La conclusion de l’évangile de Matthieu l’explicite fort bien.
‘Jésus s’étant approché, parla ainsi : Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils,et du Saint-Esprit, et enseignez leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. 2735 ’Le sens du mot hébreu “ h ésèd”, qui signifie “saint”, en passant, lorsqu’il est employé dans l’Ancien Testament, d’un attribut exclusivement divin, à, une fois traduit dans le Nouveau Testament, par le grec hosios, un sentiment partagé par les disciples du Christ, 2736 transforme la notion de l’éducabilité dans son acception juive, 2737 car, l’éducabilité n’ est-elle pas devenue éducable ?
L’éthique n’est pas, en christianisme, le fin mot de l’ambition humaine. Désormais, tout commence et finit par la communion en Christ offerte gratuitement, en esprit et en vérité, avec Dieu lui-même. Nous voici passés, entre retournement et renversement pédagogiques, du pédagogue au témoin. On peut certes parler de pédagogies et de pédagogues chrétiens s’inscrivant dans l’histoire, mais la qualité de celles-ci, comme de ceux-ci, semblent subordonnés aux témoins et aux témoignages ... 2738
L’objectif n’est pas seulement celui d’un enseignement moral, ou celui d’une science du comportement, il est avant tout l’accès à une vie nouvelle, l’annonce de cet accès rendu possible, désormais en Christ, par Christ, gratuitement, à tous les hommes de toutes nations.On pourrait revenir à l’infini sur les traces diverses, comme sur le sens permanent de ce témoignage, à partir, d’une lecture de l’histoire de la révélation, ou, de l’identification de l’action éducative de la Bible dans l’histoire, ou encore, de l’étude des réalités liturgiques, ou enfin, du fait majeur qui voit désormais s’organiser, le temps et toute chose, à partir de la résurrection, le premier jour de la semaine.
L’éternité s’inscrit dans cet aujourd’hui, où tout se joue et rejoue inlassablement et qui rend inéluctablement toute pédagogie, toute méthode, toute réalité éducative à cette présence. Entre la mémoire comme témoin d’une histoire, et la foi comme témoin de l’accomplissement de l’espérance.
Alors, le mouvement de la foi, se distingue d’une projection de type éthique ou moral conçu sur un modèle théorique, qu’il suffirait ou qu’il conviendrait de mettre en pratique. La vérité se tiendrait dans le modèle ou la référence théorique, tel l’enseignement de SOCRATE. Il s’agit, avec Jésus, à partir de Jésus, d’une parole à mettre en pratique, et il s’agit bien plutôt de se laisser inscrire soi-même dans cette parole, dans la communion avec cette parole, de devenir alors parole soi-même.
Pour Maurice BLONDEL la pensée, même lorsqu’elle ne se l’avoue pas, est en fait une quête de Dieu. D’ailleurs, à partir d’un tout autre point de vue, celui de l’athéisme, lorsqu’il écrit cette phrase pour expliquer sa vocation première de l’écriture née dans la bibliothèque de son grand père, SARTRE lui-même, ne corrobore-t-il pas, comme malgré lui, la pensée de BLONDEL ?
‘Militant je voulus me sauver par les oeuvres mystiques, je tentais de dévoiler le silence de l’être par un bruissement contrarié des mots et surtout je confondis les choses avec leur nom c’est croire 2740 ’Entre la lumière de Dieu et la position de l’homme, selon la Bible, il existe cependant une distinction de place et de nature ( en d’autres termes nous pouvons dire que Dieu est le Tout Autre), et s’il se fait tout Proche, la perception de sa clarté nous renvoie à l’instar de la lumière intermittente de la luciole à la nuit opaque et au chemin à parcourir. La cohérence humaine est dans la quête et non dans le système. La cohérence divine est dans la volonté en partie cachée qui gouverne l’espace et le temps des différentes apparitions, des différents moments de clarté et de compréhensions.
Dès lors, sont permis, sous un angle nouveau, qui évite tout syncrétisme réducteur, les dialogues avec les croyants issus des autres religions, des autres révélations. Ce qu’il importe d’accueillir, dans la perspective chrétienne, est donc à regarder du côté du vide, de la quête inassouvie, que toute religion propose, et, suppose, à la manière de Paul parlant sur l’Aréopage. C’est à partir de ce vide et non du plein que le dialogue peut s’établir. La cohérence de la quête de la foi, n’est donc pas nécessairement chrétienne. L’évangile signale simplement cette quête comme essentielle, et donne un nom à sa source et à son aboutissement : le Christ. Sans doute trouvons-nous là la raison essentielle du développement de l’évangile selon les paradigmes et catégories de la philosophie grecque, davantage que selon ceux de la pensée juive, dès les premiers siècles de l’histoire de l’église. Il apparaît même que l’église a largement contribué à la connaissance et à la survivance de la pensée des philosophes de l’Antiquité.
L’Ancien Testament propose une partition nette entre le monde inerte des faux dieux de pierre, et YHVH vivant, le monde de la vie, et le monde des objets. Entre fétichisme et foi en YHVH. Le Nouveau Testament poursuit le travail en proposant une partition radicale entre le monde de l’idéologie, des idées, et celui de la foi. Les opposants de Jésus, hérodiens, pharisiens, zélotes, sadducéens, ne sont pas fétichistes, mais idéologues, au sens d’enfermer YHVH dans une sorte de doctrine close. Le texte de BLONDEL revient à expliquer que cette partition néo-testamentaire est remise en cause depuis le Cogito qui provoque, directement ou indirectement, en tournant la pensée sur elle-même, une fascination, une obnibulation de type hypnotique, de l’homme pour la propre cohérence de son discours. Ceci le coupe de l’action, de l’expérience sensible directe, de l’expérience de la communion dans l’hic et nunc, et se substitue alors à la cohérence qui serait présente dans la quête essentielle. La philosophie antique cherchait tout autant à comprendre les mécanismes des choses que leur essence, autrement dit, elle ne séparait pas la question de la quête fondamentale de la philosophie, de cohérence dans le discours, d’un questionnement fondamental sur le pourquoi, l’origine des choses, l’origine de la lumière. Mais la quête philosophique séparait bien d’après BLONDEL les deux temps, les temps de lumière, de ceux de quête dans les ténèbres où l’esprit cherche à reconstituer le chemin de la prochaine émergence lumineuse, semblable à celle de la luciole. Ceci apparaît clairement dans la maïeutique, et le jeu des questions et des réponses qu’elle propose. La question n’est d’ailleurs pas le fait du maître lui-même mais de l’élève, signe qu’il ne s’agit pas d’une pensée qui “parle” toute seule, même si les écrits postérieurs de PLATON peuvent avoir reconstruits et ciselés, le sens à partir du chemin à parcourir. Pour le philosophe, il ne s’agissait pas de penser théoriquement sans mettre en adéquation ses comportements avec cette pensée.
