Vérité de la réalité éducative biblique : sa justification.

Le triangle pédagogique de Jean HOUSSAYE donne autorité au maître pour enseigner, dans les limites du respect de l’équilibre entre les trois pôles : le maître, l’élève, le savoir. Il suffit d’écarter chacune des trois dérives possibles, à chaque fois, que l’un des trois pôles est de trop rejeté par les deux autres, selon le principe évoqué du tiers exclu (tiers-exclu). 2613

La dérive “démiurgique”, (dérive de l’endoctrinement de type sectaire) privilégierait la relation du maître à l’élève et repousserait le savoir et les objets de l’apprentissage, à la fonction de tiers subalterne. Il ne permet donc pas l’émancipation de l’élève de l’emprise de son maître qui filtre pour lui et les savoirs et leur interprétation.

La dérive “développementariste” (dérive parfois de l’enseignement de la petite enfance, en école maternelle), ne considérerait que le rapport entre l’élève et le savoir, une vision autarcique de la construction des apprentissages, selon un constructivisme pédagogique poussé au niveau de l’idéologie exclusive d’autres approches .

La dérive “utilitariste ” (dérive universitaire fréquente), réduit l’élève à la notion de simple utilité pour servir la progression du maître dans les savoirs. Le projet y est toujours le domaine réservé du maître. Elle cultive l’ésotérisme et garde le secret initiatique, en particulier celui des finalités, (comme étant la possession du seul maître).

Le triangle éducatif de Guy AVANZINI donne autorité au maître, ou au groupe social constitué, pour éduquer, selon les respect d’un équilibre entre les trois pôles : finalités, contenus représentations.

La dérive du “psychologisme” (dérive du mode industriel de type tayloriste) ne s’appuierait que sur les représentations et les contenus, oubliant les finalités. Elle n’offre pas à la personne éduquée d’échappatoire autre que réflexive, pas d’échappatoire de type actif ou ayant des répercussions concrètes, sur les enjeux de la relation éducative elle-même.

La dérive “dogmatico-idéologique “ (dérive du mode politique) ne s’appuierait que sur les finalités et les contenus, oubliant de tenir compte des représentations, de dialoguer avec elles. On aboutit au privilège des discours, des doctrines, points de vues, reconnus, autorisés, officiels.

La dérive “technico-philosophique” (dérive du mode de “management” de l’entreprise contemporaine) ne s’appuierait que sur les finalités préétablies et les représentations, oubliant le point de vue des contenus qui offre une mise à distance par rapport aux deux autres pôles.

À l’évidence, la justification christique se trouve répercutée en une autre dimension, entre gestes et pensées, nous le redisons, elle réchappe des discours qui se déploient, eux, entre théories et pratiques. Le Christ n’est pas venu justifier des discours cohérents, mais des actes, et au delà des actes un rapport nouveau au bien et au mal, à la vie et à la mort, à la relation à soi-même, au prochain, à Dieu et au monde. Il fait émerger une nouvelle conscience où, “bien veiller” “veiller au bien”, autrement dit, tout ce qui produit et procède de la bienveillance, 2614 aimer et pardonner, autrement dit tout ce qui produit et procède du don gratuit, 2615 sont des thèmes clés.

Autrement dit encore, la justification christique vaut pour une conception de l’éducation élargie à la vie entière. Elle n’est pas limitée et réservée aux seuls professionnels reconnus de l’éducation, où aux seuls lieux établis et reconnus comme éducatifs selon la convention sociale en vigueur et la compréhension historique et conjoncturelle de ce qu’éduquer veut dire.

La justification christique ne se réduit pas à la vision de tous ceux qu’animent une volonté éducative consciente, et pour lesquels les deux modèles envisagés, le pédagogique de Jean HOUSSAYE et l’éducatif de Guy AVANZINI, peuvent rendre de grands services d’analyse. La transmission et le maintien, au fil des siècles, de la culture biblique dans un peuple le plus souvent dominé, la naissance et le développement de l’église pendant deux à trois siècles, à la suite du message du Christ lui-même annoncé et développé pendant les trois ans de son ministère, le plus souvent en dehors des institutions, en marge des institutions éducatives juives, grecques, ou romaines, en sont une illustration fort explicite et évidente.

