Interview de Antoine CABALLÉ diffusée dans : “éclats de vie “ R.C.F. Valence Le 08 03 97 Par Louis CABALLÉ

1° question :

Antoine, tu es instituteur à Saint-Étienne, dans une Zone d’Éducation Prioritaire, c’est dire que tu interviens dans un quartier dit “difficile”, tu es par ailleurs formateur de maîtres à l'IUFM de Saint-Étienne, centre local rattaché à l'IUFM de Lyon. Enfin, tu travailles en l’Université de Lyon 2 en Sciences de l’éducation, et tu prépares une thèse, dont le sujet est : l’éducation et la Bible.

C’est de ce dernier sujet, essentiellement, dont nous allons aujourd’hui parler. Ma première question sera : Comment en es-tu arrivé à définir ce sujet de travail et de réflexion : la Bible et l’éducation

Réponse :

Cet intérêt est très ancien mais deux anecdotes ont sans doute contribué à rendre inéluctable ce qui était latent.

Dans le cadre universitaire, il y a plusieurs d'années, en 1992, après une Licence obtenue l'année précédente à Saint-Étienne, je poursuivis à l'Université de Lyon, des études en Sciences de l'Éducation pour une Maîtrise. J'avais obtenu un congé à cet effet, d'une année.

Lors du premier cours de Philippe MEIRIEU, portant sur le thème de l'éthique, celui-ci demanda aux étudiants, en guise d'entrée en matière, d'énoncer ce que, selon eux, évoquait ce terme d'éthique. Les étudiants, assis en bout de rangée de l' amphithéâtre rempli jusqu'au dernier siège, devaient écrire sur le tableau ce que leurs collègues de rangée leur soufflaient. Étant moi-même assis à l'extrémité d'une rangée, j'héritais donc d'un feutre pour transcrire au tableau les propositions qui m'étaient faites. "La Bible " et "le Christ", me "brûlaient" bien sûr, alors, le feutre; or ce jour-là, personne, ni finalement moi-même qui manqua, dans ce moment précis, peut-être, de courage, ne mentionna au milieu d'une bonne centaine de propositions, ni la Bible, ni le Christ. Cette absence, surtout, a posteriori, m'est apparue comme très significative ... La conscience se confirmait très clairement en moi, que dans les disciplines des sciences humaines en général et dans les sciences de l'éducation en particulier, comme aussi dans les pratiques éducatives publiques, il existait un refoulement, un enfouissement qui, en ces temps là, il n'y a pourtant que quelques années, était vraiment très fort, implicite, et peut-être en grande part inconscient.

Toujours en cette même année, dans un autre cours, celui de la méthodologie de recherche, un autre professeur, Georges PIATON, nous demandait de tenir un journal de recherche. Ce journal de recherche ne devait pas obligatoirement être diffusé et pouvait donc être gardé intime. Il était conçu comme un questionnaire auquel nous étions invité à répondre de manière donc très personnelle, comme un outil de travail à usage interne.

Le cours de Georges PIATON, en effet, se présentait comme une série, ou plutôt une suite, de questions auxquelles il nous était demandé de trouver notre réponse personnelle, tandis que simultanément, au fur et à mesure de l'année, des étudiants préparaient un exposé sur le thème de la question posée. Ce travail personnel et qui pouvait rester strictement intime, nous permettait donc d'anticiper sur l'exposé que des collègues étudiants allaient nous présenter. Lorsqu'à la première question, en ouverture du journal, on nous demandait pourquoi nous cherchions, quelle était notre motivation profonde, je ne pouvais éviter de me rendre à l'évidence, d'autant plus que cette question survenait quelques jours après l'épisode précédent. 3302

Dans cet espace de liberté ainsi offert, paradoxalement, par l'institution universitaire, je répondis d'une manière intime, presque privée ou cachée, qu'évidemment ce que je cherchai à comprendre en premier se tenait dans les liens entre la foi chrétienne qui m'habite et le métier d'instituteur laïque que j'ai exercé et développé de manière parallèle à cette foi, mais que cette foi n'avait cessé de nourrir de manière pratiquement clandestine.

Or j'avais la conviction, à l'époque déjà que si la foi était personnelle, elle n'était pas privée. Il était urgent de sortir de la clandestinité afin d'éprouver mes réflexions au grand jour.

Et ceci a fini par déboucher, un an plus tard, sur le sujet que j'ai déposé et qui, une fois reconnu au troisième cycle, fournit le thème de mon travail de DEA qui fut intitulé " De l'action éducative de la Bible ", puis, de mon travail de thèse.

Donc, tout est parti de la conscience d'un enfouissement qui progressivement m'est apparu comme insupportable, puis, l'opportunité pour un enseignant du premier degré, au milieu de son parcours, de commencer des études, m'a donné l'occasion de tenter d'élucider cette question pour moi essentielle.

Et, même si depuis lors, plus spécialement depuis deux ou trois années, beaucoup semblent se préoccuper du sujet de la religion ou de la Bible, qui devient presque à la mode, comme si, à première vue en tout cas, il importait de tenter de rattraper le temps perdu, il reste à élucider les raisons de ce long enfouissement qui caractérisa notre modernité comme aussi sans doute les raisons de ce réveil tardif.

2° question :

Donc, on pourrait dire qu'il y a quelques années tu as eu comme une prise de conscience d'un refoulement à l'intérieur du monde de l'éducation et en particulier de l'éducation nationale, de la Bible et de la parole chrétienne.

