Note connexe numéro cinq : Pentecôte et les temps de l’église ...Histoire parallèle du judaïsme. Extraits de : CABALLÉ Antoine op. cit. ; 1994 ; (303 pages).pp 114 à 157

Pentecôte et les temps de l’église.

Nous étions aux environs de l’an 30, une cinquantaine de jours donc après la résurrection du Christ.

Depuis sa mort sur la croix, selon les textes des évangiles, le matin du troisième jour, Jésus était ressuscité, il était réapparu plusieurs fois à ses disciples en diverses circonstances, puis il fut enlevé au ciel, comme le souligne le début du récit des actes des apôtres.

Il avait annoncé à ses disciples qu’il leur enverrait un témoin de sa Présence, l’Esprit Saint.

La fête de la Pentecôte, ou Chavouoth, était, et reste encore aujourd’hui, la fête, selon la tradition juive, au cinquantième jour après la Pâque, des prémices des premières récoltes, et des commencements, elle évoque le temps de la révélation de la loi à Moïse, au Sinaï. Victor MALKA nous dit qu’aujourd’hui encore, dans certaines communautés juives originaires d’Orient, on évoque la rencontre du Sinaï par la lecture de “contrats de mariage” passés entre Dieu et Israël 3003 , avec la terre et le ciel pour témoins.

Ce jour là, où des prosélytes ou juifs de la Diaspora, de toutes les contrées voisines, s’étaient réunis à Jérusalem, les disciples s’étaient eux aussi réunis pour prier dans la chambre haute il leur apparut, nous dit le texte ( actes des apôtres chapitre 2), des langues de feu, qui se partageaient et se posaient sur chacun d’eux. Ils se mirent, dit encore le texte , alors , à parler en d’autres langues selon ce que l’Esprit leur donnait de s’exprimer.

‘Or à Jérusalem résidaient des juifs pieux, venus de toutes les nations qui sont sous le ciel. À la rumeur qui se répandait, la foule se rassembla et se trouva en plein désarroi, car chacun les entendait parler dans sa propre langue.”’

Apparaît une universalité nouvelle qui ne naît pas, contrairement à la tour de Babel, d’un effort de l’homme. Universalité également, non plus seulement accueillie comme la création et son ordre premier depuis Noé, même si tout commence par l’accueil de celle-ci sans laquelle rien n’est vraiment possible, mais fécondant encore l'esprit de l’homme par l’Esprit Saint qui est communion en Esprit, avec Dieu. Les premiers chrétiens se mettent à parler la langue de l’étranger. C’est ici qu’habituellement se considère la naissance de l’église.

Comme la fête de Pentecôte était dans l’ancienne alliance celle des prémices, l’église annonce les prémices d’une création nouvelle, où l’homme nouveau, tel le Fils, n’est plus seulement créé mais engendré. L’unité est celle de l’Esprit Saint, elle accomplit la prière à Gethsémané de Jésus, juste avant d’être pris : “Qu’ils soient un comme nous sommes uns” (dans l’évangile de Jean au chapitre 17 versets 20 à 23) ; cependant cette unité est communion et non pas fusion, chacun entend la langue de l’autre, étranger devenu frère d’une fraternité nouvelle.

Reprenons l’histoire où nous l’avions laissée pour entrer plus profondément dans les temps post-bibliques. À partir de la ville de Jamnia, avec le pharisien Johanan BEN ZAKKAï comme leader, après l’incendie de Jérusalem en 70, le judaïsme se maintient plus qu’il ne se développe, sous la forme d’une résistance culturelle d’un peuple qui a perdu sa terre et son Temple et qui va progressivement perdre sa langue. Simultanément, dans les temps post-bibliques le christianisme va lui se développer dans ce qu’il est convenu d’appeler les temps de l’église, à partir d’une offensive d’évangélisation du monde.

Remarquons que les deux religions se réclament d’une notion d’universalité, à partir d’un point commun, le messianisme ou l’élection, ce qui, dans le sens biblique se rejoint, l’élection est un moyen et concerne le choix du peuple d’Israël, le messianisme est une fin, la raison d’être universelle de cette élection. Tandis que le judaïsme maintient comme prioritaire l’acte d’adhésion de la circoncision et le sacrifice comme signes de l’alliance qui distingue les juifs des païens (ou gentils), le christianisme voit dans le baptême et la cène l’expression d’un passage de la mort à la vie et le signe de l’alliance nouvelle. Ainsi, les contrées païennes vont être évangélisées, surtout à partir du travail initial de l’apôtre Paul, lui-même ancien pharisien élève de GAMALIEL. Nous pouvons dès lors distinguer, à la suite de Antoinette BUTTE 3004 fondatrice de la communauté de Pomeyrol, et Wilfred MONOD 3005 , trois temps dans l’histoire de l’église chrétienne que nous ne développerons pratiquement pas (...) mais que nous pouvons rapidement présenter.

L’Église Population, l’Église Institution, l’Église Incarnation. Ces trois dimensions restent présentes à chaque moment de la vie de l’église et ne s’excluent aucunement mutuellement. Elles sont simplement significatives dans trois temps successifs de modification de l’aspect dominant de l’action de l’église.

Le temps de l’Église Population, naît des premières lettres des apôtres, et précisément de Paul aux églises naissantes suivant leur localisation géographique. Elle débuta dès l’histoire qu’elle prolonge qu’elle poursuit dans l’alliance nouvelle. Dans la première lettre aux Corinthiens au chapitre douze Paul définit l’église comme un corps composé de plusieurs membres dont chacun a son utilité et sa spécificité. “Nul ne peut dire : Jésus Christ est le Seigneur ! si ce n’est par le Saint Esprit” 3006 . Dans la lettre aux Colossiens Paul précise :

‘“Tout a été créé en Lui et pour Lui. Il est avant toutes choses, et toutes choses subsistent en lui. Il est la tête du corps de l’Église; il est le commencement, le premier né d’entre les morts, afin d’être en tout le premier.” 3007

Il apparaît donc, dès l’origine, que l’église est le corps vivant du Christ, poursuivant son oeuvre sur la terre et dont les membres sont unis les uns aux autres chacun dans la spécificité du don qu’il a reçu, par le lien de la charité, Amour dont l’Esprit Saint rend témoignage 3008 . Mais si Jésus seul est la tête de ce corps alors personne ne peut avoir la prétention de contenir ou de savoir la perception exacte de celui-ci. L’apôtre Pierre le montre, l’institution est le fait de l’homme nouveau devenu pierre vivante, construction ; on voit bien la disparition de tout sacrifice du singulier à l’universel, ou à l’institution, et inversement, le sacrifice salvateur a été accompli par Dieu lui-même.

‘“ Approchez-vous de lui, la pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie précieuse auprès de Dieu. Vous-mêmes comme pierres vivantes, prêtez-vous à l’édification d’un édifice spirituel, pour un sacerdoce saint, en vue d’offrir des sacrifices spirituels agréables à Dieu, par Jésus-Christ.”Car il est écrit dans l’écriture : Voici que je pose en Sion, une pierre angulaire, choisie précieuse et celui qui se confie en elle ne sera point confondu.” 3009

Alors que les grecs nous ont appris la rationalisation de l’idée politique, et de la question de l’état, de l’institution, le judaïsme et le christianisme donnent de l’institution une approche toute autre. La conscience d’un décalage entre la réalité de l’église institutionnelle et celle de l’église réelle est en conséquence présente dès les prémisses dans les actes des apôtres.

Mystère entrevu, à partir de cette rencontre entre Pierre et Paul.(Actes chapitre 15). Pierre était fondé par le Christ, comme le premier apôtre de son Église 3010 . Songeons encore à la vie de Pierre, le disciple : il s’appelait Simon, il laissa toute chose pour suivre le Christ, et fut nommé Pierre ; il voulut, comptant sur lui-même, marcher sur les eaux, mais il dut alors s’adresser au Maître pour ne point s’enfoncer, promettre de suivre jusqu’au bout mais il renia .. .

Pourtant, à la Pentecôte, après la Résurrection constatée de Jésus, après la prière et l’onction de l’Esprit Saint : voici Pierre transformé, et alors que les disciples s’adressent aux étrangers dans leur langue propre, il parle avec une autorité nouvelle.

Paul vient comme par surprise, lui l’ancien persécuteur des chrétiens, comme happé par l’esprit sur le chemin de Damas. Il sera le grand évangélisateur des contrées païennes. Ceci n’est pas un accident de l’histoire de l’église primitive, où les hommes sont liés les uns aux autres par des liens étranges. Corneille, italien, un “païen” “reçoit “ un “songe” qui sera la réponse qu’attend Pierre à un autre songe destiné à lui faire comprendre que la bonne nouvelle n’était pas pour les juifs seuls 3011 .

Ananias, citoyen de Damas, divinement averti accueille Paul tout juste converti et encore aveugle et lui rend la vue 3012 . On pourrait multiplier les exemples de la sorte. Dans l’Ancien Testament déjà ce sont par des voies étranges que Dieu déjouait les complots des hommes, et parlait (pensons à Jacob, Joseph, ou encore Jérémie, en particulier ).

Israël se construisit en tant que peuple, nation et état, à partir de l’appel adressé à une personne (Abraham, puis Jacob), l’église se réalise en tant qu’institution en identité au corps vivant offert pour la vie de chacun et de tous du Christ.

Très tôt de la vie communautaire de l’église naissante où tout se partageait autour de l’Eucharistie, l’enseignement des apôtres, et la prière, où la vie se centrait dans l’espérance d’un retour prochain du Christ, surgiront les évangiles écrits à partir de l’an 70, comme l’accomplissement, nous l’avons dit, de la parole ancienne. Entre 150 et 300 le canon actuel est pratiquement fixé, le canon de MURATORI (du nom de celui qui le découvrit) fait état, à partir d’un manuscrit du VIII° siècle, du canon admis à Rome en 180, les écrits de IRÉNÉE (première moitié du II°siècle, début du III°siècle, peut être 170), de CLÉMENT d’Alexandrie ( vers 150, vers 215) et d’ORIGÈNE (vers 185, vers 254), montrent des listes correspondant pratiquement au canon actuel, il ne resterait, entre spécialistes, que quelques discussions finalement mineures concernant les épîtres aux Hébreux, les épîtres de Jacques la deuxième épître de Pierre et un autre écrit de Pierre, semble-t-il, non repertorié aujourd’hui.

En effet, l’église s’organisant autour des pôles géographiques qui sont les lieux de l’évangélisation la cohésion n’est pas toujours évidente. Peu à peu dans l’église grecque (autour de Eusèbe de Césarée mort en 340),puis ANASTHASE, se fixera le canon actuel de l’écriture, l’église latine par saint Jérôme reprendra le canon selon ANASTHASE pour l’Ancien et le Nouveau Testament. Dans l’église syrienne entre une version officielle, la Pshitta, qui n’inclut pas l’Apocalypse. Progressivement donc la Bible chrétienne canonique qui deviendra référence définitive à partir de l’église primitive, pour concrétiser ce passage sans doute fallait-il que l’église entre dans un autre temps. Celui de l’Église Institution.