L’évocation de la rédemption, autrement dit la justification du pécheur, obtenue sur la croix, par le don du Christ, dans un acte presque caché, comme clandestin, au coeur de la cité, en marge de la fête de la Pâque, le confirme. L’éducation biblique n’est pas cantonnée dans les institutions, qu’elle ira, ensuite à l’instar de ce qui se produira pour la “paideia” grecque, et, les écoles, au fil des siècles, visiter, transformer, élargir, raccrocher à une autre finalité, mais dans lesquelles elle ne prend pas sa source. Autrement dit, on n’échappe pas, bibliquement, à l’éducation d’autrui, à l’éducation par autrui, à l’exemplarité, le Christ donne la justification à l’éducation, au-delà des actes, en deçà des pensées, dans la perspective chrétienne, en exprimant le don de Dieu pour l’homme.

‘À qui comparerai-je cette génération ? Elle ressemble à des enfants assis dans des places publiques et qui, s’adressant à d’autres enfants, disent : Nous vous avons joué de la flûte , et vous n’avez pas pas dansé; nous vous avons chanté des complaintes et vous ne vous êtes pas lamentés.’ ‘Car Jean est venu, ne mangeant ni ne buvant et ils disent : il a un démon.’ ‘Le Fils de l’homme est venu mangeant et buvant, et ils disent : C’est un mangeur et un buveur, un amides publicains et des gens de mauvaise vie. Mais la sagesse a été justifiée par ses oeuvres. 2616

C’est un point central, il faut le souligner : la justification pour THÉVENOT et BOLTANSKI, thème qui nous sert de lien entre les sciences sociales et notre travail de thèse sur la Bible, qui fait elle-même émaner de sa propre intrinsèquéité cette notion de justification, se réfère à une économie des grandeurs et à la notion de justice. 2617

Le nombre important des paraboles de Jésus se référant à des notions de mises et d’économie vient renforcer encore le parallèle. 2618 La valeur du denier, salaire journalier d’un ouvrier agricole, et qui représente dans la parabole du Christ, 2619 le salaire unique des ouvriers de la première et de la dernière heure, nous fait entrer dans une économie de la grâce et du don gratuit. Un salaire unique qui répercute une autre grammaire, une autre mathématique. Jésus conclut d’ailleurs sa parabole par ces mots, d’autres fois répétés, à peu de chose près, dans les évangiles : “Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers. ” 2620

“L’économie des grandeurs” qu’évoque le Christ n’est pas de l’ordre du registre de monde, au sens d’une quête de pouvoirs. La réponse que Jésus fait aux pharisiens, venus tenter de le prendre au piège de leur raisonnement, en flagrant délit d’incitation à la désobéissance civile, en fournit un autre exemple.

