouera le combat essentiel, combat existentiel et vital.

Dieu regarde au coeur 1539 c’est dans le coeur, siège de la volonté et des intentions cachées de l’homme, accessible à Dieu seul, 1540 que se jouait déjà l’enjeu essentiel de la loi révélée à Moïse, 1541 et c’est dans le coeur qu’en bout de chemin, l’alliance viendra s’écrire. 1542

À la circoncision visible, laissant une trace corporelle ineffaçable, succédera, dans la nouvelle alliance, le signe invisible du baptême, signe du passage de la mort à la vie, passage de la vie gouvernée par le caractère psychique de l’homme livré à lui-même, à la vie gouverné par l’Esprit-Saint, don gratuit de Dieu.

Notes
1534.

Genèse XXXII 25 à 26

1535.

Genèse XII 3 op. cit.

1536.

Genèse IV 13

1537.

Genèse VIII 22 op. cit.

1538.

Genèse III 5 op. cit.

1539.

I Samuel XVI 7 op. cit. ... C’est ainsi que l’Éternel choisit David parmi ses frères.

1540.

I Rois VIII 39 ; II Chroniques VI 30 ; Psaume CXXXIX 23

1541.

Deutéronome IV 29 ; Deutéronome VI 5 ; Psaume IX 5

1542.

Deutéronome X 16 ; Deutéronome XXX 6 ; Jérémie IV 4 ; Jérémie XXXI 33 (op. cit.);

Romains II 26 à 29 ; Hébreux VIII 10 ; X 16