Comme le baptême situe chacun personnellement comme créature, fils de Dieu, dans l’eucharistie, le repas réitéré de la Cène, le corps du Christ est retrouvé dans l’action de grâce partagée, sens du mot eucharistie. 1998 Nous retrouvons là, les deux dimensions, la dimension personnelle, et la dimension communautaire, indissociables l’une de l’autre, comme aimèrent à le souligner, les personnalistes. Dieu se donne à connaître, à le, et se, rencontrer, à naître avec lui, dans la création nouvelle, dans cette rencontre à la fois personnelle et singulière où chacun est appelé par son nom, et que signifie le baptême, et, en même temps, et simultanément, où chacun est invité à mettre en commun le don reçu, dans“la Koinônia”, de “koino“ qui signifie” commun” et “koinoô”, “mettre en commun “, la communion d’église. Dieu peut donc s’identifier à sa parole qui, à la fois, distingue et unit.
‘Dieu n’est donc pas un “neutre “ : le principe indéterminé et impersonnel de tout ce qui est. Il est un “Tu” pour l’homme. C’est la Parole qui sera le signe de sa personnalité concrète et l’instrument de son dialogue avec l’homme. Les prophètes chercheront dans l’amour de Dieu la raison dernière de l’élection gratuite d’Israël. Dieu a un coeur (Jérémie III 15) ; et on peut comparer l’alliance à des fiançailles ou au mariage entre Yahvé et Israël (Osée I à III ; Jérémie III ; Ézéchiel (XVI 23 ; Ésaïe I 1 ; Ésaïe LIV 5 à 8 ). C’est pourquoi l’infidélité d’Israël sera désignée comme un adultère. 1999 ’Denis VASSE (né en 1933), psychanalyste, Jésuite, proche de Françoise DOLTO (1908 -1988), élève, dans un premier temps, de Jacques LACAN (1901 - 1981 ), a particulièrement signalé, au fil de ses ouvrages, les rapports à la Parole, et à la parole, comme instituteurs de sens, constitutifs d’identité, initiateurs de rencontres. À partir de l’expérience du “jardin couvert “, lieu d’accueil mère enfant, à Lyon, inspiré des expériences conçues par Françoise DOLTO dans “ la maison des enfants”,Denis VASSE réfléchit sur la nécessité des limites que symbolisent, entre autres, les frontières entre les peuples, sur la nécessité du dialogue, de leur remise en question, par la parole.
‘Les frontières entre les peuples n’ont-elles pas, en définitive, une fonction comparable à celle des limites du jardin couvert ? Les unes et les autres fonctionnent comme le lieu où dans un échange de paroles deux volontés s’affrontent se reconnaissent et se différencient. Mais si les frontières sont le lieu de reconnaissance de ceux qui parlent au nom du droit qui est le leur, elles peuvent devenir à tous moments des clôtures, des barbelés, des rideaux, des murs, manifestant le refus de la rencontre dans la négociation. Des deux côtés de la limite, ou, au moins, d’un côté, le droit du sujet n’est plus alors référé à la parole qui spécifie le genre humain. Là où le droit ne régit plus le rapport des hommes à la parole qui les constitue comme sujets, là grandit le spectre de la peur, de l’enfermement en soi, et du mutisme. Sous l’effet du mépris du droit, les frontières, ou les limites, peuvent aussi se dissoudre. Et le prix à payer de cette dissolution, c’est l’impossibilité de vivre dans un pays ou dans un organisme, dans un corps social ou individuel, dans l’espoir de devenir un homme. 2000 ’Cette réflexion est à rapprocher, bien que se déployant dans un autre domaine, des travaux de Jacques LAUTREY 2001 qui distingue trois types de rapport à la structuration éducative dans le milieu familial :
Les résultats des travaux de Jacques LAUTREY que nous trouvons par ailleurs fort complexes, indiqueraient que, conformément à l’hypothèse émise par l’auteur au début de son travail d’enquête, le développement de l’intelligence semblerait s’opérer de manière beaucoup plus effective dans les familles du deuxième type, “à structuration souple “, et cela indépendamment du milieu d’origine.