Le Cogito, au contraire, conduit inexorablement, en évacuant (au moins provisoirement) le mystère divin, en séparant la question du pourquoi de celle du pour quoi, en deux mots, à l’émergence de l’homme double. D’un côté, l’homme qui pense, de l’autre celui qui agit. Cette séparation était déjà certes présente dans la quête philosophique, mais elle est ici comme instituée. C’est en quoi l’époché cartésien, pratiqué sur fonds de révélation chrétienne, ne rejoint pas l’époché des philosophes antiques qui n’avaient d’autres ressources dans l’Antiquité grecque que de spéculer Dieu, puisque la révélation biblique leur était en grande partie, ou totalement, étrangère, et le mystère de l’incarnation inscrit dans cette perspective leur était, dès lors, logiquement tout à fait inconnu, et à partir de leur pensée, certainement incompréhensible, une “folie” dira Paul, autrement dit, quelque chose d’ insoupçonnable. L’époché cartésien suppose une mise à l’écart provisoire de l’existence de Dieu, et donc de sa manifestation dans la personne du Christ, pour questionner les choses et le monde, à partir de cette évacuation, sur un chemin qui oscille du doute à l’être, à partir du doute premier. La question de Dieu rejoignant celle de l’Être, et qui justement constituait la quête philosophique de SOCRATE et PLATON, se trouve, dès lors, évacuée. D’où cette allégorie, où Maurice BLONDEL, évoque la pensée éblouie, entre deux intermittences lumineuses produites par le phare sur la côte, et incapable alors de discerner l’origine de la source de cette lumière. Mêlant Dieu et l’homme et finissant par confondre les deux, elle évacue tout autant le Dieu des évangiles que celui des philosophes. Plus tard, la phénoménologie de HUSSERL va poursuivre le cheminement du Cogito sur la question de la représentation subjective. Dès lors, le lieu de la vérité, basculera dans la pensée contemporaine, et les sciences humaines, du Dieu inaccessible, celui de la preuve ontologique, perçu comme plus haut et plus grand que toute représentation humaine, vers les représentations que l’homme s’en fait.
Or, si le Dieu de la Bible est précisément le Tout Autre qui vient vers l’homme qui se fait homme en Jésus, le lieu de la vérité ne saurait être dans les seules représentations humaines, même si celles-ci prennent une importance essentielle à partir du message biblique et sont en tous temps prises en compte. D’où la difficile rencontre entre sciences humaines et Bible, rencontre faite de quiproquos successifs et tout autant prévisibles que multiples, quiproquos sur lesquels nous sommes largement revenus dans les premiers chapitres de notre thèse.
En fait, la philosophie, ou la pensée, résolument chrétienne, balance entre deux pôles. D’un côté BLONDEL et la philosophie d’inspiration plus catholique, s’inscrit dans la tradition patrisitique, et, elle voit surtout dans la quête socratique ou plus largement de toute la philosophie, une avancée dans la quête divine. La révélation biblique ne vient pas renverser la philosophie; mais la féconder. L’accent est davantage mis ici sur le dieu inconnu des Grecs, dont Paul dit qu’il est précisément le Christ. De l’autre côté, pour KIERKEGAARD, et la culture plus bibliste, la révélation christique est en rupture avec la quête philosophique, et la construction systémique qu’elle suppose. L’accent est davantage mis sur l’autre parole de Paul qui dit que l’évangile est une folie pour les Grecs.
Une conséquence de la subdivision duelle, confirmée depuis DESCARTES et le Cogito, et coupant en son centre le témoignage du chrétien et des évangiles, se fondant sur, et aboutissant à, une dislocation entre le monde de la pensée et celui de l’expérience, entre celui du système rationnel de référence, et celui de la raison raisonnable, entre le monde de de la foi et celui de l’existence, est sans doute présente dans la distinction radicale qui est faite entre le Jésus de la foi et le Jésus de l’histoire, telle qu’elle se démarque dans une part de la théologie contemporaine depuis BULTMANN (1884 -1976). Mais le résultat de telles subdivisions, n’est -il pas dès lors de confondre les évangiles avec un récit mythique de type grec ? Et de gommer, la dimension singulière d’une révélation qui s’inscrit dans l’histoire, et qui fonde une démarche et une vision linéaire de celle-ci, en opposition à la vision circulaire du temps, répétitive et cyclique, des Grecs ?
Ce témoignage reste cependant la valeur historique fondatrice de toute connaissance objective de l’histoire qui voudrait retenir la leçon des choses. Et rester humaine, et ne pas évacuer, l’horreur, ses causes et ses conséquences, sa prise en compte, dans la mémoire, comme mémoire vivante, en quelque sorte. Ce témoignage ne peut être évacué de l’étude de l’historien, il doit même sans doute en constituer le fondement, conclut-elle. 2742 Ne retrouve-t-on pas dans cette quête toute l’attention répétée que porte l’Ancien Testament, et le Nouveau Testament, en prolongement de l’Ancien, à l’histoire, à la mémoire, comme mode d’éducation de la conscience des hommes ?
Le problème se poursuit et rebondit lorsque le Jésus “de” l’histoire devient le Jésus “dans” l’histoire des églises depuis pratiquement deux mille ans. Chaque époque, chaque courant, chaque église, a eu sa lecture des évangiles, l’accent a été mis à chaque fois sur des choses différentes. 2743 Ici, la doctrine de l’église catholique officielle postule l’infaillibilité historique de la doctrine, qui ne ferait que s’affiner au fil des siècles. La perception protestante cherche davantage le retour aux sources évangéliques, et, à lire l’enseignement à partir des textes du Nouveau Testament, seuls, et de la Bible. L’église Orthodoxe d’Orient cherche davantage une immuabilité, traversant les âges.