L’Église Institution s’épanouirait historiquement à partir de l’orée du quatrième siècle, à la conversion donc de l’empereur CONSTANTIN, le commencement de la protection officielle de l’état romain, et se développe à partir de la lente émergence de l’apologie augustinienne et des Pères de l’Église. L’empereur Constantin après s’être converti au christianisme, par l’édit de Milan, puis au concile de Nicée en 325, mit en effet officiellement fin à la clandestinité chrétienne pour ouvrir l’ère d’un christianisme officiel.

Un véritable travail d’éducation du monde fondé sur la Bible commence de la part de l’Église.

Reprenant et faisant la synthèse des travaux de Claude TRESMONTANT, sur l’exemple de la création, Pierre CHAUNU décrit son fondement comme une affirmation tout à fait singulière par la voie négative :

‘“Affirmation donc de la création de rien, à partir d’un commencement absolu qui sépare la totalité du temps, de l’espace et de ce que l’espace temps contient du Créateur totalement Autre, Transcendant.’ ‘Cette notion est à peu près unique dans l’histoire de la pensée.’

Claude TRESMONTANT énumère les affirmations toutes contraires que la formulation chrétienne eut à écarter :

  • Le monde a l’être il est incréé, Dieu l’organise, il lui confère un ordre.
  • Le monde n’a pas l’être, il est une ombre, un reflet de Dieu qui ne donne pas l’être mais l’apparence de l’être.
  • Le monde résulte du mélange de deux principes égaux, un bon, l’esprit, un mauvais, la matière, l’un et le pluriel.
  • Le monde n’est qu’une illusion. Il découle d’un accident, d’une chute de l’Un. La faute a été commise au sein de l’Un même. La faute est donc divine. Nous pouvons effacer la faute, en dissipant l’illusion de l’apparence et de la contingence.
  • Enfin, plus subtilement, “la genèse du monde” 3013 peut être “un moment nécessaire à la genèse de l’Absolu lui-même. Le monde est bien le lieu de l’Aliénation de l’Absolu ... La tragédie du monde et de l’histoire est une étape nécessaire de la genèse de l’Absolu, qui ne se réalise que dans ce déchirement surmonté... “ .

L’idée vient de l’initiation, elle sous-tend le Timée 3014 et comme l’a noté le Père FESTUGI È RE , 3015 c’est, peut-être la forme la plus subtilement séduisante. Les Pères ont pu croire qu’il y avait convergence entre le PLATON du Timée et le récit de Moïse. Alors que le Démiurge du Timée n’est qu’un double mythique de l’âme du monde. La séduction platonicienne est la plus difficile à écarter. Elle a été écartée “ 3016

Michel MESLIN commente ainsi les acquis du concile de Constantinople en l’an 381 qui aboutit à la profession de foi de l’Église d’aujourd’hui. Le Dieu tout à la fois trinitaire et personnel.

‘“cet effort pour justifier devant la raison humaine, la nature et l’essence de Dieu à la fois transcendant, immanent et créateur, est assurément l’un des plus précieux acquis de l’Église antique.” 3017

Face à l’hellénisme et l’idée des dieux mythiques qui ne restent perceptibles qu’à partir des passions humaines dont ils sont les projection, mais vivant sur l’Olympe inaccessibles aux hommes, le christianisme va en effet tout à la fois, le Dieu Père et tout autre, Fils et tout proche, et Saint Esprit rendant la communion possible en Esprit.

L’Église Institution se mêle aux institutions humaines qu’elle entreprend de corriger de reprendre, d’émonder, d’amender. En effet, l’essentiel d’un message est passé dans et par une parole biblique et évangélique malgré tout sauvegardée et annoncée ...

Mais, simultanément à celui-ci, les moyens ont été donnés de lire et de comprendre le monde, la vie et les choses avec une conscience nouvelle révélant jusqu’aux crimes de l’église elle-même. Comme une fenêtre s’ouvrant sur une salle restée sombre et rendant perceptible ce qui n’était jusque là que du domaine des ombres, l’annonce de cette parole a traversé ceux-là même qui l’annonçaient rendant perceptibles les crimes qui sans elle n’en étaient peut-être pas ou, en tout cas, n’étaient pas perçus comme tels. Le péché n’existe comme tel que pour ceux qui ont la conscience de celui-ci. Antoinette BUTTE écrit encore de cette Église Institution comme pour signifier sa vocation éducative.

‘Elle instruit elle réprimande avec autorité, elle moralise autant qu’elle peut l’amoralité païenne; elle garde et transmet vaille que vaille le trésor de l’Évangile. Comme Israël, elle traverse des vicissitudes, et pourtant subsiste, avance rayonne par ses prophètes et ses saints, en elle , par elle, Dieu oeuvre. 3018

À l’intérieur de l’église commencent les premiers débats sérieux dont un des plus sévères est la crise dite arienne à partir des thèses de ARIUS (280-336), ces thèses furent condamnées par les conciles de Nicée et de Constantinople. Thèse de l’arianisme : la distance entre Dieu et l’homme malgré le Christ demeure intacte. Le fils n’est pas l’égal du Père et la notion trinitaire est remise en cause. La thèse de l’arianisme survivra à ARIUS, et influencera beaucoup plus tard, l’histoire de l’Église Orthodoxe après le schisme d’orient.

Une autre crise trouvera à son origine, suite à une opposition avec l’évêque de Carthage qu’il accusait d’avoir livré des écrits saints lors des persécutions, l’évêque de Casae Nigrae en Numidie, DONAT, mort en 355 . Suite à ce schisme une église berbère rurale verra le jour s’appuyant sur des circoncellions, hardes d’ouvriers agricoles révoltés qui se rapprochèrent de l’église des donatistes après des persécutions romaines de 346 348. Saint AUGUSTIN (354,430), affirmera face au schisme la vocation de réconciliation catholique (universelle) de l’église. Les conciles d’Arles (314) et de Carthage (411) condamnèrent le particularisme du donatisme.

Saint AUGUSTIN est la première grande figure théologienne de cette action de l’Église Institution. Saint AUGUSTIN lutta contre le manichéisme 3019 des disciples du perse MANI (216-277) et qui était un fait religieux de son époque 3020 et contre la théorie de PÉLAGE (360-422) 3021 qui fut, quant à lui, le contemporain de l’évêque d’Hippone. Saint AUGUSTIN jeune fut pourtant tenté par le manichéisme et il adhéra même quelque temps dans sa jeunesse, malgré des réticences , à la secte 3022 . Pour MANI, qui se réclamait du Christ, mais qui voyait en lui la source d’une spiritualité désincarnée et dont l’église était composée d’élus, qui seuls étaient ascètes, seuls initiés et avertis des lumières, et d’auditeurs, la substance du mal et du bien s’opposaient, comme ténèbres et lumières, créées par Dieu, l’homme ne pouvait accéder au bien qu’au prix de l’ascèse et de l’étude. La communion de la cène étaient supprimées.

La conception manichéenne se voulait d’une grande tolérance envers toutes les religions dans lesquelles elle voyait le siège de l’envoi des prophètes chargés d’être messagers de lumière, et dont le Christ devait être le dernier.

Pour s’opposer au manichéisme AUGUSTIN va puiser dans la source biblique que MANI lisait comme des fables, certes instructives mais à ce titre, et la parole prophétique révélée aux simples et aux petits que MANI ne pouvait ni ne voulait entendre comme telle. Saint AUGUSTIN explique que c’est le péché qui est la cause du mal et non Dieu, lui-même incorruptible.

Les dernières recommandations de l’évêque d’Hippone en réponse à SECUNDINUS, adepte du manichéisme, qui lui avait reproché dans une lettre pleine de bienveillance et de reproches d’avoir quitté le manichéisme, sont à ce titre évocatrices.

‘Que si ,au contraire, tu reçois sagement cette admonition et te convertis au Dieu immuable, tu deviendras, par un changement louable, l’un de ceux dont l’Apôtre dit : “Vous étiez autrefois ténèbres mais à présent vous êtes lumière dans le Seigneur.” 3023 Cela, on ne pourrait le dire, ni de la nature de Dieu, qui n’a jamais été mauvaise et n’a jamais mérité ce nom de “ténèbres” , ni de la nature du mal, qui, si elle existait ne pourrait changer, ni devenir lumière. Mais c’est correctement et en toute vérité que cela a été dit de la nature qui n’est pas immuable, mais qui en délaissant la lumière immuable qui l’a créée s’est enténébrée elle-même, mais qui, lorsqu’elle se convertit à la lumière immuable, devient lumière, non en soi mais dans le Seigneur. Car ce n’est pas par elle-même, n’étant pas la vraie lumière qu’elle est illuminée mais par celui dont il est dit : “Il était la vraie lumière, celle qui éclaire tout homme en venant au monde.” 3024 ’ ‘Voilà ce que tu dois croire, ce que tu dois comprendre, ce que tu dois tenir, si tu veux être bon par participation du Bien immuable que tu ne peux être par toi-même, et que tu ne pourrais ni perdre si tu l’étais immuablement, ni recevoir si, immuablement aussi tu ne l’étais pas.” 3025

La remarquable synthèse de Saint AUGUSTIN s’opposant donc à l’idée donc que le mal puisse être de substance divine, marque encore aujourd’hui l’inéluctable distance entre christianisme biblique et la philosophie de SPINOZA que nous avons évoquée.

La crise pélagienne qui secoua l’église des premiers siècles par des voies différentes posant une autre question, celle du libre arbitre humain devant le péché et la grâce, conduisent Saint AUGUSTIN à la même réponse abordée cette fois-ci par l’angle opposé. Si la création divine n’est pas entre ténèbres et lumière, déchirée entre le bien et le mal du fait de Dieu, mais du fait de l’homme et de la chute, de même elle n’est pas parfaite comme le soulignait PÉLAGE qui pensait que le péché d’Adam ne le concernait que lui seul et que le choix du bien et du mal dépendaient du seul libre arbitre de l’homme. Et qu’ainsi il pouvait exister une perfection faite homme du fait de sa seule volonté sans l’aide de la grâce divine. Les doctrines de PÉLAGE furent condamnées à plusieurs conciles africains, 411, 416, 418, comme aussi au concile d’Éphèse en l’an 431.

Notons qu’il ne s’agit pas de confondre combat terrestre et politique et combat de l’église. Comme le signifie Saint AUGUSTIN il reste une antinomie qui ne naît que du christianisme et qui semble croître historiquement à partir de celui-ci, antinomie entre la cité terrestre et la cité de Dieu. Les mots de valeur éthique ou prix ne peuvent tout à fait avoir le même sens que nous nous situions dans le perspective terrestre ou la perspective céleste.

Il s’agit en fait de deux royaumes qui n’apparaissent clairement historiquement qu’avec le témoignage du Christ.