Réponse :

Cette prise de conscience a été progressive, mais il est vrai que le détonateur s'est produit comme je viens de l'évoquer, lors des études entreprises, comme les deux anecdotes précédentes essaient d'en rendre compte. Plutôt que d'un refoulement, le mot refoulement évoque la topique psychanalytique dans laquelle cette thèse ne se situe résolument pas pour des raisons qui sont développées dans la thèse même, je voudrais parler d'un enfouissement culturel profond, pour renforcer l'idée encore de quelque chose dont n'on aurait pas vraiment de conscience.

Ce qui est enfoui de la Bible, est ce qui la constitue par l'intérieur, sa dimension intrinsèque, qui, de manière fort évidente, agit et a agi dans l'histoire et dans le présent, comme dans le monde et les consciences pour les transformer, ce dont nous pouvons facilement repérer les signes. Ce qui m'a énormément motivé était de tenter de mettre à jour ce qui était enfoui.

3° question :

Quel est le sujet exact de ta thèse a un titre ?

Réponse :

Il est difficile, comme chacun le sait, de parler d'une thèse tant qu'elle n'est pas terminée. On sait quand on commence, on ne sait pas quand on va finir, bien qu'on tente de se donner des échéances, et surtout on ne sait pas toujours si on va pouvoir terminer.

Le titre, au stade actuel, en est : Bible et éducation : une autre pédagogie ? Avec point d'interrogation. Ce titre n'est encore que provisoire. Il est simplement en cohérence relative avec le stade actuel de la réflexion.

Pourquoi le point d'interrogation ?

Parce que, à l'évidence, la pédagogie qui émerge de la Bible, ne se présente pas comme procédant directement de l'homme, la Bible est un livre qui s'écrit dans une histoire et Dieu ne dit pas tout, tout de suite, aux hommes. Il avance petit à petit des pions et ne dit que très progressivement des choses. À Noé, à Abraham, à Moïse, aux prophètes jusqu'au Christ qui accomplit en sa personne l'enseignement de Dieu et, au delà même de l'enseignement, la vie que Dieu veut nous offrir. Une vie de communion en lui avec lui, d'entrée dans sa volonté sans plus de barrière entre lui et nous, puisque Christ est le chemin qui accomplit le chemin, justement, la distance entre Dieu et l'homme.

Alors "une autre pédagogie ?" avec point d'interrogation, parce qu'habituellement lorsque nous parlons de pédagogie nous n'évoquons souvent que des procédures strictement humaines, nous parlons de ce que nous faisons.

Par exemple : la manière de faire la classe, la manière dont nous concevons l'éducation des enfants ...Et, évidemment, si la pédagogie biblique est d'abord d'origine divine, il en résulte que nous ne pouvons pas parler de la pédagogie avec les mêmes mots, ou en tout cas de la même manière, et c'est pourquoi il y a ce point d'interrogation.

Autrement dit : Il pourrait s'agir d'une autre pédagogie dans la mesure où celle-ci différerait de nos procédures humaines, d'une part, mais aussi, et d'autre part, parce que le mot même de pédagogie se revêtirait d'un autre sens.

Le mouvement irait en premier de Dieu vers l'homme et non l'inverse. Dans l'antiquité, le pédagogue était l'esclave qui conduisait l'enfant d'un maître à l'autre, et il n'était pas maître lui-même, en tant qu'expert en une matière, mais il accompagnait seulement l'enfant discutant en chemin avec lui de ses apprentissages ou d'autres choses, le protégeant même si besoin, également, contre les mauvaises rencontres qu'il pourrait faire.

Nous pourrions dire donc, que, dans la Bible, le pédagogue, celui qui nous conduit, est la parole elle-même, c'est la Bible elle-même, et, à travers cette parole, finalement, Dieu lui-même, qui se fait esclave en Christ, jusqu'à prendre notre place sur la croix, c'est la message de l'évangile, c'est la Bonne Nouvelle chrétienne, en rupture des représentations classiques. Et ceci me paraît fondateur, non pas d'une pédagogie humaine, non pas d'un système de pensée pédagogique, mais d'un prix donné à l'homme, et par là même de pédagogies plurielles.

Lorsque nous lisons l'histoire de l'école, l'histoire des pédagogues, on s'aperçoit que se réclament de l'évangile et du christianisme, des hommes, des femmes, aux pratiques pédagogiques parfois pratiquement opposées ou apparemment contraires. Cela va de la directivité stricte d'un Jean Baptiste DE LASSALLE, et des écoles chrétiennes, à la non-directivité presque absolue de Carl ROGERS.

Mais en tout cas, nous pouvons constater que bien des pratiques pédagogiques, des attitudes de pédagogues, en particulier celles qui mettent la priorité sur l'enfant, sur la personne, sont le fait de personnes qui se réclamaient se référaient, de manière parfois subtilement voilée, mais de manière néanmoins certaine, à l'évangile.

4° question :

Donc, on pourrait dire que la Bible est une pédagogie et en quelque sorte aussi un outil éducatif, c'est une pédagogie de Dieu, une pédagogie du divin. Dans quelle mesure cette pédagogie est-elle transmissible aux principes d'éducation tout "bêtement" humain ?