‘Dis-nous donc ce qu’il t’en semble : Est-il permis ou non de payer le tribu de César ? Jésus connaissant leur méchanceté répondit: Pourquoi me tentez-vous, hypocrites ? ’ ‘Montrez-moi la monnaie avec laquelle on paie le tribut. Et ils lui présentèrent un denier. ’ ‘Il leur demanda : De qui sont cette effigie et cette inscription ? De César lui répondirent-ils. Alors il leur dit : “Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu “. Étonnés de ce qu’ils entendaient, ils le quittèrent et s’en allèrent. 2621
  • Le grain de sénevé de foi, 2622 évoqué par Jésus, nous renvoie à la mise posée en terme de qualité plutôt qu’en termes de quantité.
‘Je vous le dis en vérité. Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne ; Transporte-toi d’ici là, et elle se transporterait ; rien ne vous serait impossible. 2623
  • L’esprit et la lettre 2624 sont, dans le Nouveau Testament, mis en opposition, et en complémentarité, comme l’apparence et le fond. L’Esprit-Saint s’oppose au mauvais levain d’une lecture enfermée dans les mots de la lettre, il rejoint le bon levain qui fait lever toute la pâte. 2625
  • L’accomplissement en Christ, fait face à la spéculation abstraite ou virtuelle.
‘Vous sondez les écritures parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle: ce sont elles qui rendent témoignage de moi. Et vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie. 2626
  • La grâce sanctifiante fait face aux vertus. La grâce, rejoint la gratuité et le don, elle est bibliquement, l’expression de la relation juste entre Dieu et l’homme. Le fait d’accueillir la grâce, c’est déjà la transmettre, c’est un acte de justesse, de justice, de sainteté, qui conduit à la sainteté dont elle émane déjà. La vertu, au contraire, pourrait-on presque dire, en tant que somme des qualités morales, fruits du mérite personnel ou du caractère inné d’un homme particulier, rejoint la notion de pouvoir moral et de puissance ou de qualité personnelle remarquable 2627 correspond au modèle philosophique grec et n’a pas de résonances bibliques profondes. La grâce signifie le don de Dieu ; son accueil produit la sanctification ; on peut alors parler de grâce sanctifiante.

Bien qu’au sens chrétien, la vertu, 2628 une fois visitée par la grâce, puisse devenir presque son synonyme, la notion de devoir ne se vit pas de la même façon selon le registre grec (ou juif voire chrétien), de l’éthique et de la vertu, que sur le registre, juif ou chrétien, de la foi. Il ne s’agira plus, selon la Bible, de mettre l’accent sur les mérites de l’homme, mais sur le don de Dieu. La rencontre entre Jésus et le jeune homme riche, 2629 nous en fournit un exemple fort.

‘Et voici, un homme s’approcha et dit à Jésus : Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle ? Il lui répondit : Pourquoi m’interroges-tu ce qui est bon ? Un seul est bon. 2630

Il reste que la notion même de devoir, d’obligation, d’obéissance va se répercuter de manière différente. Précisons d’abord que la notion de devoir moral si elle ne suppose pas à tout coup la liberté intérieure du détachement intérieur, face au jugement d’autrui, suppose à tout coup le passage par l’intériorité. En réciproque, ce passage par l’intériorité n’est pas une garantie de qualité morale, ou de la valeur altruiste et désintéressée qui en principe justifie la morale teintée de christianisme.

‘“ Le snob considère comme un devoir la promenade qu’il fait chaque jour à la même heure, dans la même allée du Bois. Ce qui différencie les hommes, c’est moins qu’ils manquent de morale, mais que leur morale est localisée et qu’ils l’ont adoptée sans enquête préalable. Le sentiment d’obligation est donc un sentiment normal, mêlé à toute vie psychologique. Le sentiment du devoir naît avec la réflexion ; nier le devoir ce serait nier la réflexion, prétendre que l’homme est toujours à l’état de spontanéité pure, de nature.” 2631

On peut dire, en prolongeant ce point de vue de Frédéric RAUH, écrivant en 1903, que, SOCRATE, buvant la ciguë, ou encore Jésus, sur la croix, sont les victimes d’hommes croyant accomplir un certain devoir. D’une certaine manière la poursuite de la vertu selon SOCRATE, et la grâce sanctifiante du Christ, aboutissent au même dépassement de l’opinion d’autrui. 2632 Mais l’accent n’est pas mis pour le Christ, sur le raisonnement logique irréfutable, au contraire de SOCRATE dont toute la grandeur consiste en sa cohérence entre sa vision théorique du dieu, et sa mise en pratique de sa croyance. Nous retrouvons, tout le débat entre les oeuvres et la grâce. L’existence même de ce débat qui n’est introduit que par la Bible, que par le fait même du don du Christ, prouve si besoin, que la question singulière posée par la Bible rejoint la réalité de la grâce, la question de la grâce, la notion de la grâce, et provient de l’apport constitué par son émergence. En effet, si la perspective de la grâce n’existait pas, la justification christique elle-même perdrait son sens.