‘Deux amours ont bâti deux cités. L’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, la cité terrestre. L’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la cité céleste. L’une se glorifie en elle-même, l’autre dans le Seigneur. L’une quête sa gloire parmi les hommes; Dieu témoin de la conscience est la plus grande gloire de l’autre. L’une s’est assujettie les princes et les nations, et la passion du pouvoir l’emporte chez elle; dans l’autre tous se font serviteurs du prochain dans l’amour et, comme les chefs veillent au bien de leurs subordonnés ceux-ci leur obéissent. La première admire sa propre force en la personne de son chef ; l’autre dit à son Dieu, “Je t’aimerai Seigneur toi qui es ma force.” 3026

La perspective chrétienne n’étant pas directement politique ni uniquement ou en tout cas premièrement terrestre, alors le projet n’est pas l’équilibre social ou son opposé qui serait la révolution politique. Son projet est uniquement celui de l’autre Royaume. Cet “autre Royaume” s’enracine comme le cantique de Marie, le magnificat, ou encore la prédication du sermon sur la montagne, dans la soif de justice, qui conduit aux persécutions pour elle mais non directement à une lutte, qui sous-entendrait un rapport de force; rien, en effet, n’est plus étranger à la prédication du Christ que la recherche d’un rapport de force.

D’où l’ambiguité : à partir du moment où l’église commença à mêler les deux royaumes, elle entra en contradiction avec sa doctrine première, songeons aux indulgences qui donnèrent le prétexte à la naissance mille ans après Saint AUGUSTIN, de la réforme. Le schisme consommé en 1054, après l’excommunication de Michel CÉRULAIRE par le pape LÉON IX, avec l’église Byzantine Orthodoxe fut un des signes tangibles de ces contradictions internes. Ce schisme fut précédé par trois siècles d’atermoiements et de tensions dont les raisons étaient tout autant politiques que religieuses, depuis la partition en 395 de l’empire Romain à la mort de THÉODOSE en deux empires pour ses deux fils, l’orient pour ARCADIUS, l’occident pour HONORIUS. L’empire d’Orient survécut à l’effondrement de l’empire d’Occident en 476, et se maintint pendant un millénaire jusqu’en 1453 et la chute de Constantinople vaincue par les turcs.

La Réforme ouvre le temps de l’Église Incarnation dont LUTHER puis CALVIN annoncent la naissance officielle précédés sans doute par le lyonnais Pierre VALDO 3027 (1140-1206), Jan HUS (1371 1415), lui-même quelque peu disciple de John WYCLIF 3028 (1320/1384) pré-réformateur anglais.

Cette nouvelle période se développe avec une diffusion des textes bibliques en langue courante. La possibilité d’une rencontre directe et personnelle, à travers le texte entre l’homme et Dieu. Elle prend racine, en partie en tout cas, dans une réaction à la théologie inspirée de Saint THOMAS D’AQUIN (1228 -1274), qui dans un immense effort de cohérence et de rationalisation tentait de concilier dès la fin du fin de Moyen Âge, scolastique aristotélicienne, et message du christianisme. Il s’agit pour le courant de la réforme de retrouver le caractère exclusivement fondateur du message biblique.

Jan HUS, avant d’être brûlé vif à Constance à la suite du Concile qui s’y déroula, fonda et surtout inspira, en Moravie, la communauté des frères moraves et inspira indirectement donc COMENIUS qui était lui-même issu d’une telle communauté avant de s’exiler pour fuire les persécutions comme bien de ses frères de la même Communauté Morave.

Depuis CALVIN (1509-1564), la réforme exprime déjà la notion d’église invisible débordant l’église visible. La parole biblique est pour la réforme le lieu de la révélation de la présence du Christ nous explique Antoinette BUTTE. Pour CALVIN, la référence que l’Église se donne en elle seule “l’écriture seule” lui permet de distinguer entre les “congrégations” dignes d’être comptées en l’Église et les sectes 3029 .

CALVIN réaffirmera plus que LUTHER, fortement, la distance qu’il y aurait entre les institutions humaines et la réalité du corps, entre ce qu’il appela l’église visible et l’église invisible.

Cette distinction caractérise encore aujourd’hui la vision protestante classique et la différencie de la perception classique du catholicisme.

Lorsque dans le même credo les uns et les autres affirment “Je crois la Sainte Église Universelle “ (ou Catholique pour les catholiques), les premiers ont peut-être plus en tête cette distinction entre visible et invisible que les seconds, pour qui, très souvent, Universelle signifie Église Catholique dans sa dimension aujourd’hui institutionnelle.

Écoutons CALVIN :

‘“Lui seul connaît qui sont les siens ... ce ne sont qu’une poignée de gens voire contemptibles meslez parmi grande multitude, et sont cachez comme un peu de grain sous un grand amas de paille en l’aire; il nous faut laisser à Dieu seul ce privilège de cognoistre son Eglise de laquelle son fondement est son élection éternelle.” 3030

À la pointe extrême d’une telle conception de l’église nous trouvons les Quakers fondés par Georges FOX (1624-1691), simple cordonnier anglais. Quaker veut dire en langue anglaise trembleur. La crainte de la parole de Dieu est le seul ciment d’une telle église, qui vit sans liturgie ni même sacrements.

Les Quakers émigrèrent nombreux aux États-Unis et sous la conduite de William PENN (1644-1718), fondèrent, entre autre, la ville de Philadelphie et l’état de Pennsylvanie qui fut à son époque un modèle de tolérance démocratique et de bonne intelligence entre diverses communautés notamment avec les indiens.

L’influence des Quakers fut donc importante dans la création-même de l’état américain, la constitution de l’état américain s’inspira de la constitution de l’état de Pennsylvanie. Son fondement sur la Bible et l’obligatoire serment en celle-ci que suppose encore aujourd’hui tout acte officiel ou décisif dans le domaine constitutionnel politique ou judiciaire américain en est un signe tangible.

L’armée du salut fondée par Catherine et William BOOTH 3031 présente des caractéristiques proches de celles des Quakers , dans le courant réformé les églises évangéliques de le mouvance des églises de la Pentecôte n’ont pas non plus de liturgies fixes .

À partir du concile de Trente (1545-1549 ; 1551-1552; 1562-1563) la compagnie de Jésus, fondée en 1540 par Ignace de Loyola (1491-1556), fut la pointe de cette réforme catholique qui se transforma en ce que les protestants appelèrent la contre réforme, dans ce mouvement qui fut appelé l’ultramontanisme, qui se traduisit par une fidélité inconditionnelle à Rome.

Signalons que le concile de Trente fixa pour les quatre siècles à venir la liturgie des messes et intégra définitivement la version des septantes comme canon des textes bibliques, tout en assurant son caractère de référant unique à la version latine de la Vulgate, selon la traduction de saint Jérôme à Betlhéhem entre 390 et 415, et interdisait pratiquement en conséquence de fait la lecture directe de la Bible en langue vernaculaire pour le peuple Catholique.

Trois points essentiels de la vision réformée, au moins, se distingueront de la vision jésuite qui finira après des turpitudes (suppression de 1773 par le pape Clément XIV avant d’être restaurée en 1814 par le pape Pie VIII) par représenter encore aujourd’hui une certaine conception catholique de l’église.

Ces distinctions dépassent le fameux débat entre Port-Royal et la compagnie de Jésus 3032 .

La foi seule, la grâce seule, l’écriture seule sont les trois piliers de la réforme protestante. Aucune de ces affirmations n’est aussi nette dans la pensée initiale des jésuites qui restaient influencés par la scolastique et ARISTOTE.

Il reste aussi finalement dans le rapport à la structure à la hiérarchie au monde politique et à l’église, le rapport au sacerdoce universel des protestants s’opposant au ministère spécifique de prêtrise des distinctions fondamentales. L’institution politique ou d'église restait souveraine chez les Jésuites et dans la pensée Catholique. Le dernier concile de l’Église Catholique de Vatican II (1962-1965) fut précédé par quelques signes tangibles d’un renouveau de la vision de l’église à l’intérieur même des églises protestantes ou chrétiennes mais aussi de l’église catholique. Le Conseil oecuménique des églises fondé en 1937 officialisé en 1948 et qui regroupe plus de deux cent dénominations n’a certes pas rencontré l’adhésion officielle totale de l’église catholique qui participe cependant depuis le Concile (1965) à un groupe de travail mixte avec Ledit Conseil.

Ce dernier Concile marque très nettement un retour à l’écriture biblique comme parole de Dieu, la messe et les textes ne sont plus seulement exclusivement conçus et lus en latin, à une conception renouvelée de l’église catholique qui reconnaît les autres église chrétiennes. 3033

Jean ANSALDI, théologien protestant, montre quant à lui que la différence entre protestantisme et catholicisme semble, sur ce point historique, évidente. Le texte biblique est pour le protestant la référence ; pour le catholique historique, il faudrait y adjoindre la confrontation l’explicitation dogmatique de l’église à travers son histoire selon un lieu hiérarchiquement habilité pour ce faire.

‘“La tentation protestante consiste à se rassurer en se figeant dans la lettre du texte” (...) La tentation catholique consiste à poser un lieu hiérarchique habilité à dire la bonne interprétation des textes, le théologien recevant la bible et l’interprétation officielle dans le même mouvement.” 3034

Antoinette BUTTE, en l’an 1936, poursuivait donc sa réflexion selon sa foi en affirmant que ce lent travail de l’Esprit Saint par et dans l’Incarnation conduit à une nouvelle relation entre le chrétien et l’institution humaine. Cette nouvelle relation déjà perceptible, nous l’avons dit, à la naissance du christianisme, se concrétise historiquement depuis particulièrement la réforme et son héritage, pourrait gagner aujourd’hui, l’Église Catholique elle-même, où le rapport à l’institution semble connaître un certain bouleversement.

En parallèle, très sommaire survol historique de la nature

culturelle de la survivance du judaïsme.

À partir du pharisien Johanan BEN ZAKKAIet de la ville de Jamnia (ou Jabné) où il créa son académie rayonnant jusque dans la Diaspora, où nous avions laissé le judaïsme résistant à l’orée d’un christianisme naissant, le peuple Juif allait connaître pratiquement deux mille ans de turpitudes avant de retrouver sa terre, officiellement seulement depuis 1948, en tant qu’État souverain. Cette histoire se déroulera pendant vingt siècles comme à contre jour de l’histoire chrétienne.

Avant l’ère du christianisme et le temps de la dispersion, les figures idéales de la Bible, nous dit MAURICE-RUBEN HAYOUN 3035 , étaient le hasid (l’homme pieux), et le nazir (ascète) dont parle la Bible. Le rabbi (maître) et le talmid hakham (disciple du maître) apparaissent aux premiers siècles avant notre ère, nous l’avons dit au moment où naissent les différentes écoles.C’est le Synode de Jabné en l’an 100 environ, (Jabneh ou Jamnia) qui consacra la naissance du judaïsme rabbinique en signalant dans la situation dramatique de dispersion où se trouvait Israël, la dimension désormais essentielle de l’étude. En effet, pour pallier à la défection du Sanhédrin, Johanan constitua un conseil des maîtres, le Beth Din qui servit un temps, nous dit Abram Léon SACHAR 3036 de sénat de tribunal de parlement. André CHOURAQUI 3037 nous précise qu’à partir du moment où un édit d’HADRIEN (76-138) interdisait la transmission d’ordination des docteurs par l’imposition des mains (sémikha) cette transmission se fit par un mode qui le rapprocha progressivement de celui de l’obtention d’un diplôme.

