Note connexe numéro deux : Universel singulier ... Extraits de : CABALLÉ Antoine,“Autodidactie aujourd’hui, ? Une question singulière posée à la modernité. De l’institution à la traverse, de la traverse à l’institution. À partir des notions d’universalité et de singularité.” Mémoire de Maîtrise en Sciences de l’Éducation - Université Louis Lumière Lyon 2. 1993 ; (175 pages) ; pp 23 à 59

Réflexion sur le concept “universel” à partir de l’étymologie 2860 .

Étymologiquement, l’origine du mot universel est latine (universalis) et signifie “relatif au tout, à l’ensemble” ; l’origine première en est dans universus (univers) qui signifie étymologiquement “tourné de manière à former un tout.”

Ce mot prend un essor tout particulier dans la modernité.

Si le concept même d’universel semble naître dans la pensée des philosophes grecs, il n’apparaîtrait dans la langue française sous l’initiative de la scolastique que vers le XIII ° siècle succédant d’un siècle environ, à l’apparition d’univers, lui-même utilisé seulement comme adjectif jusqu’au XVI ° siècle. La culture judéo-chrétienne a donc hérité ce concept de la culture hellénique et particulièrement d’ARISTOTE.

La renaissance qui succède au Moyen Âge verra se développer un intérêt grandissant pour la culture grecque ; développement sans pratiquement discontinué jusqu’à nos jours.

Notons, entre autre, l’apparition des mots de la même famille suivants aux époques suivantes : universalité 1375, universaliser milieu du XVIII° siècle, universalisation 1795, universaliste 1704, universalisme 1823.

Tout se passe donc comme si l’apparition d’un projet social global, visant toute l’humanité, avait donné un second souffle à ce mot et au concept qu’il désigne les faisant échapper de plus en plus à la perception première que les grecs en avaient donnée.

Nous pouvons, d’ores et déjà, dire que si l’universalité suppose cette tension entre l’un et le tout, elle sera toujours un passage entre personne singulière et environnement communautaire (familial ou autre) et réalité sociale. Qui dit passage et mouvement dit vie : le contraire d’une fixité.

L’individu citoyen émergea de l’utopie dont la république de PLATON est un sommet ; la rencontre de celui-là et de celle-ci avec l’homme ou la personne qui naît dans le message judéo chrétien donnera à l’universalité une dimension nouvelle mais cependant souvent confuse et multiple que les lignes qui suivent vont s’employer à clarifier .

b) Des définitions pour lever des ambiguïtés et des confusions fréquentes provenant des définitions diverses de l’universalité selon des courants de la pensée.

Que l’universalité soit définie comme l’expression centrale de l’essence des êtres et des choses ou le projet existentiel qui les unit, comme le fait de chaque personne ou comme le lien social fédérateur, par ce qui est commun ou par ce qui est singulier, la pensée moderne semble marquée par la confusion la plus grande au sujet de cette notion. Les auteurs n’entendent pas souvent la même chose lorsqu’ils croient parler d’un même sujet.

En son nom, certains parlent de la nécessité de couper l’école de la vie locale d’autres, au contraire, parlent de la nécessité de reconnaître chaque culture comme porteuse de la valeur universelle, certains parlent de savoirs savants d’autres des savoirs tout court, certains de l’esprit d’autres de l’amour, certains de la nature d’autres de l’idée, d’autres de Dieu, d’autre encore d’églises etc...

Rendre plus clair l’ensemble de ces questions était indispensable avant d’aller plus loin et d’aborder les deux modèles que je proposerai pour mieux poursuivre l’étude. J’ai pu, en effet, distinguer nombre de perceptions différentes de l’idée d’universalité. En faire la synthèse en quelques lignes présentait bien des dangers de simplification que je ne pouvais simplement pas, tout à fait, éviter.

J’ai cependant pris soin de les réduire au maximum en pesant chaque mot, et si les synthèses sont courtes, elles m’ont demandé des recherches et un approfondissement.

Toute synthèse est en soi toujours contestable et j’en assume par avance les retombées. Je ne propose pas celle-ci comme une lecture finale, et tout peut être contesté ; le but est d’éclairer, comme nous allons le voir, la suite de la réflexion, et l’émergence affinée de la problématique de l’universel et du singulier. L’exhaustivité est ainsi bien entendu impossible et n’est pas l’objet de cette tentative de catégorisation ; j’ai sans doute omis telle ou telle approche originale que le lecteur aurait souhaiter trouver. Il me semble, cependant, que le tour est large et permet d’intégrer le caractère dominant de sinon toutes du moins la plupart des approches qui marquent les grands courants de la pensée contemporaine.

J’ai distingué arbitrairement philosophies morales et théologies ou religions sans que les frontières entre les unes et les autres ne soient toujours très claires ou évidentes.

Cependant, certaines confusions peuvent tout aussi naître de confusions que la présente étude peut permettre peut-être de lever. En effet; si des complémentarités peuvent apparaître des antinomies radicales semblent tout aussi bien exister.

Ces différentes définitions ne sont donc toujours pas sans interférences entre elles : bien des théologies ou philosophies naissent de la synthèse de plusieurs courants. Pour ne prendre qu’un exemple, l’existentialisme que je présente comme une recherche de l’idée (PLATON), est aujourd’hui le fait de philosophies à caractère plus humaniste ou même chrétien 2861 , c’est à dire appelant à rencontrer davantage le sens de l’existence dans le don de soi.

J’ai donc fait référence au fait singulier et fondateur de chaque approche plutôt qu’à ses dérivés historiques. Ainsi, le sacerdoce royal universel repris par le protestantisme, est bien aux fondements du christianisme. La conception catholique du rôle du prêtre comme sacrificateur intermédiaire est d’origine de l’alliance ancienne donc du judaïsme. A chacun donc de faire synthèses et recoupements afin de voir si tel ou tel courant peut se situer ou non à l’interférence de plusieurs.

Mais redisons le, le plus souvent cependant, par des auteurs différents, l’universalité étant annoncée sans au préalable en définir la notion, j’espère par cette approche amorcer un dialogue et surtout nourrir la réflexion du lecteur dans l’avancement de notre étude.

La synthèse est donc un peu abrupte, le détour peut paraître un peu long ... ou bien trop court, certes, néanmoins, je l’espère, utile. Elle m’aura permis donc, comme nous le verrons par la suite de distinguer deux modèles antagonistes ou symétriques : celui de l’universalité comme préalable, celui de l’universalité comme construction, le modèle de Noé et celui de Babel. Ces deux modèles traverseront comme une question posée chacune des définitions qui vont suivre.

Du côté des philosophies:

Pour la pensée aristotélicienne, l’universel tient au concept. Dans son esprit universel et général se rejoignent et se fondent et s’opposent à ce qui est particulier, en effet ARISTOTE le philosophe de l’essence 2862 dit ceci :

‘Ce qui est général et commun à plusieurs est de l’ordre de l’universel. Parmi les réalités , les unes sont universelles, les autres particulières, (j’appelle universel ce dont la nature est d’être affirmé de plusieurs et particulier ce dont elle n’est pas la nature; exemple : Homme est universel, Callias ne l’est pas ). Nécessairement, donc ce qu’on énonce, c’est que quelque chose appartient ou n’appartient pas , à un universel ou à un particulier. 2863

Pour l’existentialisme que SARTRE définit comme un humanisme, issu de la philosophie de l’existence 2864 de PLATON, l’existence précède l’essence ; il n’existe pas de nature humaine en soi. L’ homme projeté dans l’existence rencontre l’Idée; l’homme en projet est porteur d’universalité et la rencontre en l’Idée parfaite (PLATON) .

Cette idée parfaite est le lieu de la vérité qui permet seule la rencontre avec les autres et l’universel.

Comme CAMUS le montre particulièrement dans “la peste”, SARTRE pense que l’existentialisme conduit inéluctablement l’homme vers la responsabilité envers les autres et donc vers l’engagement.

Pour SARTRE cet engagement sera éminemment politique.

‘.. En conséquence , tout projet quelque individuel qu’il soit, a une valeur universelle.”’ ‘”Ainsi notre responsabilité est beaucoup plus grande que nous ne pourrions le supposer, car elle engage l’humanité entière.”’ ‘ ... “L’homme se choisit en choisissant tous les hommes “ 2865

“L’intention éthique” dérive donc de l’existentialisme.

Paul RICOEUR définit en effet l’éthique comme une“une intention éthique” qui précède l’idée de la loi morale. 2866

D’après Paul RICOEUR, l’éthique se constitue autour de trois pôles : le pôle “je”, le pôle “tu”, le pôle “il”. Le pôle “je” est une liberté en première personne qui se pose en elle même.”

Le pôle “tu” est la reconnaissance de “l’autre” comme mon semblable. Semblable dans l’altérité, autre dans la différence”. Le pôle “il” est “la médiation de la règle”.

JANKÉLÉVITCH explique encore que la conception éthique exclut toute exception hors soi-même :

‘La loi du tout ou rien est ici valable. L’universalisme n’est vraiment universel qu’à la condition de ne pas souffrir de la moindre exception. Il n’y a d’autre exception que le sauf-moi, l’injustifiable exception à mes dépens, le mystère impénétrable du sacrifice. 2867

Pour l’esthétisme ou le nihilisme, l’universel est dans la beauté du geste et la gratuité, le défi gratuit à la vie à la mort, à l’absurde de l’existence. Comme au carrefour de cette philosophie et de l’existentialisme qui nourrit sa pensée A. CAMUS écrit dans le mythe de Sisyphe

‘A cet égard la joie absurde par excellence c’est la création, “l’art rien que l’art,”, dit NIETZSCHE, nous avons l’art pour ne point mourir de la vérité.”.. Dans cet univers l’oeuvre est alors la chance unique de maintenir sa conscience et d’en fixer les aventures. Créer c’est vivre deux fois. 2868

NIETZSCHE, lui-même, le dira encore autrement sa formule pouvant résumer l’esthétisme nihiliste :

‘“On en vient à aimer son désir et non plus l’objet de ce désir.” 2869 Notons donc que NIETZSCHE ne dit pas “aimer son désir tout autant que l’objet de celui-ci”, ni même, “davantage que celui-ci”, non il s’agit d’aimer le désir en lieu et place de l’objet lui-même. L’esthétisme procède donc d’une élévation de l’esprit qui fait rompre avec la réalité pour privilégier la volonté de puissance de l’homme sur celle-ci, cette volonté se suffisant à elle même comme étant valeur suprême de la beauté et de l’Être...’

Pour la pensée idéaliste hégélienne, l’universel est dans la pensée objective pensée en soi qui distingue l’être social “objectivé” de l’être privé. Pour HEGEL (1770/1831) l’universel est dans le lien social dans sa reconnaissance politique, culturelle et publique. HEGEL fait se correspondre l’être idéal avec l’État qui est la réalisation historique de “l’idée”, dont il est la concrétisation observable à un moment donné de l’histoire. La dialectique est le moyen par lequel l’homme est en marche vers cette histoire.

Le marxisme ou le matérialisme dialectique historique qui germe sur l’idée de la dialectique historique de HEGEL pourrait également se catégoriser comme une “théologie sans Dieu”. Il se différencie de la pensée hégélienne par la négation de la pensée en soi de l’ être en soi, il s’appuie également sur une prédominance de l’être social objectif par rapport à l’être individuel qui n’a donc pas, selon cette philosophie, d’existence en soi . Il utilise la force dogmatique de l’état transformé, après une révolution, en dictature du prolétariat, pour conduire paradoxalement à sa disparition. Max HORKEIMER philosophe marxiste orthodoxe critique ainsi la pensée de HEGEL et l’idéalisme qui présuppose l’existence de l’être...

‘L’affirmation de l’identité n’est cependant qu’ une pure foi. Nous connaissons des unités de nature extrêmement diverse, et dans les domaines les plus divers qui soient ; mais l’identité du penser et de l’être n’est rien d’autre qu’un dogme philosophique (...) Ce qui est donné ce n’est pas “le penser” tout court mais toujours le penser déterminé d’un homme déterminé, penser qui est évidemment codéterminé par l’ensemble de la situation sociale ... Par ailleurs il n’y a aucun sens non plus à parler de l’être se pensant lui-même. L’être dans cette signification n’est pas une unité existant d’une manière ou d’une autre mais la simple référence à une multiplicité d’étants (...) Il n’existe aucune essentialité, ni aucune force homogène qui puisse porter le nom d’histoire. L’esprit universel, fonctionnant comme pur artifice verbal dans l’esprit du philosophe, ne saurait être l’auteur des événements... Dans le cadre du criticisme on peut les comprendre en tant que problèmes. Mais HEGEL les a hypostasiés. 2870

En effet, l’état est perçu, ici, comme la résultante objective des rapports de force nés de la confrontation entre les classes productives et les classes dirigeantes avant l’avènement eschatologique du communisme, société sans classes. L’universalité serait dans la compréhension et l’action dans le cadre et le sens du matérialisme dialectique historique ( La praxis 2871 ). Cette praxis est-elle même en évolution constante non figée et d’essence adaptative.

Pour l’humanisme scientifique ...

Le propre de l’homme est dans sa capacité à comprendre l’autre et à se comprendre lui même.

‘L’universalité des lois sur laquelle on prétend fonder des principes moraux qui vaudraient pour tous, partout et toujours, cette universalité relève inévitablement d’un postulat métaphysique ou idéologique Il faut prendre en compte une contradiction essentielle et “faire avec” : la base de toutes les morales est unique et universelle, puisqu’elle est. ancrée sur des fonctions neurocognitives identiques; mais les morales diffèrent selon les cultures. A vouloir ignorer la relativité des cultures et des principes moraux, on risque d’aboutir à toutes les formes de dictature et de totalitarisme qu’on prétendait éviter. Et puisque le propre de l’homme, c’est sa capacité à comprendre l’autre, il faut plutôt s’efforcer à cette “sympathie” généralisée qui pourrait servir de fondement à une morale concrète. 2872

Pour la pensée objective scientifique ...

Il s’agit au contraire de se défaire de façon systématique de l’impression première pour entrer dans la distance objective qui permet seule de rejoindre l’universel par la construction du concept scientifique. Elle découle en droite ligne donc de la pensée d’ARISTOTE.

Gaston BACHELARD écrit :

Désormais le cerveau n’est plus absolument l’instrument adéquat de la pensée scientifique. Il est un obstacle en ce sens qu’il est un coordonnateur de gestes et d’appétits. Il faut penser contre le cerveau. 2873

Gaston BACHELARD dit encore que la construction objective et scientifique suppose toujours la naissance d’une école, “d’une cité scientifique en marge de la cité sociale.” 2874 On peut situer cette philosophie dans la suite et la réactualisation du scientisme et du positivisme de Auguste COMTE et SAINT SIMON. Notons cependant, comme le souligne Bruno DUBORGEL 2875 , qu’il existe pour Gaston BACHELARD 2876 deux niveaux d’accès à l’universel, par l’objectivité, en se débarrassant de sa subjectivité dans le domaine de la science, comme cela vient d’être explicité, mais un second accès existe tout aussi nécessaire, par la subjectivité en se débarrassant de sa culture objective, dans le domaine de l’imaginaire. Ces deux domaines le scientifique et l’imaginaire, d’après BACHELARD, sont créateurs de deux champs d’universalité symétriques, tout aussi nécessaires l’un et l’autre, au fonctionnement de la pensée, mais s’excluant mutuellement tout en se répondant dans une tension dialectique, créant comme une dualité nécessaire, au coeur de la personne.BACHELARD reconnaît dans l’imaginaire la face nocturne puisant à la source inconsciente des images et dans le rationnel la face diurne puisant à la source consciente du concept. ”Face à l’idéal positiviste de l’éducation universelle, une pédagogie de l’imaginaire, se ressouvient de l’universel “homo symbolicus” et de son langage s’aperçoit enfin que “la pensée symbolique” ... est consubstantielle à l’être humain. 2877

Du côté des morales : 2878

Ici, ce sont les règles de conduite imposées ou comprises en tout cas appliquées qui donnent accès à la vertu qui tient lieu de l’universel. Du côté des morales donc l’universel serait dans la vertu et se trouve par le biais de l’attitude et du comportement. Je distinguerai celles qui prônent une approche par les sens (épicuriennes) de celles qui prônent une approche par la compréhension intellectuelle (stoïciennes) ; nous opposerons enfin les morales par la raison raisonnable ou rationnelle, ( liées à la métaphysique moderne kantienne), aux morales de l’intuition ou morales spirituelles. Historiquement c’est KANT(1724/1804) qui, le premier, pose les principes d’une morale universelle liée à une histoire universelle “cosmopolitique” 2879 .

‘Le plus grand problème pour l’espèce humaine, celui que la nature contraint l ‘homme à résoudre,est l’établissement d’une société civile administrant le droit civilement. 2880

Ce qui différencie KANT de HEGEL, donc le moralisme moderne de l’idéalisme moderne, ce sont la permanence des principes universels d’une morale stable pour KANT opposés à l’ Idée évolutive inéluctable qui fait son chemin dans l’histoire, pour HEGEL. Si HEGEL postule une évolution historique vers le bien, KANT ne fait que l’espérer. Si, pour HEGEL, l’état est la concrétisation visible de l’Idée objective, pour KANT, les lois et les règles demeurent toujours partiellement imparfaites par rapport aux principes moraux universels qui les sous tendent qui permettent de les lire et de les comprendre et de les juger. Si, pour HEGEL, l’état est la référence suprême pour une lecture de la réalité de l’être en soi, pour KANT, ce rôle est tenu par la personne. Cette distinction entre morale et idéalisme ne serait pas propre à la seule morale kantienne mais s’applique en fait à tous les différents types de morale que je vais, à présent, évoquer. C’est la raison pour laquelle je l’ai précisée en introduction de ce chapitre.