Mais existe-t-il, de fait, d’autre histoire possible que celle qui prend en compte les témoignages des contemporains des faits étudiés, la mémoire qui en découle, comme événement historique par excellence ? L’irruption des évangiles et du Nouveau Testament dans l’histoire, au coeur de l’histoire en tant que témoignages de la vie du Christ, et non en tant que théories sur l’enseignement du Christ, est à prendre en compte comme telle par l’historien. Dès lors, le Jésus de la foi et le Jésus de l’histoire ne font qu’un, et cela d’autant plus que le fait que certains participent à cette histoire, côtoient la vie du Christ, sans comprendre ni partager le message délivré par les apôtres, et des premiers témoins, fait partie intégrante des textes eux-mêmes, comme une récurrence. La personne de Jésus, la quête de cette personne, réconcilient alors foi et histoire.
Les évangiles, et tout le Nouveau Testament, expliquent que la foi seule donne à comprendre le sens du témoignage du Christ. Voici sans doute au coeur des évangiles, déjà, l’aube d’une controverse, l’acceptation de la résurrection dont la nouvelle se répand au matin du troisième jour, de bouche à oreille confidentiellement, d’un disciple à l’autre, suppose, par exemple, déjà un acte de foi. Cet acte de foi ne vient pas se surajouter aux évangiles, dans les lectures historiques ultérieures, il est déjà au coeur des événements relatés, signalé comme majeur.
De même, aujourd’hui, les familiers des victimes du génocide ne font pas la même lecture des mêmes événements qu’un homme comme Maurice PAPON préfet collaborateur, dont le procès a passionné la France. Et chacun essaie de comprendre à partir d’un dialogue ouvert. L’espace de ce dialogue, le lieu de cette liberté, ne fondent-ils pas, l’émergence d’une nouvelle conscience universelle ? N’invitent-ils pas tous les hommes, victimes, ou bourreaux, résistants ou collaborateurs, à poser ailleurs que dans la rationalité pure le lieu de leurs convictions. À émettre un acte de foi.
La spécificité des évangiles, leur caractère vraiment singulier, est de signaler alors cette foi, le lieu de cette foi, sa source, comme étant vitale et primordiale pour comprendre. C’est par la foi qui veut dire confiance, qui n’est pas synonyme de la croyance, proche de l’hypothèse, c’est par la confiance donc, dira l’apôtre Paul 2744 que toute l’histoire biblique a pu être édifiée, à partir des témoins, depuis le commencement. C’est par la foi , dans la confiance existentielle, que le chrétien comprend l’enseignement de Christ. C’est par la foi que le lépreux, ou le malade peut être guéri. C’est la foi donc, encore et toujours, qui fait le lien entre l’Ancien Testament et le Nouveau Testament. La foi suppose donc en elle-même qu’on puisse ne pas en accepter l’augure, la réfuter. La foi est un engagement existentiel, avant d’être une déduction métaphysique. Elle exprime un mouvement, comme le mot hébreu Pessah, exprime un passage, à la Pâque, de la mort à la vie.
Le concept de l’éducabilité émerge donc en ce vingtième siècle des sciences humaines ouvrant comme un espace possible de dialogue avec la Bible. Ce dialogue rejoint en effet, l’ensemble du message biblique qui postule implicitement que l’homme est éducable.
La Bible ne postule cependant pas tant l’éducabilité, qu’elle la révèle. Expliquons-nous : la Bible ne théorise pas sur le fait de l’éducation possible sur l’homme, mais semble bien plutôt agir dans l’histoire et dans le présent de telle sorte qu’elle permet de dire l’éducabilité de tous les hommes.
On peut, en sciences humaines, postuler l’éducabilité de façon à privilégier l’éthique, le comportement vis à vis d’autrui, la référence à des valeurs, on parle alors d’éducabilité morale. La dimension première est là d’ordre spirituel. On peut également postuler l’éducabilité de façon à privilégier la connaissance, les concepts et les idées, et on parle d’éducabilité cognitive. La dimension première est ici d’ordre idéel. Dans les deux cas, il s’agit d’une voie strictement spéculée. Il reste une troisième voie qui est celle de l’esthète, pour qui la représentation du monde doit avant tout être belle, et harmonieuse. L’allégorie de la caverne, en quête du vrai, du beau, du bon, tel que Platon la rapporte, pourrait en révéler la matrice commune. 2745
La spiritualisation en quête du bon, consiste non seulement en l’émission de valeurs morales, de l’ordre de l’esprit, mais à l’émission et à la formulation du jugement et du discernement des êtres et des choses, à partir de cette émission de valeurs.
L’idéalisation en quête du vrai, participe du même processus, à la différence que l’idée prend la place de l’esprit, c’est à dire que le concept se substitue à la valeur en tant que fin dernière et surtout comme moyen privilégié en vue d’accéder à une fin qui pourrait être la même que celle poursuivie par la voie spirituelle. La recherche de cohérence se substituant à celle d’un prix donné, d’une valeur.
L’esthétisme en quête du beau, participe encore du seul et même processus, mais la forme prend ici le pas sur le fond, la recherche harmonique se retrouve dans la rhétorique du discours, comme dans la recherche artistique. L’harmonie, la forme, l’apparence, l’efficience sensitive, sont ici la recherche par excellence. Nous retrouvons cette quadruple quête dans l’art contemporain.
L’idéalisation du monde, propre aux philosophes, sa spiritualisation, propre aux moralistes, ou enfin sa représentation, propre aux esthètes, supposent toutes trois un processus de mise en pratique que nous pourrions nommer la matérialisation.
Le mystère de l’incarnation, de part le mouvement inversé allant de Dieu vers l’homme, du Tout Autre au tout proche, se distingue comme il se dresse, face à la matérialisation que supposent tout à la fois : la spiritualisation, l’idéalisation et l’esthétisme purs.
Le mystère de l’incarnation ne suppose, en effet, pas de matérialisation puisqu’il est lui-même, si l’on peut dire, sa propre matérialité, le verbe se faisant chair. Il est celui qui rend éducable l’éducabilité, morale ou cognitive. Il permet dès lors sans doute indirectement de distinguer plus clairement l’idée et l’esprit, le registre de la morale, l’éthique, du registre de la connaissance, la science, et de lire chacun des deux registres comme subordonnés, conditionnés, à sa préséance.