‘“Car c’est une fois entrés dans une relation quotidienne de foi et d’amitié avec Dieu que les oeuvres deviennent possibles. Elles découlent toujours du salut mais n’y conduisent jamais.” 2633

Cette position exprimée par un prédicateur évangéliste, n’est pas seulement celle de l’église évangélique. À bien y regarder, elle serait finalement le point de vue partagé par toutes les théologies chrétiennes qui mettent d’abord l’accent sur le don gratuit de Dieu. Il reste des débats sur la part de l’homme et la part de Dieu. Ces débats ont souvent bifurqué dans l’impasse des théorisations dont nous avons vu qu’il est, par excellence, le registre où la Bible ne légifère pas.

  • La justification est obtenue par Dieu le Fils qui offre la rédemption. Elle n’est pas le fruit des oeuvres dont le jeune homme riche se repaît. Zachée 2634 au contraire, le publicain de mauvaise vie, recevant le Christ, reçoit simultanément selon les paroles de Jésus lui-même le salut dans sa maison.

L’habit de fête 2635 que cet invité aux noces ne porta pas et qu’en conséquence, le roi n’accepta pas et fit jeter dehors ” où il y aura des pleurs et des grincements de dents”, est symptomatique du type d’invitation à la vie nouvelle, au royaume, offerte par Jésus. La parabole de Jésus est fort explicite à ce sujet : le roi n’invite pas en fonction des mérites ou même des invitations préalablement distribuées mais en seule fonction de la place restante et de la réalité, presque de la nécessité, d’une fête, un festin de noces pour son fils. Les noces sont d’ailleurs symbole de réconciliation, d’alliance, de projet nouveau, d’engagement à venir.

‘Jésus prenant la parole, leur parla de nouveau en paraboles, et il dit :’ ‘Le royaume des cieux est semblable à un roi qui fit des noces pour son fils. Il envoya ses serviteurs appeler ceux qui étaient invités aux noces ; mais ils ne voulurent pas venir. Il envoya encore d’autres serviteurs, en disant : Dîtes aux conviés : Voici, j’ai préparé mon festin; mes boeufs et mes bêtes grasses sont tués, tout est prêt venez aux noces. Mais sans s’inquiéter de l’invitation ils s’en allèrent, celui-ci à son champ, celui-là à son trafic ; et les autres se saisirent des serviteurs, les outragèrent et les tuèrent. Le roi fut irrité ; il envoya ses troupes, fit périr ces meurtriers, et brûla leur ville. Alors il dit à ses serviteurs : Les noces sont prêtes; mais les conviés n’en étaient pas dignes. Allez donc dans les carrefours, et appelez aux noces tous ceux que vous trouverez. Ces serviteurs allèrent dans les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, méchants et bons, et la salle des noces fut pleine de convives. Le roi entra pour voir ceux qui étaient à table, et il aperçut là un homme qui n’avait pas revêtu l’habit de noces. Il lui dit :”Mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir un habit de noces ? “ Cet homme eut la bouche fermée. Alors le roi dit aux serviteurs : Liez-lui les pieds et les mains, et jetez-le dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents. 2636

Ce qui semble importer en premier, comme dans la parabole du trésor caché, est l’acceptation de la fête et même au-delà la place que chacun lui accorde dans son coeur. Nous repensons ici à une phrase qu’Yves MONTAND aimait à répéter et que nous avions lue dans un article du Monde que nous n’avons pas retrouvé, et entendu, nous semble-t-il, également dans une émission de télévision demeurée par nous introuvable. “L’important, c’est d’être habillé de l’intérieur. “

