Créateur et Seigneur.

YHVH, ce nom imprononçable, dans la tradition juive, est employé 6 499 fois 1964 dans l’Ancien Testament. Il exprime davantage l’essence très sainte de la divinité, ces racines signifiant “être “ et “vivre “. Ce nom suppose, dès qu’on le prononce, la mise à jour d’une singularité humaine, et l’impossibilité pour l’homme de nommer Dieu hors de cette singularité, d’autre part, en se laissant habiter de voyelles singulières, il concrétise et signifie déjà l’alliance, en quelque sorte.

‘C’est le nom ineffable que les Juifs n’avaient pas le droit de prononcer et auquel ils devaient substituer dans la lecture le Seigneur (Adonaï). C’est pour cette lecture que les massorètes eurent l’idée d’accompagner les quatre consonnes YHVH des voyelles appartenant au substantif Seigneur ( Adonaï). Le lecteur juif ne s’y trompait pas; il savait qu’il avait sous les yeux deux mots en un, l’un tout en voyelles, l’autre tout en consonnes. Mais plus tard, les traductions chrétiennes transcrivirent fautivement par “Jéhovah” exprimant ainsi un seul mot là où il y en avait deux. 1965

Cette difficulté pourrait expliquer l’irruption d’une autre occurrence très fréquente “Adonaï” “mon Seigneur”, expression qui serait utilisée 427 1966 fois dans l’Ancien Testament. Elohim est spécialement utilisé au chapitre premier du livre de la Genèse, il est employé 2312 fois 1967 dans l’Ancien Testament. Il évoque davantage, comme nous l’avons signalé, à partir de la racine sémitique “El”, la puissance de Dieu. Les deux mots sont parfois associés, Dieu créateur est aussi Seigneur.

‘C’est Elohim le Créateur qui dit “Faisons l’homme à notre image “(Genèse I 26) ; mais c’est Yahvé-Elohim qui entre en contact avec l’homme dès que celui-ci occupe la scène, l’avertit le juge, lui promet le salut, le revêt de peaux d’animaux sacrifiés (Genèse II 7 ; Genèse II 16 ; Genèse III 9 ; Genèse III 15 ; Genèse III 21 ). 1968

Ainsi, ce nom ineffable est-il le plus souvent accompagné d’un attribut autre que celui de Elohim. 1969

  • “Yahvé jiré “ signifie “L’Éternel pourvoira” 1970
  • “Yahvé rapha “ signifie “L’Éternel te guérit “ 1971
  • “Yahvé nissi “ signifie “L’Éternel ma bannière “ 1972
  • Yahvé schalom “ signifie “ L’Éternel Paix” 1973
  • “Yahvé raah “ signifie “l’Éternel mon berger “ 1974
  • “Yahvé Tsidkenu “ signifie “ L’Éternel notre justice “ 1975

Il reste qu’en judaïsme, comme en christianisme, Dieu ne se laisse pas enfermer dans les schémas intellectuels. Il est le vivant, qui, tout à la fois, se distingue radicalement des dieux environnants, tout en étant comparé sans cesse à ceux-ci, comme surgissant d’au milieu de ceux-ci. L’expression “El chaddaï””, “Dieu des montagnes,” rapportée au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob,l’exprime plus que toute autre.

Nous trouvons ceci, très bien exprimé, dans un autre dictionnaire consacré au judaïsme, sous la plume du théologien dominicain Claude GEFFRÉ.