Pour les morales issues de l’humanisme épicurien ...

Elles sont issues d’ÉPICURE (-341 / -270) dont nous n’avons que peu de traces écrites, c’est la recherche du plaisir de la volupté dans la nature, que ce plaisir soit transcendé ou non par l ‘Amour de la vertu qui est siège d’universalité. La vertu universelle se reçoit ici dans la volupté et la jouissance. 2881

Pour les morales issues du stoïcisme ...

Elles sont issues de la philosophie de ZÉNON( -335 / - 264 ) dont nous n’avons également que très peu de traces écrites ; disciple lui-même du PARMÉNIDE ; lui-même fondateur de l’idée d’éternité et de permanence en philosophie, fondateur en quelque sorte de l’ontologie 2882 . Ici, ce n’est pas la jouissance qui conduit à la vertu (universelle), mais la contemplation de la sagesse par le détachement de l’homme en rapport aux passions.

Les morales raisonnables explicatives dépassent donc l’idée de la morale comme simple comportement, en recherchant sa justification dans l’explication raisonnable de celui-ci.

Pour KANT(1724/1804) la métaphysique est l’inventaire de toutes les recherches intellectuelles qui proviennent de la raison pure. La raison pratique permet pour ce même auteur la rencontre de la raison avec la morale et la mise en place d’une science du comportement sur fond d’explicitation raisonnable. Selon KANT, nous pourrions considérer que l’universalité se rencontre dans l’être raisonnable qui entre dans “le règne 2883 des fins” en opposition au “règne des moyens”.

‘L’être raisonnable doit toujours se considérer comme législateur dans un règne des fins ...’ ‘...En effet les êtres raisonnables sont soumis à cette loi de ne jamais se traiter eux-mêmes ou les uns les autres , simplement comme moyens mais de toujours se respecter en même temps comme des fins en soi. ...Or la moralité est précisément cette condition qui seule peut faire d’un être raisonnable une fin en soi, car c’est par elle seule qu’il peut devenir membre législateur du règne des fins. ...Et qu’est ce qui autorise une intention moralement bonne ou la vertu à élever de si hautes prétentions ? Ce n’est rien moins que le privilège qu’elle donne à l’être raisonnable de participer à la législation universelle, et de devenir par là membre d’un règne possible des fins, privilège auquel il était déjà destiné par sa propre nature, comme fin en soi, et , partant, comme législateur dans le règne des fins, comme indépendant de toutes les lois de la nature et comme n’obéissant qu’à des lois qu’il se donne lui-même, et d’après lesquelles ses maximes peuvent être élevées au rang d’une législation universelle (à laquelle il se soumet en même temps lui-même). 2884

Pour les morales intuitives ou morales ouvertes du dépassement, je pense à Henri BERGSON qui fait la critique du positivisme scientiste de l’intellectualisme et du kantisme 2885 en prônant l’intuition dans l’élan vital de la vie comme lieu de l’émergence suprême de l’esprit. Difficile de parler de morale en ce qui concerne BERGSON, si j’ai osé ce rapprochement à partir de la définition donnée précédemment c’est qu’il s’agit bien semble-t-il pour BERGSON d’une philosophie qui touche éminemment à la valeur et au comportement.

Au carrefour de la philosophie de la théologie et de la morale se trouve là le spiritualisme mystique.

Ici, c’est l’émotion vivante transcendée par l’esprit qui appelle l’action et qui est le siège de l’universalité, c’est l’expérience mystique personnelle qui permet de reconnaître le sens profond des choses et des êtres. Il ne s’agit donc plus de suivre des préceptes et des règles qui sont le propre des sociétés et des mondes clos, mais de concevoir le projet de son existence comme spirituel dans une vie et un monde ouverts, et tournés vers l’avenir vers Dieu et les autres hommes dans un élan vital mystique et créateur..

‘Les vrais mystiques s’ouvrent simplement au flot qui les envahit. Sûrs d’eux-mêmes, parce qu’ils sentent en eux quelque chose de meilleur qu’eux, ils se révèlent grands hommes d’action à la surprise de ceux pour qui le mysticisme n’est que vision transport extase. Ce qu’ils ont laissé couler à l’intérieur d’eux-mêmes, c’est un flux descendant qui voudrait à travers eux gagner les autres hommes ; le besoin de répandre autour d’eux ce qu’ils ont reçu, ils le ressentent comme un élan d’amour. Amour auquel chacun imprime la marque de sa personnalité. Amour qui est alors en chacun d’eux une émotion toute neuve capable de transposer une vie humaine dans un autre ton. 2886 ’ ‘... La joie se distingue alors du plaisir “Le plaisir n’est qu’un artifice imaginé par la nature pour obtenir de l’être vivant la conservation de la vie ; il n’indique pas la direction où la vie est lancée. Mais la joie annonce toujours que la vie a réussi. 2887 ’ ‘... Supérieur est le point de vue du moraliste. Chez l’homme seulement, chez les meilleurs d’entre eux surtout, le mouvement vital se poursuit sans obstacle, lançant à travers cette oeuvre d’art qu’est le corps humain, et qu’il crée au passage, le courant infiniment créateur de la vie morale. L’homme, appelé sans cesse à s’appuyer sur la totalité de son passé pour peser d’autant plus puissamment sur l’avenir, est la grande création de la vie. 2888

Du côté des théologies et des religions

Pour l’animisme

On ne peut pas parler d’universel dans la perspective animiste mais seulement sans doute de singularités opposées alliées ou adversaires.

Pour le monisme ou le dualisme.

C’est un système qui considère l’ensemble des choses comme réductibles à l’unité ou ce qui peut revenir au même à une dualité. L’Islam pourrait en être la figure de proue. Le projet de MAHOMET 2889 et son oeuvre furent en fait des actions et des préceptes d’organisation politique. L’Islam est une religion qui vise avant tout à un ordre politique d’organisation sociale présentée comme “ordre monique” c’est à dire procédant d’une seule vérité universelle Allah s’adaptant à la gestion de tout. Le salut de l’homme passe par la soumission à cette Vérité.

Le matérialisme issu, dit-on, de DÉMOCRITE (-460, -370) 2890 dans la philosophie de Ludwig FEUERBACH (1804-1872), peut être considéré comme un monisme. Il s’agit bien de ramener le tout à un principe unique et explicatif et déterminant (ici le déterminisme matérialiste est radical) : la matière. Pour FEUERBACH l’anthropologie est la science explicative par excellence, jusqu’aussi, du fait religieux. Se trouve le développement de la descendance de cette philosophie essentiellement dans la sociologie moderne, et particulièrement son courant français ( citons Pierre BOURDIEU), en psychologie ou en physiologie, dans le behaviorisme issu des travaux de Ian Petrovitch PAVLOV(1849-1936) ou de l’évolutionnisme de Charles DARWIN (1809 1882) en biologie. Dans tous les cas, c’est l’environnement systémique qui conditionne le comportement. Bien qu’utilisables par d’autres approches plus “ouvertes” des concepts comme l’habitus (BOURDIEU), le réflexe conditionné (PAVLOV), ou encore l’évolution (DARWIN) prennent corps dans ce type de philosophie affiliée à un matérialisme monistique ou dualiste dont ils deviennent des chevaux de bataille explicatifs et exclusifs. En effet, pour un matérialisme rationaliste c’est le dualisme de la raison et de la matière qui se rejoignent pour créer le concept explicatif se substituant ou plutôt se confondant dès lors avec l’objet de la réalité et induisant une lecture univoque de celle-ci. Même si cette univocité peut être reconnue comme complexe voire ancrée dans un dualisme ou une dialectique, le chemin explicatif reste rigidement campé sur un régime de causalités qui même lorsqu’il est ouvert exclut toute immanence et toute transcendance directes. Et donc toute existence d’un être en soi .

Le matérialisme dialectique historique de MARX tel qu’il fut développé dans les ex pays de l’Est de l’Europe est finalement un dogme religieux assimilable à un monisme ou dualisme au sens qu’il fait dépendre le comportement individuel d’une conception explicative postulée irréfutable qui nie l’émergence de l’individualité donc de la personne en soi .

Les parentés entre les deux systèmes de pensée, Islam et communisme, qui pourraient expliquer certaines alliances idéologiques et politiques de l’après guerre, sont au niveau de la dépendance absolue de l’individu par rapport à la loi explicative de la règle sociale soumise ici à Allah tout puissant et miséricordieux et entraînant le fatalisme, là à un principe explicatif du tout et du rien le matérialisme dialectique historique et entraînant le fonctionnarisme et le conditionnement.

Dans le cadre du monisme ou du dualisme déiste ou matérialiste, l’universel est soit dans l’être soit dans le système monique ou dual explicatif du tout et du rien.

Pour le spiritualisme mystique.

‘Tout entier purifié par l’intelligence, maîtrisant le mental avec détermination, renonçant aux objets qui font le plaisir des sens, affranchi et de l’attachement et de l’aversion, l’homme qui vit en lieu retiré, qui mange peu et maîtrise le corps et la langue, qui toujours demeure en contemplation détaché, sans faux ego, sans vaine puissance ou vaine gloire, sans convoitise ni colère, qui se ferme aux choses matérielles, libre de tout sentiment de possession, serein, cet homme se trouve certes élevé au niveau de la réalisation spirituelle. 2891

Nous retrouvons cette spiritualité dans les religions orientales particulièrement. On retrouve ici à un niveau extrême et "sur spiritualisé” la problématique socratique et platonicienne de la séparation entre l’âme et le corps. L’âme, à travers la mort, voyagera de corps à corps jusqu’à atteindre la perfection au bout de ses pérégrinations. Le salut est dans le détachement absolu qui aboutit à la désintégration du moi. Pour le spiritualisme mystique c’est donc dans l’esprit originel que ce trouve l’universel, son accession suppose un dépassement de l ’égo et sa dilution en Lui, 2892 , le moyen d’y parvenir est l’ascèse le détachement et la méditation contemplative ainsi qu’une rupture radicale avec le monde des apparences sensibles premières.

Pour le panthéisme immanent ou transcendant.

Dieu est l’unité du monde ; pour le panthéisme immanent la nature telle quelle est, est dans son essence ou dans sa substance, le lieu de l’expression de cette présence. Pour le panthéisme transcendant, (dans lequel nous pouvons situer une partie du judaïsme et christianisme), Dieu est certes l’unité du monde, mais le monde soupire pour une délivrance, la nature n’est pas le lieu de l’ordre ultime de Dieu. L’universel se trouve donc soit dans la nature (immanence) soit à partir d’elle (transcendance).

Dans le judaïsme, Dieu a fait alliance avec l’homme au travers d’un peuple mystérieusement élu. Au travers de l’histoire, dans le projet d’un avenir, la terre promise, le nouvel Israël, cette alliance est renouvelée. Les patriarches et les prophètes du peuple élu marchent et ne sont édifiés que par la foi et par un livre écrit tout au long de cette histoire. La révélation de Dieu pédagogue parlant et écoutant s’adressant aux hommes se fait par la Thora lieu privilégié de cette parole. A cette parole divine, se mêlent aux travers des psaumes en particulier, le cri, la prière, et la louange des hommes. L’universalité semble ici indissociable de la Révélation d’une promesse et de l’expérience vitale de la foi. C’est le petit, le pauvre, le faible, le rejeté, l’étranger que Dieu tout Puissant créateur, le Tout Autre, prend plaisir à reconnaître, à la face des puissants de la terre. En effet les projets de Dieu ne sont pas ceux des hommes, et la louange et la prière, la méditation et l’action sont des moyens pour l’homme de comprendre et d’écouter, de dialoguer avec lui. Universel est ce projet de Dieu pour l’humanité et la création transmis et révélé à son peuple. La vocation de l’homme est l’attente active, l’appel, la préparation pour la venue de ce Règne dans le temps messianique prophétisé.

Enfin, dans le christianisme,l’alliance de Dieu est renouvelée et accomplie.Reprenant les mêmes textes, la même parole, il adjoint les textes de la nouvelle alliance (le nouveau testament), pour une bonne nouvelle,(sens du mot évangile), et reconnaît la venue du messie annoncé dans la personne de Jésus. Le Tout Autre s’est fait tout Proche. L’universel se trouve dans le mystère de la nativité de la création transcendée, épousée par Dieu en la personne de Jésus Christ. L’universel est dans ce lieu intime et propre à chaque personne où Dieu se fait rencontre et appelle chacun par son nom. Ce chemin de Dieu à l’homme a été accompli une fois pour toutes, dans un don d’Amour absolu, il n’est plus à faire, il suffit de l’accueillir pour entrer dans la vie nouvelle éternelle qui commence aujourd’hui..

L’universel est dans cet Amour absolu gratuit et libérateur de Dieu venu jusqu’à l’homme pour le retirer de la mort, le rechercher au fond de ses détresses pour l’appeler à la vie.

Mystère de la mort et de la résurrection

Au coeur de la personne, dans une communion d’église, est adressée l’invitation au Royaume. A la fusion réductrice, à l’évasion trompeuse, Gabriel MARCEL oppose alors la communion au Règne de Dieu pour les hommes qui acceptent de recevoir et de vivre de cette vie nouvelle donnée par Amour une fois pour toutes.

‘Tu te sens à l’étroit. Tu rêves d’évasion. Mais prends garde aux mirages. Pour t’évader ne cours pas, ne te fuis pas : creuse plutôt cette place étroite qui t’est donnée; tu y trouveras Dieu et tout. Dieu ne flotte pas sur ton horizon, il dort dans ton épaisseur. La vanité court, l’amour creuse. Si tu fuis hors de toi même, ta prison courra avec toi et se rétrécira au vent de ta course; si tu t’enfonces en toi-même elle s’évasera en paradis. 2893

La relation entre Dieu et l’homme passe toujours par la foi (la confiance ) ; une relation de fils à père nourrie de l’Amour.

Pour le christianisme originel, et dans le protestantisme, le sacerdoce est Royal et Universel chaque chrétien est prêtre et chaque homme appelé à le devenir.

‘... mais un esprit qui fait de nous des fils adoptifs et par lesquels nous crions ; Abba, Père. C'est l’Esprit lui-même qui atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu, Enfants et donc héritiers cohéritiers de Christ., puisque ayant part à ses souffrances nous aurons part à sa gloire. 2894

Dieu est désormais Abba : Papa.

Que tirer de ces définitions ?

Quelques remarques s’imposent au sujet des deux courants culturels fondateurs de la modernité :

  • La personne émerge dans la Bible et prend une dimension nouvelle dans le christianisme (elle accède au statut de Fils). Si l’ancienne alliance propose (le Décalogue, les livres du Deutéronome et du Lévitique en sont un exemple ) des principes d’organisation sociale, le fondement est toujours, reste toujours, personnel. La loi s’adresse directement à la personne, et lui indique par des devoirs (non des droits) accueillis comme des fruits de la paix de Dieu ; chemins de la justice ; joie ; liberté intérieure ; voies de l’Amour de Dieu :”L’Éternel ton Dieu circoncira ton coeur et Tu aimeras l’Éternel, ton Dieu, de tout ton coeur et de toute ton âme, afin que tu vives” 2895 ou “Tu aimeras ton prochain comme toi-même” 2896 ou encore “Tu ne tueras point” 2897 . (Citations parmi d’autres...)

Le fondement de la justice doit passer par le coeur de la personne ; Jérémie, 6 à 7 siècles avant Jésus Christ, prophétisait déjà :J’écrirai la loi dans leur coeur 2898 .

Les droits, dans le Lévitique, ne sont pas ceux de l’homme mais simplement ceux de la veuve, l’étranger et l’orphelin, c’est à dire des exclus 2899 . Il s’agit donc, à partir des devoirs que Dieu ordonne comme une grâce, de faire droit aux plus faibles. S’il existe des promesses pour les nations, elles seront conduites par des chants de joie, vers la montagne sainte, vers l’Éternel, celles-ci ne s’appuient pas sur la primauté d’un ordre politique instauré plus ou moins autoritairement, mais sur un regard et un monde renouvelés, un esprit nouveau. Ésaïe prophétise la paix entre les nations, le désarmement 2900 , que les déserts un jour refleuriront (...) 2901 . Le judaïsme s’inscrit dans l’attente et l’espérance active des temps messianiques.

Le christianisme, dans son originalité, reprend, prolonge accomplit le judaïsme ; il confesse donc que le messie est vraiment venu en la personne de Jésus, le Fils, qui par le don de sa vie, don d’Amour absolu, triomphe de la mort et du mal et accomplit la loi ; sans s’opposer au pouvoir politique, il s’oppose au pouvoir du monde et il n’a pas pour perspective de s’installer par le moyen du fait politique 2902 . Au contraire, avec lui, naît une rupture nouvelle, une liaison nouvelle, donc aussi, entre le fait social, le pouvoir et la personne 2903 . C’est ce qu’a bien compris le courant personnaliste.