Le message biblique en général, celui du Nouveau Testament, en particulier, se situe donc comme dans l’amont pratiquement métaphysique ou épistémologique, davantage encore que dans l’amont strictement vraiment historique, de la conception moderne du principe de l’éducabilité qui prend quelques unes de ses racines, dans la culture biblique, du frère morave Jan Amos KOMENSKY (1592 -1670), au XVII° siècle, qui cherchait dans la grande didactique l’art d’enseigner tout à tous, ou encore dans des situations extrêmes de dénuements, comme celles des enfants des ghettos, avec Janusz KORCZSAK (1879 -1942 ), écrivant avant l’heure les droits des enfants, ou encore dans le programme d’enrichissement instrumental, d’un Reuven FEUERSTEIN, médecin juif, rééduquant les enfants traumatisés par les sévices nazis, au sortir de la deuxième guerre mondiale.
Selon le message christique, le vrai n’est pas dans l’idée de Dieu, mais dans l’incarnation de Dieu lui-même, en une personne, le Christ Jésus, qui dit lui-même, de lui-même, être la vérité, mais comme un chemin, et la vie ; 2746 le bon n’est pas dans le spirituel évoquant Dieu, à partir d’une ascèse ou d’une quelconque pratique, mais dans l’amour donné concrètement en communion avec le seul qui est bon, Dieu lui-même 2747 ; quant au beau, en tant que tel, il est étrangement le plus souvent absent des évangiles, comme pratiquement de la Bible toute entière, de façon explicite en tout cas. N’apparaît d’ailleurs pas vraiment la beauté de l’oeuvre humaine, et, pratiquement seule est mentionnée la beauté de l’homme et de la femme, créés à l’image de Dieu, 2748 ou encore le chant de l’homme auquel Dieu prend plaisir, pour louer Dieu pour son oeuvre manifestée dans la création. 2749
Si la beauté d’Absalom, fils de David, était légendaire, et si le Temple de Salomon attirait les louanges unanimes par sa splendeur, Dieu est davantage sensible au coeur, 2750 où se porte son regard. Le coeur dont le visage, plus que les proportions du corps, renvoie sans doute une lumière, et où s’écrit l’alliance nouvelle, 2751 et s’édifie le plus probablement le vrai temple de Dieu, Dieu lui-même, 2752 sanctuaire de chair et de sang, désormais dans le corps de l’homme. 2753
Les lis des champs, dit Jésus, ne sont ils pas parés de plus de magnificence que Salomon lui-même, et, combien, ajoute-t-il, à l’adresse de ceux qui l’écoutent, valez-vous mieux que les lis, et l’herbe des champs, que Dieu a paré gratuitement de toute cette splendeur. 2754
Et le serviteur souffrant du livre d’Ésaïe préfigurant le Christ, dans la lecture chrétienne, n’avait ni beauté ni éclat pour attirer les regards. 2755 La beauté pourrait faire partie de “ces choses en plus” qui sont promises à ceux qui chercheront d’abord le royaume de Dieu et sa justice. 2756
-Du retournement pédagogique on passe au renversement. Rudolf BULTMANN a signalé dans son ouvrage “Foi et compréhension” 2757 la distance entre le monde de l’objectivité et celui de l’existence. Mais il faudrait parler de l’Existence plutôt que de l’existence. En effet, le caractère de YHVH est bien d’exister personnellement hors de l’homme. Ce n’est qu’à ce prix, que nous pouvons comprendre que l’Existence de YHVH ne réduit pas, mais prend en compte au contraire, l’intégralité de l’existence humaine du témoin qu’il cherche à conduire de l’existence qui va de la vie vers la mort, vers cette Existence qui va de la mort vers la vie. Nous pouvons en déduire l’objectivité comme désensorcelée de ses prérogatives implicites. Et, en partie en opposition à BULTMANN, que la démarcation entre foi et histoire n’est pas évidente.Il existe, certes, non seulement une objectivité de l’histoire de la foi, mais aussi une objectivité de la foi devant l’histoire.
YHVH, depuis Noé, Abraham, Moïse, et tout au long des récits, prend plaisir à se manifester, non dans une théorie, mais par une parole. On retrouve certes quelque chose de ce renversement grec opéré par la philosophie, depuis SOCRATE, qui répète que la seule chose qu’il sache vraiment est précisément qu’il ne sait pas, qui ne réclame aucun disciple et qui ne procède que par déséquilibre des évidences premières. Pour conduire à une conversion à l’objectivité théorique propre selon les grecs à l’essence des choses. Ob-jectum signifie étymologiquement ce que l’on place devant soit. La conversion socratique, ou philosophique, au vrai, au bon et au beau, n’a cependant pas le sens de la conversion qu’opère au coeur de l’homme la marche par la foi, faite d’écoutes renouvelées, et de confiances réitérées. La différence est de taille, en effet. Ici, le pédagogue est Dieu lui-même. Le déséquilibre procède sur un autre registre. Nous passons d’un renversement à un retournement.
Le caractère existentiel de Dieu (ex-sistere signifie étymologiquement se tenir hors de soi), prend le pas sur son caractère objectif. Dans la Bible, par la Bible, on ne place pas un dieu, voire le dieu, hors de soi, Dieu existe hors de nous. Autrement dit, Dieu est le Tout Autre qui a créé l’homme à son image et qu’un lien d’amour unit à l’homme, un amour qui va finir sur la croix par se manifester clairement comme dépassant toutes les mesures. Le Tout Autre va se faire Tout proche jusqu’à devenir l’époux, jusqu’à épouser l’homme et la condition humaine, jusqu’à subir l’affront du pouvoir des hommes, sur la croix. Permettant dès lors, à chacun l’accès à une communion d’esprit, de corps et de coeur avec lui. Mais tout ceci ne se déclare que progressivement dans une histoire.
Songeons à Moïse, lors de l’épisode du buisson ardent. L’apparition de ce feu qui brûle sans consumer, l’intrigue, il veut le contourner pour voir ce qui produit cette incandescence lumineuse, ce mystère. C’est alors qu’il reçoit l’ordre de ne pas avancer davantage et d’ôter les souliers de ces pieds, car la terre qu’il foule est une terre sainte, lui dit la voix de celui qui lui avouera son identité : YHVH, “Je suis (serai) celui qui suis (serai)” , avant de lui dire ce qu’il attend de lui à Moïse qui dans un premier temps, manifeste sa crainte, sa faiblesse, et son étonnement. 2758
Songeons à Éli et Samuel dans le Temple. 2759 Le jeune Samuel entend trois fois l’appel de son nom, et il croit que c’est Éli, son maître, auprès de qui il a été placé, qui l’appelle et se rend auprès de lui, à chaque fois. Éli va finir par comprendre, à la troisième fois. Et Samuel saura grâce à lui, que c’est le Seigneur qui lui parle. Samuel confirme alors à Éli, le juge d’Israël, ce qu’un homme de Dieu lui avait déjà annoncé. 2760 Samuel va n effet apprendre à Éli qui le lui demande, et qui s’y conformera, ce qu’il appris de l’Éternel : la descendance d’Éli sera châtiée à cause sa mauvaise conduite.