‘On rencontre dans la Bible deux expériences du divin qui correspondent aux deux noms : celui d’El (autre forme Elohim) et celui de Yahvé, par lesquels Dieu se trouve désigné. El (pluriel Elohim) désigne la divinité dans presque tout le monde sémitique et suggère la continuité entre le “Dieu des nations “et le “Dieu d’Israël”. Mais quand Dieu révèle son nom à Moïse, ce nom de Yahvé n’a de sens que pour Israël qui fait l’expérience de la proximité et de la présence agissante de Dieu.’ ‘(...) Si l’on essaie de synthétiser les traits les plus caractéristiques du Dieu d’Israël, on peut dire qu’il est à la fois le Dieu agissant (désigné par la troisième personne), le Dieu saint, le Dieu vers-nous (un “Tu “ pour l’homme). 1976

Nous agréons cette réflexion de Claude GEFFRÉ qui poursuit en spécifiant ces trois dimensions du Dieu biblique qui sont indissociables l’une de l’autre :

  • Si Dieu est agissant d’éternité en éternité, il est aussi celui qui créé et renouvelle toute chose.
  • Si Dieu est saint, cette sainteté est inséparable de son amour pour l’homme.
  • Si Dieu se fait proche, cette proximité est indissociable de son altérité d’avec l’homme, de sa sainteté, qui brûle, et sanctifie à la fois, tout ce qu’il touche.
‘S’il intervient sans cesse dans l’histoire c’est qu’Il est le Premier et le Dernier (Ésaïe XLI 4) “le Dieu éternel qui ne se fatigue ni ne se lasse” (Ésaïe XL 28). Son éternité, qui n’est pas seulement comprise comme durée, mais comme force de renouvellement, doit être mise en rapport avec sa puissance créatrice. (...)’ ‘Le Dieu d’Israël est essentiellement le Dieu saint. Il ne s’agit pas là d’une qualification morale, mais de la note distinctive de Dieu : il doit être dit tout-autre par rapport à tout le créé (...)’ ‘La sainteté, c’est l’ordre d’existence de Dieu, Dieu est saint parce qu’il est Dieu, et tout ce qui sera touché par lui sera saint. Sa sainteté est un feu dévorant (voir le Buisson ardent) et la gloire des théophanies d’ordre naturel (Exode XXIV 16 sqq), ou d’ordre personnel (Ésaïe VI) revêtira un éclat insoutenable. (...)’ ‘Il n’y a pas d’affirmation de la sainteté de Dieu sans une affirmation conjointe de sa proximité. Le Dieu saint transcendant est inséparablement le Dieu vers-nous. Le Dieu saint, transcendant est inséparablement le Dieu proche. 1977

Entre, cette distance imposée par la sainteté de Dieu, face à l’homme pécheur, et, la proximité motivée par l’intérêt de ce même Dieu pour ce même homme, dans un mouvement vers lui, autrement dit, entre la sainteté de Dieu et sa proximité manifestée par la révélation, Dieu s’orientant vers l’homme, il existe, poursuit encore Claude GEFFRÉ, la même opposition apparente, mais aussi la même complémentarité, autrement dit, le même rapport dialectique 1978 qu’entre les notions de justice, Dieu est juste, et d’amour, Dieu est amour.

Nous pourrions dire encore, en poursuivant de nous-même la réflexion de Claude GEFFRÉ, que sa justice, la justice de Dieu, comme d’ailleurs sa jalousie 1979 souvent exprimée dans l’Ancien Testament, seraient des expressions “au dehors”, 1980 retournées à l’homme, pour l’homme, peut-être même explicitées d’un point de vue d’homme, de la sainteté divine. De même son amour, l’amour de Dieu pour l’homme, est l’accomplissement, et la raison première et dernière de son mouvement vers l’homme. Dès l’Ancien Testament, ce passage du livre du Deutéronome exprime bien la fidélité et la patience de Dieu, qui n’a élu Israël que par Amour, et cet Amour suffit à dire “saint “ce peuple, mis à part pour Lui.