Il s'agit là très probablement du centre de ma thèse, du coeur de mon questionnement. Il est vrai que, si la pédagogie biblique est bien d'une autre nature, il n'en reste pas moins que - et c'est là tout le mystère typiquement, sans doute même exclusivement biblique : le mystère de l'incarnation - cette pédagogie de Dieu se donne à l'homme. "Le verbe a pris chair, et il a habité parmi nous ..." dit l'évangéliste Jean. 3303

Cette pédagogie se donne à l'homme dans le don ouvert à tous et gratuit, par le fait de cette communion nouvelle, que j'ai évoquée tout à l'heure et qui est rendue possible désormais en Christ, entre Dieu et l'homme, communion de pensée et d'actes, communion d'église qui est selon Paul le corps du Christ , selon l'Esprit Saint. 3304 Donc, on peut dire que cette pédagogie prend corps et chair dans les témoins, dans le témoignage des hommes, dans les pratiques , dans les pensées humaines, dans les paroles et dans les actes, les actions, la prière des hommes.

Mais alors se trouve dépassé ce que nous entendons de coutumepar pédagogie, car apparaît une pédagogie de la vie, une pédagogie de chaque événement, de chaque chose, tout devient sujet d'éducation. Selon l’une de ses racines étymologiques, racine latine "educere ", l'éducation peut vouloir dire "faire sortir". On pourrait dire, en reprenant ce sens que, de la Bible, "sort " le Christ. Une création nouvelle en Dieu est rendue possible pour tout homme. Ce qui sort donc de la Bible en termes d'éducation est un prix donné à nos pratiques, à nos pensées, à nos actes, à notre prière. Un prix donné à l'homme, et ce prix donné à l'homme est celui de Dieu.

Dieu, qui ne se manifeste plus dans le plus grand, le plus fort , le plus intelligent, mais désormais, comme Jésus naissant dans la mangeoire des animaux, et mourant dans l'infamie, abandonné des hommes et des disciples, sur la croix, dans le plus petit, celui qui justement a été rejeté. "La pierre qu'avait rejetée les bâtisseurs est devenue la principale de l'angle." 3305

Il se passe, dès lors, quelque chose qui n'est pas de l'ordre de l'imposition d'une doctrine. Il n'y a pas de doctrine 3306 qui émane complètement directement du texte biblique, il y a en priorité une parole, ce qui est beaucoup plus fort qu'une doctrine.

La doctrine résulte de cette parole et non l’inverse. 3307

Nous témoignons de ce que nous avons reçu d'elle, nous participons de ce témoignage authentique, mais nous n'avons pas Dieu dans notre poche, Dieu vient nous parler, il se fait parole en nous. C'est un grand mystère, une grande chose qui nous vient du message biblique. Dieu vient vivre en nous mais il ne se réduit pas à nous-même.

À partir de là, la parole de l'homme se libère, se libèrent ses représentations, se libèrent ses facultés de penser, d'agir et de communier, et dans ce sens, on peut dire que la pédagogie de Dieu, la pédagogie biblique, s'est faite pédagogie de l'homme, mais pédagogies plurielles.

C'est, au risque de me répéter encore, ce qui explique, sans doute en partie, dans une certaine mesure, la grande diversité des "pédagogies chrétiennes".

5° question :

Qu'entends-tu par "pédagogies plurielles" ?

Réponse :

Je veux dire qu'il n'y a pas un modèle, j'entends un modèle pédagogique chrétien, une référence absolue qui ferait autorité sur la manière de faire, sur la façon de s'y prendre, mais plus qu'un modèle, un prix est donné : ce prix, le prix donné à l'homme, Dieu lui-même, c'est le Christ, le prix est quant à lui, au contraire vraiment posé, vraiment unique. À partir de là, toutes les pédagogies deviennent possibles.

Ces diversités pédagogiques possibles s'expriment en effet dans un dialogue entre le pédagogue chrétien, ou le chrétien pédagogue et le Christ auquel il se réfère. 3308

Chacune de ces pédagogies n'est d'ailleurs qu'un dialogue entre l'homme et Dieu. Dieu, que le pédagogue chrétien ou le chrétien pédagogue, trouve à la fois dans la prière, dans l'église, dans la communion d'église, dans la parole biblique, dans la moindre de ses rencontres, de la plus longuement préparée à la plus inopinée d'entre elles, avec les uns ou les autres, dans le questionnement qu'il entretient avec lui-même, avec Dieu et avec les hommes, par rapport à ses pratiques, par les critiques qu'il peut faire de lui-même, comme par les exhortations qu'il accueille, ou, au contraire, qu'il repousse.

C'est ce qui explique, répétons-le la très grande diversité de l'aventure pédagogique des chrétiens pédagogues. De CLÉMENT D'ALEXANDRIE à KOMENSKY, de MONTESSORI à Paulo FREIRE et tant d'autres.

Les pratiques éducatives sont multiples riches, variées, intéressantes, mais l'important est toujours dans l'accompagnement donné à la personne. Si nous voulons chercher le point commun à tous ces pédagogues chrétiens ce sont bien sûr leur référence chrétienne cela va de soi. Or, qui dit chrétien, dit référence à la Bible qui nous révèle justement le Christ.

Donc, le point fondateur des pédagogies chrétiennes, cela est une lapalissade de le dire, se situe dans la référence commune à travers la Bible, dans le quotidien des gestes, accordée au Christ. Or, le Christ est le don d'amour gratuit pour l'homme. Et c'est ce prix là posé qui, plus que de fédérer, fait la communion de l'église, la communion entre les chrétiens pédagogues, ou, pédagogues chrétiens, aux pratiques divergentes parfois mêmes opposées apparemment mais qui ont toute ce même prix accordé à la personne.

6° question :

Tu parles d'accompagnement mais il y a sans doute d'autres notions tout aussi importantes, des notions basiques comme par exemple celle du respect, le respect de la personne. Est-ce qu'une pédagogie trop autoritaire ou trop savante est une pédagogie compatible avec un accompagnement chrétien ?