  • La notion d’état idéalisé pourvoyeur et gardien du droit absolu,, (la cité idéale), celle d’idéal politique, de concept, d’éthique de morale sont d’origine hellénique. La notion d’individu et de droit (le droit romain est à la base de notre code juridique pénal et civil) également. Pour les grecs comme pour les romains ce droit ne s’adresse qu’aux citoyens de la cité c’est à dire qu’en sont exclus les étrangers, les femmes et les esclaves.

C’est au carrefour de ces deux cultures si radicalement différentes sinon opposées que germe la modernité. Il semble qu’à un Moyen Âge qui voit progressivement l’église s’immiscer dans les affaires politiques, niant ainsi la source même de son message, fait écho un modernisme où les philosophes (comme ceux de la révolution française ) vont puiser dans la Grèce des idées pour envisager un nouvel ordre social une idée de justice idéale.

Dès lors, deux types de dérives tout aussi totalisantes l’une que l’autre, vont se côtoyer et se succéder. L’église institution voulant imposer un ordre Chrétien,(au mépris du sens même du message du Christ) ou l’ordre anti Judéo-chrétien imposé par des idéologues (remarquons l’étymologie qui renvoie à l’idéal donc à la Grèce ).

Il semble bien que dans cette tension entre l’individu défini par l’état de droit (ou malheureusement parfois du non-droit), et la personne, puisse naître l’espace de la question entre universalité et singularité, institution et traverse telle que la modernité la pose.

La tradition Gréco romaine fait naître la notion d’institution politique, dont la république est un point culminant. Plus profondément christianisme et judaïsme “instituent” des personnes.

Dès lors, s’opposeront deux modèles d’universalité : l’universalité accueillie et l’universalité construite ; l’universalité dans la singularité de la personne ou dans la collectivité sociale politique ; l’universalité comme préalable ou comme point d’accès.

Dès lors, s’opposent deux types de fractures : deux expressions de l’incomplétude de la condition humaine.

Pour la pensée grecque, la scission est à l’intérieur de l’homme, entre le sensible et l’intelligible. PLATON invite l’homme à contempler l’Idée, ARISTOTE à retrouver l’essence. L’intelligible rend possible la vision idéalisée d’un état idéal. l’Idée en constitue l’essence. Le citoyen est invité à gouverner selon la justice, par l’effort de la raison.

Christianisme et Judaïsme puisent leur source dans l’unité profonde de l’être, l’incarnation et la concrétisation de l’action. La séparation entre idéal et réalité n’y est pas présente. Le Royaume est déjà aujourd’hui en Éspérance 2904 . Entre sensible et intelligible ici point de rupture ; le sensible est intelligible, l’intelligible est sensible.

Point de rupture à l’intérieur de l’homme, mais entre lui et Dieu dont le projet est de le conduire à aimer comme Lui aime. La fracture est un jour comblée en Christ mourant sur la croix. L’homme n’a plus qu’à accueillir cette vie nouvelle comme une grâce absolue, l’invitant au Règne. L’homme accède à cette vie nouvelle, à la communion au Père (christianisme) par la confiance et non par le raisonnement. L’intelligence des choses est la conséquence de cette confiance.

A l’origine de cette dualité entre ces deux messages peut-être trouvons-nous l’empereur Constantin qui après s’être converti au christianisme, par l’édit de Milan, puis au concile de Nicée en 325, mit officiellement fin à la clandestinité chrétienne pour ouvrir l’ère d’un christianisme officiel.

Dès lors, par étapes successives, le christianisme dont le message se situe, comme nous l’avons vu au coeur de la personne se compromit souvent, dans sa version officielle en tout cas, avec les exigences de l’état et sacrifia parfois l’originalité d’un message personnel aux raisons de la collectivité.

Or, l’état moderne repose sur le droit romain et la philosophie grecque. HEGEL semble marquer le point culminant d’une lecture du christianisme par l’hellénisme. Sa philosophie s’appuie sur le mystère de l’incarnation donc sur la naissance de l’homme universel, mais simultanément l’hypostase du lien social, élimine le coeur le centre du message de l’évangile l’agapè (ou agapê)  2905 ou la charité pour lui préférer une logique phénoménologique de l’esprit. Toutes les dictatures de la modernité pourraient bien naître, sans doute malgré HEGEL lui-même, de ce sacrifice de la charité à l’autel de la raison objective élevée au rang de Dieu. Ne faudrait-il pas pour rétablir les choses inverser les données hégéliennes et lire l’hellénisme à la lumière du christianisme. La pensée objective aux yeux de la charité. Ce fut le travail de la philosophie de Maurice BLONDEL, nous y reviendrons.

Dans cette perspective chrétienne, le devoir intime d’aimer et de servir, et la responsabilité, communion au Règne, qui en découle, est le chemin par lequel se forme et grandit l’intelligence. Dans une perspective grecque celle-ci émerge de la cohérence d’une réflexion et de la capacité à concevoir.

Au banquet de SOCRATE, tel que PLATON le décrit, on philosophait tandis qu’à l’invitation au Repas du Royaume, on fête des noces et on mange et l’on se réjouit ; communion à l’esprit de fête d’amour, de paix et de joie et de partage. Et tandis que là on épiloguait entre intimes et initiés sur la nature et la profondeur des sentiments ; ici on invite les sans-logis ; car il reste encore de la place 2906 .

Deux modèles ... plus un troisième.

L’universalité apparaît selon deux modes extrêmes et antinomiques : selon l’ordre de l’accueil d’un préliminaire à l’existence, ou selon la construction projetée de l’individu ou de la société.

Ces modes distingueraient deux types : l’universalité accueillie, l’universalité construite.

L’universalité accueillie place l’homme en situation d’écoute, d’émerveillement, d’accueil, d’exploration des possibles, de sauvegarde de la vie.

Nous l’appellerons le modèle Noé. (Livre de la Genèse au chapitre 9 versets 1 à 17 ).

L’universalité construite subordonne l’être et la vie à la construction elle-même et incline à l’activisme.

Cette conception qui tend à confondre général et universel, particulier et singulier germe dans la modernité.

C’est le modèle Babel. (Livre de la Genèse au chapitre 11 versets 1 à 9).

Ces deux modèles ne sont pas des allégories ni des métaphores. L’allégorie ou la métaphore seraient au service d’une idée ou d’un concept et en sont une illustration. Allégorie et métaphore sont des procédures que les grecs utilisaient souvent ; (l’allégorie du mythe de la caverne ).

Alors s’agit-il de mythes fondateurs ? Non plus vraiment, dans le sens où contrairement aux mythes traditionnels ces modèles invitent à lire le réel et non à s’y soustraire ou à le sublimer.

S’agit-il de typologies ? Non plus tout à fait, encore que ce sont bien deux types qui sont ici désignés. Mais ceux-ci sont comme dépassés par le modèle lui-même qui les désigne. En effet le modèle est dans l’histoire biblique qu’il s’agit de comprendre et non dans une série de concepts alignés. Il ne s’agit pas ici seulement d’une procédure méthodologique, mais de modèles fondateurs qui permettent de lire le réel.

Autrement dit, je ne tiens pas vraiment ces modèles de l’analyse qui a précédé sur les différents types d’universalité selon philosophies morales ou religions ; ils se sont imposés à moi, autrement, à partir d’une compréhension mystérieuse en quelque sorte, mais partagée par beaucoup d’autres, du message biblique.

Habituellement, on oppose justement Babel à la Pentecôte (livre des actes chapitre 1 versets 1 à 13) qui pourrait constituer le troisième modèle. Mais la Pentecôte est le moment de la naissance de l’église, en tant que corps ; elle suppose au premier don de Dieu une réponse volontaire de l’homme. Le modèle Noé se contente de l’accueil du don premier.

Nous allons venir progressivement, en cours d’étude, à ce moment où l’esprit Saint vient épouser l’homme et renverser l’ordre fini des choses.

Dans un premier temps, il a semblé intéressant d’en rester à une première opposition entre Babel et Noé. En effet, à Noé l’alliance faite ne supposant pas d’acte de foi de la part de l’homme, autre que la confiance nécessaire à toute vie est le préliminaire de toute existence et s’adresse à tout homme avant même que celui-ci ne choisisse le sens qu’il veut donner à sa vie.

C’est ce chemin de Noé à Pentecôte qui paraît intéressant.

Selon le message de la Bible, c’est l’accueil du don de Dieu, comme le propose le modèle Noé, qui conduit à l’accueil de l’Esprit Saint et à la communion avec Dieu, et non pas l’effort de l’homme comme le supposerait le modèle Babel.

La problématique usurpatrice du général et du particulier.

Le général.

‘Mais il faudrait parvenir à discerner plus clairement la raison pour laquelle l’homme-masse est fanatisable. Ce qu’il me semble apercevoir, c’est que cette perméabilité est due au fait que l’homme, que l’individu pour appartenir à la masse, a dû, au préalable, sans en avoir bien entendu la moindre conscience, se vider de la réalité substantielle qui était liée à sa singularité initiale, ou encore au fait d’appartenir à un petit groupe concret. 2907

L’homme-masse dont parle Gabriel MARCEL est celui qui renonce à son identité singulière pour se fondre dans la généralité. Pour Gabriel MARCEL se définit ainsi paradoxalement une antinomie parfaite entre les concepts de généralité et d’universalité.

Est d’ordre général ce qui dans bien des philosophies contemporaines tient lieu, faussement d’universel. Le général est ce qui se rapporte aux généralités. Ici prime la loi du plus grand nombre ; de toute part et de toutes les manières, c’est le lien social qui a valeur suprême tant pour l’observation d’une situation que pour le projet d’intervention sur celle-ci et enfin pour l’évaluation de la qualité d’une action entreprise. Le fait “généralement” constaté ne nie pas par définition, l’existence de la personne. Mais, pire peut-être, il n’en tient pas compte autrement que comme quantité d’opinion représentée ; il ne retient en effet que la somme d’individus qui devront toujours plier sous la loi du plus grand nombre. Domaine exclusif de la quantité au détriment de la qualité.

Nous dirons par exemple “en général”, lorsque la probabilité nous indique avec une quasi certitude que telle situation dans telles conditions données auprès de tels types d’individus produit avec un taux de fréquence élevé tel type de comportement. Toute certitude n’est plus que “quasi certitude” “éventualité hautement probable” ; et le doute s’immisce toujours, même si l’action menée au nom de l’intérêt général ne supportera pas, elle, les demi mesures.

La généralité conduit donc toujours à exclure l’infime, l’infiniment petit qui restera comme un remords ou qui sera refoulé mais dont il ne pourra pas être tenu compte en dehors d’un taux de probabilité. Là règnent, en maîtres, les sondages qui indiquent l’opinion générale fournissant à l’homme politique les moyens de décider de ce qu’il convient de faire. La politique menée est toujours donc celle de l’opinion ou de l’intérêt subjectivement déterminé, du plus grand nombre. Importent moins alors les sentiments transcendants de justice de paix de pardon ou d’amour, en un mot du sens premier et dernier de l’existence, que la majorité immanente qui seule a force de loi.

A la politique de l’antécédance et de la conviction, le défenseur de ce concept de généralité, en lieu d’universalité, préfèrera sans doute le suivisme de l’opinion publique ou du fait social dûment constaté ou bien encore programmé ou “prévisionné”.

A ce prix, Robert BADINTER, ministre de la justice, en 1981, n’aurait jamais supprimer la peine de mort en France : il est notoire que cette mesure allait à l’encontre de l’opinion majoritaire telle que les sondages la définissait. Les pragmatismes idéologiques ou politiques puisent leur efficacité médiatique et leur popularité de cette confusion : le général tel que je viens de le définir se présente comme universel alors qu’il n’est jamais que l’expression de la loi du plus grand nombre. N’est-ce pas au nom exclusif ou presque de ce principe de généralité que les textes officiels déterminent de manière de plus en plus constante les termes et les mesures de la politique de l’éducation ? Ce principe génère toujours davantage malgré les bonnes résolutions donc l’exclusion et “la traverse”.

Il ne faut peut-être pas chercher ailleurs que dans ce transfert du concept d’universalité au concept de généralité la raison de l’actualité de la question des auto-apprenants.

Le particulier.

Le particulier serait donc l’émergence de l’exception face à la généralité, de la réalité organique irrationnelle et de l’empirisme face à la raison objective perçue comme hypostatique, de la réalité face à la vérité officielle, bref, du profane face au sacré. Nous voyons bien comment “l’intérêt général” prend dans cette problématique, lieu et place d’universalité.

Du général au particulier ...

Jean CONILH 2908 , commentant, pour la revue “Esprit”, fondée par Emmanuel MOUNIER, la formule d’ARISTOTE dans sa “politique” , “l’homme est un animal politique” , définit la condition de l’existence comme une tension entre “l’unique nécessaire de la vie privée” et “l’espoir de la cité transparente”.

Le premier pôle appelle l’homme et à ne considérer le politique que comme une somme d’intérêts privés, sur lesquels il se doit de compter et de se nourrir au nom du “fait qu’il m’appartient à moi et à moi seul de donner du sens à mon existence” .

Le second pôle installe une structure unificatrice appelée au nom d’une vision idéale à ” recouvrir tout l’humain”.

La problématique du particulier opposé au général pourrait tenir dans cette tension entre les deux pôles. Jean CONILH écrit ceci :

‘Ce paradoxe politique nous renvoie nécessairement au paradoxe plus profond de la condition humaine qui lui sert de fondement. En effet concevoir l’ordre politique sous cette forme ambiguë nous oblige à reconnaître une scission irréductible, constitutive de l’existence humaine, entre l’homme du dedans et l’homme de l’histoire, entre la conscience des horizons et la conscience des profondeurs.’

De la nécessaire médiation ...

Nous voyons, dès lors, apparaître une dualité au coeur de l’humain source d’un paradoxe que Jean CONILH qualifie d’existentiel.

‘Or nous parlons bien d’un paradoxe, en quelque sorte existentiel, c’est à dire qu’il nous faut maintenir, ensemble et séparés, les deux ordres et les deux hommes ; faire en sorte qu’il y ait comme un échange et un passage fécondant de l’un à l’autre ... Il faut donc trouver une médiation constante entre ces deux hommes que je suis premièrement. L’un des buts essentiels du politique ne sera-t-il pas précisément d’assurer cette médiation.’

La problématique du général et du particulier nous renvoie donc en effet à une scission de l’homme en deux et au besoin d’une médiation, entre l’être privé et l’être public. Jean CONILH parle de la nécessité de cette médiation. Cette médiation se fera toujours au prix d’une violence canalisée voire ritualisée. René GIRARD 2909 montre en effet comment à partir du désir mimétique, fondateur de l’identité individuelle, toute entité collective assoit son unité sur une violence collective ritualisée et sacralisée. Le particulier pourrait alors apparaître comme le bouc émissaire qu’il est nécessaire d’exclure afin de forger l’unité fusionnelle du groupe social.

... A la naissance de l’homme double ...

Pour prolonger la pensée de PASCAL : l’homme n’est ni ange ni bête ; à vouloir trop être ange pourrait faire naître la bête.

Jean Jacques ROUSSEAU explique que le pacte social librement consenti fait naître en lui-même un double à la personne individuelle, la personne collective qui désormais aura force de loi dans le domaine social.

‘Enfin chacun se donnant à tous ne se donne à personne, et comme il n’y a pas un associé sur lequel on n’acquière le même droit qu’on lui cède sur soi, on gagne l’équivalent de tout ce qu’on perd , et plus de force pour conserver ce qu’on a. Si donc on écarte du pacte social ce qui n’est pas de son essence, on trouvera qu’il se réduit aux termes suivants : Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous en recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout. A l’instant au lieu de la personne particulière de chaque contractant, cet acte d’association produit un corps moral et collectif composé d’autant de membres que l’assemblée a de voix, lequel reçoit de ce même acte son unité, son moi commun sa vie et sa volonté. 2910

L’être social comme double de l’être individuel semble naître ici dans la théorie paradoxale du philosophe de la nature, de l’homme naturellement bon, et de la perversion par la société. Transfert d’une transcendance de Dieu vers une entité humaine collective, faisant figure de référence suprême, donc de nouvelle divinité.

L’Être Suprême de la Révolution française pourrait naître ici.

ALAIN et Émile DURKHEIM, comme aujourd’hui tant d’autres, Jean Claude MILNER, Alain FINKIELKRAÜT, Régis DEBRAY, partisans de l’école du citoyen reprennent finalement à leur compte, avec des variantes, cette prédominance de l’être social sur l’individu particulier, occultant ou réduisant cependant largement les modalités de l’acte d’association qui, pour ROUSSEAU, devaient donner, à tout instant, au signataire, la possibilité de se retirer.

Ici, c’est l’Etat Républicain qui représente la valeur suprême et sacralisée.

Le droit de vote s’il permet à chaque citoyen de manifester ses préférences ne remet pas en cause le principe de” l’homme double” . Citons Émile DURKHEIM :

‘On comprend dès lors comment la raison a le pouvoir de dépasser la portée des connaissances empiriques. Elle ne le doit pas à je ne sais quelle vertu mystérieuse, mais simplement à ce fait que, suivant une formule connue, l’homme est double. En lui il y a deux êtres : un être individuel qui a sa base dans l’organisme et dont le cercle d’action se trouve par là même limité, et un être social qui représente en nous la plus haute réalité, dans l’ordre intellectuel et moral, que nous puissions connaître par l’observation, j’entends la société. 2911

Si la valeur sociale était désormais la valeur suprême, apparaîtront alors les défenseurs de l’institution pour elle-même comme les héritiers directs de DURKHEIM.