Songeons à Saul (Paul) sur le chemin de Damas. 2761 La lumière éblouissante va le faire tomber à terre, le rendre aveugle. Il entend la voix lui dire : “Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ?”. Puis il devra attendre Ananias qu’il a vu lui-même en vision lui rendre la vue en lui imposant les mains, avoir à son tour une vision et se rendre auprès de lui, pour lui rendre effectivement la vue.
Ces trois exemples, parmi bien d’autres possibles, depuis Noé, Abraham, Jacob, Joseph, jusqu’à Job, Jonas, Jérémie, et tant d’autres, nous signalent l’évidence d’une autre grammaire, d’un autre langage où sont en jeu l’identité singulière, la relation à Dieu, la relation aux autres.
Nous pouvons parler de la grammaire de l’Esprit qui provoque ce retournement pédagogique qui révèle un lien nouveau à Dieu et aux autres hommes, à la fois d’indépendance quant à la volonté intrinsèque, mais aussi de dépendance, quant à la relation faite de justice, d’amour et de don gratuit.
Le Saint-Esprit fait non seulement naître des personnes nouvelles mais aussi un lien nouveau à Dieu sur la base de la consolation, mais encore une relation nouvelle entre les hommes dans le corps de l’église, corps de Christ dans le monde, pour le salut du monde.
La “grammaire du souffle” se démarque alors tout à la fois d’une lecture strictement théorique sur le modèle grec, comme d’une exégèse savante du type juif.
Le christianisme naît dans le discours de Pierre à la Pentecôte,. 2762 répercuté sur un autre mode, par celui d’Étienne devant le Sanhédrin. 2763 et qui lit l’écriture, tout d’abord, au travers de l’accomplissement en Jésus, dont l’Esprit-Saint rend témoignage.
La ligne de démarcation d’avec les grecs provient de ce que ni Dieu, ni le prochain, ne sont jamais, dans la Bible, réduits à l’état objets, fussent-ils d’étude. La vérité n’est pas d’abord dans le principe formel mais en Dieu vivant, manifesté en la personne à la fois humaine et divine de Jésus.
La démarcation d’avec la lecture juive provient de la priorité accordée en christianisme à cette notion d’accomplissement, de toute l’Écriture, en une personne dont l’Esprit-Saint rend témoignage, Jésus, le Fils Unique, le Christ. Donc :
-Priorité est donnée au témoignage sur l’exégèse. Ou autrement dit encore : l’exégèse se nourrit du témoignage de la foi.
Cette lecture, de la Bible par la Bible, sous le paradigme de la foi accomplie en Jésus Christ sauveur Fils et rédempteur, va prendre le pas sur l’étude légaliste des Juifs, connotée de traditions orales.
Face à ce vide, la seule attitude fiable et viable reste celle de la foi consciente ou inconsciente, d’une certaine foi, en tout cas, révélée ou non révélée, nécessaire au moindre souffle de chaque existence nécessaire à la cohérence même du questionnement philosophique fondamental. Karl JASPERS dans son “Introduction à la philosophie” en déduira que le doute philosophique se ment à lui même, qu’il est donc aporétique, et il entreprendra par la voie négative, de démontrer son fondement athéereposant sur cinq points.
‘Dieu n’existe pas, il n’y a rien d’absolu, l’homme peut être parfait, il peut être une réalité aussi réussie que l’animal on peut en faire l’élevage, Dieu ne conduit personne, le monde est tout .” 2768 ’JASPERS conclut ainsi :
‘Devant ces assertions de l’incrédulité, la tâche de la philosophie est double : comprendre d’où elles viennent, et élucider le sens de la vérité qui réside dans la foi. 2769 ’Karl JASPERS définit encore, à l’opposé, les principes de la foi philosophique en précisant qu’ils sont par nature indémontrables, et résume finalement notre posture et notre conviction initiales, dans cet écrit, où nous resterons tenus, dans un premier temps du moins, par la norme de la raison telle qu’elle est socialement définie, aujourd’hui.
‘Nous avons formulé des principes qui sont ceux de la foi philosophique : Dieu est; il y a une exigence absolue ; l’homme est fini et imparfait ; l’homme peut vivre sous la conduite de Dieu ; la réalité du monde a un caractère évanescent entre Dieu et l’existence.( ...) Aucun de ces principes ne peut être démontré comme s’il s’agissait d’un savoir fini concernant les objets du monde. On ne peut qu’indiquer la vérité qu’ils recèlent , en attirant l’attention sur elle, ou ” l’éclairer” par un raisonnement, ou encore la faire revivre dans la mémoire en jetant un appel. Ils n’ont pas la valeur d’une profession de foi : même lorsqu’on y croit avec force ils restent en suspens dans le non savoir.” 2770 ’JASPERS écrira encore, retrouvant quelque chose de la réminiscence socratique :
‘La philosophie ne donne rien elle ne peut qu’éveiller, puis elle peut nous aider à nous souvenir à consolider ce qui est déjà en nous;’ ‘Chacun comprend en elle ce qu’en somme il savait déjà. 2771 ’William JAMES, partisan d’une approche rigoureusement pragmatique des phénomènes mentaux, se refusant à dissocier la pensée de la pratique écrivait que la connaissance n’a d’intérêt que si elle rejoint la singularité de la personne, dans le concret.