‘Ce n’est point parce que vous surpassez en nombre tous les peuples, que l’Éternel s’est attaché à vous et qu’il vous a choisis , vous qui êtes le moindre de tous les peuples. Mais parce que l’Éternel vous aime, parce qu’il a voulu tenir le serment qu’il avait fait à vos pères, l’Éternel vous a fait sortir par sa main puissante, vous a délivré de la maison de servitude, de la main de Pharaon, roi d’Égypte. Sache donc que c’est l’Éternel ton Dieu qui est Dieu. Ce Dieu fidèle garde son alliance jusqu’à la millième génération envers ceux qui l’aiment et suivent ses commandements. 1981

Donc, ce mouvement premier, venu de Dieu, permet d’entrer dans cette “nouvelle grammaire”, où tout en bout de compte est don de Dieu, et réponse à son initiative première. Ainsi, l’Ancien Testament, à travers l’histoire d’Israël, dans les traces incarnées d’une histoire écrite de mains d’homme, de vies d’hommes, de témoignages d’hommes, porte aux yeux des "confessants", l’irremplaçable enseignement de Dieu. Cet enseignement est aux antipodes d’une simple spéculation mystique. Même si, le judaïsme orthodoxe multipliant les restrictions quant à l’élocution et même l’écriture du nom de Dieu, constante préoccupation en judaïsme post-biblique, cela ait pu inviter à de telles spéculations. Nous citons ici le dictionnaire encyclopédique du judaïsme.

‘Le Talmud mentionne certaines restrictions quant à la prononciation par le grand prêtre du nom de YHVH ; lui seul pouvait le dire avec l’intonation correcte et seulement dans le Saint des Saints à Yom Kippour. La liturgie du jour de Kippour porte la trace de cette cérémonie imposante lorsque durant la description du culte rendu au Temple, contenue dans la Amidah de l’office supplémentaire, les fidèles se prosternent ou s’inclinent à l’endroit où le texte évoque le grand prêtre proclamant le nom de YHVH. Le Talmud contient également quelques références à une appellation divine composée de “douze lettres” et de “quarante deux lettres “ (Qiddouchin 71 a ). D’autres traductions ont probablement existé qui se rapportaient à des noms divins de longueur différentes, mais seules ces deux mentions ont survécu. Au Moyen-Âge, poètes et mystiques inventent d’autres noms pour désigner Dieu. 1982

D’autre part, toujours en judaïsme, la recherche dans la tradition Cabalistique nous semble pouvoir être considérée, au travers de spéculations mystiques, comme une recherche du nom de Dieu, au sens de son identité. Le christianisme, dans son développement ecclésial, c’est à dire, selon l’orthodoxie admise par toutes les églises constituées et se disant chrétiennes, ne se pose pas cette question. 1983 Puisque Jésus est celui qui accomplit l’écriture, tout se trouve résolu en sa personne : s’adresser à Jésus, par le Saint-Esprit qui nous y invite, revient à reconnaître Dieu en tant que Père, frère, ami.