L’affaire des foulards a secoué la France en Novembre 1989 ; elle a scindé la France en deux : ces jeunes filles musulmanes avaient-elles le droit ou non de manifester extérieurement leur singularité religieuse ?

Les défenseurs de cette forme d’idéologie de la personne dédoublée se sont unanimement prononcées pour l’interdiction formelle du port du foulard dans l’école. 2912

Retombées de cette problématique usurpatrice sur les enjeux du débat sur l’école.

Pour le défenseur des institutions en soi, l’universalité se confondra avec la valeur collective et générale promue et représentée par l’institution qu’il s’agira à tout prix de défendre ; Jean Claude MILNER représente pour l’école française cette position extrême :

‘Il y a de l’école dans quelques sociétés, et particulièrement dans la nôtre. Voilà une proposition certaine ; encore faudrait-il établir ce qu’elle signifie. Dire que l’école existe, c’est au vrai, dire seulement ceci : dans une société, il existe des savoirs et ces derniers sont transmis par un corps spécialisé dans un lieu spécialisé. ’ ‘Parler d’école, c’est parler de quatre choses (1) des savoirs; (2) des savoirs transmissibles ; (3) des spécialistes chargés de transmettre des savoirs; (4) d’une institution reconnue, ayant pour fonction de mettre en présence, d’une manière réglée les spécialistes qui transmettent et les sujets à qui l’on transmet. Chacune de ces quatre choses est nécessaire, en sorte que c’est nier l’existence de l’école que de nier l’une d’entre elles ; de même, c’est vouloir la mort de l’école que de vouloir pour quelque raison que ce soit, bonne ou mauvaise, la cessation de l’une ou de l’autre. 2913

Remarquons au passage combien est indifférent pour Jean Claude MILNER et pour les défenseurs du principe civique, que la raison contre l’école puisse avoir “ ses bonnes raisons”.

De l’école dépend l’État, valeur suprême à ses yeux, dont la raison, l’intérêt général, ne supporte pas la contradiction particulière. Il n’existe, notons le, dans cette perspective, pas de savoirs hors de ceux que l’école transmet. Se trouve indirectement instauré sacralisé le savoir académique s’opposant aux savoirs profanes “vulgaires”. Jean Claude MILNER explique alors, la spécificité de l’idéologie française par rapport aux pays anglo-saxons de culture protestante : En France, dit-il, l‘état seul, historiquement, est gardien et garant de la démocratie.

‘... L’idéologie française, s’il faut reprendre ce nom, est donc ce paradoxe : une particularité qui ne se supporte elle-même que revêtue des insignes de l’Universel, grâce à un savoir qui la théorise ou simplement la parle. 2914

La raison d’État apparaît ainsi dans toute sa splendeur. Raison suprême initiant une pensée totalisante. 2915 Je ne partage pas bien entendu cette conception qui suppose une rupture, une dualité, une vision séparée de la personne humaine et, plus grave encore, au nom de la raison pratique élevée à hauteur d’insigne d’Universalité, une entorse dont nous venons de le voir, Jean Claude MILNER est étrangement très conscient, à la raison même, et, donc, inévitablement, un incontournable et traumatique refoulement originel . Dérive essentielle : la mise en clandestinité de la singularité personnelle toujours dérangeante par rapport à un ordre social. C.Virgil GHEORGHIU, auteur roumain, le révèle dans son roman “la 25° heure”, lorsqu’il écrit :

‘Dans la société technique occidentale les hommes vivent tout comme les premiers chrétiens, dans les catacombes, dans les prisons, les ghettos, en marge de la vie. Ils restent cachés. Les hommes n’ont pas la permission de paraître en public. Ils n’ont pas la permission de détenir des fonctions publiques. Nulle part et surtout pas dans les bureaux, car votre civilisation a remplacé les autels par les bureaux. L’homme a été réduit à une seule de ses dimensions : la dimension sociale. Il a été transformé en citoyen, ce qui n’est plus synonyme de la notion d’homme. La société technique ignore l’homme. Elle ne le connaît plus que sous la forme abstraite de citoyen. 2916

Everett REIMER, défenseur avec Ivan ILLICH de la thèse de la descolarisation, aux antipodes de la thèse de J. C. MILNER, affirmait que les institutions modernes sont porteuses de mort pour l’ homme.

Il explique combien dans le monde moderne, l’école, matrice des institutions modernes, au nom du “bien sacré de tous”, de l’hypostase de la valeur générale, est en fait une religion d’Etat multinationale telle que jamais la planète n’en a connue et qui impose à tous les normes des valeurs sociales ; sinon unanimement reconnues, du moins, unilatéralement imposées.

‘Les institutions modernes se sont chargées de la charge de maintenir et de justifier une hiérarchie continue de privilèges. Parmi ces institutions l’école joue un rôle central. Elle initie chaque génération dans les mythes de la production et de la consommation technologiques : ce que l’on doit consommer doit d’abord être produit, et ce que l’on produit doit être consommer. Non seulement les marchandises mais les services et les connaissances elles mêmes deviennent des produits commerciaux. L’école célèbre les rites qui réconcilient les mythes et les réalités d’une société qui prétend simplement exister pour tous. Elle prépare des hommes pour des rôles spécialisés dans des institutions elles-mêmes spécialisées, les choisissant et les formant en prenant en considération à la fois les techniques et les valeurs personnelles. Par sa propre structure hiérarchique, elle accoutume les hommes à accepter une hiérarchie intégrée unique qui se fonde sur le pouvoir et les privilèges. ’ ‘L’ école rend les hommes aptes à la participation dans d’autres institutions et elle décide péremptoirement que ceux qui ne remplissent pas certaines conditions scolaires ne méritent pas d’avoir des rôles de valeur dans d’autres institutions. 2917

Entre les deux extrêmes, Jacques MARITAIN philosophe chrétien rejoint les idées de REIMER et ILLICH sur les droits de la personne face aux règles sociales institutionnalisées, mais légitime cependant l’existence d’un cadre que l’on peut appeler État, lois, et institutions qui ne devraient pas vivre pour eux-mêmes en autosuffisance, mais pour le service des hommes ...

Paraphrasant les paroles de Jésus, au sujet du sabbat 2918 ,en écrivant les lignes qui suivent, Jacques MARITAIN semble nous ouvrir une porte pour échapper à l’irréductible contradiction, close sur elle-même, du général et du particulier, et nous introduire déjà, par avance, à la nouvelle problématique, ouverte, de l’universel et du singulier.

‘L’État n’est pas la suprême incarnation de l’ldée, comme le croyait HEGEL ; l’Etat n’est pas une espèce de surhomme collectif ; (...) Mettre l’homme au service de cet instrument est une perversion politique. La personne humaine en tant qu’individu est pour le corps politique, et le corps politique est pour la personne humaine en tant que personne. Mais l’homme n’est à aucun titre pour l’État. l’État est pour l’homme. 2919

Quelles définitions prendre et finalement retenir ?

L’universel ...

Si l’universel est décidément autre chose que le général, il s’opposera à toute réduction fusionnelle, à tout pouvoir de l’homme sur l’homme à toute aliénation c’est à dire toute dépendance de l’homme vis à vis d’une entité totalisante fusionnelle et réductrice de son être. Gabriel MARCEL parle de l’universel contre les masses, c’est ainsi même a posteriori qu’aurait dû, dit-il, vraiment s’intituler son ouvrage “les hommes contre l’Humain” .

‘L’universel contre les masses : tel est à n’en pas douter le véritable titre de cet ouvrage. Mais qu’est-ce donc l’universel ? Que faut-il entendre par là ? Non pas cela va de soi, une vérité abstraite qui se réduirait à des formules transmissibles destinées à être ensuite mécaniquement véhiculées. L’universel c’est l’esprit et l’esprit c’est l’amour. 2920

Si donc l’universel, comme le dit Gabriel MARCEL, s’oppose aux masses, suffit-il de dire qu’il siège en chaque personne dans son essence comme une nature morte ne demandant qu’à être réveillée ? Et dire encore que cette essence, cette nature morte, est porteuse de l’ universel endormi dans le singulier de chacun ? Il nous faut, de toute les façons, refuser la disparition des particularités dans une généralité réductrice fusionnelle et usurpatrice, pour choisir la communion, où chaque singularité rayonne d'existence dans la ronde de l’universel retrouvé, où l’infiniment grand et l’infiniment petit se rejoignent s’épousent et se fécondent.

le singulier....

Si le singulier est bien également tout autre chose que le particulier, qu’est-il exactement et en quoi s’en distingue-t-il ? Nous l’avons vu, le particulier se décrétait d’en haut, par le regard officiel normalisant hypostasié qui traite toute entité du “nom-adjectif qualificatif” de particulier lorsqu’il ne lui apparaît pas devoir en tenir compte de manière générale c’est à dire à ses yeux, mais de façon usurpatrice de mon point de vue, d’universelle. Le singulier est cette réalité irréductible qu’aucun diktat ne parvient à résorber. C’est un nom propre unique différencié de chaque autre. Gabriel MARCEL, exprime encore remarquablement cette opposition entre singularité et l’ objectivation de l’homme ( dont nous avons vu qu’elle prend avec HEGEL sa première amplitude, sa naissance et son envol ), lorsqu’il écrit : “Nous venons de définir le Bien comme appel de l’’Être et lier le mal à l’objectivation de l’homme.” 2921

Cet “appel de l’Être”, quel est-il ? Que dit-il ? Il dit un espace et un passage non réductibles et non réducteurs. Dans cet espace, dans ce passage, universel et singulier se rencontrent et s’épousent. Ce t espace est un appel, cet appel est un passage. Et le singulier, nom propre verse, chavire vers l’Un qui le nomme le reconnaît et lui fait nommer et reconnaître d’autres noms propres d’autres appels d’autres singularités ainsi transcendées. Martin BUBER 2922 exprime bien ce que Emmanuel LÉVINAS appelle l’ontologie de l’intervalle 2923 quand il substitue à la relation classique “sujet-objet”, la relation “je-tu”. Martin BUBER puise ses racines philosophiques dans le judaïsme ; il définit une vision radicalement nouvelle pour la culture contemporaine classique de la connaissance. Sa rupture avec l’hellénisme est radicale. En réponse à une objection de Emmanuel LÉVINAS, BUBER écrit ceci.

‘L’heure est venue pour moi de la peu commune gratitude . J’ai beaucoup à remercier. Ce me fut l’occasion de méditer une fois de plus sur le mot remercier. Son sens ordinaire est généralement compris, mais il se prête assez mal à une description qui le définisse sans équivoque. (...) Il en est autrement pour l’hébreu.. La forme verbale hoddoth signifie d'abord se rallier à quelqu’un et, ensuite seulement, remercier. ’ ‘Celui qui remercie se rallie à celui qu’il remercie. Il sera maintenant il sera désormais allié. Cela inclut certes l’idée du souvenir, mais implique davantage. Le fait ne se produit pas seulement à l’intérieur de l’âme, il en procède vers le monde pour y devenir acte et événement. Or, se rallier ainsi à quelqu’un, c’est le confirmer dans son existence. 2924 ’ ‘... Jérusalem février 1963’

Nous sommes loin du pacte social tel que ROUSSEAU le définissait et que nous avons évoqué. Nous sommes loin de l’émergence de l’être social symbolique qui de DURKHEIM à ALAIN conduira au passage du général au particulier ; à l’émergence de l’être double. La figure de Janus, d’un côté être social de l’autre être privé, est ici définitivement radicalement brisée.

Le remerciement le ralliement, dont parle BUBER, non seulement garde intégrale chaque singularité mais ouvre l’autre (le tu) au monde et à l’universel ; il découvre ainsi une dignité nouvelle à l’homme.

c)Quel principe créateur ? Deux approches proches mais contradictoires ....

Dès lors, une fois rejetée la justification d’une rupture radicale interne à la personne née de la dualité brutale public privé, se pose la question de l’acte unificateur en la personne et de son origine. Deux approches s’opposent en quelques sorte : Le personnalisme humaniste que concrétise Emmanuel MOUNIER, d’une part ; et un humanisme ouvert mais d’inspiration plus matérialiste que pourrait incarner Michel SERRES, d’autre part.

Emmanuel MOUNIER, dans la perspective du personnalisme d’inspiration chrétienne, explique que le dernier principe vivant créateur, une fois ôtés tous les masques des personnages que nous jouons tous les jours, en divers lieux et de diverses places, est la personne elle-même où siège l’universalité singulière de chacun qu’une vocation profonde caractérise et définit .

‘Dépouillons les personnages avançons plus profond. Voilà mes désirs mes volontés , mes espoirs mes appels. Est-ce moi déjà ? Les uns, qui se font beau visage, montent de mon sang. Mes espoirs, mes volontés m’apparaissent très tôt comme de petits systèmes têtus et bornés contre la vie l’abandon et l’amour. Mes actions, où je crois enfin me saisir, voilà qu’elles font de l’éloquence et que les meilleures me semblent les plus étrangères, comme si des mains, au dernier moment s’étaient substituées à mes mains. Un effort encore et je défais ces noeuds résistants pour atteindre à un ordre plus intérieur. ’ ‘Une organisation cellulaire se dessine, mais encore anarchique des centres d’initiative, mais encore désorientés, et masquant une orientation plus profonde. Cette unification progressive de tous mes actes, et par eux de mes personnages ou de mes états est l’acte propre de la personne. Ce n’est pas l’unification systématique et abstraite, c’est la découverte progressive d’un principe spirituel de vie, qui ne réduit pas ce qu’il intègre, mais le sauve , l’accomplit en le recréant de l’intérieur. ’ ‘Ce principe vivant et créateur est ce que nous appelons en chaque personne sa vocation. Elle n’a pas pour valeur première d’être singulière, car tout en le caractérisant de manière unique, elle rapproche l’homme de l’humanité de tous les hommes. Mais en même temps qu’unifiante , elle est singulière par surcroît. La fin de la personne lui est ainsi en quelque manière intérieure : elle est la poursuite ininterrompue de la vocation. 2925

Pour Michel SERRES, au contraire, l’homme n’a pas vraiment d’unité profonde ni de vocation pré-écrite en lui-même qu’il lui faudrait retrouver. Il est bigarré hermaphrodite ambidextre et multiple construit de tous et de chacun au gré des expériences de sa vie et de ses rencontres multiples et contradictoires. Sa philosophie puise dans un humanisme rationaliste matérialiste et quelque peu déterministe. Arlequin et son habit bigarré préfigure l’humanitude.

‘Le monstre courant tatoué ambidextre hermaphrodite et métis, que pourrait-il nous faire voir , à présent sous sa peau ? Oui le sang et la chair . La science parle des organes, de fonctions de cellules et de molécules, pour avouer enfin qu’il y a beau temps que l’on ne parle plus de vie dans les laboratoires, mais elle ne dit jamais la chair, qui tout justement, désigne le mélange, en un lieu donné du corps, ici et maintenant de muscles et de sang de peau et de poils d’os de nerfs et de fonctions diverses, qui mêle donc ce que le savoir pertinent analyse. ’ ‘La vie joue aux dés ou bat les cartes. Arlequin découvre pour finir sa chair. Mélangés, la chair le sang mêlés d’Arlequin ressemblent encore à s’y méprendre à un manteau d’Arlequin. 2926

Comment se réalise dès lors la mystérieuse et nécessaire unité profonde ? Michel SERRES l’attribue à la bienveillance inconditionnelle et neutre qu’il nomme le miracle laïque.

‘Comment les milles couleurs du bariolage peuvent-elles se résoudre dans leur somme blanche ? De même que le corps, répondaient les doctes, assimile et retient les diverses différences vécues pendant les voyages et revient à la maison métissé de nouveaux gestes et d’autres usages, fondus dans ses attitudes et fonctions, au point qu’il croit que rien , pour lui ne changea, de même le miracle laïque de la bienveillance de la neutralité bienveillante, accueille, dans la paix, tout autant d’apprentissages pour en faire jaillir la liberté d’invention donc de pensée.” 2927

Alors à qui confier la force de catalyse de l’unité de l’être ? A l’approche neutre et bienveillante ou à la force convaincante déterminée et personnelle de la vocation ? Les conséquences sur les places respectives, l’une par rapport à l’autre, de l’institution et de la traverse sont, selon chacune des deux hypothèses, évidemment toutes autres.

Si la neutralité bienveillante laïque et neutre prônée par Michel SERRES était seule, (par un effet maïeutique), créatrice d’unité personnelle nous nous éloignerions de l’approche qui est la nôtre tout au long de cet écrit.

Si la personne était elle-même maîtresse de son unité profonde nous nous en rapprocherions singulièrement. En effet, notre conviction initiale postulait cette recherche prioritaire et incessante des finalités ou de préférence des fondements éducatifs. Cette recherche est inhérente à l’acte éducatif lui-même. Elle nous fait rejoindre le texte de Emmanuel MOUNIER et la remarquable intuition personnaliste.

La recherche intégrale et intégrante des finalités et du fondement dans l’acte éducatif c’est tout l’acte éducatif lui-même. Celui-ci suppose, en effet, à chaque instant, de pouvoir rejeter le principe de la neutralité laïque pour y substituer, par exemple, la force de la conviction personnelle, d’une vocation, et suppose également de pouvoir, à chaque instant, faire prévaloir le choix inverse.