‘Conformément aux hypothèses, les enfants élevés dans des milieux souplement structurés ont de meilleures performances intellectuelles que ceux élevés dans des milieux faiblement ou rigidement structurés. 2002 ’L’intérêt de cette étude est de signifier l’importance du “dire”, de la parole de transparence, qui permet de comprendre, d’entendre l’autre, dans ses contradictions dans ses débats de conscience, entre désir et responsabilité, et, conduit à saisir le sens des lois, à la fois indispensables, qui paraissent être contraignantes, mais qui sont et peuvent devenir “pour “ l’homme qui en prend conscience. 2003 L’accès au sens des lois est constitutif du sens tout court. La valeur de la loi prend une dimension organique rejoignant la loi écrite dans le coeur ; ce qui annonce la Nouvelle Alliance.
Cette importance de la parole, du “dire” jusqu’à son désir, jusqu’à l’interdit dans lequel celui-ci se déploie, avec lequel il prend corps, permettant de s’affranchir des dérives “autistiques” paralysant de façon traumatique le développement de l’être de chacun, est fortement signalée par tout un courant de la pensée psychanalytique pour qui “le vrai désir de l’homme c’est le désir de l’Autre.” 2004
Il reste, bien entendu, à savoir si l’Autre de la psychanalyse lacanienne, est bien le Tout Autre que nous révèle la Bible. Nous pouvons dire qu’il ne peut l’être tant que la référence à ce Tout Autre n’est pas explicitée, mise à jour, et justement révélée. Mais ce désir de l’Autre pourrait constituer le négatif, sur lequel la révélation peut jouer se développer, combler le vide, et exprimer sa parole constitutive.
Car le fait biblique majeur est depuis le début de la révélation, cette émergence d’un Tout Autre, qui “est Celui qui est” le ” Dieu vivant “ dans le quotidien de gestes, d’histoires, et de vies où sa présence se révèle et où sa Parole qui ne se laisse enfermer par quiconque et qui est libre de chacun, se fait entendre. Une fois sa Parole énoncée, reconnue, célébrée, partagée, toutes les paroles peuvent être entendues, car seule sa Parole est délivrée des enjeux de rivalité, qu’exprimaient entre autre, Caïn et Abel, Jacob et Ésaü, le royaume d’Israël et le royaume de Judas, et qui entraînaient et faisaient inéluctablement bifurquer, le désir de l’Autre, vers le désir de “posséder l’autre”.
YHVH, Tout Autre, est en effet, l’acteur premier de l’Ancien Testament. Cet acteur ne semble vouloir n’agir qu’avec les hommes, il choisit un peuple, pour être son témoin parmi les nations, et il se laisse ainsi nommer, servir, et même trahir par le peuple qu’il s’est choisi. Mais ce Tout Autre se fait tout proche. Cette proximité de Dieu est déjà présente dans l’Ancien Testament, mais elle se manifeste de façon radicale avec l’irruption du Christ, et de son ministère. Le Royaume de Dieu s’est rapproché, jusqu’à venir vivre parmi les hommes. 2005
Dans le Nouveau Testament, nous pouvons distinguer deux parties. Les quatre évangiles manifestent cette présence de Jésus parmi les hommes, il est alors, lui, Jésus, l’acteur principal. Les textes qui suivent les quatre évangiles, depuis les actes des apôtres, jusqu’à l’apocalypse de Jean, en passant par les différentes épîtres, expriment le temps de l’église, où l’acteur principal semble devenir l’Esprit-Saint, auquel toute la vie de l’église primitive depuis la Pentecôte semble être soumise.