Il ne m'appartient pas de répondre sur cette compatibilité qui reste en partie mystérieuse, car oeuvre de l'Esprit-Saint qui souffle où il veut 3309 et qui n'appartient pas à quiconque, mais nous pouvons discerner la vraie question qui nous est posée à chaque instant, de nos pratiques pédagogiques, ou de notre vie quotidienne : sommes-nous en train de servir le Christ ou de nous servir de l'image d'un christ tel que nous le réduirions justement à notre image, à nous-même ?

Cette question est la question qui traverse tout le message de l'évangile.

Je veux dire : sommes-nous en train de nous servir d’une image du christ fabriqué par nous-même à des fins personnelles, de gloire, de pouvoir, ou autres, ou encore pour d'autres valeurs en tout cas, que celles de l'évangile et du prix qu'il pose ?

Sommes-nous en train de servir le message d'amour manifesté par Jésus ou au contraire de le détourner pour d'autres fins ?

À cette question, chacun est renvoyé sans cesse face à Dieu et lui-même au plus profond de sa conscience. Mais, c'est dans la mesure où il revient sans cesse au pied de la croix, à se dire finalement : "Je te remets toute chose pour que Tu donnes la vie " que tout redevient possible. Il me semble que là se tient aussi le message de l'évangile, dans ce retour sans cesse au pied de la croix, au Christ, pour lui remettre toute chose.

7° question :

Quel est ton cheminement pour en arriver à cette thèse; D'abord une thèse c'est tout un cheminement , tout un processus, ça se prépare. Pourrais-tu parler de ce cheminement là ?

Réponse :

En général lorsqu'on me pose cette question je distingue trois niveaux. Le niveau personnel, le niveau professionnel, le niveau universitaire.

Au niveau personnel :

J'ai reçu une éducation protestante, mais j'ai reçu le choc d'une conversion bien que, dans mon cas, j'ai toujours confessé cette foi chrétienne, je n'ai pas tout à coup découvert le Christ, mais j'ai tout à coup reçu, à l'âge de 27 ans, une forte révélation de la proximité de Dieu. Cette "conversion " ne m'a pas conduit à changer d'église mais à mieux comprendre le sens de l'unité du corps d'église par delà les institutions humaines.

Au niveau professionnel :

Étant instituteur, il a toujours existé en moi, une tension entre le niveau personnel profond nourri de la foi, et la fonction publique que je délivrais. Et l'impossibilité dans ce cadre, dans le cadre de mon travail, de manifester publiquement en tout cas ouvertement cette foi qui ne cessait pourtant de nourrir les engagements.

Au niveau universitaire :

Avant d'aborder la Bible, mes premiers travaux universitaires, dans le cadre de la Licence, visaient à montrer que tout ne se jouait pas dans le monde de la pédagogie et de l'éducation, entre une théorie et une pratique. Puis ensuite, dans le cadre de la Maîtrise, j'ai travaillé sur les apprentissages de traverse, ce que j'ai appelé l'autodidactie, ou les apprentissages non reconnus par l'institution. J'ai été conduit à prendre conscience que l'essentiel du message éducatif biblique alimentant notre société n'était pas directement de nature institutionnelle, mais comme d'une autre nature. Il semble que la Bible, ayant déplacé le lieu du prix, ayant modifié également la valeur de celui-ci et le processus qui conduisait à s'en emparer, a déplacé donc également de fait, le lieu de l'émergence de la priorité, et, a brisé une coalition entre savoir et pouvoir, pour donner dans le coeur de l'enfant la révélation de l'amour de Dieu "caché aux intelligents et aux sages". 3310

Cette modification extraordinaire des choses, a libéré l'homme et lui a rendu le sens des responsabilités comme l'ensemble des paraboles du Christ l'indique, lui a rendu le sens de son pouvoir d'agir, non plus à partir d'une théorie, non plus à partir d'un modèle, mais à partir du simple fait que Dieu s'adresse à lui personnellement, que Dieu tout autre de ce que l'homme spécule, Dieu très saint, le vivant, le créateur, se fait proche, et se fait entendre de l'homme, et écoute l'homme, l'homme a du prix pour lui. Ce prix donné a modifié ce rapport de l'homme avec le monde, avec les autres hommes, avec Dieu.

Notre temps, nos derniers siècles, spécialement, ont eu tendance à mettre l'accent sur la rationalité, hypostasiant même l'esprit de méthode, ce qui ne revient pas à la même chose que de reconnaître la place de la méthode dans les investigations de l'esprit, ouvrant l'ère de la rationalisation, ce qui suppose une soumission du monde à l'esprit de système, ce qui conduit à donner la priorité exclusive plus qu'à la raison qui peut se nourrir de la foi et la nourrir, à l'armature de la raison spéculative, et son associée directe la technique, élevées comme un Dieu, tel l'être suprême de la révolution française, manifestant ou supposant dans l'implicite que la foi chrétienne, que la foi tout court, au sens de confiance et discernement premier des choses, n'était pas rationnelle, ou pas raisonnable, ce qui a déplacé le lieu de la vérité dans un espace clôturé, et protégé, dans le lieu clos de l'institution, mais aussi du savoir.