La neutralité bienveillante reste possible et sans doute souhaitable, comme une conviction temporaire bienfaitrice à condition qu’elle puisse être explicitée à l’enfant donc remise en jeu, remise en cause à chaque instant.

Or, le principe de la neutralité, une fois imposé institutionnellement, interdit, de fait, la possibilité du choix inverse. Comme le dit Gaston PARAVY 2928 “le problème avec la neutralité c’est qu’elle finit toujours par neutraliser”. Or le projet éducatif est toujours appel d’une liberté à une autre et, donc, par nature, radicalement opposé à toute neutralisation qui cache, comme le cheval de Troie, une finalité inavouée, s’appuyant sur l’hypostase d’un lien social soumis à la pensée théorique.

C’est au contraire, dans la capacité à cohabiter avec des points de vue autres et divergents, dans la capacité à s’opposer sans pour cela se faire la guerre, de rechercher incessamment librement la convergence sans pour cela s’enfermer dans les synthèses réductrices, en un mot de refaire le chemin de BUBER à LÉVINAS ; pour qu’ émerge en lieu et place des rapports de force et des conflits d’intérêts, la force du remerciement et du libre ralliement de l’autre à soi-même de soi-même à l’autre ; que se trouve sans doute une voie ouverte et royale (?), pour les apprenants et les enseignants, pour aujourd’hui et pour demain.

Nous verrons que la perspective chrétienne approfondie, par l’irruption de l’Esprit Saint de la Pentecôte, permet de dépasser ce dualisme entre neutralité et conviction personnelle. Le principe créateur est l’Esprit Saint lui-même, qui épouse l’homme au coeur de ses ténèbres et crée en lui un être nouveau. La philosophie de Maurice BLONDEL nous parlera de ce dépassement du naturel. Et finalement, c’est à cette vision que nous nous rallierons.

d) L’originalité de l’hypothèse.

Le fameux Cogito cartésien : “je doute donc je pense, je pense donc je suis”, marque une révolution importante dans l’histoire de la pensée.

En effet DESCARTES par ces quelques phrases amorce l’idée d’une séparation entre la conscience d’exister de la conscience sensible ...

Il fait dépendre la seconde d’une suite de raisonnements logiques ... qui se fondent sur la seule expérience première du doute.

A la suite du Cogito, SPINOZA pourra en effet écrire :

‘...l’essence de l’homme n’enveloppe pas l’existence nécessaire, c’est à dire qu’il peut aussi bien se faire suivant l’ordre de la nature que cet homme-ci ou celui- là existe, qu’il peut se faire qu’il n’existe pas. 2929

Au sujet de DESCARTES Emmanuel MOUNIER qui fit en sa jeunesse une thèse sur lui écrit en conclusion de celle-ci :

‘D’un mot la philosophie de DESCARTES est un anthropocentrisme parce qu’elle est un théocentrisme et dans la mesure où ce théocentrisme est excessif... Mais d’un autre côté , puisqu’aucun lien ne relie l’homme à Dieu ni d’une part un rayonnement de charité (amour) ni de l’autre, l’aspiration d’un être inachevé sans Dieu, DESCARTES a dû , pour maintenir la subordination des créatures à Dieu rattacher les premières au second cette fois de l’extérieur et par suite de la manière la plus étroite non sans violence ni arbitraire : d’un univers qui est incommensurable à son amour comme à sa puissance d’un monde de machines d’autant plus parfaites qu’elles pourraient s’attribuer le mérite de leur perfection, il faut que Dieu pour sauvegarder sa souveraineté soit le maître absolu. D’un mot encore le théocentrisme de DESCARTES est solidaire de son anthropocentrisme et il en est l’indispensable contrepoids. Cette solidarité des deux points de vue est à la fois la force et la faiblesse de DESCARTES. Sa force parce que cet équilibre tout instable qu’il soit exclut toute interprétation de la philosophie de DESCARTES qui tendrait à supprimer l’un des deux termes . Sa faiblesse parce que ce principe interne de division devait un jour ou l’autre entraîner la rupture du système. 2930

Autrement dit, le problème chez DESCARTES, pour Emmanuel MOUNIER, c’est que le Dieu Judéo-chrétien, le Dieu de la charité, l’agapè, qui fut le Tout Autre dans la tradition juive avant de devenir le Tout Proche en Jésus Christ l’époux, est à nouveau ici séparé indifférent et lointain. Pour DESCARTES, Dieu est présent. Il règne certes, mais Il laisse l’homme vaquer à ses affaires.

E. MOUNIER explique que cette distance entre les affaires de Dieu et les affaires de l’homme introduites ici portait en elle-même le germe de la naissance de la raison séparée porteuse des dérives rationalistes et scientistes des siècles suivants et caractéristiques depuis KANT et HEGEL, de la modernité.

En effet, KANT, parachevant ainsi le travail cartésien, en séparant la raison pratique de la raison pure, distinguera deux niveaux de conscience de l’être et finalement de l’existence que nous retrouvons aujourd’hui transposés dans la distinction courante qui se fait dans la société moderne entre le fait privé et le fait public par exemple.

De son côté, Paul RICOEUR, explique encore que c’est l’hypostase de la raison pratique, concept d’origine Kantienne, qui donne naissance à l’esprit objectif hégélien 2931 .

Paul RICOEUR, écrit, donc :

‘L’hypostase de l’esprit objectif n’a pas seulement une signification ontologique, mais une signification épistémologique. ’ ‘Elle est portée par la prétention de savoir l’esprit, de savoir l’Etat et l’individu se sait lui-même dans ce savoir de l’Esprit. 2932

J’ajouterai, avec Paul RICOEUR, que c’est la notion de normalité s’appuyant sur le pseudo savoir de la pensée dite objective ayant pris une valeur sacralisée que s’approprient les pouvoirs de toutes sortes qui apparaît et qui spécifie en fait la modernité son rapport au pouvoir tout autant que son rapport au savoir. Paul RICOEUR expliquera encore :

Tous les fanatismes posthégéliens, sont contenus in nuce dans l’idée que l’individu se sait dans l’Etat qui lui-même se sait dans l’esprit objectif.

‘Car si un homme ou un groupe d’hommes, un parti, s’arroge le monopole du savoir et de la pratique, il s’arrogera aussi le droit de faire le bien des hommes malgré eux. C’est ainsi qu’un savoir de l’Esprit objectif engendre la tyrannie 2933

Aujourd’hui, à la logique politique de l’enfermement “extirper pour enfermer, éduquer et punir” que dévoilait Michel FOUCAULT 2934 semble succéder celle de la “normose” 2935 , c’est à dire que la normalité du penser juste, du faire juste est passée de la prescription sociale à l’esprit de l’homme moderne et n’aurait plus besoin pour s’imposer de manifestations directement répressives.

Il suffit de prendre des mesures de type pédagogiques et orthopédiques ou orthopédagogiques 2936 .En ce sens l’éducation redevient le chemin par excellence qu’elle n’aurait jamais dû cessé d’être, la réponse à la question posée à l’homme moderne du rapport du singulier à l’universel de sa liberté. En effet, si l’esprit de l’homme est malade normosé et sclérosé, n’est-ce pas par l’esprit que l’esprit pourra être rendu à sa liberté ? Aujourd’hui chacun s’accorde à reconnaître l’urgence de la réponse à cette question. Peut-on expliquer autrement le regain d’intérêt que trouvent dans les sociétés contemporaines les questions éducatives et les sciences de l’éducation ? . Mon approche ne se confond pas cependant totalement encore avec la conception que donne Paul RICOEUR 2937 . En effet je ne distinguerai plus comme la philosophie le fait depuis KANT entre raison pratique et raison pure, raisonnable et rationnel, je postulerai que la raison est une : entièrement raisonnable et entièrement rationnelle.

Le drame de la modernité pourrait tenir entre autre dans cette séparation de ce qui par la culture judéo-chrétienne est unifié et unifiant : l’homme la raison et la personne. Et pourtant une dichotomie (qu’il faut distinguer d’une scission dans la raison humaine : la raison reste parfaitement une pourtant) est de toujours, elle exprime selon Maurice BLONDEL la distance entre Dieu et l’homme, le dialogue entre le geste et la pensée. Elle est signe de ce que certains appellent l’incontournable incomplétude, d’autres le péché ; autrement dit la séparation entre Dieu et l’homme.

‘Durant les longues nuits de Juillet dans la campagne embaumée de Grasse ou de Vence, la luciole de Provence poursuit son étrange vol d’ombre et d’éclat intermittents. Tour à tour elle s’allume et elle s’éteint. ’ ‘Tantôt elle éclaire d’un trait rapide son itinéraire capricieux en attirant le regard qui ne voit plus que ténèbres en dehors de son sillage de lumière. Tantôt elle disparaît, laissant revoir l’obscure clarté de la nuit pendant que nous nous demandons où surgira de nouveau la froide lueur qui va vers un but certain. ’ ‘Ainsi nos pensées alternent et composent leur rythme vital ; et leur clarté partielle avec ses étroites limites et ses intermittences, permet, par des éclipses mêmes, d’entrevoir l’immensité encore nocturne de la route à parcourir. L’apparition de l’idée de Dieu, si imparfaite ou même si anonyme qu’elle soit , suscite forcément dans la conscience une difficulté nouvelle, difficulté qui ne saurait plus être levée par un développement automatique, mais qui au moment où cette idée pourrait sembler apporter la solution suprême, vient poser une question qui met en jeu l’exercice d’une liberté. Loin donc d’être un terme satisfaisant pour l’esprit ou pour la volonté, cette idée de Dieu détermine au contraire un besoin un devoir, un pouvoir de dépasser le résultat obtenu par le dynamisme antérieur, par l’élan de la vie et la dialectique de la raison. 2938

Pour Maurice BLONDEL la pensée même lorsqu’elle ne se l’avoue pas est en fait une quête de Dieu. 2939 Entre la lumière de Dieu et la position de l’homme il existe cependant une distinction de place et de nature ( en d’autres termes nous pouvons dire que Dieu est le Tout Autre), et s’il se fait tout Proche, la perception de sa clarté nous renvoie à l’instar de la lumière intermittente de la luciole à la nuit opaque et au chemin à parcourir. Ces passages de la lumière aux ténèbres sont le propre de la condition humaine terrestre et séparée de Dieu qui n’est donc jamais la propriété d’un homme, et prolongeant la pensée de M. BLONDEL, d’une structure fut-elle religieuse, il ne peut qu’en constituer la quête. Le travail de la pensée comme de la perspective éducative sera de conduire l’être à savoir sa quête à en comprendre l’origine et donc à en poursuivre la marche. Dans ce sens, nous ne pouvons pas dire que la séparation entre rationnel et raisonnable, intellect pur et intelligence soit le propre de la modernité seulement et exclusivement elle est inhérente au questionnement de tout homme en quête de cette vérité dont l’apparition n’est qu’intermittente et surtout jamais une propriété de son être ou d’une structure humaine. Dans cette perspective en effet ce n’est point tant la raison qui est séparée en raison pure et raison pratique ou raison objective que l’homme qui tout simplement est séparé de Dieu. Or la distance entre Dieu et l’homme a été comblée par Dieu lui même en Christ.

L’universalité, finalité ou préalable ?

HEGEL, lorsqu’il décrit la source d’inspiration de l’art romantique écrit :

‘Le moment où l’esprit universel, dans son développement qui constitue l’histoire absolue, se concilie avec lui-même, est marqué par l’évolution de Dieu sur la terre. Cette conciliation se réalise par l’union de la réalité absolue et de l’individualité humaine et subjective. Un homme parmi les hommes est Dieu et Dieu est un homme réel. 2940

HEGEL lui-même, contrairement à ses successeurs matérialistes comme MARX et ENGELS, reconnaît donc comme fondateur d’une nouvelle naissance de l’universalité le fait de l’incarnation du Christ. C’est selon cette même conviction que je me permettrai de proposer une double symbolique d’origine biblique. Ma convergence avec le texte de HEGEL s’arrête cependant ici : en effet, pour HEGEL, c’est l’homme qui devra parvenir jusqu’à Dieu ; n’ajoute-t-il pas à ce qui vient d’être cité :

‘Il résulte de là que l’esprit de l’homme, dans sa nature et son essence, est véritablement esprit, que chaque homme comme homme a une valeur et une destination infinies. Il est le but de la pensée divine, et sa destinée est de s’unir à Dieu. Mais alors naît pour l’homme, a un degré beaucoup plus élevé, l’obligation de réaliser cette idée qui d’abord n’est qu’une vérité abstraite; c’est -à dire de se proposer comme la fin de son existence cette union avec Dieu et d’y parvenir. A-t-il rempli cette destination, il est en soi l’esprit libre, infini. 2941

Je pense, quant à moi, que par pure grâce, grâce pure, l’homme est épousé par Dieu, si bien que l’accession à Dieu n’est pas une ascension due aux efforts et aux mérite de l’homme mais une grâce offerte qu’il lui suffit d’accueillir. HEGEL reprend donc le schéma chrétien mais il occulte ce qui en donne le sens : la charité (agapè), l’amour. Le Christ l’homme Dieu est mort sur la croix et c’est ce sacrifice de Dieu par Amour qui indique aux hommes, le chemin. Tout ne se résout pas dans un rapport dialectique à caractère évolutif d’intérêts et de forces comme HEGEL le pense dans la dialectique du maître et de l’esclave, par exemple, mais dans la charité, le don de soi.

HEGEL reprend bien cependant l’idée du don de soi de la mort à soi-même :

‘..C’est l’’homme qui se dépouille corporellement et spirituellement de sa nature individuelle, c’est à dire qui souffre et meure; mais qui d’un autre côté , par les souffrances de la mort même, triomphe de la mort, ressuscite comme le dieu glorifié, comme l’esprit réel qui a revêtu il est vrai, la forme de l’existence la plus individuelle, mais n’est véritablement dieu dans son esprit que dans son église.’

Je ne partage pas ce point de vue non plus ; ce ne sont pas les souffrances de l’homme qui lui permettent d’accéder à la communion avec Dieu mais c’est Dieu lui même qui par ses souffrances donne à l’homme un cadeau gratuit. Enfin la distinction que fait HEGEL entre l’église et l’individu ne me conviennent pas, la personne se trouve réconciliée en Dieu dans l’église, c’est vrai, mais cette communion n’est pas fusion et ne suppose pas la disparition de la personne elle-même. La complexité et la difficulté de ma démarche : il faudra se tenir entre le rationalisme intellectuel de la raison objective et l’ irrationnel sentimentaliste pour retrouver l’espace lui-même créateur d’espaces nouveaux et insoupçonnés : celui de l’intelligence aimante et émue et généreuse, humble vaincue et pourtant victorieuse .. Deux modèles de l’universalité m’apparaissent et ils s’affrontent : Babel 2942 conserve l’universalité pour la construction commune visant le projet collectif, Noé 2943 considère l’universalité dans la création première donc en chaque créature, la construction d’une arche n’étant alors là que pour contenir et préserver “ce qui est à sauver” du déluge du temps et de la mort pour un passage.

Babel s’appuie sur la démarche et la visée du groupe, Noé sur l’élection de la personne.

Le modèle Babel ou l’hypostase du lien social.

Écoutons encore HEGEL qui décidément est un philosophe-clé pour comprendre la modernité.

‘Qu’est ce que le sacré ? demande GOETHE, dans un de ses distiques, et il répond : “ C’est ce qui unit les âmes“ Nous pouvons dire, en ce sens, que le sacré, comme but et lieu même de réunion pour les hommes, a été le premier objet de l’architecture indépendante. L’exemple le plus remarquable nous est offert par la description de la tour de Babel. Dans la vaste plaine de l’Euphrate, les hommes élèvent un ouvrage énorme d’architecture ; ils le bâtissent en commun, et la communauté du travail est en même temps le but et le contenu de l’ouvrage lui-même. En effetla fondation de ce lien social ne représente pas une simple réunion patriarcale. Au contraire l’unité de la famille s’est ici précisément dissoute, et l’édifice qui s’élève dans les nues est le symbole de cette dissolution de la société primitive et la formation d’une nouvelle et plus vaste société. Les peuples d’alors se sont réunis pour travailler à ce monument ; et comme ils se rassemblaient pour construire un immense ouvrage, le produit de leurs efforts devait être le lien social. 2944

La typologie de la formation qu’établit Georges ADAMCZEWSKI 2945 s’adapte relativement à la vérification du modèle Babel. 2946 Il repose sur ce que l’auteur dénomme comme les cinq grandes catégories de l’activité humaine appelés aussi noyaux signifiants :

  • Avoir, il est important de noter ici dans cette typologie la prééminence, l’antériorité de l’avoir sur l’être.
  • Faire, le matériau rassemblé permet de construire selon les règles du jeu social, du groupe.
  • Être, l’être ne vient qu’au troisième étage ou troisième noyau, comme l’émergence de l’interprétation individuelle d’un savoir et d’une construction que la société a au préalable normalisé.
  • Communiquer,la communication permet à un moment donné de faire le point de son propre investissement avant de repartir dans la construction commune..
  • Changer,l’objectif reste de changer transformer la condition qui fut première en une condition seconde.

La typologie d’ ADAMCZEWSKI se distingue cependant du modèle Babel dans la mesure où le changement est renvoyé à l’individu lui-même, dans la perspective Babel le choix du changement sa direction pourrait être collective ? A moins que tous ces changements plus ou moins librement consentis, conduisent à une cacophonie et à l’incommunicabilité. En effet nous pouvons lire les lignes qui suivent comme les étages successifs de la construction de la tour, dans le but ultime de changer (ou atteindre le ciel).