‘A quelque point de vue qu’on se place, le principat monstrueux conféré aux concepts universels a de quoi surprendre. Que les philosophes depuis SOCRATE aient lutté à qui mépriserait le plus la connaissance du particulier, et vénérerait le plus la connaissance du général, voilà qui passe l’entendement. Car enfin, la connaissance la plus vénérable ne doit-elle pas être celle des réalités les plus vénérables. Et y a-t-il une réalité précieuse qui ne soit concrète et individuelle ? L’universel ne vaut que dans la mesure où il nous aide, par le raisonnement, à découvrir des vérités nouvelles sur des objets individuels. D’ailleurs, il y a grande chance qu’il nous en coûte plus de processus nerveux, et de plus compliqués, pour restreindre un concept à un individu que pour l’élargir à tous les cas d’une espèce ; ainsi le mystère de la connaissance ne diminue pas quand on passe de la connaissance de l’universel à la connaissance du singulier. En somme , le culte traditionnel de l’universel mérite quelque peu d’être considéré comme un mauvais sentimentalisme métaphysique ; c’est une “idole” philosophique “de la caverne”.” 2772 ’William JAMES revient à “l’idole de la caverne” 2773 : son explication précédait la nôtre, et la thèse de cette étude. Cependant, l’objectivation qu’il prônait, est-elle toujours nécessaire ? L’hypostase de la pensée objective, du langage théorique, substituant à la relation “je-tu”, la relation “sujet objet”, et finalement “objet-objet”, aboutit à postuler l’idéal formel et référentiel, en dehors de la vie 2774 .
Trois-quarts de siècle plus tard, Edgar MORIN s’inquiète du morcellement des savoirs de la parcellisation des savoirs théoriques qui conduisent, d’après l’auteur, à l’émergence de deux barbaries : l’exploitation, dérive qui trouve à son extrême, historiquement, le fascisme, et la techno-industrie, dérive bureaucratique 2775 (stalinienne).
Cet effet de morcellement n’est en fait que la réaction normale à l’effet d’idéalisation, d’intellection, selon l’”idole” de la caverne, dénoncée par JAMES. En effet, dans la confiscation de l’expérience sensitive, au profit de la mise en concept, nous pouvons retrouver une part de l’héritage de SOCRATE même si pour la maïeutique il ne s’agit que d’accoucher d’êtres : si l’idée socratique ne rejoint pas encore le concept scientifique, le refuge comme lieu de vérité n’en est pas moins idéel. Dès lors, surtout à partir de l’héritage d’ARISTOTE, du développement des sciences, la conceptualisation antérieure s’édifie elle-même sur les concepts plus anciens, selon une logique interne, qui, tant qu’elle n’est pas contredite, constitue une logique du savoir de référence. Hors, plus le savoir de référence progresse dans la conceptualisation, plus il devient difficile d’accès, plus il se spécialise, plus il a besoin de spécialistes, qui dès lors n’ont plus eux-mêmes la vision du tout. Pour chaque bureau de recherche financé par les subsides de l’état, le plus important peut devenir de conserver ses prérogatives, ses privilèges, au détriment d’une quête honnête de l’authenticité scientifique.
‘Je crois qu’une connaissance n’est pertinente que si elle est capable de se contextualiser et de s’intégrer en même temps dans une conception du global.. Or aujourd’hui, tous les grands problèmes, économiques, écologiques, démographiques, sont des problèmes mondiaux. Une connaissance fermée et parcellaire est donc non-pertinente, elle est infirme. Or nous avons malheureusement appris dès l’école à compartimenter, à séparer, à analyser mais non à relier et à contextualiser. De plus, le développement de la connaissance disciplinaire - des sciences, au monde de la technique et de la bureaucratie - nous a plongés sous la domination d’une intelligence finalement aveugle parce que cloisonnée et nous empêchant de percevoir le global. Ceci nécessite une réforme de pensée qui n’a pas qu’un intérêt cognitif : elle est vitale pour l’humanité. ’ ‘( ... ) La Sorbonne , au XII° siècle , condamnait toutes les innovations de la science et de la pensée modernes. Heureusement que la réforme de l’université, née à Berlin au XVIII ° siècle s’est répandue ! Aujourd’hui, c’est une réforme de type disciplinaire qui devrait être faite. Mais elle rencontre des résistances énormes venant, à la fois, des structures institutionnelles et des structures de pensée. 2776 ’Edgar MORIN, s’il perçoit les effets de la modernité (n’est-ce pas la description de Babel qu’il dessine ?), en discerne-t-il, cependant, totalement les causes les plus profondes ? Le savoir de référence tant qu’il n’est produit que sur le mode théorique, permet-il autre chose que cette dérive qui en bout de chaîne, aboutit à une certaine sclérose du développement, à une non maîtrise de celui-ci, par la raison humaine, à une dépendance sociale qui font de la science une sorte de religion nouvelle.
Dans la Bible, c’est Dieu lui-même, selon l’expression d’Abraham HESCHEL (1907 - 1972) , 2777 qui part en quête de l’homme. Le judaïsme trouve sa raison dans l’élucidation de ce mystère. Par rapport au modèle grec, il y a une grande modification : d’objet, Dieu devient sujet. Il prend un nom propre, YHVH, justement imprononçable, en dehors de la subjectivité personnelle, mais aussi justement également lien de communion entre ces différentes subjectivités. Ce Dieu ne peut être rencontré en dehors de l’engagement existentiel de la foi qui permet alors la rencontre avec d’autres. Lui-même appelle, réveille, révèle cette foi en lui comme étant nécessaire et presque suffisante.
Toute la culture juive depuis vingt siècles, consiste en cette recherche des raisons de ce renversement. Le mode n’est plus celui de la théorisation spéculative mais de l’élucidation du mystère de la révélation dont dépendent même de façon interne au judaïsme, les théorisations éventuelles.
Le christianisme modifie encore la donne. Dieu trouve l’homme en Jésus, 2778 premier né de la création nouvelle selon Paul. 2779
‘Toutes les religions sont les voies par lesquelles l’homme cherche Dieu. Elles sont multiples. La voie chrétienne est unique car c’est Dieu qui trouve l’homme. 2780 ’Il est important alors d’ajouter que cette révélation s’opère selon le phylum juif. Que le Dieu qui s’incarne en Christ est celui qui est en quête de l’homme, dans la Bible, et non celui que l’homme cherche, dans la patrie des philosophes. Toutes les références néo-testamentaires explicites vont en ce sens, en se référant à l’Ancien Testament bien plus qu’à l’apport des philosophes.
Si Dieu est bien sûr toujours sujet, il s’agit d’une “sorte” de "sur-sujet" puisqu’il trouve l’homme qui n’est plus sujet “de” Dieu, donc, plus objet non plus, puisqu’il est le sujet qui exprime cette phrase, qui réfléchit sur le sens de la parole que Dieu lui-même lui adresse, qui y répond ou qui s’en abstient, qui est susceptible donc de devenir sujet “avec” Dieu, puisque il accède selon la parole même que Dieu lui adresse personnellement, selon le “geste” même que cette parole accomplit, par la mort et la résurrection du Christ, au statut de fils, d’ami, par l’Esprit-Saint, donné gratuitement, au don gratuit qui permet une communion d’actes et de pensées avec Dieu lui-même. Nous pourrions, pour illustrer ce que nous venons de dire, faire référence à la pensée de KIERKEGAARD telle que la présentait René MAHEU, directeur de l’UNESCO, en ouverture d’un colloque tenu du 21 au 23 Avril 1964 , à l’UNESCO à Paris .