Nous n’avons cependant pas d’autre exemple d’un peuple, d’une culture, qui garde ainsi les “traces “ de son histoire écrite, dans une temporalité dont elle mentionne avec force précision jusqu’au moindre détail géographique, généalogique, historique. Le plus étonnant est, sans doute, le fait que ces traces se répercutent jusqu’à aujourd’hui, dans la géographie, l’archéologie, mais surtout dans l’existence, la vie, les références et les croyances, bref, l’identité des peuples, les fils de Jacob, Israël et le peuple juif, les fils d’Ismaël, les nations arabes, et d’autres nations encore, pratiquement tous les peuples du bassin méditerranéen, pratiquement tous mentionnés à un moment ou à un autre, au fil du récit biblique. De cette histoire, émerge une parole prophétique et créatrice, la parole de Dieu. C’est d’elle encore, avec l’adjonction du Nouveau Testament, dont les églises chrétiennes, leurs fêtes, leurs coutumes, leurs liturgies, se réclament également. Même si elles se sont parfois disputées entre elles, voire entrebattues, la référence fondatrice des églises reste étonnamment ancrée autour d’un même texte fondateur, en partie partagé par le judaïsme. Car Dieu choisit de parler par une parole. Le fait que Dieu soit le premier acteur de la Bible, l’auteur premier du chemin vers l’homme, fait rupture, comme nous l’avons déjà signalé, de notre point de vue, et du point de vue d’une lecture s’intéressant au sens direct immédiat et littéral du texte (comme également cela est visible dans ce qui en constitue l’héritage spécifique, en christianisme plus spécialement), à tout rapport à l’ésotérisme, à l’initiation, aux rites de passage, bref, à tout ce que des sociologues de l’école française, analysant les rapports entre les hommes, à partir des modèles économiques de l’échange, de l’offre et de la demande, spécialement Pierre BOURDIEU 1984 , ou encore THÉVENOT et BOLTANSKI, 1985 pourraient nommer “l’économie des grandeurs”, en vue d’assurer et de maintenir les valeurs et les pouvoirs en place. Même si la notion de “mondes” de THÉVENOT et BOLTANSKI, envisage que ces pouvoirs puissent ne pas être toujours ceux des autorités politiques ou autres, mais se référer à d’autres valeurs tout aussi symboliques. BOLTANSKI envisage même un “monde “ où la ”monnaie d’échange” serait non plus établie sur la base du profit mais sur celui du don gratuit en pure perte. Ce “monde de l’agapè”, est directement relié à la révélation chrétienne d’où il puise son originalité. 1986

Le “changement de centre “ proposé par l‘entrée en scène de YHVH dans l’histoire singulière des hommes, est décisif. Il nous faut alors, encore, ici, signaler la distance qu’il y aurait entre les sociétés secrètes, du type de celles de la maçonnerie ( pourtant fortement marquée, d’après ce que nous en savons, par les références bibliques) 1987 , et la singularité biblique. À l’instar des néo-platoniciens, de MANI, et des constructions systémiques des hérésies gnostiques, la maçonnerie se réfère à la Bible et au Christ, de manière centrale, certes, mais ne semble pas entrer, mais n’entre pas, dans l’ intrinsèquéité biblique toute singulière : irruption du surnaturel, le Tout Autre dans le quotidien le plus naturel des existences, le tout proche. Alors, pourtant réprimées par tout le texte biblique, des pratiques proches de celle de la tradition alchimique, voire de la magie, où il s’agit de “convoquer “ Dieu, s’y font jour. Nous avons déjà signalé l’analogie de fonctionnement entre les deux principes, pourtant apparemment opposés, le “magique” et le “scientifique”. Se mêlent donc, dans les sociétés secrètes, le culte de la rationalité, du symbole, de la construction rationnelle, et les pratiques magiques de convocation de la divinité, l’initiation, l’occultisme et le secret. À ceci, le message évangélique oppose le “miracle”, renouvelé sans cesse, de la foi au quotidien des gestes, le témoignage transparent du témoin. Citons ce passage des Actes des apôtres, lors du retour de Paul et de Barnabas à Antioche : Paul vient de traverser toutes sortes de tribulations, dont une lapidation dont il n’est sorti vivant que par la protection active des disciples, mais il continue d’annoncer le message et il témoigne de “tout” ce que Dieu avait fait “avec” eux. Le “tout” et le “avec” sont d’une grande importance, peut-être même décisive, ils signifient l’absence de secret initiatique.

‘Après leur arrivée, ils convoquèrent l’Église, et ils racontèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux nations la porte de la foi. 1988

Le baptême, rite commun à plusieurs religions, une fois visité, très singulièrement, par le christianisme, n’est pas rite de passage, au sens des sociétés secrètes, mais le signe de l’alliance nouvelle de Dieu, offerte gratuitement à tous. Écoutons ce qu’en dit Xavier LÉON-DUFOUR.