‘L’idée d’une telle progression vers les formes de plus en plus complexes de la formation peut prendre appui sur une approche logico-mathématique des catégories de l’apprentissage humain (Grégory BATESON 1977) 2947 . En usant en guise de conclusion de la métaphore du jeu, il devient alors possible de situer à un premier niveau, les pièces du jeu de la formation (savoir) à un deuxième niveau l’exercice des règles qui délimitent l’aire et la structure du jeu de la formation (faire), à un troisième l’expérience personnelle des réglages nécessaires pour s’intégrer au jeu (être) à un quatrième, les possibilités de confrontation de jeux et d’enjeux (communiquer) et enfin au sommet de la stratification logique ( changer) se trouverait ou se perdrait la faculté de se retirer du jeu ou d’en concevoir un autre. 2948

L’initiative en est aux hommes en groupe donc au groupe social.

L’universalité est dans “le lien social” : la construction d’une tour pour un projet de promotion de l’homme ...(atteindre le ciel )

L’orientation de la tension et du labeur est vers le futur ...L’objectif est de changer.

N’existe pour celui qui y travaille que le rapport à la construction.

‘HABERMAS 2949 dit que “le système colonise le monde vécu”. Il n’y a plus d’autres critères d’appréciation que la performance, la compétitivité, la rentabilité, nous avons une médecine industrialisée où les impératifs systémiques de l’appareil médico-pharmaceutique l’emportent sur le souci de la santé, une industrie culturelle appelée à persuader les consommateurs de la valeur symbolique des marchandises etc.. 2950

Les hommes qui entreprennent la construction de la tour parlent en principe une seule et même langue sans doute celle de leur projet commun...

Arrivés au sommet les hommes ne parlent plus la même langue et ils ne se comprennent plus : nous pouvons relier ce phénomène à la spécialisation que suppose l’évolution extrême des sciences contemporaines. Cette spécialisation est semble-t-il, et c’est notre hypothèse moins imposée par la nécessité de connaître que par les références que le savoir se renvoie à lui-même. 2951

Le modèle Noé ou l’universel accueilli.

Dans la Bible, il est question du déluge, comme semble-t-il aussi, dans toute les cultures anciennes du bassin méditerranéen. Partout semble-t-il, ( l’aventure de Gilgamesh 2952 pour les Mésopotamiens, par exemple), le déluge est fondateur de l’ ordre naturel premier, de ses rythmes et de ses cycles, de sa continuité. Dès le judaïsme, Noé est l’artisan de la première alliance déjà signifiée comme perpétuelle, dont l’arc en ciel est le rappel 2953 . Dans le livre de la Genèse, la promesse que Dieu fait à Noé et par répercussion aux hommes est la suivante.

‘Dieu dit à Noé : “Tant que la terre subsistera, les semailles et les moissons, le froid et la chaleur , l’été et l’hiver, le jour et la nuit ne cesseront point.” 2954

Ici, l’universalité se rencontre dans ce premier pas de Dieu vers l’homme, don gratuit offert à tous les hommes : le jour la nuit, l’hiver, l’été, le froid la chaleur dont la perpétuité constitue un ordre premier immuable qui ne dépend pas de l’homme mais grâce auquel et sur lequel l’homme peut désormais se construire ; construire son existence. Cette alliance perpétuelle sera renouvelée à Abram qui deviendra Abraham 2955 , rappelée à Isaac à Jacob, à Moïse, rappelée aux prophètes. Tout le judaïsme et sa vocation sont dans ce message d’universalité qu’à travers un peuple, Dieu veut adresser à tous les hommes.

Cette alliance est incarnée et accomplie en la personne du Christ 2956 , lui même alliance renouvelée éternelle . Le christianisme se construit donc sur ce prolongement et non en rupture avec le judaïsme ; comme celui-ci se construit en prolongement et non en rupture de l’alliance faite à Noé. Dans ce prolongement, il est donc légitime de dire, que l’universalité est dans le premier pas de Dieu vers l’homme, promis à Noé, concrétisé en Israël, manifesté en Christ. Se retrouve ainsi sur les trois niveaux de réalité, la création, la nation instituée, et la personne, l’expression d’une alliance, d’un ralliement inconditionnel au sens évoqué par BUBER de Dieu à l’homme, permettant à l’homme par le modèle du Christ, de se rallier inconditionnellement, à son tour, à Dieu. Il est ô combien intéressant que l’idée de l’école moderne et son principe d’universalité qui germeront aux XVI° siècle dans la pensée de Jan Amos KOMENSKY, ne parte pas sur d’autres bases que cet universel devant être premièrement accueilli, puis remercié rallié comme une grâce.

‘Si nous recherchons en vertu de quelle force l’univers composé de parties si distinctes se maintient dans son être , nous constatons que c’est uniquement par l’ordre qui est la juste disposition des choses dans l’espace et dans le temps ...C’est pourquoi quelqu’un a dit que l’ordre c’est l’âme des choses. .... La nature et l’art nous en offrent clairement toute sorte d’exemples. 2957

KOMENSKY (1592-1670) écrit encore comment la découverte, et l’approfondissement, par la personne de l’élève, de cet ordre naturel premier offert gratuit stable, est une finalité essentielle de l’éducation. Bien avant John DEWEY (1859 1952) aux USA, Ovide DÉCROLY (1871 1932) en Belgique, Célestin FREINET en France (1896 1966), il conduira ses élèves à étudier la nature sur place à cultiver le miel des ruches tout en étudiant les abeilles, il sera l’inventeur de l’école et des pédagogies actives avant la lettre. 2958

‘Tout compte fait on arrive à la conclusion suivante : il faut le plus possible apprendre aux hommes à tirer le savoir non point des livres mais du ciel de la terre des chênes et des hêtres , je veux dire qu’il faut leur apprendre à connaître et à scruter les choses directement en elles-mêmes et non par le truchement des observations et des témoignages d’autrui. 2959

Noé c’est la personne que Dieu choisit préférentiellement au groupe. Curieux et réjouissant, de constater que ce modèle d’universalité ainsi proposé n’est pas, malgré cela, et sans doute même grâce à cela, en opposition donc avec l’idée de l’école moderne, puisque qu’il semble même, au contraire, l’avoir fondée. Ici c’est bien le singulier de Noé, qui se trouve être disponible à l’oeuvre universelle de Dieu. Noé ne se trouve en aucun cas mutilé de lui même pour atteindre cet ordre premier des choses fondateur. Au contraire, par sa disponibilité, il permet la sauvegarde de la création. Noé écoute, accueille, agit dans le présent, et attend ensuite que Dieu, dans le temps qui passe, fasse ... son oeuvre.

Apprendre : entreprendre chercher ... 2960

Ces trois verbes que nous empruntons à l’analyse de Bernadette AUMONT et MESNIER Pierre Marie peuvent constituer une entrée pour analyser l’acte d’apprendre. Cette analyse s’appuie sur trois enquêtes qualitatives menées auprès d’entrepreneurs et de “processus d’entreprendre “, de chercheurs et de “processus de chercher”, et par l’analyse de trois dispositifs de formation jeunes. L’étude des processus entreprendre et chercher a montré comment un sujet se constitue par le fait qu’il se sent autorisé à exercer son indépendance dans l’activité de constitue d’un objet (le chercheur) ou d’une mise en projet (l’entrepreneur). 2961 Pour les chercheurs, l’acte d’apprendre se constitue lui-même d’entreprendre et chercher ... et d’apprendre. 2962 L’intérêt d’une telle démarche est d’être menée en partie à l’extérieur des instances classiques de l’éducation. Ses conclusions la rapprocheraient du modèle de Noé 2963 de l’universel. Noé apprend (étymologiquement saisi, par l’esprit ). Noé comprend (étymologiquement embrasser ou saisir ensemble). Noé entreprend ( entre (deux) prendre, suppose une situation initiale et situation terminale) ; la construction d’une arche. Noé cherche ce qui est a sauvé.Le principe initial en est l’élection 2964 : C’est la personne qui s’impose au groupe social.

L’intention est aussi le futur puisqu’il s’agit de sauver des eaux (de l’oubli et de la mort ) des animaux de chaque espèce. Mais la construction ou l’entreprise que suppose l’arche est ouverte sur l’extérieur ; l’arche est faite pour rechercher et accueillir les espèces animales à sauver ; pour un passage entre deux mondes. L’objectif de Noé est de sauver du déluge.

Cela nous rappelle le travail d’ARISTOTE qui à force d’observation finit par “catégoriser” animaux et plantes qu’il s’agit de distinguer les uns des autres. 2965

Cependant, alors que le moyen premier et dernier selon ARISTOTE est le concept, dans le modèle Noé il s’agit plus de distinguer, discerner, pour sauver, non pas l’idée, mais l’être lui-même.

Autrement dit, ARISTOTE établit un régime de causalités qu’il distingue en quatre types : la cause finale (l’intention) la cause formelle (logique), la cause matérielle (physique), la cause motrice ou efficiente (l’explication). C’est à travers ce régime qu’il observe les animaux et qu’il obtient ses classifications .

Le modèle Noé peut se passer de ce régime aux accents de déterminisme. Il s’agit peut-être davantage de distinguer sans catégorisation conceptuelle. Simplement la distinction y est de nature existentielle et essentielle, à la fois 2966 . L’essence et l’intelligible réel d’une part ; l’existence, la contemplation et la tension ou l’accouchement de l’être vers l’idée d’autre part ; qui différencient classiquement ARISTOTE de PLATON supposent tous les deux par des voies symétriques un divorce, et un dialogue, entre théorie et pratique, matière et concept. Ils sont ici à la fois supposés réconciliés et comme dépassés.

Nous reviendrons sur cette différenciation qui nous conduira à distinguer la théorie et la pratique selon la philosophie grecque , le geste et la pensée selon le message judéo chrétien.

e) Trois oppositions clés entre les deux modèles.

Nous allons distinguer trois niveaux d’opposition entre les modèles Babel et Noé : le rapport au temps, le rapport à la construction (ou à l’institution), la forme du savoir.

Deux conceptions du temps.

‘L’histoire réelle n’est pas le tout ou rien , ni le tout, tout de suite. Il ne faut pas oublier cette grande vertu de l’Esprit, aujourd’hui dévaluée : la patience de notre Dieu, notre propre patience. Il nous faut savoir assumer le temps, le temps de la naissance de la liberté. 2967

Une des oppositions fortes entre le modèle Noé et le modèle Babel tient au rapport au temps. Claude LEVI-STRAUSS 2968 parle de “sociétés horloge” ou “sociétés froides” et de “sociétés machines à vapeur” ou “sociétés chaudes” pour distinguer celles où le temps est vécu comme une circularité reproduite, dans la société traditionnelle tribale, et celle où le temps est représenté comme une projection vers le futur, la société moderne contemporaine. Notons au passage le paradoxe si la société horloge est simplement reproductive, les conflits de classe et d’intérêt y sont inexistants, les rapports humains se déroulent suivant les normes d’un ordre social établi. Ici toute nouveauté tient du miracle elle est reçue comme telle. La société “machine à vapeur” que nous avons vu naître avec l’hypostase de la pensée objective, sur une volonté de rationalisation de la pensée sociale, de neutralisation des passions, de stérilisation des conflits, est au contraire une société chaude, où la croissance exponentielle légitime toute nouveauté comme un dû et comme un progrès. Dans cette dernière société, les relations humaines sont basées sur le rapport de force les principes de luttes de classes et des conflits d’intérêts d’où leur nom de société chaude que Claude LÉVI-STRAUSS leur donne.

Pour Babel le temps se rapporterait davantage à Cronos 2969 qui dévorait ses enfants au fur et à mesure qu”ils naissaient. Il s’agit d’une course contre le temps, le temps c’est de l’argent, c’est à chaque instant le “tout ou rien” ,coincé entre le “tout gagné”, ou le “tout perdu” ; tout n’a de sens que par rapport à l’objectif figé et ciblé : le “projet” que l’on s’est proposé. L’organisation scolaire classique avec des diplômes, qui doivent être passés dans les temps, est assez proche à première vue, des conséquences de ce modèle. Pour Babel le temps est toujours l’adversaire, il faut construire plus vite qu’il ne dévore.

Le dilemme de cette dualité est-il incontournable ? Une troisième voie n’est-elle pas possible ?

Si Babel semble bien à première vue conforme au type de “société machine à vapeur” tournée vers le futur, Noé ne se confond pas avec “une société horloge” où le temps ne serait qu’une reproduction perpétuelle d’une même réalité sociale comme un rituel perpétuellement recommencé.

Pour Noé, le temps n’est pas le lieu d’un éternel recommencement, il existe une promesse une ouverture vers le futur, le temps c’est l’instrument avec lequel Dieu travaille dans l’intensité du présent pour ouvrir l’avenir.

Deux conceptions du rapport à l’institution.

Babel est un monde clos, fermé sur lui-même et au monde extérieur. L’institution doit se protéger, en effet, des agressions du monde extérieur qui risquent de perturber la construction commune. Paradoxalement, le sacrifice de la personne à l’autel de la collectivité sociale et de la construction commune conduit à la recherche du diplôme, du bénéfice individuel au détriment de l’intérêt commun. Le sacrifice de l’universel à l’autel du général et du singulier à l’autel du particulier, conduit l’homme à se singulariser par l’extravagance et l’originalité pour se distinguer des autres, la centration sur son soi-même. Et voici, qu’à force de sacrifice de la personne et de ruptures radicales avec le monde, les hommes ne parlent plus tout à coup la même langue. L’excès d’individualisme est la seule réponse sociale que trouvent les hommes pour survivre au concept hypostasié de la pensée objective et par voie de conséquence de la généralité en lieu d’universel. Le ”tout sacrifice pour l’institution” conduit à la mort de l’institution elle-même à son implosion à la dispersion des hommes 2970 .

C’est cette indifférence généralisée que dénonce le psychanalyste Tony ANATRELLA comme source de la crise de notre société aujourd’hui.

‘Si la reconnaissance de la liberté individuelle dans nos sociétés est le résultat d’une longue évolution et d’une maturation du sens chrétien de la personne humaine et de son lien social, le sens actuel de la liberté est plutôt celui de chacun pour soi. De même l’esprit de tolérance devient synonyme d’indifférence et ne reflète plus la conscience d’être engagé dans une histoire commune, où les actes individuels font progresser ou régresser l’ensemble. 2971

Du côté de Noé c’est ... la personne de Noé elle-même que Dieu institue en quelque sorte. L’arche pourrait cependant bien en être le symbole : société ouverte dont parle K. POPPER 2972 . Ouverte sur le monde dont elle contribue à sauvegarder la vie. Ouverte sur l’avenir, elle est parée pour le passage du déluge. Ici, le rapport est inversé par rapport à Babel : l’arche que Dieu demande de construire à Noé personnellement pour sauver lui et les siens va de fait contribuer à préserver la vie du monde. Le personnalisme de Noé a conduit à la prise en compte de l’intérêt collectif. François CHÂTELET et Évelyne PISIER KOUCHNER 2973 écrivent qu’il existe dans notre modernité plusieurs types d’états :

  • L’état gérant d’une société humaniste ouverte semble répondre au modèle Noé. Les trois autres modèles pourraient rejoindre le modèle Babel.
  • L’état nation essaie de construire une entité nationale : la nation c’est le matériau qui sert à construire la tour.
  • L’état parti essaie de brosser les lignes idéologiques, communes à tous, c’est le plan qui préside à la construction de la tour.
  • L’état savant veut se donner les moyens d’asseoir une autorité. Le moyen c’est le savoir objectif. Sa monopolisation par l’état donne naissance à l’hypostase du lien social par le savoir objectif célébré comme Dieu.

Deux conceptions du savoir.

Pour Babel il s’agit d’un savoir idée construit et dont l’objet est une hypothèse volontariste du dépassement. (atteindre le ciel). Le rapport à la construction est premier et dernier, il s’agit d’un savoir objet et prioritairement objet, on peut agir sur lui et changer à chaque instant les modalités de la construction de la tour. Il est mû par une idée un idéal à atteindre hors de la réalité terrestre. C’est l’idéal qui est le but ultime : cet idéal auquel le groupe accède suppose une rupture de plus en plus radicale avec la réalité environnante : la création. La construction se coupe du monde pour ne plus se référer bientôt qu’à elle seule.

Pour Noé il s’agit d’un savoir vivant toujours d’abord accueilli, c’est à dire, à la fois concret, sujet et objet. On peut reprendre, sans crainte, à son propos, l’expression de Carl ROGERS la science est dans les personnes.. Ce savoir est vivant parce que, qu’il s’agisse d’entreprendre la construction de l’arche, de rechercher des animaux, d’écouter les enseignements de Dieu ; il y a toujours une intention qui se concrétise (le concret),une personne qui agit (un sujet), un extérieur à soi à découvrir (un objet).

Ce savoir est tout à la fois singulier et personnel, mais non pas particulier, au sens de clos au monde des autres, il rejoint l’universel, mieux même, ici, il le fonde.

Ce savoir enfin, est accueilli, tout commence en effet par une parole dite à Noé, parole à accueillir, identifiant son être, et tout, au long de cette histoire, est écoute accueil. L’arche accueille la création, la création accueille l’arche comme Dieu accueille Noé et Noé accueille Dieu.