‘Au tragique ancien, régi par l’aveugle fatalité, Kierkegaard oppose le tragique moderne qui est l’aventure de l’individu, au mythe de l’âge d’or perdu, au souvenir platonicien, l’homme du présent libre de façonner son avenir.’ ‘“Pour l’hellénisme, dit-il, la liberté ne possédait sa vie éternelle que dans la réminiscence, qu’elle remontait dans un mouvement en arrière. La conception moderne doit au contraire chercher la liberté en avant.”’ ‘Dans une de ses dernières lettres, en 1854, malade, déjà jusqu’à la mort, Kierkegaard écrivait : “Quelle richesse infinie est l’existence ! Qu’un seul homme , rien qu’un seul soit suffisant, qu’il soit le tout et qu’avec lui, tous les grands événements soient possibles.” 2781 ’Il manque seulement de mentionner, la communion d’église, à laquelle ce mouvement renversé allant de Dieu vers l’homme, invite désormais, les uns avec les autres, chaque homme singulier.
Matthieu XXVIII 18 à 20
Actes IX 13 ; Romains I 7
Le concept d’éducabilité trouve une de ses origines dans les kibboutzim, à la sortie des univers concentrationnaires.
“La spiritualité orthodoxe, si elle met l’accent sur “l’exploit “ du repentir et de l’humilité, ignore l’acquisition des mérites. Pour elle la sainteté est transparence, participation à la présence divine. Le saint est un pénitent, un pécheur conscient, toujours plus conscient d’être le “premier des pécheurs” -par là même ouvert à la grâce. La voie de la sainteté est donc celle du repentir, seule “porte de la grâce”. CLÉMENT Olivier “L’église orthodoxe “ PUF Paris ; 1961 ( 1965) ; (126 pages) à la p.114.
Maurice BLONDEL “ La pensée” tome 1 Librairie Félix Alcan Paris 1934; ( p. 202 et 203) ; nous citons ce même passage dans les notes connexes numéro deux ; “Universel singulier” ; à la page 53 des conecxes
Jean Paul SARTRE “Les mots” Gallimard Paris 1964 Collection Folio ; (p210 et 211) ; voir in ibidem dans les connexes “Universel singulier “ ; à la page 53
Maurice BLONDEL “ La pensée” tome 1 Librairie Félix Alcan Paris 1934; PUF 1948 ; 4° édition ; ( pages 195 et 196).
WIEVIORKA Annette “L ‘ère du témoin” Plon Paris 1998 ; (200 pages).
Hébreux XI
GISEL Pierre et MOLLA Serge “Images de Jésus” Labor et Fides Paris Genève 1998 ; (120 pages). Pour ce qui concerne les lectures d’inspiration bibliste et protestante depuis le XV° siècle.
PLATON “La République” traduction de Émile CHAMBRY 1980 ; (livre VII ; p 295 et suivantes).
Jean XIV 6
Pourquoi m’interroges-tu sur ce qui est bon, dira Jésus au jeune homme riche, un seul est bon. (Matthieu XIX 17 )
Tout juste évoque-t-on la beauté des femmes (Genèse VI 2 ) ; Abigail (I Samuel XXV 3 ) ; Tamar, la soeur d’Absalom (II Samuel XIII 1 ) ; Abischag la Sunamite (I Rois I 3 ) ; et des hommes parfois: Saül (I Samuel IX 2 ) ; Adonija son fils (I Rois I 6 )
Daniel et ses trois amis, Hanania, Mishaël, Azaria (Daniel I 4).
On évoque encore la beauté de Moïse bébé ( Exode II 2)
La plupart du temps cette beauté est une beauté du visage.
Pour Saraï (Sara) (Genèse XII 11 )
Pour Rébecca ( Genèse XXIV 16)
Pour Bath-Scheba femme de Urie, convoitée par David (II Samuel XI 2 )
Il est dit de Rachel et d’Esther qu’elles étaient belles de taille et de figure (Genèse XXIX 17 ; Esther II 7 ) ; comme pour Joseph (Genèse XXXIX 6 ) ; pour ce qui est de David, on évoque ses beaux yeux, ses cheveux blonds, et sa belle figure (I Samuel XVI 12) ; (I Samuel XVII 42 ). Quant à Absalom, fils de David, il est dit de lui qu’il était renommé pour sa beauté dans tout Israël et que de la plante de ses pieds jusqu’au sommet de sa tête, il n’avait point de défauts; (II Samuel XIV 25)
Psaume VIII
I Samuel XVI 7 ; Luc XXI 34 à 35 ; Actes XIV 16 à 17 ; Jacques V 5 et 6
Jérémie XXXI 33 ; Hébreux VIII 10 ; Hébreux X 16
Apocalypse XXI 22 à 23
Jean II 19 à 21 ; Actes XVII 23 à 31 ; I Corinthiens III 16 ; II Corinthiens VI 16 ; Apocalypse VII 14 à 17
Matthieu VI 25 à 30 ; Luc XII 27 à 29
Ésaïe LI 2
Matthieu VI 33
BULTMANN “Foi et compréhension” tome 1 “L’Historicité de l’homme et de la révélation “ Seuil Paris 1970 ; (704 pages) ; tome 2 “Eschatologie et démythification” Seuil Paris 1969 ; (650 pages).
Exode III 1 à 22
I Samuel III 1 à 19
I Samuel II 27 à 36
Actes IX
Actes II 14 à 36 ; voir aussi quelques jours plus tard un second discours en Actes III 12 à 26
Actes VII
Revenons sur l’opposition déjà citée en T1 de notre écrit, entre deux textes parlant des douleurs de l’enfantement. SOCRATE en parle en ces termes :
“Or l’état où justement se trouvent ceux qui me fréquentent, cet état , est aussi tout pareil à celui de ces femmes qui enfantent : ils éprouvent en effet des douleurs d’enfantement(...) Mais voilà quelles douleurs d’enfantement mon art est capable d’éveiller mais aussi de calmer (...) PLATON “Théétète ou de la science” Paris Gallimard 1950 (NRF Pléiade) Paris p 95, 96 tome 2.