Trois dimensions de la vie culturelle vont alors contribuer à sauvegarder le judaïsme. La prière qui selon l’expression de CHOURAQUI, subroge désormais le sacrifice rituel rendu impossible par la destruction du Temple, l’obéissance aux commandements de la Torah, et enfin l’étude, dont le Talmud constituera l’expression vivante et partagée comme actualisation dans le quotidien de la Torah, et dont la Kabbale est l’expression initiatique et mystique.

Les deux premières dimensions surtout, prière et obéissance, s’inscrivent dans la vie liturgique, rythmant la journée les semaines et les années du judaïsme, largement inspiratrice de celle qui constitua et continue de constituer le christianisme.

Cette vie liturgique prend racine dans une perception du temps qui émerge de la Bible et de la langue hébraïque ne connaissant que deux temps pour les verbes, le temps accompli et le temps en train de s’accomplir. Entre mémoire et avenir. Ainsi, la tradition juive ouvrant le christianisme se distingue des religions traditionnelles aux visions du temps circulaires et répétitives, comme de l’hellénisme pour qui le temps seul est infini. Pour le judaïsme les temps sont entre les mains de YHVH et ils auront une fin.

Les rabbis de Jérusalem et Babylone effectuèrent les transpositions nécessaires adaptant la prière à la situation nouvelle d’Israël : à l’aube la prière de shahrit dont la durée normale est suivie nous dit encore André CHOURAQUI 3038 d’une heure d’oraison par certains contemplatifs (les vatikim) ; à midi la prière de Mihna (l’offrande). Ces deux prières perpétuent le souvenir des sacrifices quotidiens effectués au Temple. Au crépuscule, la prière de Arbit introduit dans la paix de la nuit.

‘La prière suit la référence essentielle d’une marche de l’exil vers l’unité du Règne. La délivrance de la servitude d’Égypte, la proclamation de l’Unité d’Amour (shéma Israël) introduisent à l’oraison proprement dite, la prière des Dix Huit Bénédictions (Shemoné Esré). Ce texte, dont les parties essentielles sont de haute antiquité, célèbre le Dieu d’Abraham le triomphateur de la mort, le Dieu saint qui donne la connaissance accueille le repentir, pardonne les péchés, rédime son peuple, guérit les blessures, bénit les années, rassemble les exilés, rend le Jugement, châtie les réprouvés, fait grâce à ses amants, rebâtit Jérusalem et fait régner le Messie ; il est l’Auditeur de la prière, il fait revenir se Présence (Shékinah) en Sion, il règne sur la plénitude de toute sa création et bénit enfin son peuple dans la plénitude de la Paix. L’oraison part ainsi d’Abraham et aboutit à la fin de l’Exil, au règne glorieux du Fils de David; elle est répétée trois fois par jour depuis deux millénaires dans toutes les synagogues du monde par tous les Juifs qui ont gardé le sens de la prière. Avec force ce texte essentiel situe le Judaïsme aux deux seuls instants de la pleine signification du verbe: la Révélation et la Fin des Temps. 3039 ’ ‘La liturgie quotidienne introduit au repos du Sabbat qui parachève la plénitude de toute la création. L’année liturgique est marquée par le même rythme d’une marche vers la Lumière du Verbe : Pâque (Pessah ) commémore la sortie d’Égypte et la délivrance de l’esclavage, Shabou’ot, la Pentecôte confronte le Peuple avec l’événement absolu de la révélation du Verbe ; Soukhot enfin célèbre l’attente d’Israël dans les Tabernacles du Désert. Ces trois pèlerinages institués par la Bible, marquent les interventions de Dieu dans l’histoire d’Israël. Le cycle liturgique annuel défini par les rabbis culmine dans la fête cosmique de la Création du Monde. (Rosh ha Shana) et, dix jours de pénitence après à la solennité du Grand Pardon (Yom Kippur), le jour attendu du Jugement et des ultimes miséricordes du Seigneur. 3040

Nous pouvons résumer le sens de cette liturgie en disant qu’elle se situe à partir d’une promesse révélée, entre la mémoire de l’histoire biblique dont elle fait revivre quotidiennement hebdomadairement annuellement les grands chapitres, et l’espérance d’une ère nouvelle, la venue des temps messianiques qui font entrer le judaïsme dans une perspective universelle.

Les impératifs religieux, les Mitsvot 3041 (commandements au nombre de 613), dont l’ensemble constitue la Mitsva, selon donc les trois axes, prière, obéissance et étude, ont donc également germé dans l’exil, se sont répandus, subrogeant les rituels du sacrifice, et maintenus au travers de tout le judaïsme permettant, nous dit André CHOURAQUI, la survivance d’une identité et d’un peuple. Ainsi originellement n’est-il guère possible de détacher l’étude dont naîtront le Talmud et la Kabbale même si celle-ci semble, nous l’avons dit à la suite de SCHOLEM, prendre, sinon son modèle du moins ses méthodes d’investigation, ailleurs que dans le judaïsme, d’une vie liturgique au sens large. Liturgie signifie, selon l’étymologie, oeuvre commune dans le sens d’un service public.

Le Traité des Pères dans le Talmud compare ce monde-ci à un vestibule qui conduit au monde futur. Conduire au monde futur hâter l’accomplissement des promesses, tel pourrait être le sens de l’obéïssance aux Mitsvots. Dans le Judaïsme, l’espérance spirituelle s’incarne dans une histoire matérielle concrète, dont le retour sur la terre promise devra ouvrir l’ère nouvelle.

À partir de l’an 135, l’entrée à Jérusalem allait être pratiquement interdite aux Juifs. Jérusalem, conquise en 637 par les arabes, prônant la nouvelle religion de l’Islam, allait connaître le sort étrange de devenir la ville convoitée par les trois monothéismes se réclamant, tous les trois, d’Abraham.

Dès lors, le judaïsme devra se faire une place de plus en plus précaire et étroite et renoncer à l’accomplissement immédiat de la promesse du retour à la terre promise, entre l’Islam longtemps tolérant mais foncièrement pratiquement impénétrable, et le christianisme officiel qui finira par verser temporairement du côté de l’inquisition. Notons quelques moments importants de cette histoire.

Suite à l’émergence et à la constitution du Talmud à Babylone et Jérusalem, jusqu’aux V° et VI° siècle, après de premières persécutions chrétiennes, le judaïsme entre dans une période relativement plus florissante dans un Islam espagnol tolérant et protecteur. L’Espagne à partir de la conquête musulmane en 711 sera pendant huit siècles jusqu’à l’interdiction du sol prononcée en 1492 un foyer culturel central. À partir du XII° siècle surtout, les persécutions se répandront avec les extraditions prononcées en Angleterre (1290) France (1306, 1322, 1394), jusqu’à l’Espagne elle-même qui entrant sous le pouvoir de Ferdinand d’Aragon et d’Isabelle de Castille, dite la Catholique, proclama l’extradition de 1492 organisée par le Grand Inquisiteur TORQUÉMADA. Le prétexte de ces extraditions était le plus souvent le Talmud lui-même qu’on brûlait sur les places publiques et dont les chrétiens prétendaient qu’il calomniait Jésus-Christ. À partir de 1215 en Europe occidentale les juifs furent affublés d’une rouelle et d’un chapeau pointu qui les désignaient au mépris et à la haine des foules nous dit André CHOURAQUI. Parqués de gré et de force dans des quartiers réservés, on vit se répandre les ghettos. Le commerce de l’argent étant interdit aux catholiques,il devint avec l’artisanat et le petit commerce l’affaire des Juifs les exposant davantage encore à l’intolérance et la calomnie.

Cette époque donc se caractérise également par un déplacement du débat du plan de la théologie à celui de la philosophie. Le partage du monde entre chrétiens et musulmans a déplacé le centre de la question qui n’est plus celle du monothéisme duquel chacun se réclame mais celui des rapports entre rationalité et révélation.

Suivant les traces de SAADIA (885-942) théologien grammairien et penseur qui fut l’auteur d’un dictionnaire hébreu, et d’un livre de la langue, Moïse MAÏMONIDE grand érudit dit Rambam (1135-1204), fut une grande figure de la médecine de la philosophie et surtout du judaïsme médiéval. L’effort de ces deux hommes érudits fut essentiellement de tenter de concilier foi et raison. Moïse MAÏMONIDE d’un esprit tolérant et ouvert, fut influencé par le renouveau de la philosophie aristotélicienne qui accompagnait le développement de l’Islam. MAÏMONIDE entreprit une rationalisation et une mise en ordre du Talmud et de la pensée Juive en s’appuyant donc sur les principes de causalités propres à ARISTOTE, et les attributs divins qui en découlent lorsqu’ils s’appliquent au texte biblique. Son oeuvre consista donc à dégager, à partir du judaïsme biblico-talmudique, des notions conceptuelles sur Dieu, son essence, ses attributs, sa justice, sa providence et sa science. ARISTOTE établit un régime de causalités en quatre types : la cause finale (l’intention) la cause formelle (logique), la cause matérielle (physique), la cause motrice ou efficiente (l’explication). À travers ce régime ARISTOTE observait les animaux, obtenait ses classifications, mais sa méthode s’appliquait également à la compréhension des êtres et du monde.

ARISTOTE distinguait un être en puissance, “matière”, de l’être en actes “forme” principe immanent de l’organisation de la matière. Ainsi MAÏMONIDE distingua les intelligibilités que l’homme pouvait accumuler tout au long de son existence, de l’intellect agent, dernière intelligence séparée du cosmos et d’essence divine. L’intelligible est donc, selon MAÏMONIDE le moyen privilégié pour l’homme pour comprendre et entrer en relation avec Dieu intellect agent.

L’entreprise de MAÏMONIDE concernant le judaïsme est contemporaine de celle de AVERROÈS (1126/1198) issue du monde islamique. Elle précédera tout en l’influençant, semble-t-il, celle de saint THOMAS D’AQUIN (1228/1274), dans le christianisme.

Saint THOMAS D’AQUIN s’opposera farouchement à la philosophie matérialiste de AVERROÈS et il dénoncera l’interprétation que celui-ci fit de la philosophie d’ARISTOTE. Dans le système d’AVERROÈS 3042 , en effet, la quête de la logique, prisonnière d’un matérialisme, semblait rendre nécessaire l’ésotérisme pour comprendre la révélation. Les évangiles, la forme même de la transmission du message chrétien par l’enseignement de Jésus, son contenu et la tradition chrétienne s’opposent radicalement à ce type d’approche. Dans le christianisme, c’est la foi seule que l’étude peut certes nourrir et accompagner qui permet de comprendre le mystère divin, mais l’essentiel est révélé aux enfants.

‘(...)Jésus tressaillit de joie dans son esprit, et il dit : Je te loue Père Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux intelligents et aux sages, et de ce que tu les as révélées aux enfants. Oui Père je te loue de ce que tu l’as voulu ainsi (Luc 10 versets 21 et 22) ’

Le Judaïsme allait se laisser davantage infiltrer par la nouvelle philosophie issue du philosophe musulman entre rationalisme et ésotérisme.