Et nous atteignons au singulier (et “extraordinaire”) paradoxe :

L’accueil de l’universel comme préalable, don gratuit à accueillir, est en soi, fondateur d’une universalité pour d’autres, pour tous les autres.

Notes
2860.

D’après LE ROBERT dictionnaire de la langue française (2° édition Paris 1985) tome 9

... et le nouveau dictionnaire étymologique historique Librairie Larousse Montrouge (1964)

2861.

JP. SARTRE, A. CAMUS pour l’existentialisme humaniste athée ou agnostique (teinté de marxisme pour SARTRE ), le personnalisme de E. MOUNIER pour l’existentialisme chrétien, par exemple ...

D’ailleurs, pour KIERKEGAARD, (en qui l’on peut voir le fondateur de l’existentialisme moderne), c’est la singularité ” toute nue” tendue entre la mort à soi même et la vie en Christ qui exprimerait toujours une vérité universelle en opposition à toute forme stable rationnelle ou dogmatique (voir à ce sujet le commentaire qu’en fait E. LÉVINAS).

E. LÉVINAS “Noms Propres” biblio essais édition. fata Morgana Paris 1976 153 pages :

On peut lire les pages consacrées à KIERKEGAARD p.88 89 90 91 92 où LÉVINAS parle du “déchirement permanent, un aboutissement qui n’est pas un aboutissement”, il ne semble pas que LÉVINAS comprenne ou agrée les positions de KIERKEGAARD.

2862.

Approche de la philosophie par la définition de ce qui constitue la chose en soi en opposition aux philosophies de l’existence ...(voir note à suivre pour la définition de l’existence)

2863.

ARISTOTE “ARISTOTE “ou la raison sans démesure “ De l’interprétation chapitre 7 18 b 37 cité par l’abbé Paul GRENET à la page 38 chez Seghers. Collection” savants du monde entier” Paris 1962 pp 207

2864.

Approche de la philosophie par ce qui arrive et ce qui survient en opposition à la philosophie de l’essence. Pour l’existentialisme l’existence précède toujours l’essence. ..(voir note précédente pour la définition de l’essence)

2865.

Jean Paul SARTRE in “l’existentialisme est un humanisme” NAGEL Paris 1970 141 pages p. 69,.

2866.

Paul RICOEUR in revue ” Autres temps “ Les cahiers du christianisme social n ° 3 Automne 84 .”Fondements de l’éthique” Exposé de Paul RICOEUR au centre protestant de l’ouest lors d’une session sur “Ethique et politique en Juillet 83 p 61 à 71

cf Cahiers du CPO n° 49 50 Décembre 1983 79370.Celles sur Belle.

Guy AVANZINI reprend, en grande part, une définition semblable lorsqu’il signale que la question éthique mot d’étymologie grecque succède à la morale dont l’étymologie est latine lorsque les valeurs sociales n’étant plus communes le positionnement face à la question des valeurs devient forcément un positionnement singulier.

2867.

JANKELEVITCH “Le paradoxe de la morale” Le Seuil Paris (1981) Collection points p.45 (192 pages)

2868.

Albert CAMUS “Le mythe de Sisyphe” collection les essais Gallimard Paris 1943 189 pages (p. 130)

2869.

NIETZSCHE “Par delà le bien et le mal” Aubier Paris 1951p 163 (251 pages)

2870.

Max HORKEIMER “Les débuts de la philosophie bourgeoise de l’histoire” petite bibli. Payot Paris 1970 p. 146, 147 .

2871.

Jean Paul SARTRE écrit : “La praxis est la mesure de l’homme et le fondement de la vérité “; cité par :

Josiane SCHIFRES in “Le lexique de philosophie” Hatier Paris 1980 p. 125 (158 pages)

2872.

ERIBON Didier in “Nouvel Observateur” n° 1304 2/8 Nov. 1989 ; p 179.

Au sujet du livre “Matière à penser “ de Jean Pierre CHANGEUX, Alain. CONNES ; interviewés par Odile JACOB.

2873.

Gaston BACHELARD “ La formation de l’esprit scientifique” p. 251 librairie philosophique J. Vrin Paris 1989.

2874.

Gaston BACHELARD “Le rationalisme appliqué” PUF Paris 1975 pp 22 24 (Paris 1962) .

Cité par Michel DEVELAY “De l’apprentissage à l’enseignement” ESF éditeur Paris 1992 p. 110.

2875.

Bruno DUBORGEL” L’imaginaire et Pédagogie” PRIVAT Toulouse 1983 277 pages

DUBORGEL oppose “l’homo Symbolicus” et l’universel imaginatif à “l’homo Académicus” de Pierre BOURDIEU et l’universel rationaliste. Voir donc également :

Pierre BOURDIEU : “Homo Academicus” Les éditions de minuit Paris 1984.

2876.

Lire en particulier de Gaston BACHELARD

La psychanalyse du feu”. GALLIMARD Paris 1969.

Le droit de rêver” PUF Paris 1970.

BACHELARD Gaston “La poétique de la rêverie” PUF Paris 1971 p. 47

La poétique de l’espace” PUF Paris 1972 .

2877.

B. DUBORGEL in op. cit; p. 245

Citant, en partie, M. ELIADE “Images et symboles.” Essais sur le symbolisme magico religieux Gallimard Paris 1963 p.13

2878.

Nous l’entendons selon la définition de Littré “ Ensemble de règles qui doivent diriger l’activité libre de l’homme”

2879.

Emmanuel KANT en 1784 a écrit “Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique”.

Ce traité comprend neuf propositions.

E. KANT “Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique”(texte intégral) commentaire de J. M MUGLIONI. Ed. Bordas Paris 1992 190 pages.

2880.

Ibidem p. 15 introduction à la cinquième proposition.

2881.

Pensons à l’ensemble de l’oeuvre de RABELAIS et l’éducation à l’abbaye de Thélème. Peut-on relier, en tout cas j’en prends le risque, ÉPICURE à la philosophie d’HÉRACLITE ? HÉRACLITE(-576,-480) évoquait le devenir comme étant toujours nouveau, “On ne se baigne pas deux fois dans une même rivière” . Il y a dans la recherche de la jouissance dans l’instant, et dans la nature quelque chose comme une réminiscence de cette philosophie héraclitéenne, me semble-t-il.

2882.

On oppose fréquemment HÉRACLITE (-576,-480) qui évoquait le devenir comme étant toujours nouveau, au PARMÉNIDE (-544;-450) qui prônait au contraire l’idée d’une permanence de l’être et des situations.

HÉRACLITE inspira fortement HEGEL qui trouvait en lui le premier des philosophes de l’histoire. Dans ce sens nous pouvons dire que le stoïcisme s’oppose parfaitement à l’idéalisme hégélien et au principe d’une dialectique motrice d’une évolution historique.

On pourrait également opposer HÉRACLITE à l’Ecclésiaste de la Bible. (voir le livre de l’Ecclésiaste ou Qohélét attribué généralement au roi Salomon).

“Rien de nouveau sous le soleil. ” l’Écclésiaste chapitre 1 verset 9

“Est-il une chose dont on dise : “Voici du neuf...” Cela existait déjà dans les siècles qui nous ont précédé.”

Livre de l’Ecclésiaste chapitre 1 v. 10; traduction du théologien réformé :

Alphonse MAILLOT “Frères il faut mourir” ou ” La contestation” Commentaire de l’Ecclésiaste. Les cahiers de réveil. Lyon 1971. 215 pages (p. 14)

2883.

KANT écrit : ” J’entends par règne la liaison systématique de divers êtres raisonnables réunis par des lois communes”

KANT ”Fondements de la métaphysique des moeurs” 191 pages Bordas Paris 1988 - deuxième section (maxime 61) p68

2884.

Ibidem p 68, 69, 70, 71, 72.

2885.

Henri BERGSON “Les deux sources de la morale et de la religion.” Alcan Paris 1932 ; 4° édition PUF 1990 (352 pages)

2886.

Henri BERGSON “Durée et simultanéité “Alcan Paris 1922 2° édition 1923 p 101 (228 pages) cité par François MEYER “Pour connaître BERGSON” Bordas Paris Février 1985 p. 101 (124 pages)

2887.

Henri BERGSON L’énergie spirituelle” PUF Paris 1946 42 ° édition (1° édition Alcan 1919) p. 23

2888.

Ibidem p.25

2889.

“C’est Lui, Allah qui a envoyé Son Apôtre (Mahomet), avec la Direction et la Religion de la Vérité (l’ Islam) pour la placer au-dessus de toute religion.” (Le Coran ch. 61 v. 9 Trad. MONTET).

2890.

DÉMOCRITE combattu violemment, dit-on, par PLATON, prétendait, dans sa physique, que les dieux n’avaient pas à intervenir dans l’explication de l’univers. Les vrais principes explicatifs de toute chose étaient, d’après lui, le vide et l’atome (insécable éternel) dont les propriétés se lisent en termes exclusifs de forme de mouvement et de grandeur.

2891.

La BAGHDAD-GITA telle qu’elle est

Editions Bhaktivedanta Edition originelle texte sanskrit originel. Paris 1976 XVIII 51 53.p 342

2892.

Notons ici l’opposition radicale et classique entre le nirvana du bouddhisme et la communion chrétienne. Le nirvana est un terme sanskrit qui marque la fin du cycle des réincarnations, il signifie étymologiquement le “non rien “ ou encore “l’extinction”. Il signifie la dilution de l’âme individuelle dans l’âme collective ou suprême.

La communion chrétienne s’appuie au contraire sur l’existence de la personne son unicité, son nom. Ici, point de réincarnation, le Royaume de Dieu est souvent comparé par Jésus à un festin, où chacun a une place de fils à l’invitation du Père.

La communion chrétienne n’est pas une fusion.

2893.

Gabriel MARCEL Homo Viator Ed. Aubier Paris 1945 p. 35 nouvelle édition 1964 ; (376 pages).

Cité par J. PARAIN- VIAL G. MARCEL p 158 159 Seghers Paris 1966 (179 pages)

2894.

Epître de Paul aux Romains VIII 16

2895.

Livre du Deutéronome chapitre 30 verset 6

2896.

Livre du Lévitique chapitre 19 verset 18.

2897.

Livre de l’Exode chapitre 20 verset 13.

2898.

Jérémie chapitre 31 verset 33 “ Je mettrai ma loi au dedans d’eux, je l ‘écrirai dans leur coeur.”

2899.

Livre du Deutéronome chapitre 10 v. 18 “Il fait droit à l’orphelin et à la veuve.” Psaume 146 v. 7 “Il fait droit aux opprimés.

2900.

Ésaïe chapitre 2 v. 4 “Ils forgeront de leurs épées des socs.” voir Michée Chapitre 4 v. 3

2901.

Ésaïe chapitre 32 verset 15, ch 35 versets 1 et suivants, chapitre 41 verset 16, chapitre 51 verset 3.

“Il rendra le désert semblable à un éden.”

2902.

Évangile de Jean chapitre 18 verset 36. “Mon Royaume n’est pas de ce monde.”

Voir aussi dans l’ évangile selon Matthieu au chapitre 4 verset 8 et suivants, la tentation faite au Christ de posséder les royaumes de la terre et son refus.

2903.

Cette opposition atteint à son paroxysme au moment de la croix. Dieu choisit de donner sa vie pour l’homme, par Amour.

2904.

“On ne dira pas : “il est ici ou il est là” . Car voici le Royaume est au milieu (au dedans) de vous.

Évangile selon saint Luc chapitre 17 versets 20/21.

2905.

Mot grec pour dire amour que l’on ne trouve pratiquement que dans la Bible ancien et nouveau testament.

Les grecs utilisaient également érôs (ou éros) et philia (amour amical.).

D’après Encyclopédie de la Bible . (p. 13)

2906.

PLATON “Le banquet” Gallimard Paris 1950 ; (187 pages).

Introduction Yvon BELAVAL. Notes et traduction : Léon ROBIN.

Lire la parabole des convives dans l’évangile selon saint Matthieu chapitre 22, versets 1 à 14.

2907.

Gabriel MARCEL “ Les hommes contre l’humain” La Colombe Paris 1951 (N.. édit. Édit. Uni;. en 1991 (171 pages). Cité par : Jeanne PARAIN-VIAL “Gabriel MARCEL” Éditions Seghers Paris 1966 (186 p) p. 162

2908.

Jean CONILH “L’homme, animal politique ?” in revue Esprit 25 ° année” n°252 Juillet Août 57 pp 1 à 18

2909.

René GIRARD “La violence et le sacré” livre de poche pluriel Ed. Grasset Paris 1980

Du même auteur “Des choses cachées depuis la fondation du monde” Ed. Grasset et Fasquelle Paris 1978

Du même auteur “Le bouc émissaire” livre de poche Ed Grasset et Fasquelle Paris 1982

2910.

ROUSSEAU “Du contrat social” chez Garnier Flammarion Paris 1968 p. 52 ;187 pages. Passage souligné par moi-même.

2911.

Émile DURKHEIM“Les formes élémentaires de la vie religieuse”PUF Paris 1968 p 12/13

cité par Jack GOODY “la raison graphique” Ed. de minuit 1979 Paris p 64 (déjà mentionné)

2912.

Se reporter au Nouvel Observateur (revue) n°1304 du 2 au 8 Novembre 1989 p.58, 59. Lettre commune au Ministre de Élisabeth BADINTER, Régis DEBRAY, Alain FINKIELKRAÜT, Elisabeth de FONTENAY, Catherine KINTZLER tous défenseurs de l’idée que le foulard était de fait une agression, à l’idée, aux valeurs, à l’ordre de la République .

2913.

J. C MILNER “De l’école” Ed. Seuil Paris p. 9 1984 153 pages

2914.

Ibidem p. 151

2915.

Je pense ici à cette phrase connue généralement attribuée à MUSSOLINI pourtant très éloigné des idées politiques et philosophiques de J. C. MILNER : “l’État c’est la conscience des consciences”. La dérive antidémocratique de cette pensée me paraît évidente. L’état ne devrait , de mon point de vue, qu’être le garant de la liberté des consciences personnelles et collectives.

2916.

C VIRGIL GHEORGHIU “La vingt-cinquième heure“ PLON Paris Le livre de poche p. 492 (502 pages)

2917.

Everett REIMER ”Mort de l’école” Editions Fleurus collection “Education et société” Paris 1972 p 85

2918.

Évangile selon Marc chapitre 2 verset 27 28 “Jésus leur disait : le sabbat est pour l’homme et non l’homme pour le sabbat de sorte que le fils de l’homme est maître du sabbat” ; Jésus veut signifier que les règles et les lois dont le respect du sabbat était le symbole en Israël trouvaient leur sens, non dans le respect seul de la lettre mais dans l’esprit d’amour qui les a suscitées pour le bien et l’édification de l’homme. Ainsi Jésus guérissait les malades le jour du sabbat scandalisant les pharisiens ... La phrase post citée de Jacques MARITAIN reprend la même formule. Ici “sabbat “ est remplacé par “état” .

L’intention et le sens de la formule semblent bien s’inspirer des paroles du Christ.

2919.

Jacques MARITAIN est traduit de la version originale en langue anglaise par Robert et France DAVRIL

“L’homme et l’Etat”PUF Paris 1953p. 12

2920.

Gabriel MARCEL “Les hommes contre l’Humain” p 12 Ed. La Colombe Paris 1951

cité par J. P. VIAL G. MARCEL p 159 Éd. Seghers Paris 1966.

2921.

Gabriel MARCEL ” La dignité humaine” Éd..Vitte Paris 1955 p129

cité par J. P. VIAL “G. MARCEL” p 75 Éd. Seghers Paris 1966 (179 pages)

2922.

Martin BUBER “Je et Tu “ Paris Ed. Aubier Montaigne, 1938-1981 ; préface de Gaston BACHELARD.

2923.

Emmanuel LÉVINAS ”Noms propres “op. cit; p.23 à 48 ; passage consacré à Martin BUBER :

“Martin BUBER et la théorie de la connaissance”.

2924.

Lettre de Martin BUBER peu avant sa mort à Emmanuel LÉVINAS.

Cité par Emmanuel LÉVINAS dans “Noms Propres” op. cit; pages 47 et 48

2925.

Emmanuel MOUNIER “Manifeste au service du personnalisme” Oeuvres complètes

Ed. Seuil 1961 tome 1 page 527-528; 940 page

2926.

Michel SERRES “Le tiers-instruit “ Bibliothèque François Bourin Paris 1991 p. 16 252 pages

2927.

Michel SERRES Le tiers instruit Editions François Bourin Paris 1991 p17

2928.

Citation d’une phrase de Gaston PARAVY dite en cours de technologie des apprentissages en Maîtrise de Sciences et Techniques de l’Éducation à l’Université LYON 2 Année scolaire 1992 1993

2929.