À partir de là ce sont construits les systèmes de savoir à côté en parallèle des institutions le représentant, selon une coalition hypostasiée entre pouvoir et savoir. Le savant sait bien les choses mais il faut en faire connaître quelques bribes aux non initiés, alors on parle de vulgarisation de transposition didactique, à partir d'un espace ésotérique réservé aux initiés, aux ayant droits, qui est celui de ceux qui ont l'autorisation de parler au nom du savoir savant. Cet espace réservé aux seuls initiés, aux seuls autorisés, suppose donc un ésotérisme. Rien de tout cela dans l'héritage du message biblique, qui propose un total exotérisme, puisque ce qui est fondateur du message biblique est que Dieu se fait tout à tous, et se donne lui même dans le coeur de quiconque veut bien l'accueillir. Révélation, réhabilitation, de l'espace propre à chacun, espace personnel, singulier à chacun et simultanément appel à une dimension communautaire selon une relation nouvelle, celle de l'église dans le monde, qui est appelée donc à transformer les relations entre les hommes, tel le sel de la terre. Tout cela me semble éminemment extraordinairement éducatif, et ne peut être tout à fait, radicalement, autre chose que de l'éducation.

8 ° question :

Ma question sera directe. À ton avis, y a-t-il dans la Bible, peut-on parler pour la Bible d'une pédagogie de la liberté ?

Réponse :

C'est une pédagogie pour la liberté. C'est une pédagogie également par la liberté, avec elle. Cela n'est pas non plus cependant l'apologie de la liberté humaine, posée de prime abord, comme une valeur immanente, à la fois ultime et première en soi. La liberté prend un autre sens avec la Bible. Paul se dit esclave de Christ, et pourtant homme libre. 3311

La Bible reste cependant le livre qui fonde la liberté de l'homme, dans la mesure où elle sépare chacun de chacun des autres, l'appelle par son nom, lui donne l'occasion d'une relation directe et personnelle avec les hommes et Dieu. 3312

Et le réunit ensuite aux autres dans la communion fraternelle manifestée en Christ. 3313

Il y a dans ce double mouvement, un accueil plus qu'une intégration, de tout l'homme, il n'y a rien de l'homme qui ne soit pas accueilli, mais en même temps il y a invitation à la liberté qui donc n'est peut-être pas tant première, mais plutôt dans l'accomplissement de ce que l'homme a pour vocation et que Dieu lui révèle.

10° question :

Ne pourrait-on pas dire que la Bible d'une part fonde la liberté dans son origine, et en même temps, elle est un appel vers la liberté à venir ?

Réponse :

Oui, il est assez juste de dire ainsi les choses : Elle fonde la liberté dans la mesure où elle n'embrigade pas. Elle donne une liberté à l'homme en même tant qu'un prix. Dieu lui laisse la liberté de croire ou de ne pas croire, cette liberté est donnée elle doit être respectée. Cette liberté continue d'exister également à l'intérieur même de la foi, songeons à la liberté de ton du psalmiste qui dit à Dieu des choses parfois violentes. Mais la Bible donne aussi à la liberté un sens nouveau. Si nous paraphrasons Paul dans son épître aux Galates, nous pouvons dire, que c'est pour la liberté que Dieu nous affranchit. 3314

Sans doute il est évident que ces deux choses apparaissent dans la Bible, fondement, et appel, comme aussi une troisième dimension dans le chemin qui va et qui vient, entre ce fondement et cet appel, qui les relie et les fait se rejoindre, se rencontrer. 3315

11° question :

Oui, sans doute, fondement, car il s'agit de la structuration, la révélation de la structuration même du monde mais aussi de tout un chacun. Mais aussi appel car effectivement, à partir de cette origine, ce fondement, il ne peut s'agir que d'un cheminement personnel, dans un choix personnel, dans un problème de choix, vers une liberté future, qui peut s'accomplir pour tout un chacun.

Réponse :

Personnel, oui ... nous pourrions préciser encore intime, au plus profond de l'être de chacun. C'est à dire qu'il y a un espace irréductible au coeur de l'intimité de l'homme qui est mis à jour comme le lieu principal de la rencontre et du dialogue avec Dieu. 3316

C'est le coeur dans le langage biblique qui se trouve là. 3317

Nous pouvons penser à la parabole du trésor caché. 3318 Cet homme qui trouve un trésor dans un champ, le cache, puis qui , dans sa joie, va vendre tout ce qu'il a et achète ce champ.

Il y a au fond de chacun de nous-même certes l'essentiel de chacun nous-même, mais aussi l'espace ouvert à une rencontre qui change tout de nous-même. Il y a au coeur de notre coeur l'espace pour une présence de Dieu. Et, cela est déjà en soi, une extraordinaire parole de liberté, parce qu'elle n'agresse absolument pas l'autre, elle ne peut pas se permettre d'agresser l'autre dans cette intimité, dans l' intimité la plus profonde, mais elle vient seulement l'inviter "à y aller" pour rencontrer Dieu et les hommes.

Cet espace profond qui est au fond de nous n'est donc pas un désert, mais il a été visité par le Christ.

C'est une extraordinaire Bonne Nouvelle. Lorsque nous plongeons au fond du fond de nous-même nous trouvons, non pas le désert, non pas nous-même, mais Dieu qui s'est fait homme qui vient vivre en nous, qui prend notre main, marche avec nous, et nous conduit vers les autres. Il est là le pédagogue qui nous conduit.

12° question :

Il nous conduit vers la possible rencontre avec les autres. Ne peut-on pas dire que, dans la pédagogie biblique, il n'y a au fond, dans l'advenir de chacun, de possibilité de réelle de rencontre avec l'autre qu'à cause du seul principe fondateur de Dieu ?

Réponse :

Le mot principe est en trop, puisque justement ce mot n'est pas biblique pour parler de Dieu.