‘Zachée se hâta de descendre et le reçut avec joie. 2637

Cette joie absolue fut celle qui habita un certain Zachée dont le parallèle avec le jeune homme riche est saisissant et maintes fois souligné, comme un archétype du décalage entre grâce et vertus. Le jeune homme riche a obéi en toute chose à la loi de Moïse, depuis son plus jeune âge. Mais voici qu’il demande ce qu’il doit faire encore pour accéder à la vie éternelle. Jésus met devant lui un impossible challenge : s’il veut être parfait, il lui faut vendre tous ses biens et le suivre. Le jeune homme riche s’en retourne tristement, car il avait beaucoup de biens.

‘Jésus dit à ses disciples : Je vous le dis en vérité, un riche entrera difficilement dans le royaume des cieux. Je vous le dis encore, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu.’ ‘Les disciples ayant entendu cela furent très étonnés, et dirent : Qui peut être sauvé ? ’ ‘Jésus les regarda et leur dit :Aux hommes cela est impossible, mais à Dieu tout est possible. 2638

Zachée, le collecteur d’impôts, quant à lui,s’est contenté d’approcher le Christ pour le regarder passer. Du milieu de la foule, Jésus, a reconnu personnellement cet homme juché sur le sycomore qu’il s’était senti forcé de grimper, car, à cause de sa petite taille, il n’aurait pas pu le voir passer autrement. Après l’avoir nommé par son nom, Jésus lui a demandé asile. Zachée, sans que Jésus ne lui demande rien, déclarera donner la moitié de ses biens aux pauvres et rembourser au quadruple quiconque aurait été victime de sa fraude (ou de son erreur).

‘Jésus lui dit : Le salut est entré aujourd’hui dans cette maison parce que celui-ci est aussi un Fils d’Abraham. Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. 2639

L’opposition entre le jeune homme riche, homme de vertu(s), et en quête de vertus supplémentaires, afin d’accéder au mérite du royaume, que Jésus lui rend pratiquement impossible, et Zachée qui, sans rien demander de lui-même répond à la sollicitation du Christ, et, se contente de faire une place chez lui au Christ, tient à la place accordée à l’amour de Dieu, à la grâce dans le projet de l’un et de l’autre. Elle rejoint la différence entre la quête de perfection et le don de la sainteté. Le point de vue des richesses humaines, spirituelles, intellectuelles matérielles tend à placer l’homme en situation d’autosuffisance. Il procède de la hiérarchie entre les hommes et de la “méritocratie”. À l’opposé le point de vue de la grâce se place du point de vue de Dieu, donnant son Fils, de l’indigence de l’homme, du besoin de rédemption, autrement dit, du blessé de la parabole du samaritain. L’homme qui se sait perdu, est explicitement justifié dans les évangiles, selon le message de l’évangile, selon les paroles du Christ, par le Christ, venu chercher et sauver, et ce sont là les paroles même qu’il adresse à ses disciples, “ce qui était perdu.” 2640

Ce qui était perdu signifie et résonne comme une réalité au coeur de chacun. Et l’église se construit à partir d’hommes sans culture ni importance, souvent perdus à leurs propres yeux, comme parfois même aux yeux du monde. Cette phrase de Jésus s’adresse donc à des hommes blessés et c’est en eux qu’elle se propose d’agir.