‘Rite commun à de nombreuses religions (eau purificatrice et source de vie), adopté par les esséniens sous forme d’un bain quotidien symbolisant l’effort vers une vie pure et l’aspiration à la grâce purificatrice; il était aussi pratiqué par les juifs lors de l’administration des prosélytes dans le peuple d’Israël. Le baptême de Jean se différencie des autres en deux points : il est proposé à tous et ne se renouvelle pas : il signifie un appel à la conversion et l’anticipation du baptême messianique dans l’Esprit et le feu. 1989 (...)’

Ce baptême pose, comme principe, le fait que l’homme est un, 1990 nommé par Dieu, appelé par son nom en tant que personne singulière, pour qu’en lui, s’incarne le mystère de l’alliance, qui le fait passer de la mort à la vie, qui le fait entrer dans la communion au règne. Les hommes de l’église primitive, les témoins dont nous parlent les Actes des apôtres, de Pierre à Paul, en passant, entre autres, par Étienne, Corneille, Philippe, et Jacques, sont remarquables par l’unité de leur témoignage qu’ils sont prêts à rendre en toute circonstance. Ce qui peut les conduire jusqu’au martyr.

Le Saint-Esprit produit en eux une transparence. Si l’homme est un, il ne peut garder en secret l’essentiel de ce qui constitue, pour lui, le sens de la vie : cet Évangile qu’il est chargé d’annoncer aux nations. C’est sur cette base que s’est développé le christianisme primitif.

Il ne peut y avoir donc de rites initiatiques, d’ascension vers une élaboration d’un quelconque temple spirituel mystique. Le temple, selon le Nouveau Testament, est le corps de chacun que l’esprit de Dieu vient désormais habiter 1991 , ou encore, selon l’image prise par Pierre pour évoquer la construction commune de l’église spirituelle où chacun personnellement s’approche de la pierre vivante, le Christ 1992 , chacun personnellement s’approche du Christ pour être personnellement rendu à la vie, en communion avec Dieu et chacun des autres. Il ne s’agit pas de la construction ésotérique et désincarnée qui conduirait vers le “Grand Architecte de l’Univers” où chacun disparaîtrait dans le grand Tout.

Le mouvement de la révélation a pris exactement le chemin contraire de celui d’une “fabrication “et exprime par là encore sa grande singularité. C’est Dieu créateur, YHVH, qui est venu vers l’homme pour le créer une nouvelle fois, par son verbe, et le rendre à la vie éternelle.

Le baptême, évoquant le déluge, relie l’alliance nouvelle à l’alliance première, établie avec Noé, pour la création toute entière, où déjà, ce fut Dieu qui fit le premier pas.

La foi chrétienne, donne un nom, un prolongement, une raison, une intelligence, en Jésus, qui accomplit le projet de Dieu, à la foi existentielle, première et vitale, sans laquelle il n’y aurait pas de vie, ni peut-être, sans doute, de santé mentale, et qui est issue, selon la Bible, de l’alliance nohadique. Elle féconde la confiance première, elle est confiance en la confiance, ou encore, la confiance de la confiance, en quelque sorte. Cette foi, première et pratiquement naturelle, que rencontrait Jésus parmi des gens étrangers d’Israël, et ignorants certainement beaucoup de choses des écritures et de la révélation biblique, songeons au centenier romain 1993 ou à la femme cananéenne, 1994 semble déjà être la foi qui fait écouter sa parole, la foi qui sauve. 1995 La foi naturelle, confiance et abandon, “rencontre”, “est rencontrée par” la parole de Dieu qui la suscite, la reconstitue, l’institue, l’enseigne, la féconde, lui donne une place désormais centrale, en lui révélant Celui qui gouverne toute chose. C’est le sens de l’élection d’Israël, et cela même d’un point de vue chrétien. C’est aussi ce que spécifie l’enseignement du Christ.