Nous passons ainsi de“psyché” à“pneuma” par le don de l’Esprit qui vient de Dieu Père et dont nous rappelons ici quelques unes des images que donnent, pour l’évoquer, les textes bibliques :
Un texte d’Ézéchiel est particulièrement édifiant, il prophétise la réconciliation des deux royaumes, Juda et Israël. Cette réconciliation ne se fera pas dans la fusion, mais dans la rencontre respectant chacune des deux altérités, c’est la main de Dieu qui unira les deux peuples. 2016
Alors donc, la soumission à l’Esprit-Saint n’est pas esclavage, mais un appel à naître nouvellement , et, comme dans une respiration qui donne la vie, à dialoguer par le même Esprit-Saint et dans l’altérité de chacun par rapport à chacun , avec quiconque vient et passe ...
L’institution de la Cène : “ ... ceci est mon corps “ Matthieu XXVI 26 ; Marc XIV 22 ; Luc XXII 19 ; I Corinthiens XI 24.
GEFFRÉ Claude in “DICTIONNAIRE du judaïsme Encyclopaedia Universalis “ Introduction de Charles BALADIER Albin Michel Paris 1998 ; op. cit. ; article sur le mot “Dieu” ; (page 206).
VASSE Denis “Se tenir debout et marcher - Du jardin oedipien à la vie en société “ Gallimard Paris 1995 ; (p. 101) ; ( pp 95 à 110 ).
LAUTREY Jacques “ Classe sociale milieu familial intelligence” 1° édition en 1980 PUF Paris ; ( 283 pages).
LAUTREY Jacques in ibidem ; (page 240).
Cette parole fameuse de Jésus corrobore la découverte de ce courant de pensée : “Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat de sorte que le Fils de l’homme est maître même du sabbat.” (Marc II 27).
Cité par VASSE Denis “Se tenir debout et marcher - Du jardin oedipien à la vie en société “ Gallimard Paris 1995 ; (op. cit.) (page 196). La citation est tirée de : LACAN Jacques “Écrits “ Seuil Paris 1966 (pp 99, 181, 268, 279, 343,695).
Luc X 9 “Dans quelque ville que vous entriez, et où l’on vous recevra, mangez ce qui vous sera présenté, guérissez les malades qui s’y trouveront et dîtes leur : “Le royaume s’est approché de vous”. C’est le message que Jésus donne à ses disciples lorsqu’il les envoie, deux par deux, manifesté ce Royaume de ville en ville. On peut se reporter aussi à Matthieu III 2 ; Marc I 15 ; Luc III 3 à 6 ; la prédication du Baptiste, reprenant entre autre la prophétie d’Ésaïe (Ésaïe XL 3 ; Ésaïe LII 10 ), et la promesse entrevue dans les psaumes (Psaume XCVIII 2). (voir Luc XI 20 = Luc XI 14 à 26).
I Rois XIX 12
Marc IX 49 ; Luc XII 49
Matthieu III 11 ; Luc III 16
La colombe est un oiseau de paix, elle retourna vers l’arche de Noé, avec le brin d’olivier dans son bec. Domestiquée des hommes, elle revient toujours dans la maison d’où elle part. Elle est signe de Dieu, elle vient du Père, et retourne vers lui, elle symbolise alors l’Esprit de Dieu. (Matthieu III 16).
Marc XIII 11 “Quand emmènera pour vous livrer, ne vous inquiétez pas d’avance, mais dîtes ce qui vous sera donné à l’heure même; car ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit-Saint.”
Jean XIV 26
Cette expression que nous trouvons de manière, bien entendu, centrale dans le Nouveau Testament se trouve cependant également mentionnée en langue hébraïque, au moins trois fois dans l’Ancien Testament.
Psaume LI 13 : “Ne me retire pas ton esprit saint ...”
Ésaïe LXIII 10 à 11 : Dans ce passage du livre d’Ésaïe, l’esprit saint est mentionné deux fois. La première fois pour évoquer l’esprit de Dieu qui fut attristé par la rébellion du peuple d’Israël, la deuxième fois pour signifier que l’esprit saint était du temps de Moïse, parmi le peuple d’Israël au milieu de qui il vivait
II Corinthiens III 17
Genèse I 30Genèse II 7 ; Ézéchiel XXXVII 1 à 14
Jean IV 23 à 24 ; II Corinthiens III 17 (op; cit.)
Ézéchiel XXXVII 15 à 27