Ce qui était perdu n’est cependant pas réduit ni cantonné aux seules dimensions personnelles. Plus loin , elle envoie le chrétien, appelé à aimer comme Jésus lui-même aime, à la recherche de ceux qui souffrent qu’il ne suffit plus bientôt de regarder souffrir mais de soigner concrètement en grand nombre, comme si pour chacun d’eux il s’agissait du Christ lui-même. Alors, cette phrase de Jésus envoie des hommes au service d’autres hommes, frères souffrants, au risque de tout y perdre, de se faire rejeter, de se retrouver, au moins pour un temps, rangés comme minoritaires dans le rang des perturbateurs, des exclus et des persécutés, comme réduits au silence. Et, bien des siècles plus tard, saint VINCENT de PAUL ouvrant la porte des hospices et prenant en conpte et en charge les soins des plus pauvres, permettra d’envisager l’accès progressif, qui prendra encore des siècles à deveniir effectif et qui n’est toujours pas totalement abouti, aujourd’hui, loin de là, à l’échelle de la planète en tout cas, au même droit de traîtement médical pour tous. Et bien des siècles plus tard encore, beaucoup plus près de nous, à la naissance, dans le sillage du genevois Henry DUNANT, de la Croix-Rouge, à la source de l’action éducative caritative et pacifique de Léon TOLSTOÏ, à la raison de l’objection de consciences active des Quakers lors le guerre 1914-1918, à l’origine de l’ardeur et de la conviction de Maria MONTESSORI animant conférence sur conférence dans l’entre-deux guerres pour éviter que n’éclate un nouveau conflit mondial, qu’elle ne parviendra malheureusement pas à éviter, jusqu’à Jean MONNET ou Maurice SCHUMANN, fondateurs de l’idée européenne afin que cessent enfin l’ère des conflits millénaires, comme encore à l’initiative de tant et tant d’autres témoins contemporains, d’un mouvement politique pour la paix entre des peuples, comme enfin à la base implicite ou explicite des textes internationaux régulant les politiques nationales et internationales, nous trouvons des références chrétiennes et bibliques.

Alors, aujourd’hui, peut-être plus que jamais, à partir d’une justification gratuite et d’une motivation toujours singulière et vécue dans la liberté d’une détermination individuelle, comme à la source très souvent implicite d'un engagement personnel quant à lui bien visible de tous, puisque destiné à s’adresser à tous et à chacun, cette dimension de l’action éducative biblique partant d’une préoccupation humaine où la souffrance des plus petits des hommes rejoint celle de Dieu lui-même, va jusqu’à s’inscrire dans une dimension sociale, civile et politique.

Notes
2613.

André LALANDE souligne que la théorie du milieu exclu, ou du tiers exclu est contestée par les logiciens et les mathématiciens. “Peut-être pourrait-on préciser la nature de cette limitation en disant que ce principe pour être valable suppose l’existence logique de ce à quoi à on l’applique dans l’univers du discours sur lequel on entend raisonner.” in

“ Vocabulaire technique et critique de la philosophie” LALANDE André PUF ; Paris 1902/1923 ; 1991 ; 17° édition ; 2 tomes ; (p. 1132 ; à tiers-exclu). LALANDE s’en tient au monde de la philosophie, mais nous retrouvons implicitement l’opposition entre discours et parole. Le message biblique étant tout entier relatif à une parole libre de tout discours qui prétendrait clore la vérité en lui-même, nous ne pouvons appliquer donc ce principe du tiers exclu à l’éducation liée au message biblique.

2614.

Proverbes XXII 9 ; Luc II 14 ; Éphésiens I 1 à 10 ; Philippiens I 15 à 16 ; II Thessaloniciens I 11

2615.

Matthieu X 8 ; Romain III 23 à 24 ; I Corinthiens IX 11 à 12 ; II Corinthiens XI 7 ; Romains VI 23

2616.

Matthieu XII 16 à 19 ; (Luc VII 31 à 35)

L’évangile de Luc conclut ce même passage par ces mots :

“Mais la sagesse a été justifiée par tous ses enfants.”

2617.

BOLTANSKI Luc, THÉVENOT Laurent “De la justification : les économies de la grandeur.”Gallimard Paris 1991

2618.