Alors, l’institution de la cène, ancrée dans l’alliance faite avec le peuple d’Israël, rappelle la sortie d’Égypte, et qu’il n’est d’autre Seigneur, pour le disciple, que Celui qui fit sortir de l’esclavage, et dirigea, le peuple, vers la terre promise, qui le nourrit de la manne dans le désert, jour après jour, chaque jour suivant les besoins du jour, YHVH, qui révéla la loi à Moïse, puis, qui annonça la venue du Messie, par la voix des prophètes. L’eucharistie, renouvelée, accompagne la marche du disciple, comme la manne dans le désert accompagna celle du peuple. Lieu de mémoire : le verbe se fait nourriture : manducation du verbe. La mémoire, l’anamnèse, n’est d’ailleurs pas la notion contemporaine occidentale de mémorial. Dans son acception typiquement biblique, elle devrait permettre de sortir des débats stériles sur la nature des “espèces” eucharistiques que nous avons évoqués. La mémoire eucharistique dit l’actualité de la Seigneurie du Christ, manifestée par sa présence effective. Alphonse MAILLOT l’exprime ainsi :

‘Si je ne craignais le paradoxe qui mènerait à l’erreur, je dirais volontiers que la mémoire juive fonctionne à l’inverse de la nôtre ; “se souvenir” pour l’Hébreu, c’est découvrir la “présence “d’un acte, qui, pour notre mentalité d’Occidentaux, est enfoui sinon englouti, dans le “passé”, et, qu’en conséquence, il nous appartiendrait alors, par la description, par les concepts, ou les sentiments, de faire re-vivre, de re-présenter, de re-nouveler. Tous ces “re” sont autant d’erreurs”. (...) ’ ‘Dans son repas, aujourd’hui encore, le Seigneur est “présent vraiment”. Nous n’avons aucune raison de vouloir (blasphème notoire!) le re-présenter, le re-trouver ; ainsi le “en mémoire de moi” signifie en fait “ en ma présence “. Dans ce repas, nous recevons le Seigneur présent, donné, par ses propres mains, et par lui--même (comme il l’a promis). C’est de cette promesse et de sa validité qu’il faut nous souvenir. Ainsi le mot barbare et nécrosant de “Mémorial” doit-il être exclu, comme toutes les disputes sur la transformation de “l’essence du pain.” ’ ‘À son repas, le Seigneur invisible, mais d’autant plus réellement présent, continue de venir partager avec nous le don de sa vie et de sa personne, fait une fois pour toutes et pour toujours ; tout comme à la Pâque, le Seigneur YHWH fait “toujours “ sortir son peuple de toutes ses servitudes. . 1996

Les deux seules institutions chrétiennes qui émergent directement du Nouveau Testament, que sont donc, le baptême et l’eucharistie, sont également reliées, l’une à l’autre, par le cheminement de l’alliance, dont elles sont “mémoire” vivante, depuis Noé et le déluge, depuis Abraham, Moïse, la traversée du désert, et la révélation de la Torah. Le déluge est signifié et rappelé, par le baptême, comme le don de la manne est signifiée et accomplie, par l’eucharisite. Si l’eucharistie renvoie au Seigneur d’Israël, au Dieu de la foi explicite, le baptême renvoie davantage donc au Créateur, à la création première, à la création nouvelle, à la création dernière. Le baptême a lieu une fois pour toute, il indique que l’homme n’est plus seul mais marche avec Dieu, entrevoyant le royaume et la création nouvelle, pour lesquels, et par lesquels, désormais, il peut vivre, il veut vivre.

La foi chrétienne n’est donc pas croyance initiatique, subordination aux secrets détenus par les maîtres initiés, mais elle est irruption de l’Esprit-Saint, Esprit de vérité et de feu, qui ne peut jamais être autre chose que témoin de la vérité, manifestée en une personne, Jésus, verbe de Dieu. Le don du Saint-Esprit promis, déversé sur l’église, à la Pentecôte, permettant l’irruption du verbe de Dieu, à la fois Créateur et Seigneur, dans le quotidien des gestes et des pensées, dans le plus humble des coeurs, la plus humble des pensées, le coeur de l’enfant. 1997

Notes
1964.