La rencontre avec l'autre est rendue possible à cause de Dieu, de Dieu tout simplement. Non à cause du principe de Dieu : ce mot n'est pas biblique pour parler de Dieu.

Dieu est le vivant, il est une personne. Justement, l'une des difficultés de la modernité qui a motivé ma recherche est de parler de Dieu sans cesse en termes issus des catégories de la pensée humaine, mais qui ne sont pas, ne disent pas, le Dieu biblique qui se manifeste dans la vie, par la vie. Dieu, dans la Bible, n'est pas seulement, mais beaucoup plus qu'un principe, qu'une force, qu'une énergie, il est le vivant, une personne.

Il se manifeste, il est manifesté dans la personne du Christ. Il est à la fois présent dans les trois personnes de la trinité, Père, Fils, Saint Esprit, mais c'est d'une manière extraordinairement vivante que toutes ces choses là s'expriment et non pas sur des termes qui réduisent Dieu à la perception que nous en avons. Il s'agit sans doute de l'un des grands combats, peut-être le plus grand des combats, de l'époque contemporaine.

Accepterons-nous de voir Dieu plus loin que nous ? Accepterons-nous de comprendre que Dieu est plus que nous-même ? Accepterons-nous en même temps alors, à partir de là, de comprendre, à quel point il nous a aimé, puisque Lui qui était si loin, si différent de nous, nous conduit, mais par sa grâce, par le chemin qu'il fait vers nous, jusqu'à lui. Ce qui signifie que nous n'atteignons pas Dieu à partir des efforts que nous faisons, à partir de notre propre force, notre propre capacité à modéliser, à conceptualiser, à partir de l'ingéniosité que nous déployons. Dieu est venu vers nous, dans notre nudité, dans notre faiblesse, dans ce qui était en nous de plus petit pour venir lui donner le prix de son amour.

13°question :

Je t'ai demandé s'il était possible dans la Bible, de parler d'une pédagogie de la liberté, je voudrais à présent de demander : S’agit-il, dans la Bible, d'une pédagogie du respect ?

Certainement évidement ... 3319

Bien que ce mot de respect me semble à première vue sans doute insuffisant pour signifier le sentiment qui habite l'homme qui se réfère à la Bonne Nouvelle de l'évangile. Le respect ne contient pas l'intégralité de l'amour, de l'Amour de Dieu. Mais il n'y a pas, évidemment, inversement, d'Amour véritable sans respect.

Songeons à la parabole du Fils prodigue, 3320 le Père respecte la décision de son fils de partir une fois qu'il a recueilli la part d'héritage qui lui revenait. Il en souffre probablement, mais il respecte cette décision, et il lui laisse son héritage.

Et, lorsque le fils revient, ruiné, ayant dépensé tous ses biens et ne demandant même plus à être traité selon le statut de fils, mais ne demandant à n'être plus traité que comme le dernier des serviteurs, le Père, apprenant son retour, le guette déjà au bout du chemin, et va, courant vers lui, au devant de lui, il lui ouvre grand ses bras, il va jusqu'à faire une fête pour lui, offrir un festin, et pour ce repas pour lui, tuer le veau gras.

Alors, il y a dans la Bible, plus encore que du respect, mais il y a tout effectivement du respect.

Il faudrait ensuite, et c'est le deuxième enseignement de la parabole que nous ne soyons pas scandalisés par l'Amour, au nom de notre justice, de notre vision des choses, au nom même de notre conscience, peut-être. Et c'est l'enseignement du fils aîné de la parabole qui jalouse son frère, car lui est resté tout le temps auprès de son père, fidèle en toute chose et il voit que son père n'a jamais, pour lui, fait de fête, n'a jamais tué, pour lui, le veau gras. Nous avons là toute la dimension de notre situation de chrétien, de chrétien dans la foi. Nous sommes à la fois appelés à inviter, à accueillir, à respecter, et à ne pas être surpris, à ne pas vouloir garder pour soi, à vouloir devenir, toujours, dans le projet que Dieu a pour l'autre comme il a pour nous.

14 ° question :

Tu as parlé tout à l'heure, il me semble, du respect de l'intime. Est-ce que le respect de l'intime n'est pas également un fondement de la pédagogie biblique ?

Réponse :

Plus que le respect, l'amour pour l'intime, pour l'intimité profonde de chacun. Car c'est cette intimité que l'amour de Dieu a visité, qui a été aimée par le Christ. C'est dans le coeur que la nouvelle alliance s'est écrite. Et dans le coeur, dans cet amour pour l'espace de l'intimité profonde de chacun, il y a sans doute le point commun entre toutes les pédagogies possibles du christianisme. Et là où il n'y aurait pas cet amour, il n'y aurait pas de pédagogie chrétienne.

Là où il n'y aurait pas de respect profond, d'amour profond pour cette intimité profonde de la conviction personnelle libre de toute pression, libre de tout chantage affectif ou autre, alors, à ce moment là, certainement, une remise en question serait à faire. Il faut toujours aller vers cet amour de l'espace de l'intimité de l'autre sachant, la parabole du fils prodigue en est peut-être un exemple, que, parfois, il est difficile d'aimer. Finalement, vois-tu, c'est dans cet espace ouvert par l'amour pour l'intimité de chacun que je trouve l'unité de ma personne par rapport à mon métier d'instituteur dans l'école publique. Au fond, lorsque je m'adresse à des enfants d'une autre culture, d'une autre religion, je les regarde en essayant d'avoir, un profond amour, profond respect, pour cet espace de leur intimité profonde, et ne pas vouloir les embrigader mais essayer d'écouter ce qu'eux ressentent, de comprendre comment ils vivent. Pour qu'enfin ce message de l'amour de Dieu, sous la forme qui voudra bien se manifester en eux, que Dieu choisira lui même de rendre, parvienne jusqu'à eux, et puisse se manifester mais non pas sous la forme d'un endoctrinement.