Hasdaï CRESCAS (1340/1412) conseiller du roi d’Aragon fut le dernier grand philosophe juif espagnol et il combattit les positions de MAÏMONIDE, réfutant les positions aristotéliciennes qui fondaient le judaïsme sur la philosophie spéculative. Dès lors, le débat se trouva ouvert entre trois grands types d’approches de la révélation biblique dans le judaïsme .

Le courant que certains appelleront plus tard celui du fidéisme dont NAHMANIDE dit Ramban né en 1194 à Gérone, mort en 1270, fut un précurseur s’opposant au rationalisme aristotélicien de MAÎMONIDE, au nom de la distance entre Dieu et l’homme : Dieu est mystère pour l’homme et il agit de manière troublante pour l’esprit humain incapable de le comprendre.

Le courant qu’ouvrait NAÏMONIDE lui-même partisan d’une rationalité mesurée, proche finalement de celle du docteur angélique.

Enfin le mysticisme rationaliste ouvrant la porte à l’ésotérisme de la KABBALE espagnole par la publication vers 1300 du Zohar par Moïse DE LÉON de Grenade. Quelques successeurs philosophiques de MAÏMONIDE, comme Isaac ALBALAG vivant à la fin du XIII° siècle, Moïse DE NARBONNE (1300/1362) vont s’inspirer d’AVERROÈS dans la lecture même de l’oeuvre majeure du MAÏMONIDE le guide des égarés. Moïse de NARBONNE (1300/1344) fit une interprétation ésotérique de cet ouvrage.

Cette évolution du judaïsme semble conduire à partir de la ville de Safed qui allait réunir au XVI° siècle, derrière Jacob BÉRAB mort en 1541, exilé d’Espagne qui rêva un temps de reconstituer le Sanhédrin et surtout Joseph CARO (1488/1575) auteur de shulkhan Arukh ou la table dressée, une forte activité culturelle mystique, à la naissance de la Kabbale moderne sous l’impulsion de Isaac LOURIA (1534-1572) maître mystique dont l’essentiel de la doctrine fut mis en écrit par son disciple Hayym VITAL (1543/1620) dans l’ouvrage “les huit portes”.

L’hérésie du shabbataïsme (ou sabbataïsme), nous l’avons évoqué, semble être le point culminant du développement et du succès de l’approche mystique qui annonçait l’éminence des temps messianiques. À partir de l’apostasie contrainte au profit de l’Islam, du faux messie SHABBATAÏ TSVI (1666), parti à la conquête de Jérusalem, l’approche mystique et ésotérique allait devenir problématique et marginale pour le judaïsme au profit du rationalisme. Signalons simplement que Jacob FRANK (mort en 1791), juif de Podolie allait prétendre même être la réincarnation de SHABBATAÏ TSVI et répandre ainsi une nouvelle hérésie, le frankisme, mouvement très tôt excommunié à Brodys, par une conférence rabbinique, infiltrant dès lors secrètement, semble-t-il, l’église catholique, hérésie que la fille de Jacob FRANK, Èva, perpétua jusqu’en 1817.

La sortie du ghetto culturel du judaïsme allait lentement et progressivement se trouver encourager à partir d’un terrain plus favorable, avec la découverte du Nouveau Monde (1492) et l’installation massive de Juifs tant au Sud qu’au Nord de l’Amérique, le développement de la Réforme protestante retrouvant la référence biblique au coeur du christianisme, et enfin le développement des idées des lumières. On pourrait ajouter le développement de l’imprimerie qui allait progressivement conduire à une meilleure diffusion des écrits.

En Europe,la France la première, par l’Assemblée de la Convention, grâce au combat de l’abbé Henri GRÉGOIRE (1750/1831), accorda le 28 Septembre 1791, la reconnaissance aux Juifs comme citoyens à égalité de droits avec les chrétiens. Très lentement, mais progressivement l’Allemagne en 1848, l’Angleterre en 1858, l’Autriche-Hongrie en 1867, l’Italie en 1870, jusqu’à la Russie en 1917, suite à la révolution et après les douloureux épisodes des pogroms et répressions violentes, sous le tsarisme, finiront par suivre le mouvement imprimé par la France.

Les idées des lumières pénétrèrent le Judaïsme à partir surtout de l’oeuvre du philosophe berlinois Moïse MENDELSSOHN (1726/1786). L’originalité de la pensée de Moïse MENDELSSOHN fut de considérer le judaïsme et le fait religieux en général comme devant à la fois se soumettre au fait politique et civique et affirmer son indépendance par rapport à celui-ci. Il s’agit de la naissance de l’idée d’un judaïsme laïque, suite à la pensée de MENDELSSOHN, le mouvement des lumières ou “haskalah”. Les lois juives ne s’appliquent qu’à la communauté religieuse et ne doivent pas transgresser ou déborder le droit civil. MENDELSSOHN dans son oeuvre la Jérusalem inscrit l’idée que, si le pouvoir religieux doit tenter de convaincre, il appartient à l’état seul de contraindre, si Jérusalem est la capitale religieuse du judaïsme, il faut renoncer dans le temps présent à y voir une possible capitale politique. Ces idées seront reprises dans les arguments de l’abbé GRÉGOIRE qui, convaincra les réticences des parlementaires français, en définissant le judaïsme comme une religion parmi d’autres, dont la quête devenait avant tout spirituelle et religieuse. MENDELSSOHN, ami de KANT, s’inspirera donc de la rationalité froide et mesurée de MAÏMONIDE. Son commentaire du Pentateuque, ainsi que la traduction en allemand, furent des témoignages d’un judaïsme résolument rationaliste et mesuré paradoxalement légaliste. Sans tomber dans le panthéisme rationaliste d’un Baruch SPINOZA (1632/1677) qui fut exclu de la communauté juive en 1656, ou même dans celui de son contemporain ami et protecteur dans le monde des lettres, le fils de pasteur réformé, philosophe et dramaturge, précurseur de HEGEL, Gotthold Éphraïm LESSING (1729/1781), MENDELSSOHN défendit cependant la position de ce dernier face à Friedrich Heinrich JACOBI(1743/1819) taxé parfois d’un sentimentalisme fidéiste et qui voyait quant à lui, non sans arguments pourtant, dans la soumission du mystère de la révélation au criticisme des systèmes rationalistes, une altération profonde de la capacité d’intelligence du message divin.

Avec MENDELSSOHN et le mouvement des lumières “haskalah”, un dialogue entre Juifs et Chrétiens portant sur les rapports entre foi et raison, religion et état, liberté civile et liberté religieuse, semble s’ouvrir donc, ouvrant le ghetto culturel et précédant en quelque sorte un nouveau dialogue entre judaïsme et christianisme qui semblera se renouveler au XX° siècle sur des bases cependant différentes, nous allons y venir.

Comme le temps de l’époque de hellénistique avait fait naître aux derniers siècles avant l’ère chrétienne deux courants opposés e Judée, les Hassidim partisans de l’orthodoxie juive et ancêtres des sadducéens et des pharisiens, et les letzim partisans de la fusion de la culture juive dans l’hellénisme, le mouvement hassidique qui naît en Pologne dès les débuts du XVIII° siècle allait être le contre poids préventif du mouvement de la haskalah en qui les juifs traditionalistes virent à la fois un danger de désagrégation et une trahison des principes fondateurs de la religion.

Reprenant des propos de Matthew ARNOLD, Abram Léon SACHAR fixe cette opposition entre fidéisme hébreu et rationalisme grec en ces mots, l’Hébreu croyait en la beauté de la sainteté, le grec en la sainteté de la beauté. 3043

Le mouvement hassidique fut fondé par Rabbi Israël fils de Éliezer Israël BAAL CHEM TOV dit le BECHT (1700-1760), qui en reçut l’inspiration dans la solitude des Carpates et fit de Miedzybodz le centre de son enseignement, mais ce mouvement se développa dans la deuxième moitié du XVIII° siècle, surtout, sous l’action de Rabbi DOV BAER dit le Grand Maguid de Mézéritch, et Rabbi YAAQOV YOCEF de Polnoye ancien compagnon du BECHT.

Une autre forme d’orthodoxie juive, rationaliste celle-ci, allait naître à cette même époque. S’opposant au hassidisme et à son aspect jugé mystique et exalté, les Mitnagdim dont le mouvement naquit en Lituanie, défendirent l’intellectualisme rigoriste et le plus austère dans l’étude du Talmud, derrière Élie,le gaon de VILNA (1720/1797) qui excommunia les hassidim de Lituanie en 1781 et qui inspira la fondation, après sa mort, de l’académie de Volozhin en 1803.

Communion, contemplation, joie dans l’amour pour Dieu et le prochain, sont les premiers fondements de ce que beaucoup nomment la révolution hassidique qui effraya dans un premier temps les rabbins tout juste sortis des hérésies du sabbataïsme et du frankisme. Le hassidisme interprète de façon nouvelle les thèmes fondamentaux de la Kabbale et en brise l’ésotérisme pour les rendre accessibles aux masses. Nous trouvons aux fondements du hassidisme l’idée de la Kabbale de LOURIA qui voit toutes choses à partir d’une unité parfaite initiale entre le créateur et la création, le bris des vases ont répandu des étincelles de sainteté de par le monde auxquelles sont mêlées les forces du mal, et la présence divine s’est alors exilée du monde.

Le hassid (ce mot veut dire pieux) doit permettre le rassemblement des étincelles. Nous retrouvons toute la mystique de l’exil d’Israël et du retour. Dans la tradition lourianique en effet le drame d’Israël est une image d’un drame cosmique.

Alors que le mouvement de la haskalah ne sut pas faire naître un type enseignement à la fois nouveau et typiquement juif, le hassidisme allait se transmettre dans un premier temps par une nouvelle façon d’enseigner. Le maître dans l’histoire du hassidisme sera le Tsadiq , en hébreu le juste. Le Tsadiq est en lien avec sa communauté par une communion d’amitié le yeridat hatsadiq ou la descente du Tsadiq, signifie nous explique Marc Alain OUAKNIN que le juste se mêle à la vie de sa communauté pour en connaître les troubles quotidiens voire les transgressions et ainsi la conduire à s’élever avec lui 3044 .

Le hassidisme va donner naissance à des écoles nombreuses interprétant de façon nouvelle les écrits des maîtres. À partir de la fin du XVIII° siècle à la suite de Rabbi NAHMAN, et Rabbi SHNÉOUR-ZALMAN surtout, qui critiquèrent les excès du tsadiqisme (culte voué aux maîtres dont l’étude du comportement se substituait à l’étude de la Torah finissant par glorifier le culte de l’ignorance). Le hassidisme connut une envergure plus universelle dont l’école se perpétue jusqu’à aujourd’hui et a inspiré le renouveau de la pensée juive dont Élie WIESEL et Martin BUBER seront au XX° siècle les figures marquantes.