NOUVEAU DICTIONNAIRE BIBLIQUE 1806 ; 3° édition revue de 1975 ; (op. cit.) ; (page 195 ).

1965.

In ibidem ; (pages 195).

1966.

In ibidem ; (pages 196).

1967.

In ibidem ; (pages 195).

1968.

In ibidem ; (pages 195).

1969.

Notre source principale pour la liste qui suit est in ibidem ; (page 195 ) : L’auteur conclut celle-ci en disant :“En vérité, l’Éternel, le Dieu sauveur, répond à tous les besoins de notre être.”

1970.

Genèse XXII 13 à 14

1971.

Exode XV 26

1972.

Exode XVII 15

1973.

Juges VI 24

1974.

Psaume XXIII 1

1975.

Jérémie XXIII 6

1976.

GEFFRÉ Claude in “DICTIONNAIRE du judaïsme Encyclopaedia Universalis “ Introduction de Charles BALADIER Albin Michel Paris 1998 ; ( pages 204 205 ) ; article sur le mot “Dieu”.

1977.

GEFFRÉ Claude ; in ibidem ; ( page 205 ).

1978.

Ce mot de dialectique est employé par Claude GEFFRÉ ; in ibidem ; (page 205). Nous ne l’employons qu’avec réserve à cause des sens multiples qu’il revêt. Il faut entendre ce mot, avec l’esprit que GEFFRÉ lui donne, d’une complémentarité vivante, d’un dialogue, entre Dieu qui n’est pas neutre, mais vivant, et l’homme. Entre le point de vue très saint de Dieu source d’une grande distance entre Dieu et l’homme, et sa bonté, très grande, qui va au bout de la révélation se donner les moyens de son projet d’établir l’homme dans son règne, en en accomplissant lui-même le chemin, par Jésus, don parfait d’amour.

“C’est la dialectique de la sainteté et de l’amour qui permet de rendre compte de l’économie concrète des rapports de Dieu et de l’homme, telle que la conçoit la Bible, pareillement de la double désignation de Dieu comme Juge et Sauveur.”

1979.

Exode XX 15

1980.

L’expression du point de vue “ au dehors “ s’opposant donc à l’inaccessible, en dehors du Saint Esprit, point de vue “au dedans”, serait du théologien réformé OEHLER ( 1812 - 1872) auteur d’un ouvrage que J.-M. NICOLE qualifie de “remarquable”, sur la théologie de l’Ancien Testament. Cet ouvrage s’oppose à la théorie des plusieurs sources du Pentateuque (E Elohiste,J Jahviste, D Deutéronomiste, P auteur sacerdotal (de allemand priesterkodex), R rédacteur ) défendues, en christianisme, par GRAF (1815 - 1869) et WELHAUSEN (1844 - 1918). NICOLE Jules-Marcel “Précis d’histoire de l’église “ Éditions de l’Institut Biblique ; Nogent sur Marne 1972 - 1990 ; ( page 246). NOUVEAU DICTIONNAIRE BIBLIQUE 1975 ; (op. cit.) ; (page 196).

1981.

Deutéronome VII 7 à 9

1982.

“DICTIONNAIRE encyclopédique du judaïsme “ ; Cerf Robert Laffont Paris 1996 ; (page 285) ; op. cit.

1983.

Les témoins de Jéhovah sont une exception, mais nous savons que cette église, bien que lisant le Nouveau Testament, se réclame moins du christianisme que d’une référence première à Dieu Jéhovah.

1984.

BOURDIEU Pierre “La distinction . Critique sociale du jugement “ Éd Minuit Paris 1979 ; (670 pages).

BOURDIEU Pierre : “Ce que parler veut dire” L’économie des échanges linguistiques. Fayard Pais 1982 ; (239 pages).

BOURDIEU Pierre : “Homo Academicus” les éditions de minuit Paris 1984 ; (302 pages).

