Note connexe numéro dix-huit. Le cheminement d’une éducation, de la genèse vers l’accomplissement. Extraits de :“Antoine CABALLÉ op. cit ; 1994Pages 154 à 157

Le chemin d’une éducation, de la genèse vers l’accomplissement :

Dans l’évangile de Marc au chapitre 4 verset 28 et suivants, Jésus parle par une parabole.

Il dit encore ; il en est du Royaume de Dieu comme quand un homme jette de la semence en terre; qu’il dorme ou qu’il veille, nuit et jour, la semence germe et croît sans qu’il sache comment. La terre produit d’elle-même, d’abord l’herbe puis l’épi; et dès que le fruit est mûr on y passe la faucille, car la moisson est là.

L’image à laquelle Jésus compare le Royaume de Dieu nous invite à la lecture chrétienne du texte biblique selon le paradigme de l’accomplissement. On ne peut, en effet, comprendre le geste d’un semeur si nous ne connaissons la suite du développement de sa semence. Autrement dit, pour un extra-terrestre venu d’une autre planète, ce geste resterait mystérieux. De même, on ne peut totalement comprendre le sens des moissons que si nous comprenons que cet événement se situe en fin de processus, que ces fruits que l’on cueille ne sont pas comme sur une vitrine de magasin. Sur cette terre, un jour, une main les a plantés, ils ont poussé, germé, d’une manière premièrement invisible, avant de paraître au grand jour. Ainsi se lit le texte biblique dans une perspective chrétienne.

Ce texte, en effet, ne peut être totalement lu sans cette perspective historique de l’accomplissement.

Il reste une différence entre l’objet de la semence et celui de la moisson : le fruit n’est pas la graine.

La consommation du fruit, la dégustation de sa saveur, ne nécessitent nullement que l’on ait la connaissance du processus qui l’a vu naître, grandir, éclore. Ainsi se présente la nouvelle alliance, évangile, bonne nouvelle, en ce qu’elle propose un fruit, d’abord à consommer par celui qui n’a ni semé ni moissonné et qui n’a parfois même, ni connaissance des temps précédents. Ce qui fut dit à Moïse, la loi, ne contredit pas le Christ ni la foi que celui-ci révèle appelle et nourrit. Contre les apparences d’une logique plate sans perspective historique, elle en est le pédagogue.

Enfin, cet accomplissement avec la venue du Christ est moins un achèvement qu’un commencement. Les premiers chrétiens, les actes des apôtres et le livre de l’apocalypse en témoignent plus particulièrement, attendaient le retour annoncé du Christ dès les premières années de l’ère chrétienne.

Dans ce sens et comme le souligne Paul BEAUCHAMP 3180 , théologien catholique, la Bible est livre d’espérance. Paradoxalement, Paul BEAUCHAMP souligne que c’est l’Ancien Testament qui délivre avec le plus d’insistance cette dimension de l’Espérance. Si nous percevons, comme nous l’avons déjà bien souligné, que le Nouveau Testament insiste davantage, puisqu’il s’y fonde, sur le paradigme de l’accomplissement en Christ, révélant plus qu’il n’évoque, à la manière de l’ancienne alliance, un monde nouveau, cette remarque ne doit pas nous étonner. Les trois formes de l’espérance biblique sont, d’après Paul BEAUCHAMP, les suivantes.

La première forme est l’espérance d’une terre, selon la promesse faite à Israël, terre promise, dont la foi seule est chemin. “ Ni dans mon arc n’était ma confiance, ni mon épée ne me fit vainqueur. Par toi nous tenons la victoire.” (Psaume 44 verset 7 TOB). Paul BEAUCHAMP souligne alors, concernant cette première espérance, l’importance de ce que les théologiens nomment la synergie, l’action conjuguée de Dieu et de l’homme. La manne qui nourrit pendant quarante ans le peuple lors de la traversée du désert, descendait du ciel chaque matin,(Exode 16). Elle se devait d’être mangée le même jour ne pouvant être stockée, ainsi se renouvelait la confiance en Dieu chaque matin, permettant son oeuvre. Plus tard Jésus dira être lui-même le pain de vie descendu du ciel. (Jean 6 verset 35 à 51). La nouvelle alliance est bien accomplissement de l’ancienne.

La seconde forme d’espérance est l’espérance eschatologique (de eschaton) final extrême, coeur et terre renouvelée ne font qu’un l’inouï est désigné par ce point extrême. Paul BEAUCHAMP parle alors d’un monde hyperbolique où il n’y aura que paix et abondance tous les maux ayant été bannis.