Napoléon 1° en 1807 convoqua une assemblée de notables et de rabbins qu’il affubla, selon l’expression de André CHOURAQUI 3045 , du titre de grand Sanhédrin et à laquelle il inspira les déclarations d’un judaïsme émancipé qui renonçait à sa terre et qui se soumettait aux lois de l’empire jurant fidélité à la France. Le simulacre de grand Sanhédrin ainsi artificiellement constitué ne devait pas résister à l’usure du temps et devait, selon l’expression de Abram Léon SACHAR 3046 , mourir d’inanition quelques années plus tard, mais le judaïsme public laïque était né, et son organisation politique française sous forme de consistoires fut calquée sur celle de l’église de la réforme en France. Mais comme l’église de la réforme française se scinda pour donner naissance au XIX° siècle aux églises évangéliques libres 3047 s’opposant à la main mise de l’état sur elles, la controverse entre réforme et contre réforme gagna l’église juive. Fallait-il jouer la carte de l’assimilation, comme y invitait MENDELSSOHN, ou fallait-il à la manière des Hassidim et des fondamentalistes revendiquer défendre ou imposer l’identité culturelle juive ?

Si la France avait ouvert le chemin d’une reconnaissance politique selon le droit civil ce fut en Allemagne que le mouvement moderniste et réformiste tentant de régénérer le judaïsme dans la modernité prit son essor.

D’un côté, le judaïsme réformé naissait, sous l’influence déterminante du prussien Abraham GEIGER (1810-1874), rabbin principal de Breslau fondateur de deux revues militantes et ouvertes Wissenschaftliche Zeitschrift für judische Théologie (1835 à 1848)et la Judische Zeitschrift für Wissenschaft und Leben (1862 à 1874) qui déclarait parlant du judaïsme traditionnel “il faut décapiter l’hydre” 3048 . Hériter du judaïsme de la haskalah, il déniera toute valeur au Talmud, concevant le retour à Jérusalem comme dépassé, le judaïsme comme en constante réforme se devant de s’adapter à la culture moderne qui seule permettait, selon lui, une relecture de la tradition. Mais la réforme ne parvint pas à devenir un mouvement de masse. À l’extrême de cette mouvance réformée trouvons-nous Samuel HOLDHEIM (1806-1860) qui à Berlin déplaça ses cérémonies religieuses le dimanche procédant même à des mariages entre juifs et membres de religions monothéistes différentes.

D’un autre côté se développa la Contre Réforme qui fut l’action du mouvement rabbinique, et s’installa plus particulièrement en Europe orientale où les idées modernes ne pénétrèrent pas. Dans ce mouvement la Shulkhan Arukh, ou table dressée, l’oeuvre ancienne de CARO, devint un livre aussi important ayant autant de valeur obligatoire, que la Torah de Moïse, nous dit encore CHOURAQUI 3049 .Les Yeshivot ou écoles talmudiques veillaient à ce que rien ne se perde des enseignements traditionnels de la Synagogue.

Samson-Raphaël HIRSCH (1808-1888), toujours en Allemagne, entre traditionalistes et modernistes, tenta de définir une voie moyenne dans ce qui fut appelé la néo-orthodoxie. Celle-ci reconnaissait la Torah comme un livre ayant pour fin la sainteté de l’homme et le salut du monde. La dispersion d’Israël était selon cette interprétation une conséquence de ses fautes et sa punition. La vocation du peuple Juif était de maintenir vivant au travers de sa culture le patrimoine qui donne les racines du salut pour l’humanité, en attendant l’heure que Dieu seul choisira du rassemblement sur la terre Promise et le salut des nations. Il s’agissait donc, selon la néo-orthodoxie, de refuser également, de prôner un enfermement dans la culture juive, ou au contraire de se fondre dans le monde en lisant le judaïsme comme une simple religion parmi d’autres, à caractère spirituel uniquement. Il fallait tout remettre dans les mains de Dieu de qui seul le salut allait venir. HIRSCH allait beaucoup s’intéresser à l’éducation juive. Il fonda en 1853 l’Unterrichtsanstalt, établissement d’enseignement.

Une autre manière de tenter de répondre à la dualité apparemment antinomique entre réformistes et traditionalistes était d’entrer dans le texte par une lecture scientifique. En tentant d’appliquer aux textes classiques du judaïsme des méthodes d’études scientifiques, un mouvement intellectuel éphémère mais influent encore aujourd’hui, sans aucune racine populaire à l’origine, naquit alors : la Wissenschaft des Judentums ou, en hébreu moderne, Hokhmat Ysrael (Science du judaïsme), à l’initiative de quelques intellectuels prenant le pas de MENDELSSOHN.

À l’origine de ce mouvement, MAURICE-RUBEN HAYOUN reprenant les études de Gershom SCHOLEM héritier contemporain de cette école 3050 , voit également des précurseurs chrétiens qui tentèrent une étude de la culture juive : PIC DE LA MIRANDOLE 3051 (1463-1494) qui tenta de comprendre le christianisme à partir de la Kabbale et réciproquement, Jean REUCLHIN (1455,1522) Jean BUXTORF, (1569-1629) et Jean BUXTORF le jeune (1599/1664), mais ceux-ci, nous dit MAURICE-RUBEN HAYOUN avaient une approche par trop intéressée.

Le mouvement naissant à l’initiative de Léopold ZUNZ (1794-1886) tentait de lire les textes traditionnels de la littérature rabbinique, avec des yeux de scientifique, il s’agissait de prendre le texte comme simple objet d’étude. Il ouvrit, suivant le cheminement de Friedrich SCHLEIERMACHER (1768/1834) dans le christianisme réformé allemand une nouvelle lecture herméneutique scientifique du texte. ZUNZ disait

‘Pour décider ce qui du vieux est encore valable, ce qui du passé doit être rejeté, ce qui du neuf doit être adopté, nous devons nous atteler à l’étude du peuple à la fois dans son sens politique que dans son sens moral.’ 3052

ZUNZ, humaniste libéral fort cultivé, d’une culture judaïque que certains prétendent encore inégalée, n’eut jamais le grade de professeur d’Université, ces idées pourtant sont à l’origine de la fondation de la “Hochschule für die Wissenschaft des Judentums” de Berlin en 1872 marquant un premier pont entre sciences, sciences sociales, et judaïsme. Simultanément, les différentes interprétations du judaïsme s’opposèrent au travers de différentes écoles rabbiniques qui devinrent ainsi parfois concurrentes. Les écoles rabbiniques fleurirent en Europe. Citons la fondation contemporaine à la Hochschule des autres écoles rabbiniques suivantes : la Jüdisch-theologisches Seminar” de Breslau (1854)proche de la néo-orthodoxie, conciliant conservatisme et intérêt pour la modernité, la landersrabbinerschule de Budapest fondée en 1877 poussa l’exigence de connaissance très haut. On ne pouvait entrer dans une telle université que si on avait accompli cinq années d’un cycle d’études universitaires. C’était l’ère du Herr Rabbiner Doktor. De cette école sortirent d’éminents intellectuels : les premiers leaders des sciences modernes du judaïsme : Moses BLOCH (1850/1913), Wilhelm BACHER (1850/1913), Ludwig BLAU, (1861/1936), Michaël GUTTMANN (1972/1942), David KAUFMANN (1852-1899) et Ignaz GOLDZIHER (1850/1921). Citons simultanément pour finir; la fondation d’une école rabbinique à Metz en 1830, transférée à Paris en 1859 et qui constitue l’actuelle École Rabbinique de France, et celle d’une école à Padoue en 1829.

Depuis le démembrement de l’état hébreu lors de la destruction du temple en l’an 70 après Jésus-Christ, depuis même peut-être la sortie d’Égypte et l’installation dans la terre promise, le XX° siècle est certainement pour le peuple Juif, le siècle le plus dense en événements politiques souvent tragiques et d’une ampleur planétaire. Ce siècle verra, en 1948, l’impensable, cent ans plus tôt, reconstitution de l’état d’Israël, suite à la terrible et bestiale, les mots sont faibles pour le dire, extermination raciale organisée par le nazisme : les six millions de morts parmi lesquels plus de un million et demi d’enfants de moins de quatorze ans. Sans développer les grands moments de cette histoire, nous allons faire ressortir quelques points qui peuvent préciser notre questionnement, nourrir notre cheminement, alimenter et relancer notre étude.

En premier lieu nous remarquons l’éminence de l’aspect culturel et a fortiori la perspective éducationnelle animée d’un fort sentiment messianique enraciné dans la Bible qui préside à la création de l’état hébreu et du mouvement qui en est à l’origine : le sionisme. Les fondateurs du mouvement sioniste dont Theodor HERZL (1860-1904), lui-même à l’origine de l’idée de la nécessité de la création d’un état hébreu dont il fut l’inventeur en quelque sorte, concevaient la revitalisation du judaïsme, et sa défense, comme plus essentielle car préliminaire à la constitution d’un état. Il existe dans l’âme des pionniers comme le réveil de la parole prophétique biblique, l’accomplissement d’une promesse.

‘Le désert et le pays aride se réjouiront ; la solitude s’égaiera, et fleurira comme un narcisse, elle se couvrira de fleurs et tressaillira de joie avec chants d’allégresse et cris de triomphe (...) Ésaïe chapitre 35 versets 1 à 2. ’ ‘C’est pourquoi tu diras : ainsi parle le Seigneur, l’Éternel:
Je vous rassemblerai du milieu des peuples
Je vous recueillerai des pays où vous êtes dispersés. Et je vous donnerai la terre d’Israël.
Ézéchiel chapitre 12 verset 17 ’ ‘Toutes les nations se rassembleront à Jérusalem, au nom de l’Éternel, elles ne suivront plus les penchants de leur coeur. Jérémie chapitre 3 verset 17

Simultanément, ce mouvement revêtit, dès l’origine, un caractère concret relié à l’urgence : il fallait survivre face à l’antisémitisme qui se développait. En marge des grands courants de la pensée juive de son époque, se destinant à faire carrière dans les lettres, Theodor HERZL qui était né à Budapest, était un journaliste viennois en voyage à Paris pour couvrir l’affaire DREYFUS, lorsqu’il prit la décision d’engager, nous pourrions dire de créer, la voie du sionisme politique. Il fut en effet irrémédiablement impressionné par l’antisémitisme ambiant.

La constitution de l’état n’était donc pas tant la fin qu’un moyen de résoudre le problème de l’antisémitisme grandissant depuis la fin de XIX° siècle. Lorsque HERZL publia en 1896 l’” État Juif Der judenstaat” , le titre allemand précisait ,Versuch einer modernen lösung der Judenfrage” ,autrement dit “traitement moderne de la question juive” ; lorsqu’il convoqua le premier congrès sioniste à Bâle en 1897, la situation des Juifs, particulièrement en Russie qui regroupait cinq millions soit la moitié de la population juive de la planète et en Roumanie où sévirent les terribles pogroms, l’affaire Dreyfus en France, l’antisémitisme réveillé en Allemagne, il s’agissait, avant tout, de trouver une solution concrète à une situation de plus en plus dramatique.

