La création et la chute : origine et place du mal

On peut aussi ajouter et préciser encore que la Bible, sans doute, dès lors , donne au mal une autre acception que la définition courante répandue dans les civilisations voisines.

Le mal n’y est plus seulement regardé à partir directement de ce qui est mauvais par rapport à soi-même, en opposition formelle et directe à ce qui nous fait du bien.

Le mal n’est pas non plus un principe. Le mal n’y est pas alors conçu selon une dialectique dans son rapport nécessaire à son opposé, le bien, dont il serait le contraire incontournable pour assurer la cohérence d’un système explicatif du monde.

Autrement dit : si le mal s’oppose au bien, le mal n’est pas non plus la part renversée du bien, son principe inversé, à la manière du taoïsme ou du manichéisme.

Le mal n’y est pas davantage décrit à partir d’une vision strictement humaine de la justice, voire même

d’une visée strictement morale à la recherche d’une norme, mais, le mal y est regardé par rapport à ce qui est relié à cette finitude originelle, à la séparation de l’homme, d’avec son créateur.

C’est cette séparation qui est nommée, par la Bible, le péché.

Le mal est le produit de la chute de l’homme.

L’enjeu du bien et du mal est certes la victoire du bien sur le mal, mais cette victoire se lie de façon incoercible à la vie et à la mort, à la victoire de la vie sur la mort.

Cet enjeu vital se joue non seulement en prévision d’une vie future, mais aussi dès aujourd’hui, dans l’hic et nunc, pour l’émergence d’une vie présente possible en Dieu, et dont la Bible multiplie par les divers récits qui la composent des exemples.

Au bout du cheminement, la victoire de la vie se manifeste par la création nouvelle dont Jésus est, selon la perspective chrétienne, le premier né.

Parce que la création n’est pas la fabrication, c’est à dire une composition à partir d’éléments épars et singuliers, d’une entité plus complexe, au profit du “fabricateur”, mais don de la vie du créateur, dans un don de lui-même, une liberté émerge de la vie. La fabrication renverrait, entre autre, au simple concept d’utilité, au profit du concepteur qui prédéterminera l’objet conçu en fonction de l’usage qu’il veut en faire, le produit de son calcul.

Cette liberté issue de la création n’est pas encore “la” liberté, mais, nous l’avons dit “une” liberté.

Cette liberté, en effet, n’est pas encore celle que chanteront les évangiles, et tout l’ensemble des écrits du Nouveau Testament, et qui ne se trouve que dans la communion au Père, la “Koinônia “, et que donne gratuitement l’Esprit-Saint. Cette liberté n’est que la possibilité, donnée à l’homme, de vivre selon la volonté ou au contraire, de se séparer de son créateur.

Cette liberté initiale est celle de s’opposer ou non à l’ordre divin.

Cette liberté qui supposerait presque, qui semble même devoir produire, pour s’exprimer, donc, une possibilité de désobéissance initiale conduit paradoxalement à la mort. Car l’homme ne peut, ni ne saurait, vivre sans relation à Dieu, en désobéissance avec Lui, en rupture avec sa volonté.

Tout le projet biblique va dès lors consister à ramener l’homme, de la mort à la vie.

La vie dans l’Esprit-Saint, vie librement choisie dans l’esprit librement reçu, la vie par l’Esprit-Saint, l’Esprit de la vie est alors gratuitement donnée. Cet Esprit de ”la “ liberté, sera plus tard, au bout du cheminement de la révélation rendu accessible en Jésus-Christ, qui, le premier, traversa librement la mort pour gagner les hommes à la vie.