La troisième forme de l’espérance est apocalyptique, elle concerne le ciel et la terre, élargissement maximal, nous dit BEAUCHAMP, des deux premières espérances, dont le livre de Daniel et “son apocalypse” les chapitres 7 à 12, en parlant d’une création transfigurée, Zacharie (chapitre 14), mais surtout Ésaïe, l’évoquent déjà plus particulièrement, avant l’apocalypse de Jean dans le Nouveau Testament, son renouvellent est radicalisé sous forme de nouvelle création.(...). Avec l’Apocalypse et avec l’expérience du martyre surgit quelques temps avant l’évangile, une Espérance qui, en Israël, est nouvelle : elle recevra ce nom de “résurrection” auquel il nous faut donner sens.

Ainsi donc, la troisième espérance, selon Paul BEAUCHAMP, passe par la mort, passage obligé vers une création nouvelle, et le martyre dont le Christ offre la figure première et salvatrice, est l’expérience centrale des apocalypses.

Nous pourrions ajouter que de manière visible cette triple espérance a maintenu Israël en vie permettant sa reconstitution récente, et nourrit jusqu’à aujourd’hui la foi chrétienne, transformant en signes de joie et de paix, de pardon et d’amour, les souffrances des premiers martyrs et des témoins d’aujourd’hui.

Comme le souligne l’apôtre Paul dans l’épître aux Romains ( chapitre 8 verset 19 à 22), cette espérance totale universelle concerne encore la création toute entière.

“Or nous savons que, depuis ce jour, la nature soupire et souffre les douleurs de l’enfantement” (Romains chapitre 8 verset 23).

Ainsi, l’action de l’Espérance fait-elle entrer dans une communion d’espérance avec la nature elle-même. Cette communion n’est donc pas un panthéisme où l’homme attendrait de la nature et chercherait en elle la révélation de Dieu, mais une sorte d’inversion du panthéisme :la nature attend avec un désir ardent la révélation des fils de Dieu (Romains chapitre 8 verset 19), nous dit encore l’apôtre Paul.

En effet : “Nous sommes fils de Dieu, en Christ, en lui, par lui, nous le sommes”, telle pourrait être la confession qu’engendre Jésus et la foi en le Fils Unique. Entrer dans les textes au travers de la triple dimension de l’Espérance, nous conduit à lire véritablement le texte biblique comme la porte s’ouvrant sur une telle perspective éducative, être fils c’est avoir part au Règne c’est entrer en communion par l’esprit saint avec le Fils et le Père.

L’input, pour reprendre dans un sens biblique, un terme que les éducateurs emploient, c’est l’espérance qui répond à la promesse, qui fit partir Abraham, et qui fait aujourd’hui se lever celui qui marche par la foi. Acte de foi, saut dans le vide du choix délibéré d’une vie exposée, choix de la vie qui suppose celui de la mort aux projets de l’homme pour entrer dans le projet de Dieu, sans cesse nouvellement actualisé en cette promesse sans cesse renouvelée et précisée, telle est l’Espérance.

Le Christ est lui même en même temps que accomplissement par le don d’amour gratuit de cette espérance le chemin qui permet désormais à chacun d’entrer dans ce Règne Nouveau communion au Père...

La foi nourrit l’espérance, et l’Amour sur le modèle du Christ, celui du sacrifice, l’accomplit, la mesure de l’Amour don gratuit devient la mesure de toutes choses.

Comme le dit encore l’apôtre Paul, “trois choses demeurent la foi, l’espérance, et l’amour mais la plus grande c’est l’amour.”

(1° épître aux Corinthiens chapitre 13 verset 13 .

Tel est le sens de l’éducation biblique et chrétienne, désormais, il faut aimer comme Dieu aime, voir comme Dieu voit, comprendre comme Dieu comprend, mais ce cheminement qui paraissait impossible et dont toute l’ancienne alliance se plaisait à montrer l’inaccessible hauteur “Mes voies ne sont pas vos voies , mes pensées ne sont pas vos pensées. Autant les cieux sont élevés au dessus de la terre,autant mes voies sont élevées au dessus de vos voies” (Ésaïe chapitre 55 verset 8 à 10), la force est donnée de l’accomplir au moment même où l’intelligence en discerne la nécessité, parce que Jésus en accomplit le chemin pour nous, tel est le sens de la bonne nouvelle de l’évangile.” Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous lavez les uns des autres, car je vous ai donné un exemple afin que vous fassiez comme je vous ai fait. “ (Jean chapitre 13 verset 15).

Notes
3180.

BEAUCHAMP Paul “La Bible livre d’espérance” in Études t. 38 1 Juillet Août 94 pp 69 à 78