Premier fait paradoxal : la renaissance d’Israël allait s’opérer dans un premier temps à partir des mouvements qui prônaient la sauvegarde de l’identité juive plus que la modernisation du judaïsme ou sa réforme. Des voix très isolées, Moses HESS (1812-1875) socialiste allemand qui publia “ Rome et Jérusalem” en 1862, les premières migrations en terre de Palestine en fin de siècle vitalisées à partir de 1890 par la création à Odessa en Ukraine, suite aux persécutions en Russie, de la société “les Amis de Sion” encourageant le retour en terre promise, passèrent pratiquement inaperçues et pour utopiques. Tout le mouvement qui tentait au contraire l’assimilation du judaïsme comme simple religion depuis MENDELSSOHN faisait illusion avant de faire provisoirement faillite délabré dans sa propre patrie l’Allemagne, à partir de la montée au pouvoir de HITLER en 1933.

Remarquons un deuxième fait paradoxal maintes fois souligné : Au moment historique où le judaïsme, avec une force nouvelle, depuis la Diaspora, tentait la voie de l’intégration ou de l’assimilation, jusque dans le pays même, l’Allemagne, où les signes de celle-ci semblaient les plus tangibles et prometteurs, naissait et se développait, un antisémitisme dans des proportions jamais connues auparavant dont la forme nouvelle systématique pseudo-scientifique et athée relayait l’obscurantisme primaire pseudo-religieux qui avait survécu parfois, par le fait d’une ignorance du texte biblique, accusant, depuis la fin du Moyen Âge, le peuple Juif, du crime de déicide, ignorance maintenue par une part de la hiérarchie cléricale. Les persécutions furent donc comme d’une intensité inversement proportionnelle à l’assimilation qui semblait en voie.

Troisième fait étonnant. Jamais dans l’histoire un rapprochement entre chrétiens et juifs dans l’étude du texte biblique et son interprétation ne fut aussi forte que depuis la première moitié du XX° siècle. Nous citerons Martin BUBER (1878/1965) puisant dans la Bible et dont la perspective philosophique qui consista à signaler la prééminence de la relation personnelle “Je Tu” dans laquelle Dieu s’exprime parle et fait exister l’homme en lui laissant l’espace de la réponse, rejoignait la perspective existentialiste des penseurs chrétiens comme KIERKEGAARD et plus encore du mouvement personnaliste derrière Emmanuel MOUNIER (1905/1950) qu’il sembla même parfois indirectement inspirer. Nous citerons Franz ROSENZWEIG (1887/1929) initiateur du nouveau penser qui voyait dans l’abstraction et l’idéalisme la source de la crise de la pensée rejoignant indirectement et sans le savoir probablement, la quête de Maurice BLONDEL. ROSENZWEIG dénonçait une lecture pseudo-chrétienne hégélienne totalisante et idéaliste de l’histoire et ouvrait la perspective d’une pensée concrète telle qu’elle émerge de la langue hébraïque classique comme du texte biblique lui-même. En résumé, depuis notre XX° siècle des juifs méditent sur le Christ, et le Nouveau Testament, commençant à s’interroger sur lui. ROSENZWEIG parla, parmi les premiers, d’un réel apport du judaïsme au christianisme et réciproquement. On entend même dire dans certains milieux religieux d’Israël aujourd’hui, “si le messie que nous attendons, était le même Jésus de retour je n’en serai pas étonné.”

Le quatrième sujet d’étonnement est la simultanéité d’un triple mouvement composant une dimension culturelle toute nouvelle depuis la création de l’état d’Israël.

Le sionisme politique se développa considérablement à partir de 1917 et la conquête, par le général britannique ALLENBY, de la Palestine, jusqu’alors sous le contrôle de la Turquie musulmane. La déclaration de BALFOUR 3053 en novembre 1917 qui engageait la Grande Bretagne a oeuvré pour un foyer national juif en terre de Palestine dans le respect des populations locales et en dialogue avec les pays d’origine des migrants, provoqua une première accélération du phénomène migratoire . Après 1922, la société des nations confia un mandat international à la Grande Bretagne pour la Palestine et la partition des terres entre Juifs et non Juifs, et la migration s’accéléra à nouveau considérablement jusqu’aux premiers incidents entre Juifs et Arabes, à partir de 1936, jusqu’au livre blanc de CHAMBERLAIN en 1939 qui réglementait et limitait la migration l’achat de nouvelle terres et ajournait l’accession à l’indépendance annulant provisoirement de fait en partie la marche vers l’état hébreu indépendant en route, depuis 1920.

Le premier mouvement est celui de la constance de la perspective éducative à la fois fondatrice d’idées nouvelles, et productrice de changements concrets, qui naquit avec la venue des premiers colons , les pionniers du siècle dernier. Les pionniers d’Israël trouvèrent un sol désertique qu’il fallait cultiver. Les premières cités créées que furent vers la fin du siècle, Rishon le Zion en Judée, Zichron Jacob en Palestine et Rose Pinah en Galilée témoignèrent de ce travail inlassable. Avant même la première guerre mondiale, en 1910, à Dégania, une poignée de jeunes sionistes, vivant sous des tentes, créèrent la première exploitation collective, ancêtre des Kibboutzims qui allaient depuis devenir le symbole que l’on sait, il en existe plus de deux cent vingt cinq de nos jours ... et comme la prophétie l’annonçait, le désert refleurissait. Éliezer BEN YEHUDA pauvre et malade arrivé en 1881 en Palestine immigré de Russie, poursuivit dans des conditions très difficiles l’adaptation à la modernité de la langue hébraïque ancienne.

Depuis 1901, le quatrième congré sioniste à Bâle avait fait de la résurrection de l’hébreu l’un des points essentiels de son programme. Depuis 1917 surtout, en cinq ans la population était passée de 35 000 à 82 700, partout on créait des écoles en langue hébraïque, l’université hébraïque de Jérusalem était enfin construite, sur le mont Scopus dominant Jérusalem. Lorsque BEN YEHUDA mourut en 1922, au moment où la Palestine passait officiellement sous contrôle britannique la partie de la résurrection de la langue était gagnée, les enfants des écoles primaires recevaient déjà leur enseignement en hébreu moderne. Après quarante à cinquante années de travail acharné Ben YEHUDA accompagné en cela par sa jeune épouse avait produit une oeuvre fondamentale à la base de l’hébreu moderne permettant l’imprévisible résurrection de la langue.

Dans ce cadre se développèrent les premières méthodes intensives à l’usage des nouveaux arrivants, l’hébreu moderne s’enseignait dans les uplânims, écoles d’enseignements intensifs.

Aujourd’hui ,l’hébreu moderne est à nouveau une langue vivante celle de tout un peuple, ou presque, en effet, une partie de l’aile religieuse conservatrice, particulièrement les Natoré Karta, (gardiens de la cité), refuse toujours de parler cette langue, la considérant comme un sacrilège.

Le nouveau flot d’immigration qui suivit la seconde guerre mondiale puis la création de l’état fut à l’origine d’un travail éducatif essentiel. Certains traumatisés par les massacres du nazisme avaient tout perdu, jusqu’à l’usage de la parole. C’est alors que parmi d’autres le docteur FEUERSTEIN rééduqua ce qui paraissait irrémédiablement perdu à partir du Talmud et de la Torah.

Aujourd’hui, l’état hébreu compte un peu plus de quatre millions d’ habitants de nationalité israélienne sur une population totale de cinq millions trois cent mille habitants.

L’expression de André CHOURAQUI “ la Diaspora spirituelle” explicite le second mouvement, celui de la prise d’une conscience de diversités dans le judaïsme, conscience provoquée presque révélée, comme tout à coup, par le fait, d’une part, d’un “aplatissement” de l’histoire qui fit se rencontrer des juifs issus de plus de cent nations (cent deux), dispersés dans des lieux géographiques différents et à des moments différents de l’histoire d’Israël dont ils ont gardé dans leurs rites la mémoire vivante, comme un témoignage vivant et présent de cette histoire, entraînant, entre autre, et d’autre part, la formation d’un collège de deux Grands Rabbins selon deux rites différents, l’un de rite occidental (askénazi), l’autre de rite oriental (séphardi). Tout à coup l’histoire éclatée que narrait la Bible devenait lisible à l’oeil nu, et s’étale sur un seul territoire.

L’accession à l’indépendance mit donc à jour, après la diversité, les divergences, à la fois la communion d’un peuple dans une histoire et son éclatement.

Le troisième mouvement est celui du rayonnement, à partir d’Israël, d’une culture restée pendant deux mille ans semi-clandestine, connaissant depuis la fondation de l’état, un élan et un développement de publication sans précédent, ainsi le Talmud se traduit-il depuis peu cette seconde moitié du vingtième siècle en langue anglaise et même française. À ce propos, Josy EISENBERG 3054 interprète comme une véritable révolution dans l’histoire talmudique que le Talmud initialement écrit dans un mélange ancien d’araméen et d’hébreu ancien soit aujourd’hui en voie de traduction en hébreu moderne par Adin STEINSALTZ. Adin STEINSALTZ 3055 définit lui-même le Talmud comme une oeuvre en perpétuelle formation. Le seul espace culturel dit-il où non seulement le maître ne blâme pas son élève de le contredire, mais au contraire, l’y invite, où l’élève ne peut montrer sa capacité à comprendre que s’il comprend l’argument pour contredire sa propre compréhension. Le Talmud ne cesse donc de fasciner particulièrement dans les domaines de la philosophie où l’oeuvre de Emmanuel LÉVINAS a contribué à son intérêt, que dans celui de l’éducation où après qu’il ait inspiré Reuven FEUERSTEIN et le programme d’Enrichissement instrumental, qui postule de manière nouvelle dans la modernité de l’éducabilité permanente, des auteurs en sciences de l’éducation comme Philippe MEIRIEU s’y sont intéressés.

Notes
3003.

MALKA Victor “Le judaïsme” Ed Le Centurion Paris 1975 ; (175 pages) ; à la page 82.

3004.

MONOD Wilfred “L’Église” Fischbacher Paris Lausanne 1931 ; (94 pages).

3005.

BUTTE Antoinette “ L’incarnation La Sainte Cène l’Église” Librairie Fischbacher Paris Lausanne 1936 ; 207 pages

3006.

1° épître de Paul aux Corinthiens chapitre 12 verset 3.

3007.

Épître de Paul aux Colossiens chapitre 1 versets 17 et 18.

3008.

L’hymne à l’Amour ou à la charité fait suite dans la première épître de Paul aux Corinthiens à la définition de l’église comme un corps. (1° épître de Paul aux corinthiens chapitre 13.)

3009.

Première épître de Pierre au chapitre II versets 4 à 6 d’après la traduction de la Bible de Jérusalem.

La citation est du livre d’Isaïe (ou Ésaïe ) chapitre VIII verset 14.

3010.

Matthieu chapitre 16 verset 18 : “Pierre tu es pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église”.

3011.

Actes chapitre X

3012.

Actes chapitre IX versets 10/18.

3013.

TRESMONTANT Claude “La Métaphysique du christianisme et la naissance de la philosophie chrétienne” Le Seuil “ Paris 1961 ; 750 pages ; pages 90 et 91

3014.

