Retournement philosophique

Le déterminisme spéculatif pose la recherche des causes efficientes par rapport à des finalités posées a priori. Le mécanisme définit les fins par rapport aux causes efficientes. Les deux sont prisonniers de l’aporie exprimant l’impossible rapport direct entre causes et fins dernières, souligné par HAMELIN. HAMELIN et BERGSON 2324 tentent d’échapper à l’aporie en développant une prééminence absolue radicalement autre : le premier l’appelle la volonté, et le second, l’esprit ou l’intuition.

La philosophie chrétienne de BLONDEL, parlant, à partir d’un seul déterminisme irréductible, celui de l’action, échappe autrement à l’aporie. La reconnaissance du seul déterminisme de l’action revient à poser la prévalence du fait et de l’acte sur l’idée, et à poser l’idée elle-même comme se développant dans l‘action de la pensée, se développant elle-même dans l’action première du geste, c’est à dire, à lire l’idée comme le fait de l’homme en quête, et non comme une entité en soi. La philosophie de BLONDEL suppose ce double rapport : à une transcendance, à une finitude intrinsèque à elle-même.

Pour HEGEL, le déterminisme s’inscrit dans le mouvement de l’idée dans l’histoire, pour le marxisme, dans le matérialisme dialectique. Mais la différence est de taille : BLONDEL ne prétendait pas à la complétude dans sa pensée. La philosophie selon HEGEL n’objective le fait que par rapport à sa réalité instituée à un moment donné de l’histoire, elle fait naître l’idéologie de l’état fort, de l’état tout puissant. Le marxisme hérite du mouvement hégélien de l’histoire mais il en enferme le sens dans le principe interne de la matière par lui nommé, le matérialisme dialectique ...

Comment le christianisme parvient-il à l’objectivité du fait ? Il y parvient par le mystère de l’incarnation qui lui permet d’observer le monde à partir d’un point de vue autre que celui qu’il spécule. Par, également, nous y revenons, l’objectivité permise par la révélation biblique dans une histoire, comme une histoire, annonçant chaque histoire singulière, et l’objectivité de celles-ci. Sans doute est-ce pourquoi, tout un mouvement de la pédagogie chrétienne, de DEWEY à MONTESSORI jusqu’à Marcel JOUSSE est d’inspiration très scientifique et très attentive à libérer l’interprétation du fait de l’idéologie ou du système prétendument scientifique qui viserait à l’interpréter.

Tout au long des récits bibliques de l’histoire d’Israël dans l’Ancien Testament, aux évangiles qui décrivent le ministère du Christ, plus particulièrement les trois synoptiques, mais aussi l’évangile de Jean qui n’est pas atemporel, mais qui rejoint autrement le ministère de trois ans de Jésus en le reliant autrement à l’histoire ancienne à l’alliance ancienne, les actes des apôtres, les lettres aux églises de Paul, Pierre, Jacques, et Jean, c’est la dimension d’acte, la dimension d’action qui prédomine. Elle couvre et supporte, et affranchit le message. Car avant tout, la grande rupture avec les systèmes philosophiques clos, provient du fait de la relation vivante établie avec Dieu vivant, et dans laquelle se cherche et se trouve, le sens profond, comme le trésor caché, de la parole qui vaut qu’on vende tout pour le posséder.

Notes
2324.

BERGSON Henri “Essai sur les données immédiates de la conscience” PUF Paris 1946 56 ° éd. (1° édit ALCAN Paris 1889) ; (180 pages).