BOURDIEU Pierre ( sous la direction de) “La misère du monde” Seuil Paris 1993 ; (947 pages).

1985.

BOLTANSKI Luc, THÉVENOT Laurent “De la justification : les économies de la grandeur.” Gallimard Paris 1991 ; (485 p.).

1986.

BOLTANSKI Luc “L’Amour et la justice comme compétences -Trois essais de sociologie de l’action “ Métailié Paris 1990 ; ( pp 135 à 252). ” Deuxième partie : “Agapè “: une introduction aux états de paix “

Luc BOLTANSKI, dans ce travail précédant, et annonçant, son ouvrage avec THÉVENOT distingue fort judicieusement trois types de relation à l’amour : “L’amour comme réciprocité : la “philia “ ; (pp 161 à 163 ) ; “L”éros” et la construction de l’équivalence générale ;(pp 164 à 169) ;“L”agapè” et le retrait des équivalences “ ; (pp 170 à 176).

Le monde de l’agapè n’est pas très loin de ce qu’il appellera plus tard, dans l’ouvrage rédigé avec Laurent THÉVENOT : “le monde de l’inspiration” . BOLTANSKI Luc, THÉVENOT Laurent Paris 1991 ; (op. cit. ) ; (pp 200 à 206).

1987.

NAUDON Paul “La franc-maçonnerie” PUF Paris 1963 ; 1997 ; (128 pages).

1988.

BOLTANSKI Luc “L’Amour et la justice comme compétences -Trois essais de sociologie de l’action “ Métailié Paris 1990 ; ( pp 135 à 252). ” Deuxième partie : “Agapè “: une introduction aux états de paix “

Luc BOLTANSKI, dans ce travail précédant et annonçant son ouvrage avec Laurent THÉVENOT, distingue fort judicieusement trois types de relation à l’amour :

“L’amour comme réciprocité : la “philia “ (pp 161 à 163 )

“L”éros” et la construction de l’équivalence générale (pp 164 à 169)

“L”agapè” et le retrait des équivalences “ (pp 170 à 176).

1989.

DICTIONNAIRE du Nouveau Testament” Xavier LÉON-DUFOUR Seuil Paris 1975 ; page 138 (au mot baptême).

Citations bibliques en référence :

Matthieu III 1 à 6 ( = Marc I 4 à 8 = Luc III 3 à 10 ) ; Matthieu XXI 25 ( = Marc XI 30 = Luc XX 4 ) ; Luc VII 29 et suivants ; Jean I 25 à 33 ; Actes I 22 Actes X 37 ; Actes XI 36 ; Actes XIII 24).

1990.

Marc V 1 à 17 ; Luc VIII 26 à 38. Jésus guérit un démoniaque en le délivrant de la “multitude” qui l’habite. Lorsque Jésus lui demande son nom, il répond par un pluriel “légions “ . (Marc V 9 ) ; on peut lire également Matthieu VIII 28 à 34.

1991.

I Corinthiens III 16 17 ; I Corinthiens VI 19 ; II Corinthiens VI 16

1992.

Actes XIV 27

1993.

Matthieu VIII 5 à 13 ; Luc VII 1 à 10

1994.

Matthieu XV 21 à 28 ; Marc VII 24 à 30

1995.

“Ta foi t’a sauvé “ dit souvent Jésus : Marc V 34 ; Marc X 32 ; Luc VII 50 ; Luc VIII 48 ; Luc XVII 19 ; Luc XVIII 42

1996.

MAILLOT Alphonse “Un Jésus - “Vous, qui dîtes-vous que je suis ?” Lethielleux Paris 1996 ; ( page 231 ).

1997.

Matthieu XI 25 ; Marc X 15 ; Luc XVIII 15 à 7 ; I Jean.

Toute la première épître de Jean reprend maintes fois l’expression “petits enfants “ à qui elle assimile ses lecteurs.