Philosophe grec pythagoricien. L’un des derniers dialogues platoniciens (le Timée ) ; au récit de l’Atlantide (voir Critias) succède le Timée. Platon maintient que le monde sensible n’est qu’une image imparfaite du monde intelligible et qu’il n’y a de science que ce dernier, mais il tente néanmoins à l’aide de connaissances astronomiques physiques psychologiques et médicales de donner une explication vraisemblable de la formation de l’âme et du corps. Celle-ci a un caractère nettement finaliste. PROCLUS, philosophe néo-platonicien (412-485), écrira un commentaire sur le Timée de Platon traduit entre autre par FESTUGIÈRE.

3015.

CHAUNU Pierre se réfère à l’ouvrage de PROCLUS traduit par FESTUGIÈRE André Jean “Commentaire sur le Timée” Vrin PROCLUS (FESTUGIÈRES André Jean traduction et notes de ) “Commentaires sur le Timée” Vrin CNRS Paris 1966 tome 1 ; (266 pages); 1967 tome 2 ; (341 pages) ; 1967 tome 3 ; (361 pages) ; 1968 tome 4 ; (203 pages) ; 1968 tome 5 ; (247 pages).

3016.

CHAUNU Pierre “”Histoire et foi ‘ “Deux mille ans de plaidoyer pour la foi” Édition France - Empire Paris 1980 ; (314 pages); pages 108 et 109.

3017.

MESLIN Michel et LOEW Jacques “L’histoire de l’Église par elle-même” Fayard Paris 1979 ; (679 pages) à la page 40. Cité par CHAUNU Pierre op. cit. à la page 123.

3018.

Antoinette BUTTE op. cit. ; 1936 ; page 134.

3019.

AUGUSTIN Saint “Six traités anti-manichéens” Desclée de Brouwer Paris 1962 ; (827 pages).

De duabus animabus- Contra FORTUNATEM- Contra admantum- Contra epistulam fundamenti- Contra SECUNDINUM- Contra FELICEM manichaleum.

3020.

L’église Manichéenne se développa et survécut jusqu’au quatorzième siècle environ. Elle s’étendit jusqu’en Chine.

Les sectes “dualistes”dites manichéennes se développèrent au Moyen Âge à partie du XI° siècle en Europe, comme les bogomiles et les cathares). Leurs liens avec le manichéisme originel n’est cependant pas clairement établi.

3021.

AUGUSTIN Saint “La crise pélagienne” Desclée de Brouwer Paris 1966 ; (671 pages).

Epistula ad hilarium syracusanum - De perfectione justitiae hominis- De natura et gracia- De gestis Pelagis.

3022.

Voir dans les confessions au livre quatre “Lueurs dans la nuit”, en particulier, la fascination qu’exerça sur lui un certain FAUSTUS évêque manichéen impressionnant par son éloquence. Finalement à Milan l’évêque AMBROISE par la simplicité de ses paroles concernant le salut, par les effets de sa charité, permit à saint AUGUSTIN de rejoindre l’église catholique.

3023.

Saint AUGUSTIN cite la lettre de Paul Éphésiens chapitre 1 verset 8

3024.

Saint AUGUSTIN cite l’Évangile de Jean chapitre 1 verset 9

3025.

AUGUSTIN Saint “Six traités anti-manichéens” Desclée de Brouwer Paris 1962 ; (827 pages).

Contre SECUNDINUS XXVI ( page 633).

3026.

Saint AUGUSTIN cité de Dieu XIV , 28 cité par

MESLIN Michel et PALANQUE Jean Rémy “Le christianisme antique” Armand Colin Paris 1967 ; (318 pages) à la page 269.

3027.

Pierre VALDO (ou VAUDÈS ou VALDÈS) était un marchand lyonnais qui précéda en quelque sorte la réforme en prônant en plein XII° siècle un retour aux saintes écritures, la pauvreté évangélique, l’égalité entre prêtres et laïques, le sacerdoce universel. Contraints de s’exiler suite aux décisions des conciles du 3° concile du Latran 1179 (11° concile oecuménique) puis de Vérone en 1184 qui confondirent la secte avec les cathares dont elle se distinguait pourtant radicalement et anathèmisa l’une et l’autre. La doctrine fut encore condamnée au Concile du Latran en 1215, il reste encore des disciples de Pierre VALDO, 20 000 vaudois dans les vallées du sud est de Torino.

3028.

C’est dans une période de grande crise de l’église qui aboutit au schisme d’Occident (1378/1417), temps pendant lequel siégèrent les anti-papes d’Avignon, schisme auquel seul le concile de Constance (1414/1418) mit fin, que l’anglais John WYCLIF se prononça avant LUTHER et CALVIN contre les indulgences. WYCLIF se prononça dans son “Officio Régis” encore, précédant la réforme, entre autre, pour la séparation des pouvoirs de l’église et de l’état un retour à la Bible comme seule source de foi, et à la pauvreté. Les lollards, recrutés parmi les paysans anglais contestataires de l’ordre clérical catholique, furent les évangélistes que WYCLIF envoya à travers l’Angleterre pour prêcher ses idées. Ce mouvement survécut à son initiateur et contribua, dit-on, à la reconnaissance de la réforme anglicane par le peuple sous le règne de Henri VIII ((1509/1547) au moment du schisme anglican, mais surtout il resta proche des idées de la réforme protestante.

3029.

La référence d’Antoinette BUTTE est P LESTRINGANT : numéro du 5 Septembre 1935 de Christianisme du XX° siècle : “série d’études comparées du catholicisme et du protestantisme”

3030.

CALVIN in “Institution Chrétienne” Livre IV Chapitre 1 § 2 ; (cité par Antoinette BUTTE 1936 (op. cit) ; à la page 135.

3031.

NAVILLE Hélène “Catherine BOOTH et la fondation de l’armée du salut” Éditions Forum Genève 1925 ; (140 pages).

Issus de l’église méthodiste William BOOTH et sa femme, comme leurs successeurs aujourd’hui ne considérèrent jamais vraiment l’armée du salut comme une nouvelle Église Institution, mais, comme une oeuvre qui servirait de ciment entre les diverses églises, servant l’oeuvre de Dieu, au service des plus démunis.

3032.

L’école Janséniste fondée par Cornélius JANSEN (1585-1638) s’oppose en effet historiquement très fortement aux écoles Jésuites formés à l’imitation de Jésus Christ. Nous retrouvons le débat entre libre arbitre et grâce et prédestination qui avait opposé PÉLAGE et Saint AUGUSTIN qui opposa LUTHER et ÉRASME. JANSEN voulait restaurer la pensée augustinienne, les Jésuites accentuaient davantage les mérites de l’homme. Les questions en jeu dans le débat étaient celles-ci : prédestination au salut (jansénistes) de quelques élus, ou salut également offert pour tous (jésuites) ? Eschatologie finale (jansénisme) ou marche vers le royaume de la société des hommes (jésuites).Lire au chapitre XI (pages 325 à 365). “Des cibles pour M. PASCAL” .

LACOUTURE Jean “Jésuites” tome 1. Les conquérants : Seuil Paris 1991 ; (509 pages).

3033.

G. RICHARD MOLARD “Un pasteur au Concile” Albin Michel Paris 1966

3034.

ANSALDI Jean “Le théologien et les écritures” in “Viens et vois l’amitié” Hiver 93 n° 305 ; page 16

3035.

MAURICE-RUBEN HAYOUN “ Le judaïsme moderne “ PUF Paris 1989 ; (128 pages).

3036.

SACHAR Abram Léon “Histoire des Juifs” Flammarion Paris 1973; (580 pages).

à la page 175

3037.

CHOURAQUI André “Histoire du judaïsme” PUF Paris 1990 (1°édition 1957) ; (128 pages) ; à la page 31.

3038.

André CHOURAQUI op. cit. ; page 32

3039.

Ibidem

3040.

Ibidem

3041.

Trois cent soixante de ces commandements sont des commandements négatifs et le reste deux cent quarante huit sont des commandements positifs.

3042.

AVERROES “L’accord de la religion et de la philosophie” Éditions Sindbad Paris 1989; (70 pages).

3043.

SACHAR Abram Léon “Histoire des Juifs” Flammarion Paris 1973; page 126.

3044.

OUAKNIN Marc Alain “Ouvertures hassidiques” Jacques GRANGER Paris 1990 ; (184 pages) ; à la page 79.

3045.

André CHOURAQUI op. cit. ; page 102

3046.

SACHAR Abram Léon op. cit; page 327

3047.

La question de la séparation radicale ou inversement de la dépendance même relative des églises et de l’état conduisit en 1848 à la scission de l’église protestante réformée en deux groupes, les partisans d’une église dite professante ou confessante, s’opposant à l’église dite de multitude, formèrent, autour du pasteur Frédéric MONOD, les églises libres avec l’idée centrale que l’église devait correspondre à un profession de foi commune de chacun de ses membres et non à une définition institutionnelle de celle-ci. Cette optique était résolument celle d’une autonomie décentralisée des communautés ecclésiales locales et évangéliques c’est à dire fondamentalement biblistes. En 1938, les églises réformées se soudèrent à nouveau en partie dans l’Église réformée de France que la moitié des églises libres regagnèrent, au sein de la fédération protestante de France où elle se trouvaient déjà et qui regroupe depuis le début du siècle les églises protestantes adhérentes qui sont la majeure part ...

3048.

Cité par André CHOURAQUI op. cit. ; à la page 108.

3049.

André CHOURAQUI op. cit. ; page 108

3050.

MAURICE-RUBEN HAYOUN Maurice op. cit. ; 1989 ; page 60.

3051.

Émile G. LÉONARD voit en l’italien, proche de SAVONAROLE, (1452-1498), Giovanni PICO DELLA MIRANDOLA, un précurseur de l’humanisme chrétien . Il écrit à son sujet :“(...) PIC DE LA MIRANDOLE, paré de tous les dons de la naissance, de la richesse, de la jeunesse, de la beauté,fut à proprement parler l’Homme qu’exaltait l’humanisme. Or, - profondément chrétien, jusqu’à désirer prêcher le Christ, “le crucifix à la main, pieds nus, par les villes les campagnes et les bourgs”, et l’un des hommes les plus instruits du temps, sans l’esprit d’exclusivisme qui poussait les autres humanistes à rejeter ARISTOTE et les scolastiques, -c’est lui qui donna la forme définitive à l’humanisme chrétien, avec son goût de l’exégèse, sa philosophie optimiste, ses interprétations fort libres du dogme, son attachement sentimental aux expériences mystiques du christianisme,son souhait d’une Église simplifiée, purifiée et tolérante et son attachement aux institutions traditionnelles.”

Émile G. LÉONARD “l’histoire du protestantisme” PUF Paris 1950 ; (page 14)

3052.

Cité par SACHAR Abram Léon op. cit; 1973 ; page 379

3053.

Il s’agissait d’une missive de BALFOUR, ministre des affaires étrangères britannique à destination de Lionel Walter ROTHSCHILD, bienfaiteur d’Israël.

3054.

Josy EISENBERG e préface “Introduction au Talmud “ de Adin STEINSALTZ Albin Michel Paris 1987 ; pages 5 à 7

3055.

“Introduction au Talmud “ de Adin STEINSALTZ Albin Michel Paris 1987 ; (326 pages)