Matthieu XIII 44 (le trésor caché) ; Matthieu XV 14 à 30 (la parabole des talents) ;

Matthieu XVIII 21 à 35 (la parabole du serviteur impitoyable) ;

Matthieu XX 1 à 16 ( la parabole des ouvriers loués à différentes heures et percevant le même salaire ) ;

Matthieu XXI 33 à 40 ( la parabole des vignerons voir aussi Marc XII 1 à 12 ; Luc XX 9 à 19 );

Luc XII 16 à 21 (la parabole contre l’avarice) ;

Luc XIII 22 à 34 (l’envoi des disciples : là où est votre trésor, là est votre coeur) ;

Luc XV 1 à 32 ( la parabole du fils prodigue qui dilapide sa part d’héritage avant de retourner chez son père).

2619.

Matthieu XX 1 à 16 (op. cit. )

2620.

Matthieu XX 16 (voir aussi Matthieu XIX 30 ; Marc X 31 ; Luc XIII 30 ).

2621.

Matthieu XXII 17 à 22

2622.

Deux types d’allusion sont faites au graine de sénevé dans les paroles de Jésus :

1

Le royaume de Dieu est semblable à un grain de sénevé ( moutarde ) la plus petite des semences qui devient un grand arbre, le plus grand parmi les arbres du jardin, où les oiseaux du ciel peuvent nicher.

(Matthieu XIII 31 32 ; Marc IV 30 ; Luc XIII 18 ).

2

Un grain de sénevé de foi suffit à déplacer les montagnes et à déraciner un sycomore jusqu’à les envoyer se jeter dans la mer. Matthieu XVII 20 ; (voir aussi Matthieu XXI 21 à 22 ; Luc XVII 6 ; I Corinthiens XV 35 à 42).

2623.

Matthieu XVII 20

2624.

II Corinthiens III 1 à 6

2625.

Dans l’Ancien Testament le vieux levain symbole de l’’apparence extérieure, depuis la nuit de la Pâque ( Exode XII 39 ) ne devait pas être présentée comme offrande. (Lévitique II 11 ; Deutéronome XVI 4 )

Le Nouveau Testament oppose le vieux levain symbole de l’apparence trompeuse et des pharisiens, (Matthieu XVI 6 ; Marc VIII 15 ; Luc XII 1 ) au nouveau levain symbole du Royaume (Matthieu XIII 33 ; Luc XIII 21 ) et de la grâce accordée en Christ :

2626.

Jean V 39 à 40

2627.

“ Vocabulaire technique et critique de la philosophie” LALANDE André PUF ; Paris 1902/1923 ; 1991 ; 17° édition 2 ° tome ; à la page 1200 (sens A).

2628.

Si l’on différencie la vertu singulière des vertus plurielles qui en découlent, la vertu singulière et la grâce se rejoignent et se complètent en quelque sorte, la vertu devenant synonyme de posture de l’homme, elle est l’attitude qui lui permet d’accueillir le don de Dieu, qui constitue la grâce.

2629.

Matthieu XIX 16 à 26 ; Marc X 17 à 27

2630.

Matthieu XIX 16 à17 ; notons que dans l’évangile de Marc le jeune homme riche dit : “bon maître “ .

Jésus lui dit : Pourquoi m’appelles-tu bon ? Il n’y a de bon que Dieu seul.” (Marc IX 17 et 18 ).

2631.

RAUH Frédéric “L ‘expérience morale “ PUF Paris 1951 (5° édition ) ; ( à la page 18). (1° édition en 1903 )

2632.

Ce que Luc BOLTANSKI et Laurent THÉVENOT appellent la cité de l’opinion. BOLTANSKI Luc, THÉVENOT Laurent “De la justification : les économies de la grandeur.”Gallimard Paris 1991 ; (pp 126 à 137).

2633.

CHOIQUIER Alain “Le grand passage “ Farel 94 122 Fontenay-sous-Bois 1979 ; ( page 13).

2634.

Luc XIX 1 à 10 “Car le fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu “ ; (au verset 10).

2635.

Matthieu XXII 11

2636.

Matthieu XXII 1 à 12

2637.

Luc XIX 6

2638.

Matthieu XIX 22 à 26

2639.

Luc XIX 9 à 10

2640.

Luc XIX 9 à 10