Entre la soif de justice et la louange : un dialogue amoureux

Au huitième siècle avant Jésus-Christ, le prophète Osée, prophète écrivain contemporain d’Amos et de Michée, prendra, pour évoquer l’amour de Dieu pour Israël, son peuple, l’exemple de son propre amour pour sa propre femme, Gomer, une prostituée, que Dieu lui a commandé d’épouser. 1543

Se dressant implicitement mais doublement, face aux préceptes de la loi, qui recommandait d’une part d’éloigner des filles d’Israël les prostituées, 1544 et d’autre part, de lapider les femmes adultères, prenant donc le risque extrême du scandale, l’attitude d’Osée, dont le nom hébreu Hochéa signifie salut de Dieu, est toute allégorique et pédagogique. 1545

Amos veut pardonner à Gomer l’infidèle, prostituée, à condition qu’elle redevienne femme fidèle, et se repente, mais surtout et plus encore, pour qu’elle devienne fidèle et se repente, comme l’Éternel veut pardonner à Israël à condition ( et pour) qu’il renonce à poursuivre dans le culte aux idoles et à Baal, le dieu des phéniciens, et qu’il cesse de plonger dans la déchéance dans laquelle il se vautre.

Comment ne pas évoquer alors, à partir d’Osée, l’épisode de la femme adultère que Jésus ne condamnera pas lorsque des scribes et pharisiens la lui présenteront, le mettant du même coup, à l’épreuve de la loi de Moïse et des lois de l’occupant romain ? 1546

Ce qu’Osée annonce très fort, comme tout prophète, est de trois ordres : une dénonciation, un avertissement, une consolation.

‘En ce jour là dit l’Éternel tu m’appelleras mon mari et tu ne m’appelleras plus mon maître. J’ôterai de sa bouche les noms des Baals, afin qu’on ne les mentionne plus par leurs noms. En ce jour-là, je traiterai pour eux une alliance avec les bêtes des champs, les oiseaux du ciel et les reptiles de la terre, je briserai dans le pays, l’arc, l’épée et la guerre, et je les ferai reposer avec fidélité. Je serai ton fiancé pour toujours; je serai ton fiancé par la justice, la droiture, la grâce et la miséricorde ; je serai ton fiancé par la fidélité et tu reconnaîtras l’Éternel. En ce jour-là, j’exaucerai dit l’Éternel, j’exaucerai le ciel et ils exauceront la terre. (...) L’Éternel me dit : Va encore, et aime une femme aimée d’un amant et adultère; aime-la comme l’Éternel aime les enfants d’Israël, qui se tournent vers d’autres dieux et qui aiment les gâteaux aux raisins. Je l’achèterai pour quinze siècles d’argent, un homer d’orge et un léthec d’orge. Et je lui dis : “Reste longtemps pour moi, ne te livre pas à la prostitution, ne sois à aucun homme, et je serais de même envers toi. (...) “ 1547

Ainsi, entre la louange pure, louange du coeur, ouvrant au culte pur, et la soif de justice, au coeur même au centre, de l’enseignement de la loi, apparaît le dialogue amoureux, de Dieu à l’homme, de l’homme à Dieu. C’est ce dialogue qui trouve son accomplissement dans la personne du Christ. En Christ la lettre de la loi cède définitivement à la force de la foi, comme par une action parfaite de la grâce, en lui, manifestée pleinement.

Notes
1543.

Osée I 2

1544.

Deutéronome XXIII 17 et 18

1545.

Lévitique XX 10 ; Deutéronome XXII 22

1546.

Jean VIII 1 à 11

1547.

Osée II 18 à 23 ; Osée III 1 à 3