Paul écrit : “Mes enfants pour qui j’éprouve de nouveau les douleurs de l’enfantement jusqu’à ce Christ soit formé en vous, je voudrais être maintenant auprès de vous et changer de langage, car je suis dans l’inquiétude à votre sujet.”
Galates IV 19 et 20 op. cit.
Se reporter pour des expressions analogues à I Corinthiens IV 15 ou Philémon 10, Paul reprend la métaphore.
La critique de l’Ancien polythéisme grec commence par XÉNOPHANE DE COLOPHON au VI° siècle avant Jésus-Christ considéré par certains comme le fondateur de l’école de Élée et maître de PARMÉNIDE. PLATON voit cependant à cette école une origine plus ancienne. XÉNOPHANE DE COLOPHON critiqua les dieux d’HOMÈRE et d’HÉSIODE dans les Silles, et l’anthropomorphisme dans les Élégies. Barbara CASSIN le cite par ces propos qui voulaient signifier que chaque ethnie construisait des dieux à son image : “Les Éthiopiens font leurs dieux noirs, avec le nez camus ; les Thraces disent que les leurs ont des yeux bleus et les cheveux rouges.” in “Encyclopaedia Universalis “Dictionnaire des philosophes “ Albin Michel Paris 1998 ; (page 1586)
D’autre part W. JAEGER précise à son propos reprenant ARISTOTE :
“D’après Aristote (Métaphysique A 5, 986B b 21 - 25 ) il n’admettait pas une unique matière primitive comme Thalès, Anaximène et Héraclite, mais en regardant les cieux, il déclara que “l’Un était Dieu” ; à partir de là, l’évolution de l’idée monothéiste dans la pensée grecque s’étend de Diogène d’Appolonie par Platon et son école, le stoïcien Clénathe, jusqu’à la spéculation théologique des débuts de l’empire romain.”
JAEGER Werner “Le christianisme ancien et la paideia grecque “ ; titre original “Early christianity and Greek Paideia “ Harvard University Press Cambridge Massachusetts USA 1961 - 1965 ; traduction de G. HOCQUART Faculté des Lettres et Sciences Humaines Centre Autonome d’Enseignement de Pédagogie Religieuse 1980 Metz (France ) ; (note à la page 53 ).
Werner JAEGER cite alors deux ouvrages de référence :
Werner JAEGER “À la naissance de la théologie : essai sur les présocratiques.” Cerf Paris 1966 ; (272 pages).
Pour une étude à partir de SOCRATE :
CAIRD Edward “The Evolution of the Theology in the Greeek Philosophy “ 2 volumes ; Glasgow 1904.
JASPERS Karl “La foi philosophique face à la révélation” Plon Paris 1973 ; version originale 1962 ; “foi philosophique ou foi chrétienne “ Ophrys 05003 Gap (France) 1976 ; (110 pages).
JASPERS Karl “Introduction à la philosophie” traduit de l’allemand par Jeanne HERSCH. Plon Paris 1966 ; (235 pages).
JASPERS Karl ” Raison et existence cinq conférences” première traduction en français de Robert GIVORD Presses Universitaires de Grenoble 1978 ; (144 pages).
Voir la citation de LACROIX à la page 48 de la thèse.
JASPERS Karl “Introduction à la philosophie” traduit de l’allemand par Jeanne HERSCH. Plon Paris 1966 ; (235 pages) pages 117 118.
Ibidem page 118.
JASPERS Karl “Introduction à la philosophie” traduit de l’allemand par Jeanne HERSCH. Plon Paris 1966 ; page 115
JASPERS Karl “Introduction à la philosophie” traduit de l’allemand par Jeanne HERSCH. Plon Paris 1966 ; page 65
JAMES William “Précis de psychologie” Librairie Marcel Rivière Paris 1946 (10° édition) ; (623 pages) p. 317
Le terme semble emprunté à la philosophie de Francis BACON (1560 - 1626 ) qui reprend lui-même la théorie de son vieil homonyme Roger BACON (1214 - 1294 ) anglais tout comme lui, bibliste convaincu. Roger BACON est souvent considéré comme l’ancêtre de l’empirisme philosophique en mettant en avant la valeur de l’expérimentation. Roger parlait d’obstacles “offendicula “, Francis par le de “distorsions” Il distingue quatre types d’idoles :
Les idoles de la tribu sont communes au genre humain tout entier : il consiste par exemple à supposer toujours plus d’ordre dans les choses qu’il y en a.
Les idoles de la caverne sont individuelles et liées aux particularités intellectuelles de chacun.
Les idoles de la place publique sont liées au langage tributaire des représentations populaires.
Les idoles du théâtre sont liées à la forme de présentation du savoir aux artifices que cette forme suppose.
“Encyclopaedia Universalis “Dictionnaire des philosophes “ Albin Michel Paris 1998 ; (page 179 ).
Le “sujet” devenant “objet” d’étude, il y a toujours la prééminence malheureuse de l’objet sur le sujet. (cf. Martin BUBER.)
MORIN Edgar “Terre patrie” Seuil Paris ; 1993 ; (217 pages).
MORIN Edgar “Résister, conserver, révolutionner.” in” Politis France” 1/7 Août 93 ; (p. 12/13).
HESCHEL Abraham “Dieu en quête de l’homme” Titre original : “God in search of Man . A philosophy of judaism (Farrar Strauss & Cudahy New York 1955) Seuil Paris 1968 ; (265 pages).
Luc XII 32 “Ne crains point petit troupeau car Dieu a trouvé bon de vous donner le royaume.”
Romains VIII 29
EVDOKIMOV Paul “Les âges de la vie spirituelle des pères du désert à nos jours “ Desclée De Brouwer Paris 1964 ; (235 pages ). Cité par Jean BRUN
BRUN Jean “ Philosophie et christianisme” Éditions du Beffroi Québec 1988 ; (263 pages) ; à la page 169
MAHEU René (sous la direction de) directeur général de l’UNESCO “Kierkegaard vivant “ Colloque organisé du 21 au 23 Avril 1964 à Paris avec des textes de Jean-Paul Sartre, Jean Beaufret, Gabriel Marcel, Lucien Goldmann, Martin Heidegger, Enzo Paci, Karl Jaspers, Jean Wahl, Jeanna Hersch, Niels Thulstrup ; Gallimard Paris 1966 ; (p 18).