Même dans l'éducation publique c'est dans le respect de l'intimité que nous pourrions certainement, finalement, hommes de convictions différentes, hommes d'idéologies différentes, nous retrouver, nous rencontrer, pour finalement dire et convenir que nous pouvons travailler ensemble dans la même école à la condition que nous soyons tous d'accord sur ce simple fait que la conviction de chacun, la démarche de chacun est très importante, essentielle, à préserver, à cultiver, à soigner. Ce sont trois dimensions de l'éducation, préserver, cultiver, soigner. On peut être là des hommes de bonne volonté, nombreux, à nous retrouver sur ce terrain.

15° question :

Dans ce travail d'écriture d'une thèse, dans le cadre de l'université, d'une thèse qui a pour thème la Bible et la pédagogie, n'as-tu pas rencontré l'incompréhension, peut-être parfois un sentiment de solitude.

Réponse :

En tout cas une traversée du désert, ce qui n'équivaut pas tout à fait à la solitude, bien qu'il y ait souvent des face à face avec soi-même que le sentiment de la solitude traverse. Comme je l'ai dit tout à l'heure, l'intimité profonde de notre vie, le lieu où Dieu nous appelle est un lieu où nous sommes à la fois seuls et où nous découvrons également, tout à la fois que nous ne sommes jamais seuls, que nous n'avons jamais été seuls. Qu'il a toujours été présent. Il y a alors, oui, ce sentiment de la solitude, ce qui ne veut pas dire qu'il y ait la solitude.

Par rapport à mes engagements dans l'église, je n'ai plus le temps d'être aussi présent que je le voudrais, puisque lorsque je ne travaille pas, j'écris, et vice-versa. Cela m'ennuie et j'en souffre. Je souffre depuis quelques années de ne plus faire la catéchèse, de ne plus être nourri par ce que pouvaient m'apporter les enfants et les compagnons de catéchèse.

Comme je souffre aussi de ne plus être assez présent dans ma vie de famille, comme dans la vie de l'église. Je ressens la difficulté de transporter dans le monde public, l'essentiel de ce qui constituait mon intimité privée, le mot privé n'est d'ailleurs pas un mot que j'aime beaucoup, mais je dirai, l'essentiel de mon intimité profonde, pour l'exposer aux yeux du secteur public laïque, et, ceci sans la couverture de l'église. Puisque je suis là dans la sphère publique intégralement.

Là, j'ai eu effectivement le sentiment vraiment d'une traversée du désert. Et, tant que cette thèse n'est pas terminée, comme peut-être même après, ce désert, je le traverserai sans doute encore. Cependant, il n'en ressort finalement pas, en dernier ressort, un sentiment de tristesse, mais un sentiment d'approfondissement, je l'espère en tout cas profondément.

C'est aussi un sentiment de communion avec l'église, qui pour moi ne se contient pas dans une dénomination chrétienne précise mais qui est l'église, le corps du Christ, et qui contient toutes les dénominations chrétiennes et au delà même sans doute, qui accueille et réunit tous les hommes de bonne volonté qui font place dans leur vie, dans leur coeur, à cet amour dont nous avons parlé. Et je me sens quand même malgré tout, souvent dans les actions, proche cependant par le coeur la pensée, la prière, de tout ce qui se vit, de tout ce que les hommes prient, pleurent ou chantent.

16° question :

Justement Antoine, tu t'exprimes aussi par la chanson.

Réponse :

Oui, j'ai beaucoup chanté, j'ai fait beaucoup de chansons, j'en fait beaucoup moins, parce que je manque de temps tout simplement. Et c'est une souffrance certaine. Je crois pourtant que pour bien réfléchir, il faut bien chanter. Si je pouvais faire, une simple chose, écrire ma thèse comme je chante, faire ma thèse comme un cantique. Un cantique qui soit intelligent mais non pas savant, un cantique qui soit à la portée des hommes mais à la gloire de Dieu, de Dieu qui se fait tout à tous et qui ne m'appartient pas.

Que cette liberté dont nous avons tant parlé soit à chaque ligne, derrière chaque virgule comme un chant qui monte vers Dieu.

Notes
3302.

À la page 8 des Notes Connexes la partie du journal de recherche concernée est retranscrite.

3303.

Jean I 11

3304.

I Corinthiens XII

3305.

Psaume CXVIII 22 ; Ésaïe VIII 14 ; Ésaïe XXVIII 16 ; Matthieu XXI 42 ; Actes IV 11 ; Marc XII 10 ; Luc XX 17.

3306.

Il faudrait moduler cette affirmation bien davantage que nous ne le faisons dans l’interview.

En se référant à l’étymologie du mot : la racine latine docere qui signifie enseigner.

Et non ce qu’il est devenu dans l’usage courant, c’est à dire un synonyme de théorie.

Il y aurait alors une certaine doctrine biblique, même une doctrine certaine dans la Bible selon la lecture chrétienne.

On peut parler également au moins tout à la fois, d’une doctrine juive, et d’une doctrine chrétienne, toutes deux d’ailleurs mentionnées et opposées dans le Nouveau Testament, les deux étant synonymes d’enseignement bien plus même que d’interprétation. Voir la “doctrine” des apôtres (Actes II 42). Lors de ses diverses traductions néo-testamentaires, le même mot d’une traduction biblique à l’autre, est d’ailleurs traduit très souvent alternativement par doctrine et enseignement.