SPINOZA, Éthique livre II texte et trad. Fr. de C. APPUHN, Paris Vrin 1977...

cité par Paul RICOEUR “Soi-même comme un autre” Le Seuil Paris 1990 (420 pages) p. 21

SPINOZA (1632 1677), lecteur de DESCARTES et enseignant même de la philosophie cartésienne, élabore une métaphysique panthéiste où l’idée vraie de Dieu se concrétise dans la véritable sagesse et la véritable liberté qui sont dans la compréhension et l’amour intellectuel de la nature qui libère l’âme des passions et de ses servitudes et lui procurent la jouissance d’une joie incessante et éternelle. SPINOZA sépare les idées vraies claires et distinctes des idées forgées ou idées fausses dont elles se distinguent par un caractère tout à la fois “extrinsèque et intrinsèque”. (SPINOZA” oeuvres 1 “FLAMMARION Paris 1964 ; (439 pages) ; traduction de C APPUHN ). L’idée qu’il puisse y avoir des idées vraies et d’autres fausses ou forgées, semblent introduire une division dans le monde de la pensée, d’autre part l’approche intellectuelle de SPINOZA, sa défiance de la passion distingue le Dieu créateur, approche sa grandeur mais ne laisse percevoir le miracle de la charité qu’après l’entendement de celle-ci, n’y a-t-il pas encore une séparation inutile, comme une réduction de l’Amour de Dieu, et du chemin opéré en Christ pour rejoindre l’homme ? Pour SPINOZA, prolongeant la séparation cartésienne, l’homme devra combler la distance qui le sépare de Dieu, celle-ci n’est pas d’ores et déjà comblée. D’une certaine façon voici encore l’homme non seulement livré à lui-même mais contraint de gagner Dieu par l’ascèse de sa pensée ... N’y a-t-il pas là comme une brèche au message de pure grâce du Dieu de Jésus Christ de la charité ?

2930.

in” Bulletin des amis de E. MOUNIER” Doullens Juin 1977 numéro 47 p.10 Extrait des conclusions de la thèse d’Emmanuel MOUNIER “Du conflit entre l’anthropocentrisme, et le théocentrisme dans la philosophie de DESCARTES.”

D’autre part comme un prolongement de ce qui dit E. MOUNIER : Paul RICOEUR “Soi-même comme un autre” Le seuil Paris 1990 (420 pages) : “ De l’autre côté côté, pour tout le courant de l’idéalisme, à travers KANT, FICHTE et HUSSERL ( du moins celui des Méditations cartésiennes), la seule lecture cohérente du Cogito, c’est celle pour laquelle la certitude alléguée de l’existence de Dieu est frappée du même sceau de subjectivité que la certitude de ma propre existence .... (p 21)”

RICOEUR montre comment s’est opérée la rupture du système dont parlait E. MOUNIER : la mise en doute de l’existence de l’homme s’est déplacée vers la mise en doute de l’existence de Dieu.

2931.

HEGEL est le premier des philosophes à défendre l’idée que l’histoire soit l’oeuvre par excellence de la raison, et par conséquence le fait politique peut exister et s’imposer selon cette même loi .

Reprenons la synthèse du Petit Robert au sujet de la philosophie hégélienne :

”Englobant le cercle total des sciences le système hégélien est une présentation de l’absolu se développant selon un système triadique : posé et pensé en-soi (logique), il s’objective hors-de-soi et pour soi (philosophie de la nature) pour revenir auprès de soi à la fois en-soi et pour soi (philosophie de l’esprit).”

2932.

Paul RICOEUR “Du texte à l’action” Essais d’herméneutique II Collection Esprit Seuil Paris 1986 p256

2933.

Ibidem p257 (406 pages)

2934.

Michel FOUCAULT “Surveiller et punir” Gallimard Paris 1975 360 pages

Il écrit en note à la fin de cet ouvrage consacré à l’évolution de l’univers carcéral entre le XIV° siècle et le XIX° siècle ceci : “J’interromps ici ce livre qui doit servir d’arrière plan historique à diverses études sur le pouvoir de normalisation et la formation du savoir dans la société moderne.” p360 (en notes). Michel FOUCAULT décrivait la modernité comme un ensemble de mesures pour “...quadriller, contrôler, mesurer, dresser les individus, les rendre à la fois dociles et utiles. Surveillance, exercice, manoeuvres, notations, rangs et places, classements examens enregistrements, toute une manière d’assujettir les corps, de maîtriser les multiplicités humaines et de manipuler leurs forces s’est développer au cours de ces siècles dans les hôpitaux, à l’armée, dans les écoles, les collèges ou les ateliers : la discipline.” En post couverture de la dernière édition de poche parue en 1993

2935.

J’ emprunte ce terme à :

Gilbert C. RAPAILLE et Michèle BARZACH coauteurs “J’aime j’aime pas “ Créargies Éditions Univ. Paris 1974 (231 p) . Les auteurs distinguent quatre catégories de personnalités : l’individu éclaté, l’individu normosé, l’individu en recherche et individu éveillé. Jean Paul SARTRE cité par le petit Robert définissait ainsi le schizophrène : ” un de ces rêveurs éveillés que la médecine nomme “schizophrènes” et dont le propre est comme on le sait de ne pouvoir s’adapter au réel”.

La normose est une suradaptation aux normes sociales, et pourrait donc se définir comme une anti schizophrénie, une anti névrose, finalement tout aussi schizophrénique que la schizophrénie elle-même. Pour la personne normosée il ne faut surtout pas se distinguer du groupe et des valeurs reconnues socialement et ne point émettre d’avis personnel susceptible de troubler le bon ordre général. Dans cet ouvrage, paru dans les années soixante dix, en pleine vogue des idées de créativité, Gilbert C. RAPAILLE et Michèle BARZACH analysent des séminaires dits de “théracie”, dont le but est de libérer les potentialités créatives des personnes. Les auteurs en restent à une analyse bien superficielle où l’individu et le groupe se distinguent mal, ils semblent fusionnés... Se réclamant des influences de Éric BERNE le créateur de l’analyse transactionnelle, Robert DESOILLE, créateur de la technique du Rêve Éveillé Dirigé, de Jacob LEVY MORÉNO, l’inventeur du psychodrame, FS PERLS le créateur de la Gestalt thérapy (thérapie de la forme), Ronald LAING, Carl ROGERS, les apôtres de l’approche personnelle, Kurt LEWIN l’ancêtre de la recherche action et la dynamique de groupe, J S SCHUTLZ développant les pensées du training autogène, relaxation sans aide extérieure, et William C. SCHUTZ psychologue spécialiste des comportements de groupe en entreprise, les auteurs s’appuient sur la philosophie du Zen et la technique Satori, où l’individu doit accepter de régresser ...pour parvenir à devenir “l’individu éveillé” c’est à dire libéré de son ” moi analogique” ... “l’individu renaît unifié il s’habite complètement parce qu’il est né enfin à son monde intérieur” (p 214). Après l’anti-schizophrénie voici la naissance de l’anti-normose tout aussi normosée que la normose elle-même ?

Ces réserves sur l’ouvrage étant posées l’ idée de normose n’en reste pas moins intéressante et exploitable.

2936.

J’ emprunte ce terme à :

VULBEAU (Alain) “Du gouvernement des enfants “Desclée De Brouwer 1993 156 pages (Epi Formation)

A partir d’une perspective historique A. VULBEAU présente les conceptions de l’éducation induites par l’orthopédie et “l’ortho- -pédagogie” marquant l’effondrement de l’idée de l’isolement propre aux années post 68,

2937.

En effet Paul RICOEUR pense que le concept lui-même n’est pas tant en cause que l’approche qu’en fait KANT lorsqu’il en fait la critique avec les même procédés rationnels qu’il a utilisés pour construire la critique de la raison pure : ce procédé laisse à penser d’après RICOEUR que la liberté peut se comprendre donc s’enfermer dans la pensée qui en fournit la clé. RICOEUR pense que la raison pratique permet un ré-investissement de la critique de la pensée sur un plan pratique et donc de donner corps à la critique des idéologies modernes que la démarche de KANT a paradoxalement contribué à faire naître. Il écrit encore : “ La critique des idéologies est, selon moi, un des instruments de pensée par lesquels la raison pratique peut se reconvertir du savoir à la critique. Il faut alors parler moins de critique de la raison pratique que de la raison pratique comme critique. Encore faut-il que cette critique ne s’érige pas en savoir, selon la ruineuse opposition entre science et idéologie.” ibidem p. 258 . Ne pouvons-nous pas ici aboutir ainsi, malgré ce qu’en pense RICOEUR à l’hypostase d’une pensée morale prétendue objective strictement critique qui si elle ne peut avoir les effets néfastes d’ être instrument du pouvoir direct pourrait devenir paradoxalement son alibi ou sa fausse bonne conscience ? Voici pourquoi principalement, outre le fait que la raison ne semble pas devoir se séparer en deux en termes de raison pure et raison pratique, je n’épouse pas jusqu’au bout le point de vue de Paul RICOEUR.

2938.

Maurice BLONDEL “ La pensée” tome 1 Librairie Félix Alcan Paris 1934 p. 202 et 203

2939.

JP SARTRE “Les mots” Gallimard Paris 1964 Collection Folio :“Militant je voulus me sauver par les oeuvres mystiques, je tentais de dévoiler le silence de l’être par un bruissement contrarié des mots et surtout je confondis les choses avec leur nom c’est croire” ; (p210 et 211)

Lorsqu’il écrit cette phrase pour expliquer sa vocation première de l’écriture née dans la bibliothèque de son grand père, SARTRE ne corrobore-t-il pas malgré lui la pensée de BLONDEL.

2940.

HEGEL “esthétique” textes choisis” PUF Paris 1988 p.191 ( 230 pages)

2941.

ibidem suite directe du texte précédemment cité

2942.

Lire dans le livre de la Genèse le chapitre 11 les versets 1 à 9

2943.

Lire dans le livre de la Genèse les chapitres 6 7 et 8

2944.

HEGEL“esthétique textes choisis” PUF Paris 1953 p 27 (230 pages)

2945.

Psychosociologue chargé de recherche à l’I.N.R.P. L’article “Les conceptions et les formes de la formation vers une nouvelle typologie”in la revue “Technologies de la formation”n° ? p.6 à 17

2946.

René GARDOU dans son cours de Maîtrise en Sciences de l’Education, méthodologie de la formation, à l’université de Lyon 2 (92/93) présente le type d’approche d’ ADAMCZEWSKI comme “une formation par information”. Pour R. GARDOU elle vise une intelligence rationnelle par la priorité à l’intellect, la priorité à la raison la priorité à l’entendement ... l’objectif visé est celui de la maîtrise des concepts, du discours et de ses propres décisions. R. GARDOU lui adresse trois principales critiques :

-Sous une neutralité apparente, elle présente une forme de soumission aux valeurs présupposées salutaires de la connaissance de la vérité et de la science qu’elle pose comme a priori non négociables.

- Cette logique renvoyant explicitement au modèle théorique de l’information, elle exclut de fait toute remise en question et tout réajustement significatif du formateur. Elle présuppose l’acquiescement et l’approbation du formateur, ce qui tend à placer les formés dans une situation de relative passivité et qui le livre à la toute puissance du formateur. En cela, elle se rapproche le plus de l’enseignement dit traditionnel transmitif impositif.

-Elle prend appui sur une vision purement rationnelle de la nature humaine.” R. GARDOU peut citer à ce propos J. ARDOINO “Dans cette perspective, il suffirait de définir des savoirs prélimités et de transmettre des données à des cerveaux directement conditionnés à cet effet.”

2947.

Grégory BATESON (1904-1980) est un ethnologue psychologue dont les travaux conjuguèrent les apports des sciences cognitives et celles de la psychanalyse. Son approche est systémique visa, entre autre, à montrer, des catégories d’apprentissage, de plus en plus complexes,. Il poursuivit les travaux de MEAD George HEBERT (1863 1931), ami de John DEWEY. Il influença l’école californienne de Palo Alto.

2948.

Cours de Maîtrise de Charles GARDOU p. 17

2949.

Les thèses de Jurgens HABERMAS, philosophe allemand, se font jour dans les années soixante. Il considère que techniques sciences et bureaucraties ne sont pas le dernier mot de la civilisation. Il introduit la notion d’intersubjectivité dans la philosophie. A l’instar d’Alain TOURAINE il voit dans la critique du technicisme par un retour à l’existentialisme une voie pour l’avenir. (voir ce qu’en dit FRIEDRICH Jonas in “Histoire de la sociologie” Larousse 1991 Paris 488 pages (à la page 465). Lire aussi dans “les temps modernes” n° 539 (Juin 1991 (p. 154 à 160) ce que HABERMAS dit, dans un entretien avec Ulysses SANTAMARIA et Richard WOLIN, de Jean Paul SARTRE, dont il se sent à à la fois l’héritier (par la notion d’intellectuel engagé entre autre) et en rupture par la critique qu’il fait de la modernité (la notion d’intersubjectivité est absente chez SARTRE). Lire de HABERMAS :

HABERMAS Jurgen “ Le discours philosophique de la modernité” Gallimard Paris (1985) 1988 ; ( 484 pages).

HABERMAS Jurgen “Connaissance et intérêt” Gallimard Paris 1976 ; ( 384 pages).

HABERMAS Jurgen “Raison et légitimité”. Payot 1978 ; ( 216 pages).

2950.

André GORZ in revue “Le Monde” numéro spécial de dossiers et documents Juin 1993

“Les grands entretiens du monde”. (p. 23)

2951.

Voir le discours du savoir de Marc DÉRYCkE op. cit; 91/92.

2952.

Dans l’article du magazine L’ HISTOIRE n° 115 p19 à 23,

Jean BOTTÉRO auteur de “l’épopée de Gilgamesh” Gallimard Paris Mai 1992

Nous lisons l’article de l’auteur qui analyse à partir de manuscrits sumériens les récits du déluge d’une autre origine que le texte biblique. L’article est introduit par cette phrase très significative : “La leçon “moderne” de Gilgamesh : nul ne peut rien contre un ordre institué en dehors de nous et dont nous ne serons jamais les maîtres.” Notons que de notre point de vue l’analogie entre Gilgamesh et Noé s’arrête ici, Gilgamesh est un héros qui se rend admirable par son combat pour accéder à l’immortalité qu’il finit par renoncer à vouloir atteindre. Noé est admirable par sa foi sa confiance. Ici encore comme le souligne l’anthropologue René GIRARD,( op. cit),à partir d’autres textes, le texte biblique souligne une originalité évidente.

2953.

livre de la Genèse chapitre 9 verset 16 l’arc sera la signe d e l’alliance perpétuelle entre vous et moi”

2954.

livre de la Genèse chapitre 8 verset 22

2955.

Livre de la Genèse chapitre 15 verset 18

2956.

Livre des Hébreux chapitre 9 verset 15 “Il est l’alliance nouvelle le médiateur.”

2957.

J. A. COMENIUS: La grande didactique PUF Paris 1952 Chapitre XIII p. 76

2958.

Rappel : DENIS Marcelle “Un certain COMENIUS” Publisud Paris 1993.

2959.

Jan Amos COMENIUS “La grande didactique” PUF Paris 1952 ; p120 (Fondement III n 28 )

2960.

AUMONT Bernadette et MESNIER Marie Pierre “L’acte d’apprendre” Paris PUF 1992 .

2961.

Ibidem p. 165

2962.

Nous pourrions également relier cette recherche “au moteur à quatre temps” dont parle

Henri DESROCHE in “ Actes de la session d’ Université d’ Hiver de la formation professionnelle”, centre Inffo Paris 1991

” Conduites maïeutiques en éducation des adultes” Interviewé par Gaston PARAVY .

Les quatre stratégies de l’acte de formation :

Le sujet S 1 (Il se sent autorisé à ...)

L’objet S 2 (La recherche du chercheur)

Le trajet S 3 (Entre personne projet (entrepreneur) et personne ressource (chercheur), la démarche permettant d’aller de l’un à l’autre).

Le projet S 4 (L’ entreprise de l’entrepreneur).

2963.

Nous y retrouvons trois phases comme trois successives chercher comme Noé chercha les animaux, entreprendre comme

Noé entreprit se construire une arche, apprendre se décomposant en ces deux actes fondateurs.

2964.

Genèse chapitre VI verset 8 “Mais Noé trouva grâce aux yeux de l’Eternel.”

2965.

Nous pouvons lire à ce sujet “De la génération des animaux “ texte de ARISTOTE établi et traduit par Pierre LOUIS

Collection des Universités de France “Les belles lettres” Paris 1961 231 pages

2966.

Les distinctions sont le couple (mâle femelle) et l’espèce ainsi que les animaux purs et impurs ...(Genèse 7 )

2967.

Pierre GANNE : ”Le don de l’esprit Leçons sur l’Esprit Saint ” Le Centurion Paris 1984 p. 32 .

2968.

Claude LÉVI -STRAUSS “La pensée sauvage” Plon Paris 1962 ; (408 pages).

Claude LÉVI -STRAUSS “Tristes tropiques” édition révisée Plon 1965 ; (492 pages).

2969.

Selon la mythologie, Cronos est un titan, il est le père de Zeus le seul de ses enfants à ne pas être dévoré par lui. Il fut sauvé par sa mère Réha) la soeur de Cronos. Devenu adulte Zeus forcera Cronos à lui restituer ses frères et soeurs.

2970.

... ”car c’est là que le Seigneur brouilla les langues de toute la terre, et c’est là que Dieu dispersa les hommes sur toute la surface de la terre”. Genèse chapitre 11 versets 9

2971.

Tony ANATRELLA “ Quand la société a le blues. “in La vie n° 2 478 25 Février 1993 p. 18 et 19

2972.

Karl POPPER” La société ouverte et ses ennemis “Seuil Paris 1979.

et “ L’univers irrésolu plaidoyer pour l’indéterminisme “. Payot 1986.

2973.

François CHÂTELET et Evelyne PISIER KOUCHNER “Les systèmes politiques au XX° siècle”.1981 PUF Paris 1988 pages