3307.

La didakhè -didachè -(enseignement des douze apôtres) , bien que sans doute contemporaine de la rédaction de celles-ci, n'est pas retenue dans le canon des écritures néo-testamentaires. Sans doute, que les anciens ont distingué très tôt ces enseignements apostoliques, des évangiles qui évoquent le récit de la vie du Christ et des lettres apostoliques qui s'inscrivent dans une histoire incarnée de l'église primitive et qui elles ont rejoint le canon biblique. Alors ce que nous en disons les uns les autres, n'a pas le fin mot ou la finitude absolue de cette parole, même si nous en disons, certes, les uns les autres, des choses essentielles.

3308.

Nous distinguons, à la suite de Guy AVANZINI, le chrétien pédagogue qui "teinte " sa pédagogie de valeurs chrétiennes, du pédagogue chrétien qui finalise sa pédagogie par rapport au christianisme .

AVANZINI Guy “Qu’est-ce qu’une pédagogie chrétienne ?” variants et invariants” in

Colloque international francophone “Unité et diversité des pédagogies d’inspiration chrétienne : Théories et pratiques du passé à nos jours” Angers 28-29-30 Septembre 1995 . Notes personnelles.

AVANZINI Guy in “Unité et diversité de la pédagogie chrétienne” in Pédagogie chrétienne Pédagogues chrétiens Actes du colloque d’ANGERS des 28,29,30 Septembre 1995. Éditions Don BOSCO Paris 1996.

3309.

Nous nous référons à l’’entretien de Jésus avec Nicodème homme savant et pharisien qui vient voir Jésus de nuit.

Jésus explique à celui-ci qui lui demandait comment voir le Royaume de Dieu, et à qui Jésus dit qu’il fallait naître de nouveau, et qui interrogeait alors comment naître à nouveau, à qui Jésus répondit qu’il s’agissait d’une naissance d’eau et d’Esprit. “Ce qui est né de la chair est chair, ce qui est né de l’esprit est esprit.” Ne t’étonne pas que je t’ai dit qu’il faut que vous naissiez de nouveau. Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l’Esprit. Jean III 7

Lire Jean III en entier.

Nous retrouvons très fortement ce thème de la nouvelle naissance dans l’évangile de Jean comme aussi dans la première épître de Jean. ( Est né de Dieu : quiconque pratique la justice - I Jean II 29 ; quiconque aime ; I Jean IV 7; quiconque croit que Jésus est le Christ - I Jean V 4. Quiconque est né de Dieu ne pèche pas - I Jean III 9 . Ce qui est né de Dieu triomphe du monde. I Jean V 4. )

Il s’agit donc d’une naissance baptismale par l’Esprit, d’une naissance par l’Esprit, d’une naissance d’en haut.

Par le Christ, l’homme est transporté vers Dieu, du côté de Dieu, à communier en lui : la tendance de l’homme, notre tendance naturelle, est de toujours empêcher cette ascension de profiter de la liberté que procure cette descente de Dieu vers l ‘homme, pour tenter de le garder ligoter à nous-mêmes. Ce qui signifie : se servir de l’image d’un christ à notre image, au lieu de servir le Christ qui se fait homme.

La très courte seconde épître de Jean évoque dès lors le combat entre christ et l’antéchrist qui nie le fait que Jésus se soit vraiment fait homme.

Remarquons enfin que Nicodème,( Jean XIX 38 à 40 ), apportant un mélange de myrrhe et d’aloès, et Joseph d’Arimathée qui récupéra le corps auprès des autorités romaines, tous deux disciples secrets de Jésus, le premier en témoigne par sa visite nocturne , du second, parce que Jean nous dit qu’il avait peur des persécutions, prendront soin du corps de Jésus, afin de l’ensevelir comme il était de coutume chez les juifs. Ce sont ceux qui justement suivaient Jésus à distance qui font l’expérience du contact direct avec le corps sans vie de Jésus. Pour Nicodème sans doute un sujet de réflexion, par rapport à l’enseignement que lui donna Jésus, lors de sa première visite nocturne, sur la nécessaire nouvelle naissance.

3310.

Matthieu XI 25 et Luc X 21

3311.

I Corinthiens VII 22 " Car l'esclave qui a été appelé dans le Seigneur est un affranchi du Seigneur ; de même l'homme libre qui a été appelé est un esclave de Christ."

3312.

Paul ajoute encore :"Vous avez été rachetés à un grand prix, ne devenez pas esclaves des hommes ." I Corinthiens VII 23

3313.

I Corinthiens XII 13 "Nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit, pour former un seul corps soit Juifs, soit grecs, soit esclaves, soit libres, et nous avons tous été abreuvés d'un même esprit."

3314.

Galates V 1

3315.

Jean XIV 6 La réponse de Jésus à Thomas est significative : Thomas lui dit : " Seigneur, nous ne savons où tu vas, comment pouvons-nous en savoir le chemin ? "Jésus lui dit : "Je suis le chemin, la vérité, la vie. "Nul ne vient au Père que par moi."

Le chemin la vérité la vie pourraient rendre, peut-être, chacune des trois dimensions évoquées.

3316.

Matthieu XIII 23 Luc XXI 34

3317.

La parabole du semeur : Luc VIII 15

3318.

Matthieu XIII 44

3319.

Moïse est invité à invité à ôter ses souliers devant le buisson ardent. Éxode III 5

3320.

Luc XV 11 à 32